Cancer bronchique
Cancer bronchique
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La Lettre du Cancérologue - Vol. XVII - n° 1-2 - janvier-février 2008
Dans ce domaine, un nouveau mécanisme de résistance, l’am-
plification du proto-oncogène c-Met, permettant aux tumeurs
bronchiques d’échapper aux TKI, a récemment été identifié
(15). Cette amplification entraîne une résistance aux TKI par
l’intermédiaire d’une activation de PI3K dépendant de ERBB3
(HER3). Ce mécanisme de résistance s’ajoute à celui, décrit il y a
deux ans, de mutation T790 (16), pour lequel une nouvelle géné-
ration de TKI dits irréversibles sont en cours d’étude clinique.
Cette amplification de c-Met pourrait concerner jusqu’à 20 %
des patients.
Une autre approche de ciblage de l’EGFR très prometteuse est
l’utilisation de l’anticorps (Ac) monoclonal cétuximab. L’acti-
vité de cette molécule en monothérapie de seconde ligne est
soulignée par N. Hanna (17), avec des résultats modestes mais
comparables à ceux que l’on observe sous pémétrexed, docétaxel
ou erlotinib. En première ligne, une étude de phase II comparant
le cétuximab associé au doublet cisplatine-vinorelbine à ce seul
doublet, met en évidence un profil de toxicité similaire, ainsi
qu’une tendance à une meilleure réponse et à une meilleure
survie (18). L’étude FLEX de phase III, annoncée comme posi-
tive dans les “journaux économiques”, sera présentée en 2008.
Elle compare, elle aussi, sur un plus large collectif de patients,
le cétuximab associé au doublet cisplatine-vinorelbine au seul
doublet cisplatine-vinorelbine.
TRAITEMENTS ANTIANGIOGÉNIQUES
En dépit de résultats prometteurs en seconde ligne, les trai-
tements par TKI n’ont pas contribué à une amélioration de la
survie lorsqu’ils ont été associés à la chimiothérapie de première
ligne dans le cadre des CBNPC de stades IIIB et IV. Cependant,
on peut espérer une amélioration de la survie dans des popula-
tions sélectionnées par exemple en fonction de la mutation de
l’EGFR ou de l’amplification de l’EGFR en FISH ; pour l’instant,
néanmoins, aucune étude ne permet de l’affirmer. En revanche,
l’Ac monoclonal anti-VEGF bévacizumab, associé à la chimio-
thérapie, améliore à la fois le taux de réponse au traitement, la
SG et la SSP (19, 20). Deux études ont contribué à ces résultats et
ont servi à l’enregistrement du bévacizumab en association avec
une chimiothérapie à base de sels de platine dans le traitement
de première ligne des patients atteints de CBNPC, avancé et non
opérable, métastatique ou en rechute, dès lors que l’histologie
n’est pas à prédominance épidermoïde. La population de patients
inclus dans ces deux études pivots était plus sélectionnée que
dans l’étude de phase II évaluant le bévacizumab en association
avec le paclitaxel et le carboplatine (21). Cette sélection a permis
de réduire de façon très significative le taux de complications
hémorragiques. Ainsi, dans l’étude AVAIL (20), le taux d’hémor-
ragies pulmonaires de grade supérieur à 3 était de 0,6 % dans
le groupe placebo, de 1,5 % dans le groupe traité par 7,5 mg/kg
de bévacizumab, et de 0,9 % dans celui traité par 15 mg/kg de
bévacizumab. Les principaux facteurs de risque d’hémorragie
pulmonaire dans ces deux études sont, d’une part, la localisation
centrale de la tumeur et, d’autre part, la cavitation de la tumeur
sous traitement. La définition de ce qu’est une tumeur centrale
reste approximative et nécessite une interprétation plus précise.
Il est à noter, en revanche, que les anticoagulants ne semblent
pas majorer le risque d’hémorragie pulmonaire : en effet, 9 % des
patients inclus dans l’étude AVAIL étaient traités par anticoa-
gulants, et aucun d’entre eux n’a présenté d’hémoptysie sévère.
Dans une méta-analyse de cinq études randomisées évaluant
le bévacizumab (22), le risque d’accident thromboembolique
veineux ou artériel lié à l’administration du bévacizumab a été
évalué. Le risque de thrombose artérielle passe de 1,7 % dans
le groupe chimiothérapie à 3,8 % lorsque l’on associe le bévaci-
zumab à la chimiothérapie. De la même manière, le risque de
décès par accident thromboembolique artériel passe de 0,26 %
à 0,62 %. Le risque thromboembolique veineux paraît, quant à
lui, inchangé. Les principaux facteurs de risque de thrombose
artérielle dans cette étude ont été les antécédents de thrombose
artérielle (p < 0,001) et un âge de plus de 65 ans (p : 0,01). Le
bévacizumab entre donc dans notre pratique courante, avec
un bénéfice bien établi par deux études pivots. Des questions
restent cependant en suspens. Tout d’abord, le schéma théra-
peutique retenu par l’AMM est le suivant : le bévacizumab est
administré en association avec une chimiothérapie à base de
sels de platine jusqu’à 6 cycles de traitement, puis en mono-
thérapie jusqu’à progression de la maladie. L’intérêt de cette
phase d’entretien par bévacizumab seul a une justification in
vitro, mais reste à démontrer in vivo. De plus, deux schémas
de dose sont envisageables : soit 7,5 mg/kg, soit 15 mg/kg, ces
deux dosages s’ajoutant aux posologies encore différentes dans
les cas de cancers coliques ou mammaires. Dans la mesure où
un bénéfice a été observé avec la posologie de 7,5 mg/kg en
association avec un doublet à base de sels de platine, on peut
probablement retenir cette dose lorsque le cisplatine est l’un des
éléments du doublet de chimiothérapie. En revanche, lorsque
l’on utilise une chimiothérapie contenant du carboplatine, seule
la dose de 15 mg/kg a montré son intérêt. On peut d’ailleurs se
demander dans quelle mesure une dose plus forte de bévaci-
zumab n’est pas nécessaire pour compenser la moindre activité
du carboplatine par rapport au cisplatine.
Contrairement à ce que les études initiales laissaient penser, il
n’y a probablement pas de différence d’activité selon le sexe (20) ;
en revanche, il faudra attendre les résultats définitifs de l’étude
AVAIL, et notamment ceux concernant la SG, pour déterminer
l’impact du bévacizumab chez les patients âgés, qui, par défi-
nition, ont plus de comorbidités. L’extension de l’utilisation du
bévacizumab doit être étudiée pour les patients de performance
status 2, pour ceux souffrant de métastases cérébrales, qui ont
largement été exclus des études d’enregistrement, et pour les
populations porteuses de cancers épidermoïdes, en particulier
lorsque le risque d’hémorragie pulmonaire est nul, la tumeur
rechutant en extrathoracique après une exérèse complète de la
lésion pulmonaire. Enfin, dans le cas particulier des tumeurs à
risque hémorragique, on peut se poser la question de l’utilisa-
tion secondaire des antiangiogènes après une phase initiale de
chimiothérapie réduisant le volume de la tumeur et ses risques
vasculaires.