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RAPPEL DU SUJET
SUJET : Une vérité peut-elle être définitive ?
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LE CORRIGÉ
I. Analyse du sujet
Pour bien traiter ce sujet, il convenait d'abord de distinguer vérité et réalité.
Les choses sont ou ne sont pas (domaine de la réalité).
En revanche, ce que nous disons sur elles est susceptible d'être vrai ou faux, c'est-à-dire, adéquat ou inadéquat à la
chose dont on parle.
Dans sa définition traditionnelle, la vérité est donc une propriété du langage, et désigne l'accord de l'idée et de la
chose
(adequatio rei et intellectus).
L'énoncé joue ici du paradoxe en demandant si une vérité définitive est possible.
Il met en question ce qui paraît être une évidence : les termes de « vérité » et de « définitif » semblent bien, à première
vue, purement et simplement redondants.
Qu'est-ce en effet qu'une vérité sinon une connaissance à laquelle je peux me fier, un savoir suffisamment assuré pour
être valable de façon constante : ici et maintenant, mais aussi et ailleurs et toujours.
Une vérité qui ne serait pas définitive ne serait pas une vérité du tout, ce serait une probabilité, une conjecture, et l'on
devrait craindre de la voir démentir à chaque instant.
La notion de vérité s'accompagne donc pour chacun de nous d'une exigence d'apodicticité (apodictique =
nécessairement vraie), et elle ne doit pas être susceptible de changer au gré des lieux des temps, autrement dit d'être
relative, au sens où Pascal pouvait écrire : « Vérité en deça des Pyrénées, fausseté au-delà ». Une vérité ne saurait
varier au gré des frontières car alors ce n'est plus une vérité.
Il est à noter dans l'énoncé l'article indéfini « une » : il indique qu'il convient d'envisager toutes les formes de vérité,
celles qui relèvent de la preuve objective comme celles qui relèvent de la simple certitude subjective, autrement les
vérités de la science comme celles de la foi.
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II. Problématique du sujet
A côté de l'exigence d'apodicticité caractéristique de la vérité, on est obligé de prendre acte du caractère fluant,
changeant, labile de toute l'expérience humaine emportée dans le temps et sans cesse différente d'elle-même. « On ne
se baigne jamais deux fois dans le même fleuve », disait déjà Héraclite. Dans les conditions de l'expérience humaine
soumise à la particularité, on peut se demander si l'on peut échapper à des vérités toutes provisoires.
Cette évidence est renforcée par l'histoire. L'histoire nous montre en effet les vérités les plus répandues ou les mieux
fondées se succéder. Au XVIIe siècle l'héliocentrisme succède au géocentrisme, et au XXe siècle la physique d'Einstein
succède à la physique de Newton qui avait pourtant été deux siècles durant le modèle de toute connaissance rationnelle.
III. Boîte à outils
Pour envisager le problème dans sa plus grande étendue, il convenait de faire la différence entre vérités formelles et
vérités matérielles.
Les vérités formelles procèdent du raisonnement et concernent des objets posés et définis par l'esprit. C'est le cas
des mathématiques et de la géométrie. Leur objet (le nombre et les figures) découle directement de définitions et
demeurent donc stable. La définition du point ou du nombre n'est pas susceptible de varier, ni d'un moment du
raisonnement à un autre, ni d'un lieu à un autre, ni d'un esprit à un autre parce qu'elles procèdent de certaines
conventions. Dès que l'esprit a donné son accord à la définition, celle-ci demeure identique. Il en va de même pour
les opérations de raisonnement qui obéissent à des règles fixes et universelles. C'est ainsi qu'une proposition
comme « La somme des angles d'un triangle est égale à deux angles droits » n'est pas susceptible de varier, et
semble donc bien être une de ces vérités définitives dont parle l'énoncé. Ce qui rend ces vérités définitives c'est la
cohérence de l'esprit qui conserve à ses objets et à ses opérations les mêmes propriétés en tous lieux et en tout
temps.
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Les choses se compliquent lorsqu'on passe aux vérités matérielles, car elles ont rapport à des objets de
l'expérience dont on cherche à établir la connaissance. Pour cela on utilise des éléments mathématiques comme la
quantification et des rapports constants entre les phénomènes. Ainsi Galilée explique-t-il au début du XVIIe siècle la
chute des corps par l'action d'une force qui attire les corps vers le centre des graves (d'où le terme de gravité).
Cette explication est valable pour tous les corps et a donc une valeur universelle, elle énonce que dans le vide tous
les corps tombent à une vitesse uniformément accélérée. En langage mathématique, elle se formule de la façon
suivante : e = 1/2gt2 où e désigne l'espace parcouru, g la constante gravitationnelle et t le temps de la chute. Cette
hypothèse explicative exige d'être vérifiée expérimentalement grâce à un dispositif approprié. La confirmation
expérimentale de l'hypothèse explicative définit ce qu'on appelle une loi.
On aurait pourtant tort de penser qu'une loi est une vérité définitive. Cette vérité dépend de conditions particulières
qu'il est toujours nécessaire de préciser. Dans le cas de la chute des corps, dès qu'on échappe à l'attraction
terrestre les corps ne tombent plus, comme on le voit dans les navettes en orbite autour de la Terre. Cela ne
signifie pas que Galilée a tort mais que la loi de la chute des corps suppose pour être vérifiée, certaines conditions
particulières, conditions en dehors desquelles elle ne s'applique plus.
Les vérités expérimentales sont soumises aux conditions de l'expérience qui les valident ou les invalident. Mais on
voit également les vérités scientifiques se succéder dans l'histoire. Les théories succèdent aux théories, ce qui
semblerait prouver qu'aucune vérité, même scientifique, n'est définitive. Toutefois, qu'une théorie succède à une
autre ne rend pas la précédente nécessairement fausse. Elle fait surtout apparaître ses limites de validité en
l'intégrant à un ensemble explicatif plus large. C'est ainsi que la physique d'Einstein a englobé celle de Newton. La
mécanique newtonienne explique l'attraction par une action qui s'exerce en ligne droite entre des masses. La
relativité einsteinienne explique les mêmes phénomènes d'attraction par la courbure de l'espace déformé par la
masse des corps (comme les planètes). En fait, la mécanique de Newton n'est pas réfutée par la théorie de la
relativité, elle devient un simple cas particulier de la physique d'Einstein : en effet si l'on prend un segment de
courbe assez court il présente les mêmes propriétés... que la ligne droite. Ainsi Einstein intègre-t-il Newton dans un
corps théorique plus ample.
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En dépit de ces limitations, Husserl remarque que la science n'a jamais renoncé à un idéal de connaissance
absolue : « elle veut des vérités valables une fois pour toutes et pour tous, définitives, et partant, des vérifications
nouvelles et ultimes. Si, en fait, comme elle-même doit finir par s'en convaincre, la science ne réussit pas à édifier
un système de vérités “absolues”, si elle doit sans arrêt modifier “les vérités” acquises, elle obéit cependant à l'idée
de vérité absolue, de vérité scientifique, et elle tend par là vers un horizon infini d'approximations qui convergent
toutes vers cette idée. A l'aide de ces approximations, elle croit pouvoir dépasser la connaissance naïve et aussi se
dépasser infiniment elle-même. Elle croit le pouvoir aussi par la fin qu'elle se pose, à savoir l'universalité
systématique de la connaissance. » (La Crise des sciences européennes). La science recherche donc toujours des
vérités définitives mais de façon asymptotique : elle s'en approche toujours plus sans pourtant jamais les atteindre.
Finalement pour trouver une vérité définitive, il faut peut-être quitter le domaine de la connaissance par preuves
pour se fier à la conviction. Il semblerait que les seules vérités vraiment définitives soient celles de la foi. Cela
peut sembler paradoxal car les vérités de la foi reposent non sur l'objectivité mais sur la subjectivité. Les croyances
ne se fondent en effet ni sur le raisonnement ni sur l'expérience. Il n'y a aucune preuve rationnelle de l'existence de
dieu ni aucune expérience qui pourrait me convaincre de son existence. Il n'empêche que je peux en posséder la
certitude, et bien que cette certitude soit indémontrable et donc impartageable, elle suffit pour faire de cette
croyance une vérité définitive, tout au moins pour moi.
On en trouve une belle illustration de la croyance dans le Phédon. Ce dialogue de Platon raconte les derniers
moments de Socrate condamné par la cité d'Athènes. Devant ses amis il dit ne pas craindre la mort. L'un d'eux lui
fait part de ses doutes, Socrate est-il si sûr que cela de l'immortalité de son âme ? A quoi le philosophe répond que
c'est « un beau risque à courir ». Ce beau risque à courir est à la fois l'expression d'une certitude définitive
(puisqu'elle n'est pas même ébranlée par l'approche de la mort) et purement subjective, car rien n'indique que
Socrate ait convaincu son interlocuteur sinon par l'exemple qui donne de sa confiance = sa foi). C'est cette valeur
morale de la croyance que signifiait Kant à sa manière lorsqu'il écrivait dans la Critique de la Raison pure : « J'ai
voulu limiter le savoir pour laisser une place à la foi. ».
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