100 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XXIII - n° 4 - avril 2014
Cancers bronchopulmonaires avec réarrangement d’ALK : optimisation delatolérance ducrizotinib
MISE AU POINT
Une adaptation de la posologie du crizotinib n’est pas
recommandée. Le traitement repose sur la testo stérone
retard (classiquement 250 mg toutes les 3 semaines
en intramusculaire). Des présentations de testostérone
sous forme de gel à appliquer quotidiennement, sous
forme d’injection trimestrielle ou sous forme orale
sont également disponibles. Enfin, il est nécessaire de
rappeler la nécessité d’une contraception, une grande
proportion des patients atteints d’un cancer broncho-
pulmonaire porteur d’un réarrangement d’ALK traités
par crizotinib étant en âge de procréer.
Anomalies du bilan hépatique
Dans les essais PROFILE 1001, PROFILE 1005 et PROFILE
1007, une élévation des transaminases a été observée
chez 10 à 38 % des patients et était de grade 3 ou 4
pour 2 à 16 % d’entre eux (1-4). Le temps médian d’ap-
parition des perturbations du bilan hépatique était de
23 jours, pour une durée moyenne de 85 jours (12). Une
réduction de dose ou un arrêt du traitement temporaire
ou définitif, lié à une élévation des transaminases, avait
été nécessaire pour respectivement 6, 7 et 0,1 % des
patients inclus dans les essais PROFILE.
En pratique, la surveillance du bilan hépatique,
comportant un dosage des transaminases et de la
bilirubine, est nécessaire à l’instauration du trai-
tement, puis au minimum toutes les 2 semaines
pendant les 2 premiers mois du traitement, puis
tous les mois.
L’algorithme décisionnel en cas d’élévation des tran-
saminases est présenté dans le tableau II, p. 99.
En cas de persistance d’une perturbation du bilan
hépatique malgré l’arrêt du crizotinib, un avis spécia-
lisé peut être nécessaire ; il a été rapporté que la
réintroduction du traitement peut s’accompagner
de la récidive d’une hépatite médicamenteuse (13).
Autres effets indésirables
La survenue d’œdèmes de grade 1-2 a été rapportée
chez 27 à 31 % des patients inclus dans les essais
PROFILE (1-4). Ces œdèmes surviennent de façon
tardive avec, dans l’essai PROFILE 1001, une préva-
lence de 30 % lors de l’évaluation réalisée au
cinquième mois de traitement (1). L’hypogonadisme
pourrait favoriser une hypoalbuminémie. Chez les
patients à risque, le port de bas de contention et les
conseils hygiénodiététiques peuvent être recom-
mandés ; les diurétiques doivent être utilisés avec
prudence en raison du risque de troubles ioniques.
La présence de kystes rénaux a été décrite chez 26 %
des patients inclus dans les essais PROFILE 1001,
PROFILE 1005 et PROFILE 1007, parmi lesquels 4 %
présentaient des kystes multiples (1-4) ; entre 1 et
9 % des patients ont développé des kystes rénaux
de novo, dans un délai de 2 à 6 mois. La croissance
ou la multiplication de ces kystes ne doit donc pas
être confondue avec une progression tumorale, ni,
en l’absence d’hématurie ou de protéinurie lors d’un
test par bandelette urinaire, conduire à un bilan
étiologique spécifique.
Une toxicité hématologique du crizotinib a été
rapportée chez 10 à 13 % des patients inclus dans
les essais PROFILE (1-4). Il s’agit principalement de
neutropénies, de grade 3-4 dans 1 à 7 % des cas,
fébriles dans moins de 1 % des cas. Les lymphopénies
sont peu fréquentes (2 %). La surveillance systéma-
tique de l’hémogramme n’est pas recommandée,
sauf en cas de cytopénie.
Enfin, des cas de pneumopathie interstitielle, sévère
(de grade 3-4), prenant la forme d’un syndrome
de détresse respiratoire aigu avec dommage
alvéolaire diffus et évolution fibrosante, ont été
rapportés, comme pour d’autres ITK. Dans l’étude
PROFILE 1007, 7 patients (4,1 %) ont présenté une
pneumopathie interstitielle ; 5 de ces cas ont été
directement attribués au crizotinib, et 3 étaient de
grade 4 (4). Le délai de survenue de cette atteinte
pulmonaire était en moyenne de 66 jours. Le bilan
étiologique doit prendre en compte le diagnostic
différentiel d’une pneumopathie interstitielle médi-
camenteuse chez le patient atteint d’un cancer
bronchopulmonaire, avec la possibilité d’infections
(en particulier en cas de cytopénie), de progression
tumorale, et d’insuffisance cardiaque.
Compte tenu de la gravité des pneumopathies liées
au crizotinib, le traitement doit être immédiatement
suspendu dès la constatation d’une pneumopathie
interstitielle, quel que soit son grade. Le crizotinib
sera arrêté définitivement en l’absence d’argument
en faveur d’une cause non médicamenteuse.
Conclusion
Ces éléments pratiques d’optimisation représentent
un outil pour le clinicien dans la prise en charge du
traitement par crizotinib chez le patient atteint d’un
cancer bronchopulmonaire porteur d’un réarrange-
ment d’ALK, dans l’attente de données issues de la
recherche académique spécifiques reposant sur le
suivi de larges cohortes de patients traités à long
terme par crizotinib. ■
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