DESCARTES, Règles pour la direction de l`esprit

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RAPPEL DU SUJET
SUJET N°3 : DESCARTES, REGLES POUR LA DIRECTION DE L'ESPRIT
Il n’y a presque rien qui n'ait été dit par l'un, et dont le contraire n'ait été affirmé par quelque autre. Et il ne serait
d'aucun profit de compter les voix, pour suivre l'opinion qui a le plus de répondants¹ : car, lorsqu'il s'agit d'une
question difficile, il est plus vraisemblable qu'il s'en soit trouvé peu, et non beaucoup, pour découvrir la vérité à son
sujet. Mais quand bien même² ils seraient tous d'accord, leur enseignement ne serait pas encore suffisant : car jamais,
par exemple, nous ne deviendrons mathématiciens, même en connaissant par coeur toutes les démonstrations des
autres, si notre esprit n'est pas en même temps capable de résoudre n'importe quel problème ; et nous ne deviendrons
jamais philosophes, si nous avons lu tous les raisonnements de Platon et d'Aristote, et que nous sommes incapables de
porter un jugement assuré sur les sujets qu'on nous propose ; dans ce cas, en effet, ce ne sont point des sciences que
nous aurions apprises, semble-t-il, mais de l'histoire.
DESCARTES, Règles pour la direction de l'esprit, posthume, écrit vers 1628.
¹ répondants : défenseurs.
² quand bien même : même si.
Pour expliquer ce texte, vous répondrez aux questions suivantes, qui sont destinées principalement à guider votre
rédaction. Elles ne sont pas indépendantes les unes des autres et demandent que le texte soit d’abord étudié dans son
ensemble.
1. Formulez la thèse du texte et montrez comment elle est établie.
2.
a) Expliquez : « il ne serait d’aucun profit de compter les voix, pour suivre l’opinion qui a le plus de répondants ».
b) En vous appuyant sur les exemples des mathématiciens et des philosophes, expliquez pourquoi : « Mais quand
bien même ils seraient tous d'accord, leur enseignement ne serait pas encore suffisant ».
3. Juger par soi-même, est-ce le seul moyen de découvrir ce qui est vrai ?
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LE CORRIGÉ
SUJET N°3 : TEXTE DE DESCARTES
1. Formulez la thèse du texte et montrez comment elle est établie
Selon Descartes, ni la convergence des opinions ni même l'accord de tous sur une opinion ne suffisent à établir
certainement la vérité. Dans un premier cas, même si les hommes sont nombreux à penser une même chose, il s'en
trouvera toujours pour penser autrement.
En plus de cela, sur certaines questions difficiles, il arrive que la majorité se trompe, et on trouve la vérité plus souvent
du côté d'un seul qui pense bien que de beaucoup qui pensent mal. Plus important est le fait que même l'accord sur des
vérités philosophiques ou mathématiques ne témoigne pas que chacun comprenne les vérités qu'il approuve et les
possède vraiment. On peut répéter des connaissances sans les comprendre, sans même pénétrer le sens de ce que
l'on dit.
Dans ce cas, la vérité est seulement connue par l'esprit comme un fait extérieur, dont le sens profond et la logique
échappent. C'est ce que signifie le dernier mot du texte, le mot "histoire". Par histoire il faut entendre en effet la simple
connaissance des faits sans preuve ni démonstration. De telles connaissances ne sont donc pas à proprement parler
des vérités mais de simples connaissances historiques que l'esprit ne possède pas en propre car il n'est pas en mesure
de les retrouver par lui-même.
2. a) Expliquez : "il ne serait d'aucun profit de compter les voix, pour suivre l'opinion qui a le plus de
répondants"
Descartes veut dire que la vérité ne saurait dépendre du nombre de voix qui l'approuve. Ce n'est pas parce que
beaucoup d'hommes pensent une chose que cette chose est vraie pour autant. Même si tous les hommes pensaient
une chose, cette unanimité ne suffirait pas, car le nombre est une raison extérieure à l'esprit et ne saurait le convaincre.
L'esprit ne comprend que ce qu'il est capable de produire ou reproduire par lui-même.
Ainsi une majorité de voix condamna Socrate à mort lors de son procès à Athènes, mais ce nombre n'avait pas pour
autant raison et Socrate demeure un homme juste injustement condamné par des esprits qui se sont laissés persuader
par d'habiles orateurs.
Autre exemple : comme disait Leibniz : "Copernic qui était seul de son opinion n'en avait pas moins raison contre tous".
On se souvient qu'à la fin du XVIe siècle, Copernic défendait la thèse de l'héliocentrisme (il pensait que c'est le Soleil et
non la Terre qui est au centre de l'Univers). A son époque, il était bien seul de son opinion, c'est pourtant lui qui avait
raison contre tous.
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2. b) En vous appuyant sur les exemples des mathématiciens et des philosophes, expliquez pourquoi :
"Mais quand bien même ils seraient tous d'accord, leur enseignement ne serait pas encore suffisant"
L'esprit ne peut pas se former au vrai simplement en répétant des vérités qui font l'unanimité. Si l'on prend les vérités
mathématiques ou les raisonnements philosophiques, l'unanimité des opinions ne suffit pas pour que notre esprit
pénètre le vrai. Et ce n'est pas en approuvant des pensées vraies qu'on pénètre la vérité.
Notre esprit peut bien apprendre ces vérités par cœur, ce sera de façon toute extérieure, il se contentera de répéter des
choses qu'il ne comprend pas nécessairement et dont il ne peut rien faire seul.
L'esprit en quête du vrai n'a pas d'autres solutions que pénétrer par lui-même les raisons des mathématiciens et des
philosophes, de suivre avec ses propres moyens les pensées en question pour les comprendre de l'intérieur par la
seule puissance de sa pensée, comme s'il les récréait à son tour.
3. Juger par soi-même, est-ce le seul moyen de découvrir ce qui est vrai ?
Analyse du sujet
Selon Descartes, le vrai dépend de l'esprit et de l'esprit seul. Comme on le voit dans le texte ni la concordance des
opinions de plusieurs, ni l'accord de tous sur des vérités historiques, c'est-à-dire extérieures à l'esprit, ne peuvent suffire
à définir le vrai.
Il semble donc que chacun soit seul juge du vrai. Mais cela peut signifier des choses très différentes qu'il ne faut pas
confondre.
Pistes de réflexion
- Une grave erreur consisterait à interpréter l'idée de Descartes dans un sens relativiste, à la façon du sophiste
Protagoras qui disait : "l'homme est la mesure de toute chose". Protagoras voulait dire par là que l'Homme est capable
de décider par lui-même du vrai et du faux, à charge ensuite pour lui de trouver les moyens de convaincre autrui de son
opinion. En sophiste, il s'intéressait donc moins à la vérité qu'à la meilleure manière de persuader autrui.
- Le vrai dont il est question pour Descartes ne dépend pas de soi seul, il ne s'agit pas seulement d'une opinion
vraisemblable, ou de la façon dont je maquille un intérêt tout personnel en vérité.
Le vrai dont il est question ne dépend pas non plus d'une technique oratoire qui me mettrait en situation d'en convaincre
autrui et d'amener les autres à penser comme moi par de simples subtilités de langage.
- Le vrai dont il est ici question dépend de mon esprit sans être étranger à l'esprit des autres.
Il faut donc que chacun pour soi fasse l'exercice de sa faculté de juger, faculté de juger qui est la capacité de distinguer
le vrai du faux. Descartes pense que la raison ne doit admettre que ce qu'elle comprend. Ce qu'elle comprend,
c'est-à-dire ce qu'elle est capable de suivre ou de dérouler selon une "chaîne de raisons", de conséquence en
conséquence, depuis les prémisses jusqu'à un résultat nécessaire.
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Le modèle de toute connaissance est en effet pour Descartes mathématique. C'est le raisonnement mathématique qui
met l'esprit à l'épreuve de comprendre ce qu'il sait en reproduisant de lui-même et par lui-même le chemin de la vérité.
De ce point de vue, la raison de tous les hommes est équivalente, ce qui permet à l'auteur du Discours de la méthode
d'affirmer que "le bon sens est la chose du monde la mieux partagée".
- Mais que tous les hommes possèdent un "bon sens" un "sens commun" ou un "entendement" ne signifie pas qu'ils
l'exercent à bon escient, ni même qu'ils l'exercent jamais, et c'est justement ce que montre le texte. Par paresse ou
lâcheté, beaucoup se contentent de suivre l'opinion des autres, ils se comportent alors en "mineurs" et sont sous
l'autorité de ceux que Kant appellera plus tard des "tuteurs" et qui pensent à leur place.
- "Toujours penser par soi-même", telle est selon Kant la devise des Lumières. Cela ne signifie pas pour autant penser
seul. Kant en effet remarque que nous ne penserions pas beaucoup et que nous ne penserions pas bien si nous
pensions seuls, sans communiquer nos pensées aux autres et sans enrichir nos pensées de celles des autres.
Si la faculté de juger est bien le moyen de la vérité, elle ne peut y parvenir seule, sans confrontation avec d'autres
esprits que le nôtre qui sont là pour corriger ou compléter nos pensées.
- La recherche du vrai est donc une tâche commune dont personne ne peut s'exempter. Chacun a le devoir de
comprendre par soi-même les vérités déjà acquises, de s'approprier par l'exercice de l'esprit les vérités de l'esprit.
Il a aussi, comme dit Kant, le pouvoir de faire un usage public de sa raison, en communiquant ses pensées aux autres
qui en retour lui feront toutes les remarques qu'ils jugent utiles.
- Si la vérité est la tâche de chaque esprit en particulier, elle ne peut être que le résultat de tous les esprits en commun,
orientés ensemble dans une même recherche du vrai.
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