Cancer bronchique C ancer bronchique Cancer bronchique : quoi de neuf entre septembre 2006 et septembre 2007 ? Lung cancer: what’s new between September 2006 and September 2007? ● ● D. Moro-Sibilot* ▶ résumé Nous avons sélectionné quelques points forts des nombreuses études publiées ou présentées pendant l’année 2007. ▸ Les seuls stades I et II sont accessibles à un traitement curatif. Plusieurs travaux continuent d’évaluer différentes techniques de dépistage dont la tomodensitométrie, qui ne peut toutefois pas être encore proposée en dépistage de routine. ▸ Le bévacizumab est un anticorps monoclonal ciblant le VEGF. Associé à une chimiothérapie à base de sels de platine, il améliore plus la survie que ne le fait la chimiothérapie seule dans les carcinomes bronchiques non épidermoïdes dans 2 études randomisées. C’est la première démonstration de l’intérêt des thérapeutiques ciblées en association avec la chimiothérapie dans le traitement de première ligne des cancers bronchiques non à petites cellules (CBNPC). ▸ L’association pémétrexed-cisplatine est aussi efficace et mieux tolérée que gemcitabine-cisplatine dans le traitement de première ligne des CBNPC. De plus, pémétrexedcisplatine améliore de façon significative la survie dans le sous-groupe des adénocarcinomes et des cancers à grandes cellules, alors que les tumeurs épidermoïdes tirent le plus grand bénéfice de l’association cisplatinegemcitabine. ▸ Dans une étude randomisée comparant docétaxel et gefitinib en seconde ligne thérapeutique des CBNPC, le gefitinib a démontré sa non-infériorité par rapport au docétaxel. Mots-clés : Cancers bronchiques – Épidémiologie – Dépistage – Chimiothérapie – Thérapeutiques ciblées. ▶ Summary Among the numerous studies published and presented during the year 2007, we have highlighted studies dealing with epidemiology, new targeted therapies and new chemotherapy. ▸ Stage I-II lung cancer is associated with reasonably high cure rates with currently available therapies. Therefore, ongoing studies continue to evaluate ways to accurately screen for lung cancer in order to detect the disease in its earliest and most curable stages. However there is still no definitive evidence that screening methods such as lowdose computed tomography (CT) reduce the risk of death from lung cancer. ▸ Bevacizumab, is an anti–growth factor vascular endothelial growth factor (VEGF) monoclonal antibody. Bevacizumab, combined with platinum-based chemotherapy, has been demonstrated to improve efficacy outcomes over chemotherapy alone in the treatment of nonsquamous advanced NSCLC in two phase III randomized trials. These represent the first evidence of improvement in treatment outcomes of chemotherapy with targeted therapies in the first-line treatment of advanced NSCLC. ▸ Pemetrexed and cisplatin demonstrated similar efficacy but better tolerability than gemcitabine and cisplatin for the treatment of advanced NSCLC. However there was a clear survival benefit for the pemetrexed arm in patients with adenocarcinoma and large cell histologies. Conversely, a benefit in squamous tumors was observed with gemcitabine and cisplatin. ▸ In randomized trial comparing gefitinib to docetaxel for the treatment of patients with locally advanced or metastatic NSCLC who had failed one platinum-based regimen gefitinib was found to be non–inferior to docetaxel for the second-line treatment of advanced or metastatic NSCLC. Keywords: Lung cancer – Epidemiology – Screening – Chemotherapy – Targeted therapy. * DMAS UF oncologie thoracique, CHU de Grenoble, Inserm U823, Grenoble. La Lettre du Cancérologue - Vol. XVII - n° 1-2 - janvier-février 2008 LK 1-2008-int.indd 19 19 28/02/08 14:23:57 Cancer bronchique C ancer bronchique L’ année 2007 a été celle de la conférence mondiale sur le cancer du poumon (World conference on Lung Cancer [WCLC]), qui se tient à présent tous les deux ans. Ce congrès, associé à celui de l’ASCO et à une abondante bibliographie, a contribué à une année assez riche sur le plan des actualités. épidémiologie et dépistage De 1973 à 1998, l’incidence ajustée sur l’âge des adénocarcinomes pulmonaires a augmenté de 83 % chez les hommes et de plus de 200 % chez les femmes en Amérique du Nord. Étonnamment, de 1999 à 2003, cette incidence a diminué de 14 % chez les hommes et de 8 % chez les femmes (1). Dans les deux cohortes, celle des hommes et celle des femmes, elle a baissé chez les individus nés après 1934. L’augmentation de la consommation des cigarettes légères n’a, semble-t-il, pas précédé l’augmentation de l’incidence, et la baisse actuelle n’est pas liée à une baisse de la consommation des cigarettes légères (figure 1). Cette étude pose la question de la responsabilité d’autres facteurs dans les variations de l’incidence de ces adénocarcinomes, notamment de celle du tabagisme passif et, plus généralement, de la pollution de l’air, qu’elle soit domestique ou environnementale. Autres tumeurs 40 30 30 20 20 10 Tumeurs épidermoïdes Adénocarcinomes <4 10 Consommation totale de cigarettes légères en goudrons 0 0 1900 1910 1920 1930 1940 1950 1960 1973 1980 1990 2000 Année Figure 1. Parallèle entre l’évolution de l’incidence des adénocarcinomes chez les hommes et l’évolution de la consommation de cigarettes et de cigarettes légères. Le dépistage des cancers bronchiques à un stade précoce reste un objectif de santé publique important. Les formes évoluées de cette maladie n’ont pas de traitement curatif, et l’on ne saurait résumer la lutte contre le cancer bronchique à une lutte contre 20 LK 1-2008-int.indd 20 Tableau I. Dépistage tomodensitométrique : suivi des nodules pulmonaires (selon les recommandations de la Fleischner Society). Taille du nodule (mm) Cas pour 100 000 personnes (hommes) Consommation de cigarettess (100 cigarettes/personne/an) 40 Consommation totale de cigarettes le tabagisme : en effet, si celle-ci est indispensable, un cancer bronchique sur deux survient encore chez un ancien fumeur. En outre, chez les non-fumeurs, une revue de cohortes existantes (2) permet d’estimer l’incidence du cancer bronchique, pour les individus âgés de 40 à 79 ans, à 4,8 à 13,7 pour 100 000 personnes/an chez les hommes, et à 14,4 à 20,8 pour 100 000 personnes/an chez les femmes, soit une surincidence comparativement à la population masculine. Le scanner spiralé, utilisé dans des protocoles de dépistage récents (3-6), a, dans la majorité des cas, mis en évidence des tumeurs de stade I ou II. Si la tomodensitométrie (TDM) a une bonne sensibilité, son manque de spécificité expose à la découverte de nodules dont il est difficile d’affirmer la nature et qui sont le plus souvent bénins. La découverte, soit dans le cadre des soins, soit dans celui de programmes de dépistage de nodules pulmonaires, pousse à définir une stratégie diagnostique appropriée. Un algorithme décisionnel est proposé par la Fleischner Society for Thoracic Imaging and Diagnosis (société savante de radiologie thoracique nord-américaine). Cette aide au diagnostic (tableau I) se fonde sur le risque de malignité (tabagisme, exposition professionnelle, antécédents néoplasiques, etc.) et sur la taille des lésions (www. fleischner.org). Plusieurs présentations soumises lors de la WCLC ont souligné l’intérêt de ce schéma décisionnel. Patient à faible risque Patient à haut risque Pas de suivi Suivi à 1 an Si pas de changement, arrêt du suivi > 4-6 Suivi à 1 an Si pas de changement, arrêt du suivi Suivi à 6-12 mois Si pas de changement, suivi à 18-24 mois > 6-8 Suivi à 6-12 mois Si pas de changement, suivi à 18-24 mois Suivi à 3-6 mois Si pas de changement, suivi à 9-12 mois et à 24 mois Suivi minimal à 3-9 mois et à 24 mois CT avec injection, PET scan au FDG et/ou biopsie Suivi minimal à 3-9 mois et à 24 mois CT avec injection, PET scan au FDG et/ou biopsie >8 CT : chimiothérapie. Les techniques de dépistage idéales doivent être précises, simples, peu onéreuses et non invasives pour pouvoir être largement appliquées à une population à risque. La TDM n’a clairement pas toutes ces qualités, et la mise au point de tests biologiques fait actuellement l’objet de nombreuses ­recherches. Une approche originale consiste à analyser les composés organiques volatiles de l’air expiré (7). Cette étude se fait par analyse colorimétrique. Une première étude clinique a porté sur 143 personnes : 49 personnes atteintes d’un cancer bronchique non à petites cellules (CBNPC), La Lettre du Cancérologue - Vol. XVII - n° 1-2 - janvier-février 2008 28/02/08 14:24:01 73 personnes présentant une pathologie pulmonaire non cancéreuse, et enfin 21 personnes contrôles en bonne santé. L’air exhalé des participants a été recueilli, puis envoyé à l’aide d’une pompe sur le dispositif de détection, une plaque de la taille d’une pièce de monnaie, munie de 36 points colorés, chacun ayant une composition et une sensibilité chimique différente. Pour chaque patient, les changements de couleur ont été convertis en vecteurs numériques, lesquels ont été analysés sur le plan statistique. Le diagnostic de cancer est obtenu avec une sensibilité de 73,3 % et une spécificité de 72,4 %, sans influence du sexe, de l’âge, de l’histologie ou des antécédents tabagiques. Cette approche non invasive a le mérite d’une très grande simplicité de réalisation ; elle doit cependant être confirmée par d’autres travaux. L’attitude des fumeurs quant au dépistage peut présenter un obstacle au succès d’une campagne de dépistage. Une enquête nationale réalisée aux États-Unis (8) auprès de 2 001 personnes a évalué leur opinion quant à la relation du dépistage des cancers bronchiques avec les habitudes tabagiques. La comparaison entre les non-fumeurs et les fumeurs montrait chez ces derniers un taux significativement plus élevé d’hommes, un nombre moins important de Caucasiens, un moindre niveau de formation et enfin un plus mauvais état de santé global ou des antécédents de cancer (p = 0,05). Comparés aux non-fumeurs, les fumeurs étaient moins enclins à croire que la détection précoce pourrait améliorer leurs chances de survie en cas de cancer (p = 0,05). La proportion de personnes candidates à un dépistage était plus faible dans le groupe des fumeurs que dans celui des non-fumeurs (respectivement 71,2 % versus 87,6 % : odds-ratio [OR] de 0,48). Seule la moitié des fumeurs acceptait le principe d’une chirurgie si un cancer de petit stade était diagnostiqué par le dépistage. Même si les populations européennes ne sont pas strictement superposables à celles des États-Unis, cela souligne la difficulté potentielle de campagnes ciblant les fumeurs, et l’importance de la pédagogie pour faire accepter de telles campagnes. portent sur une division du T1 et du T2 en sous-groupes “a” et “b” définis en fonction de la taille. La présence d’un ou de plusieurs nodules dans le même lobe fait passer de T4 à T3 ; de même, la présence d’un nodule homolatéral dans un autre lobe passe de M1 à T4. En revanche, l’extension sous forme de nodules pleuraux ou de pleurésie maligne est classée M1a. La classification du N ne change pas. Celle du M est divisée en M1a (atteinte métastatique pleurale ou endothoracique) et M1b (atteinte extrathoracique). La stadification finale change en fonction de ces modifications (figure 2). Tableau II. Changements entre la nouvelle et l’ancienne classification TNM. Description T et M, et changements Nouveau TNM N0 N1 N2 N3 T1 (< 2) T1a IA IIA IIIA IIIB T1(> 2-3 cm) T1b IA IIA IIIA IIIB T2 (< 5 cm) T2a IB IIA IIIA IIIB T2 (> 5-7 cm) T2b IIA IIB IIIA IIIB T2 (> 7 cm) T3 IIB IIIA IIIA IIIB T3 invasion IIB IIIA IIIA IIIB T4 nodule même lobe IIB IIIA IIIA IIIB IIIA IIIA IIIB IIIB IIIA IIIA IIIB IIIB IV IV IV IV IV IV IV IV IV IV IV IV UICC6 T4 extension T4 M1 poumon homolatéral T4 (pleurésie) M1a M1 poumon controlatéral M1 distant M1b Cancer bronchique C ancer bronchique Nouvelle classification TNM La Lettre du Cancérologue - Vol. XVII - n° 1-2 - janvier-février 2008 LK 1-2008-int.indd 21 IA IB IIA IIB IIIA IIIB IV 100 80 Survie (%) La classification TNM actuellement utilisée est la sixième version publiée par l’International Union against Cancer (UICC). Elle date de 1997 et repose sur 5 319 cas. La prochaine édition sera appliquée à partir de 2009 et reposera sur la base de données de l’International Association for the Study of Lung Cancer (IASLC). Cette base de données a collecté de nombreuses bases de données nationales, celles d’études cliniques de l’industrie pharmaceutique et celles des grands groupes coopératifs de recherche clinique. Les données de ce nouveau TNM sont fondées sur 100 869 patients. Les principales modifications portent sur la classification T et M, le N restant inchangé ; elles ont été validées en utilisant la grande base du SEER (registre du cancer de la côte est des États-Unis : www.seer.cancer.gov). Les résultats de cette grande étude sont publiés (9) et librement accessibles en ligne sur le site du Journal of Thoracic Oncology (www.jto.org). Les principales modifications du T (tableau II) 60 Décès/patients (n) 443/831 750/1 284 318/483 1 652/2 248 2 528/3 175 676/758 2 627/2 757 Survie à 5 ans 60 50 % 43 43 % 34 36 % 18 25 % 14 19 % 10 7 % 6 2% 40 20 0 0 2 4 6 Survie (années) 8 10 Figure 2. Nouvelles courbes de survie résultant de la nouvelle proposition de révision du TNM. 21 28/02/08 14:24:05 Cancer bronchique C ancer bronchique Exploration et staging médiastinal L’identification de l’envahissement ganglionnaire médiastinal constitue un défi. La TDM ne donne que des renseignements morphologiques et topographiques, et n’a pas une sensibilité et une spécificité suffisantes pour établir de façon définitive la classification N. L’imagerie métabolique apporte aussi de précieux renseignements, mais la technique de référence reste l’abord médiastinoscopique, par exploration axiale, éventuellement complété par une exploration médiastinale antérieure gauche. La médiastinoscopie est en outre difficile à renouveler, bien que de rares équipes d’excellence puissent effectuer ce geste. Les traitements d’induction préopératoire compliquent encore la situation, ce qui souligne l’intérêt de techniques peu invasives pour explorer le médiastin. La ponction transbronchique guidée par l’échographie endobronchique (EBUS-TBNA) permet d’explorer et de prélever les sites ganglionnaires 1, 2, 3, 4, 7, 10 et 11 (figure 3). De plus, les sites 5, 8 et 9, non accessibles, et les surrénales peuvent bénéficier de la complémentarité possible de l’échographie transœsophagienne (ETO). Une étude récente portant sur 102 patients atteints de tumeurs de stades I à IIIA N2 opérables et résécables (10) montre un très faible taux de faux négatifs (2 sur 102) et l’absence de faux positifs. Ces résultats sont très supérieurs à ceux de la TDM et de la scintigraphie au FDG. Ces techniques d’EBUS-TBNA devraient se développer en France grâce au soutien d’un programme Soins, traitements et innovations coûteuses (STIC). On peut se demander si, à l’avenir, le standard de l’évaluation médiastinale d’un stade IIIA N2 ne sera pas, dans certains cas, l’association EBUS-TBNA, scintigraphie au FDG et TDM avant tout traitement, suivie, après traitement d’induction et avant un éventuel geste chirurgical, par la TDM et la médiastinoscopie. Ciblage de l’EGFR Le choix actuel de la seconde ligne thérapeutique peut être la chimiothérapie ou, au contraire, un traitement par inhibiteur de tyrosine kinase (TKI) de l’EGFR. En dehors d’un choix fondé sur des caractéristiques prédictives habituelles de réponse à ­l’erlotinib (sexe, tabagisme, adénocarcinome, composant de carcinome bronchiolo-alvéolaire [CBA], origine asiatique) ou lié à l’état général du patient, aucun critère biologique explorant la voie de l’EGFR n’est régulièrement utilisé en routine pour déterminer le meilleur traitement. Cela souligne l’intérêt des études comparant la chimiothérapie aux TKI de l’EGFR dans cette indication. Deux d’entre elles, l’étude SIGN, de phase II (11), et une étude japonaise de phase III présentée à l’ASCO (12), ont comparé le gefitinib au docétaxel avec une moindre toxicité en faveur du gefitinib ; les résultats de survie globale (SG) et de survie sans progression (SSP) montraient une absence d’infériorité du gefitinib par rapport au docétaxel. L’étude INTEREST compare ces mêmes molécules dans une population non asiatique. Dans cet essai international multicentrique, plus de 1 400 patients ont été randomisés entre gefitinib 250 mg/j et docétaxel 75 mg/m². La population des deux groupes est très comparable, avec 20 % de non-fumeurs, 50 % de patients présentant un adénocarcinome, 20 % de patients d’origine asiatique et un taux de réponse objective (RO) préalable en première ligne de traitement par sels de platine de 25 à 30 %. Les taux de RO sont similaires : 9,1 % pour le gefitinib et 7,6 % pour le docétaxel. Les toxicités sont celles attendues pour les deux produits. La qualité de vie est améliorée dans le bras gefitinib (moins d’effets indésirables). Il n’y a pas de différence significative entre les deux bras en termes de survie sans récidive (SSR) et de SG. Le critère de “non-infériorité” est donc confirmé dans cette étude parfaitement claire et contrôlée, notamment en ce qui concerne les traitements ultérieurs, y compris ceux de troisième ligne. Il est à noter que ces derniers sont très comparables, et que la moitié des patients ne bénéficiait d’aucun traitement ultérieur. Une analyse des facteurs prédictifs habituels de réponse est en cours dans l’étude INTEREST. Des résultats partiels présentés au cours de la WCLC, aucun facteur prédictif n’émergeait clairement, ce qui n’est pas le cas dans d’autres études qui identifient certains biomarqueurs soit de résistance avant tout traitement (telles les mutations de k-ras), soit prédictifs de réponse et de survie (mutations de l’EGFR ou amplification de l’EGFR étudiée par FISH) [13, 14]. Figure 3. Illustration de la technique de ponction transbronchique guidée par l’échographie endobronchique. 22 LK 1-2008-int.indd 22 La Lettre du Cancérologue - Vol. XVII - n° 1-2 - janvier-février 2008 28/02/08 14:24:09 Dans ce domaine, un nouveau mécanisme de résistance, l’amplification du proto-oncogène c-Met, permettant aux tumeurs bronchiques d’échapper aux TKI, a récemment été identifié (15). Cette amplification entraîne une résistance aux TKI par l’intermédiaire d’une activation de PI3K dépendant de ERBB3 (HER3). Ce mécanisme de résistance s’ajoute à celui, décrit il y a deux ans, de mutation T790 (16), pour lequel une nouvelle génération de TKI dits irréversibles sont en cours d’étude clinique. Cette amplification de c-Met pourrait concerner jusqu’à 20 % des patients. Une autre approche de ciblage de l’EGFR très prometteuse est l’utilisation de l’anticorps (Ac) monoclonal cétuximab. L’activité de cette molécule en monothérapie de seconde ligne est soulignée par N. Hanna (17), avec des résultats modestes mais comparables à ceux que l’on observe sous pémétrexed, docétaxel ou erlotinib. En première ligne, une étude de phase II comparant le cétuximab associé au doublet cisplatine-vinorelbine à ce seul doublet, met en évidence un profil de toxicité similaire, ainsi qu’une tendance à une meilleure réponse et à une meilleure survie (18). L’étude FLEX de phase III, annoncée comme positive dans les “journaux économiques”, sera présentée en 2008. Elle compare, elle aussi, sur un plus large collectif de patients, le cétuximab associé au doublet cisplatine-vinorelbine au seul doublet cisplatine-vinorelbine. Traitements antiangiogéniques En dépit de résultats prometteurs en seconde ligne, les traitements par TKI n’ont pas contribué à une amélioration de la survie lorsqu’ils ont été associés à la chimiothérapie de première ligne dans le cadre des CBNPC de stades IIIB et IV. Cependant, on peut espérer une amélioration de la survie dans des populations sélectionnées par exemple en fonction de la mutation de l’EGFR ou de l’amplification de l’EGFR en FISH ; pour l’instant, néanmoins, aucune étude ne permet de l’affirmer. En revanche, l’Ac monoclonal anti-VEGF bévacizumab, associé à la chimiothérapie, améliore à la fois le taux de réponse au traitement, la SG et la SSP (19, 20). Deux études ont contribué à ces résultats et ont servi à l’enregistrement du bévacizumab en association avec une chimiothérapie à base de sels de platine dans le traitement de première ligne des patients atteints de CBNPC, avancé et non opérable, métastatique ou en rechute, dès lors que l’histologie n’est pas à prédominance épidermoïde. La population de patients inclus dans ces deux études pivots était plus sélectionnée que dans l’étude de phase II évaluant le bévacizumab en association avec le paclitaxel et le carboplatine (21). Cette sélection a permis de réduire de façon très significative le taux de complications hémorragiques. Ainsi, dans l’étude AVAIL (20), le taux d’hémorragies pulmonaires de grade supérieur à 3 était de 0,6 % dans le groupe placebo, de 1,5 % dans le groupe traité par 7,5 mg/kg de bévacizumab, et de 0,9 % dans celui traité par 15 mg/kg de bévacizumab. Les principaux facteurs de risque d’hémorragie pulmonaire dans ces deux études sont, d’une part, la localisation centrale de la tumeur et, d’autre part, la cavitation de la tumeur La Lettre du Cancérologue - Vol. XVII - n° 1-2 - janvier-février 2008 LK 1-2008-int.indd 23 sous traitement. La définition de ce qu’est une tumeur centrale reste approximative et nécessite une interprétation plus précise. Il est à noter, en revanche, que les anticoagulants ne semblent pas majorer le risque d’hémorragie pulmonaire : en effet, 9 % des patients inclus dans l’étude AVAIL étaient traités par anticoagulants, et aucun d’entre eux n’a présenté d’hémoptysie sévère. Dans une méta-analyse de cinq études randomisées évaluant le bévacizumab (22), le risque d’accident thromboembolique veineux ou artériel lié à l’administration du bévacizumab a été évalué. Le risque de thrombose artérielle passe de 1,7 % dans le groupe chimiothérapie à 3,8 % lorsque l’on associe le bévacizumab à la chimiothérapie. De la même manière, le risque de décès par accident thromboembolique artériel passe de 0,26 % à 0,62 %. Le risque thromboembolique veineux paraît, quant à lui, inchangé. Les principaux facteurs de risque de thrombose artérielle dans cette étude ont été les antécédents de thrombose artérielle (p < 0,001) et un âge de plus de 65 ans (p : 0,01). Le bévacizumab entre donc dans notre pratique courante, avec un bénéfice bien établi par deux études pivots. Des questions restent cependant en suspens. Tout d’abord, le schéma thérapeutique retenu par l’AMM est le suivant : le bévacizumab est administré en association avec une chimiothérapie à base de sels de platine jusqu’à 6 cycles de traitement, puis en monothérapie jusqu’à progression de la maladie. L’intérêt de cette phase d’entretien par bévacizumab seul a une justification in vitro, mais reste à démontrer in vivo. De plus, deux schémas de dose sont envisageables : soit 7,5 mg/kg, soit 15 mg/kg, ces deux dosages s’ajoutant aux posologies encore différentes dans les cas de cancers coliques ou mammaires. Dans la mesure où un bénéfice a été observé avec la posologie de 7,5 mg/kg en association avec un doublet à base de sels de platine, on peut probablement retenir cette dose lorsque le cisplatine est l’un des éléments du doublet de chimiothérapie. En revanche, lorsque l’on utilise une chimiothérapie contenant du carboplatine, seule la dose de 15 mg/kg a montré son intérêt. On peut d’ailleurs se demander dans quelle mesure une dose plus forte de bévacizumab n’est pas nécessaire pour compenser la moindre activité du carboplatine par rapport au cisplatine. Contrairement à ce que les études initiales laissaient penser, il n’y a probablement pas de différence d’activité selon le sexe (20) ; en revanche, il faudra attendre les résultats définitifs de l’étude AVAIL, et notamment ceux concernant la SG, pour déterminer l’impact du bévacizumab chez les patients âgés, qui, par définition, ont plus de comorbidités. L’extension de l’utilisation du bévacizumab doit être étudiée pour les patients de performance status 2, pour ceux souffrant de métastases cérébrales, qui ont largement été exclus des études d’enregistrement, et pour les populations porteuses de cancers épidermoïdes, en particulier lorsque le risque d’hémorragie pulmonaire est nul, la tumeur rechutant en extrathoracique après une exérèse complète de la lésion pulmonaire. Enfin, dans le cas particulier des tumeurs à risque hémorragique, on peut se poser la question de l’utilisation secondaire des antiangiogènes après une phase initiale de chimiothérapie réduisant le volume de la tumeur et ses risques vasculaires. Cancer bronchique C ancer bronchique 23 28/02/08 14:24:12 Cancer bronchique C ancer bronchique Association chimiothérapie et radiothérapie, traitements combinés La méta-analyse publiée en 1995 dans le British Medical Journal (23) avait montré que l’association de la radiothérapie (RT) et de la chimiothérapie (CT) permettait d’augmenter la survie des patients présentant un CBNPC localement avancé, par rapport à la RT seule. Depuis, plusieurs études randomisées de phase II ou III ont comparé l’association concomitante et l’association séquentielle. Deux études de phase III ont montré un bénéfice significatif en faveur du traitement concomitant. Il était donc important de réaliser une méta-analyse de ces différents essais afin de déterminer la meilleure stratégie. C’est ce que viennent de faire l’Institut Gustave-Roussy et le Medical Research Council britannique. L’association concomitante de la RT et de la CT apporte un bénéfice significatif en termes de SG et de SSP par rapport au traitement séquentiel. Le bénéfice absolu en termes de SG à 5 ans est de l’ordre de 5 %. Le bénéfice en termes de SG de l’association CT-RT par rapport à la seule RT est lié à une réduction des rechutes métastatiques. L’association concomitante des deux thérapeutiques permet en outre une amélioration du contrôle local plus importante que celle que permet le schéma séquentiel. La réduction du risque de rechute locale à 5 ans est de 6 % (24). La CT-RT concomitante est donc le standard thérapeutique des stades localement avancés non résécables chez des patients jeunes et en bon état général. De nombreuses questions restent cependant non résolues : en effet, il n’y a pas, à ce jour, d’association de CT de référence ; beaucoup d’équipes en Amérique du Nord continuent d’associer cisplatine et étoposide à la RT, et des schémas thérapeutiques utilisant les taxanes sont proposés, tout comme l’est l’association vinorelbine-cisplatine (25). Plusieurs travaux, malheureusement discordants, ont évalué l’apport d’une CT de consolidation après CT-RT, le bénéfice évoqué par certains étant remis en question par une étude de phase III présentée au congrès de l’ASCO, critiquable par le faible effectif des deux bras de randomisation (26-29). De la même manière, la tentation est forte de proposer une CT d’induction avant l’association concomitante, cette technique présentant un avantage incontestable en termes de logistique et de planification par rapport à la CT-RT upfront. Une étude de phase III incluant 366 patients a comparé une CT-RT avec paclitaxel et carboplatine, précédée ou non de deux cycles de paclitaxel et carboplatine. Cette étude montre un excès de toxicité dans le groupe traité par induction avant la phase de CTRT, ainsi que l’absence de bénéfice en termes de survie (30). Optimisation thérapeutique, nouveaux médicaments et nouvelles approches Depuis plus de vingt ans, et malgré l’existence de plusieurs types histologiques distincts, les faibles écarts de pronostic et l’absence de traitement radicalement différent d’un type histologique 24 LK 1-2008-int.indd 24 à l’autre font que nous regroupons dans une seule catégorie “fourre-tout” l’ensemble des cancers “non à petites cellules” (CBNPC). Ce paradigme des CBNPC a récemment été mis à l’épreuve par l’introduction des TKI de l’EGFR, plus efficaces dans les adénocarcinomes, et notamment ceux à composante bronchiolo-alvéolaire. L’introduction des antiangiogènes renforce cette tentation de diviser la catégorie des CBNPC en distinguant un groupe de tumeurs non épidermoïdes et un groupe de tumeurs proximales épidermoïdes pour lesquelles l’utilisation des antiangiogènes est proscrite. Présentée lors de la WCLC, une étude de phase III (31) est venue conforter ce concept de groupe des carcinomes non épidermoïdes. Cette étude a randomisé 1 725 patients dans deux groupes de traitement : pémétrexed-cisplatine (762 patients) et gemcitabine-cisplatine (755 patients). Elle met en évidence une efficacité similaire en termes de réponse et de survie dans l’ensemble du groupe de patients. En revanche, dans le groupe de patients porteurs d’un adénocarcinome ou d’un cancer à grandes cellules, on observe un bénéfice significatif en termes de SG. La réduction du risque de décès est de 0,84 dans la groupe adénocarcinome (847 patients) et de 0,68 dans le groupe des cancers à grandes cellules. Il est intéressant de noter que la médiane de survie dans le groupe pémétrexed-cisplatine est de 11,8 mois, très proche de celle observée dans l’étude Sander (20) évaluant le bévacizumab. On peut se demander si, dans ce groupe des tumeurs non épidermoïdes, l’addition de bévacizumab à l’association pémétrexed-cisplatine n’améliorerait pas encore la survie. L’approche reposant sur un choix thérapeutique fondé sur l’analyse de biomarqueurs de sensibilité ou de résistance à la CT permet de concevoir des stratégies plus efficaces intégrant les médicaments actuellement à notre disposition. Les sels de platine sont l’une des pierres angulaires des doublets et des stratégies modernes de CT. La cytotoxicité du cisplatine est le résultat de la formation d’adduits intrachaîne dans la molécule d’ADN. Le système nucleotide excision repair (NER) est un mécanisme de réparation de l’ADN qui excise ces adduits et le gène ERCC1 (excision repair cross-complementing 1) en est un gène clé. Une étude publiée l’an dernier a concerné l’évaluation immunohistochimique d’ERCC1 dans les prélèvements chirurgicaux issus de l’essai IALT, essai relatif à la CT adjuvante des CBNPC (32). Cette étude a montré l’association entre, d’une part, l’expression et le pronostic, et, d’autre part, l’expression d’ERCC1 et une absence de bénéfice de la CT adjuvante (33). Cette première étude soulève clairement l’idée de sélectionner les candidats à une CT adjuvante dans le seul groupe des patients n’exprimant pas ERCC1. Une étude espagnole randomisée (34) a évalué l’expression ARNm d’ERCC1 de manière prospective en vue de prédire la réponse à une CT contenant du cisplatine chez des patients de stade IIIB ou IV. Un bras contrôle comportait des patients traités par l’association docétaxel-cisplatine alors que, dans le groupe génotypique, les patients étaient traités par docétaxel-cisplatine ou docétaxel-gemcitabine en fonction de l’expression d’ERCC1. La Lettre du Cancérologue - Vol. XVII - n° 1-2 - janvier-février 2008 28/02/08 14:24:16 Cette étude a atteint son objectif principal, qui était de démontrer une amélioration du taux de réponse dans le groupe de patients sélectionnés en fonction du profil génotypique (50,3 % versus 39,3 %). Cependant, il n’a pas été noté de différence entre les deux bras pour ce qui est des paramètres de SG et de SSP. Cette absence de différence peut être expliquée par des difficultés méthodologiques concernant l’analyse de l’ARNm d’ERCC1, celui-ci n’étant pas disponible pour 18 % des patients du groupe génotypique. Les critères définissant la positivité ou la négativité d’ERCC1 dans le bras phénotypique sont remis en question par certains auteurs (35). Enfin, d’autres causes cliniques ou des causes liées à l’utilisation de la gemcitabine ou au suivi du protocole ont gêné la réalisation correcte de cette étude et peuvent en partie expliquer la négativité des résultats. En dépit de ces limitations et des résultats négatifs en termes de survie, cette étude ouvre la voie à d’autres études prospectives randomisées évaluant le profil génomique prédictif de l’efficacité ou de la toxicité. Dans l’étude IALT, d’autres travaux ont été réalisés sur les mêmes prélèvements. Ainsi, une analyse sur l’expression des gènes régulateurs du cycle cellulaire effectuée en immunohistochimie a été effectuée (36). Les gènes p27Kip1, p16INK4A, cycline D1, cycline D3, cycline E et Ki-67 ont été évalués sur 778 tumeurs. En plus des mutations génétiques, les modifications épigénétiques ont aussi été impliquées dans les processus de carcinogenèse. L’impact de ces modifications épigénétiques au niveau de multiples histones sur le pronostic du CBNPC opéré a été récemment évalué (37). Une analyse par immunohistochimie de plusieurs histones a été réalisée sur des prélèvements tumoraux provenant de 138 patients atteints de cancer de stades I à IIIA. Les patients ont été répartis en sept groupes de pronostics distincts selon la classification TNM, l’histologie et les modifications épigénétiques. Chaque groupe était associé à des SG et survies sans maladie différentes. Quatre groupes de patients atteints de cancer de stade I avaient des pronostics très différents. Ces modifications épigénétiques impliquant de multiples histones sont des marqueurs potentiels de bon ou mauvais pronostic utiles à la sélection des patients. Si une CT adjuvante doit être proposée, elle le sera dans le groupe de patients de mauvais pronostic. Cependant, cette étude ne permet pas d’évaluer le pouvoir prédictif de ce nouveau marqueur biologique sur l’efficacité de la CT. Seul le statut de p27Kip1 était prédictif de l’efficacité de la CT (p = 0,02). La survie des patients avec une négativité de p27Kip1 était plus longue dans le groupe CT que dans le groupe contrôle (HR : 0,66 ; p = 0,006). En revanche, il n’y avait pas de bénéfice de la CT chez les patients avec p27Kip1positif (HR : 1,09; p = 0,54). Conclusion L’apport des nouvelles molécules aux traitements conventionnels ainsi qu’une meilleure sélection, à la fois clinique et biologique, des stratégies thérapeutiques conduisent à une amélioration lente mais incontestable des résultats thérapeutiques. La Lettre du Cancérologue - Vol. XVII - n° 1-2 - janvier-février 2008 LK 1-2008-int.indd 25 Nous entrons dans l’ère de la sélection des traitements fondée sur des facteurs pronostiques et prédictifs. Il peut s’agir d’une sélection par défaut, pour préserver un patient de stratégies potentiellement toxiques, ou de la sélection positive de patients à forte probabilité de tirer un grand bénéfice de leur traitement. Les marqueurs biologiques en sont à leur balbutiements ; l’avenir nous dira s’il faut les utiliser seuls, les associer, et si l’immuno­ histochimie, la technique la moins exigeante en matière de prélèvement, prendra le pas sur des techniques plus sophistiquées fondées sur l’ADN ou l’ARN, plus exigeantes en ce qui concerne la qualité des prélèvements et plus complexes sur le plan technologique. ■ Cancer bronchique C ancer bronchique Références bibliographiques 1. Chen F, Bina WF, Cole P. Declining incidence rate of lung adenocarcinoma in the United States. Chest 2007;131:1000-5. 2. Wakelee HA, Chang ET, Gomez SL et al. Lung cancer incidence in never smokers. J Clin Oncol 2007;25:472-8. 3. Henschke CI, McCauley DI, Yankelevitz DF et al. Early Lung Cancer Action Project: overall design and findings from baseline screening. Lancet 1999;354:99105. 4. Sobue T, Moriyama N, Kaneko M et al. 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