La Lettre du Rhumatologue - n° 268 - janvier 2001
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ARTHRITES RÉACTIONNELLES ET CAMPYLOBACTER
Bien que Campylobacter fasse partie des étiologies classiques
des arthrites réactionnelles, ce germe n’est que rarement incri-
miné en pratique. Pourtant, Campylobacter est la cause la plus
fréquente de diarrhée bactérienne dans les pays développées.
Ces constatations ont amené une équipe finlandaise à adres-
ser un questionnaire à 870 personnes ayant présenté une cul-
ture de selles positive pour Campylobacter au cours d’un épi-
sode diarrhéique. Six cent dix personnes ont répondu au
questionnaire, dont 120 ont déclaré avoir présenté des mani-
festations articulaires au décours de leur diarrhée. Cent treize
d’entre elles ont pu être examinées : 45 ont présenté une
arthrite réactionnelle, définie par un épisode de synovite sur-
venant dans le mois suivant l’épisode diarrhéique. Dans 50 %
des cas, il s’agissait d’une polyarthrite frappant surtout les
petites articulations distales, dans 39 % des cas d’une oli-
goarthrite et dans 11 % des cas d’une monoarthrite. Quelle
que soit la présentation de ces arthrites, elles ont le plus sou-
vent évolué sur un mode mineur, la résolution clinique surve-
nant en quelques jours à quelques semaines spontanément ou
sous l’effet d’un simple traitement anti-inflammatoire non sté-
roïdien.
Parmi les autres manifestations cliniques rattachées par les
patients à leur diarrhée figurent des sacro-iliites (14 cas), des
tendinites ou enthésites (7 cas), des arthralgies ou lombalgies
inflammatoires (36 cas). Le phénotype HLA B27 n’a été
retrouvé que chez 11 % des 36 patients ayant présenté une
arthrite réactionnelle chez lesquels ce test a pu être réalisé, ce
qui représente son incidence normale dans la population fin-
landaise. C. jejuni était responsable de la diarrhée dans 80 %
et C. coli dans 10 % des cas, une infection mixte étant retrou-
vée dans les 10 % restants. Il semble ainsi que des manifesta-
tions articulaires soient relativement fréquentes après une
infection intestinale à Campylobacter, volontiers sous la forme
d’une polyarthrite souvent frugace, modérée et rapidement
résolutive. Ces manifestations ne paraissent pas liées à
HLA B27 (Leirisalo-Repo, 642).
ARTHRITES INCLASSÉES OU ARTHRITES
RÉACTIONNELLES ? RÔLE DE CHLAMYDIA
TRACHOMATIS
Compte tenu du caractère volontiers asymptomatique des
infections génitales à C. trachomatis, Marzo-Ortega (734) a
recherché systématiquement des preuves d’un infection chla-
mydienne (PCR sur les premières urines du matin, sérologie
IgM, IgG et IgA) chez 99 patients présentant une oligoarthrite
récente (moins de 12 mois d’évolution). Une infection chla-
mydienne a été identifiée chez 15 sujets, 8 présentant une
monoarthrite, 7 une oligoarthrite. C. trachomatis semble ainsi
pouvoir être incriminé dans certaines arthrites inclassées. L’in-
térêt pratique de la mise en évidence de cette infection reste
Arthrites réactionnelles
(ou physiopathologie des spondylarthropathies)
T. Schaeverbeke
Le visage atypique des arthrites réaction-
nelles à Campylobacter.
Première visualisation par microscopie élec-
tronique des bactéries dans les cellules syno-
viales au cours d’arthrites réactionnelles.
Premiers essais d’un vaccin antichlamydien
dans un modèle animal d’arthrite réactionnelle.
Tentatives d’identification d’un peptide
arthritogène pouvant constituer le dénomina-
teur commun des bactéries impliquées dans les
arthrites réactionnelles.
B27 pourrait intervenir indépendamment de sa
fonction de molécule présentatrice d’antigène.
Points forts
cependant à démontrer : en effet, l’arthrite était toujours active
chez 13 des 15 sujets malgré un traitement associant AINS,
corticoïdes intra-articulaires et tétracycline (traitement court :
3 semaines).
Visualisation de la bactérie responsable
par microscopie électronique
La mise en évidence d’ADN ou celle d’ARN bactérien par
PCR ne sont que des arguments indirects de la présence d’un
germe dans la synoviale. L’équipe de Schumacher est parve-
nue à visualiser par microscopie électronique des bactéries
dans des vacuoles d’endocytose de phagocytes et de mono-
cytes au sein de prélèvements synoviaux chez des patients
atteints d’arthrites réactionnelles (C. trachomatis), d’arthrites
de Lyme (B. burgdorferi) et d’arthrites septiques (Salmonella,
Streptococcus, M. tuberculosis). L’identification des germes
a été possible grâce à l’emploi d’anticorps marqués à l’or
(opaque aux électrons). L’aspect des vésicules d’endocytose
diffère dans les arthrites septiques et réactionnelles : la mul-
tiplicité des membranes constituant l’enveloppe de la vésicule
leur donne un aspect de peau d’oignon dans les arthrites sep-
tiques, tandis que cette vésicule demeure unilamellaire dans
les arthrites réactionnelles (Nanagara, 644).
Vaccination anti-C. trachomatis
Les résultats de l’antibiothérapie dans l’arthrite réactionnelle
sont globalement décevants, et une antibiothérapie, même si
elle est efficace, ne permettra pas de prévenir les réinfections
chez des sujets à risques. Un vaccin anti-C. trachomatis a été
élaboré en utilisant un anticorps anti-idiotype reconnaissant
un antigène glycolipidique chlamydien. Ce vaccin a été testé
sur un modèle murin d’arthrite réactionnelle. Quelle que soit
la voie d’administration (orale, nasale ou sous-cutanée), ce
vaccin réduit considérablement la dissémination articulaire de
C. trachomatis après une infection vaginale (Whittum-
Hudson, 645).
RÔLE DE HLA B27 DANS LA PHYSIOPATHOLOGIE
DES SPONDYLARTHROPATHIES
Rôle physiologique de HLA B27
HLA B27 est une molécule HLA de classe I. À ce titre, elle
participe à la présentation d’antigènes provenant du cyto-
plasme des cellules présentatrices d’antigènes aux lympho-
cytes CD8+. Le mécanisme de cette présentation est complexe.
La synthèse de la chaîne lourde αde B27 s’effectue dans le
réticulum endoplasmique. La mise en forme (plicature de la
chaîne α) est assurée par une molécule chaperonne, puis B27
est couplé à une molécule de ß2m. Le couple B27-ß2m est
alors apte à recevoir l’antigène. Les antigènes intracytoplas-
miques sont tout d’abord découpés en peptides au sein d’une
structure appelée protéasome. Ces peptides sont ensuite trans-
portés à l’intérieur du réticulum par un transporteur TAP. Les
peptides reconnus spécifiquement par B27 peuvent alors être
chargés dans la poche de B27 couplé à la ß2m. Le complexe
antigène-B27-ß2m est exprimé à la surface de la cellule par
exocytose : il peut alors être présenté à un lymphocyte TCD8+
spécifique (figure 1).
La physiopathologie des spondylarthropathies repose-t-elle
sur un excès ou un défaut de présentation antigénique par
B27 ? La molécule B27 peut-elle intervenir par un autre méca-
nisme que la présentation antigénique ?
La molécule B27 est-elle impliquée dans la
présentation d’un peptide arthritogène au sys-
tème immunitaire ?
Au cours des spondylarthropathies, B27 pourrait être la molé-
cule présentatrice d’un peptide arthritogène, peptide éventuel-
lement commun aux différentes bactéries impliquées dans le
déclenchement des arthrites réactionnelles. Le génome de
C. trachomatis ayant été entièrement séquencé il y a quelques
années, Kuon et al. (646, 750) ont recherché avec des algo-
rithmes informatiques des séquences peptidiques complémen-
taires de la poche de B27. Deux cents nonamères peptidiques
ont été identifiés, puis ont été utilisés dans des tests de trans-
formation lymphocytaire. Huit de ces nonamères ont induit une
prolifération de lymphocytes CD8+ sanguins ou synoviaux de
patients B27+ ayant présenté une arthrite réactionnelle, 9 ont
fait proliférer des lymphocytes CD8 spléniques de souris trans-
géniques exprimant B27 ( 2 étant communs dans les deux tests).
C. trachomatis possède donc des séquences peptidiques recon-
nues par B27, et le couple B27-peptide étant capable d’induire
La Lettre du Rhumatologue - n° 268 - janvier 2001
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ARTHRITES RÉACTIONNELLES
Figure 1. Rôle physiologique de la molécule HLA B27.
CD8
Lympho T
cytotoxique
vésicule d'exocytose
TAP
transporteur
de peptides
Golgi
Chaperonne
molécule HLA B27
Protéasome
Protéines
intracytoplasmiques
Présentation
du complexe
HLA B27-peptide
au lymphocyte CD8
Transport du complexe
HLA B27-peptide
à la surface
de la cellule
Transport des
peptides dans le
protéasome par TAP -
Chargement sur
la molécule HLA
Plicature de HLA B27
et assemblage
avec la β2m
Synthèse
des molécules
HLA B27 et β2m
Dégradation
des protéines
dans le protéasome
β2m
Peptides
réticulum
endoplasmique
une prolifération lymphocytaire CD8+ spécifique. Il reste à
démontrer que ces peptides sont également présents chez les
autres bactéries responsables d’arthrites réactionnelles.
Cependant, d’autres arguments vont à l’encontre de l’impli-
cation de B27 en tant que molécule présentatrice d’antigène.
Il n’a pas été retrouvé d’expansion de clones lymphocytaires
T CD8+ dans le modèle de rats transgéniques pour B27 (May,
1182). Alors que la différenciation lymphocytaire T CD8 se
fait pour l’essentiel dans le thymus, la thymectomie précoce
ne modifie pas le développement de l’arthropathie chez les
rats transgéniques pour B27 (Rehman, 1973).
La présence de B27 correspond-elle au contrai-
re à un déficit de la réponse immunitaire ?
Colbert et al. (1997) ont montré que, dans certaines condi-
tions, la plicature de la chaîne lourde _ de la molécule B27 se
fait de façon anormale dans le réticulum endoplasmique. Deux
molécules de B27 peuvent alors former un dimère ; la liaison
avec la ß2m devient impossible, de même que le chargement
du peptide antigénique (figure 2). Les dimères de B27 non
fonctionnels s’accumulent dans le réticulum, ce qui induit un
rétrocontrôle négatif sur la synthèse de nouvelles chaînes
lourdes α. Cette faculté de dimérisation semble spécifique de
B27 : les auteurs ne l’ont pas retrouvée pour d’autres molé-
cules HLA. L’aptitude de B27 à former des dimères non fonc-
tionnels a-t-elle une implication dans la physiopathologie des
spondylarthropathies ?
Existe-t-il une auto-immunité anti-HLA B27 ?
L’infection par C. trachomatis pourrait induire une auto-immu-
nité vis-à-vis de la molécule HLA B27. Popov et al. (752) ont
prélevé des cellules présentatrices d’antigène chez des rats trans-
géniques exprimant B27 mais ne faisant pas spontanément d’ar-
thrite et ne développant pas naturellement d’immunité vis-à-vis
de B27. Ils ont infecté ces cellules avec C. trachomatis avant
de les réinjecter chez les rats. Ces animaux développent alors
des lymphocytes T cytotoxiques, dont certains reconnaissent
des épitopes chlamydiens et d’autres la molécule HLA B27,
aboutissant à une auto-immunité dirigée contre cette molécule.
Interactions B27-bactérie
L’équipe de Granfors a transfecté des cellules monocytaires
soit par le gène de HLA B27, soit par celui de HLA A2, puis
a comparé la capacité de ces cellules à éliminer Salmonella
après infection expérimentale des cultures cellulaires. Les
monocytes exprimant A2 parviennent à éliminer l’essentiel
des bactéries en 7 jours, tandis que le ratio bactéries/cellules
ne se modifie pas significativement pour les monocytes expri-
mant B27. Ce défaut d’élimination des bactéries est associé à
une augmentation de synthèse de TNFαet une diminution
d’IL10 par les monocytes B27+ (Liu, 1923).
Cette incapacité des monocytes B27+ à éliminer Salmonella a
été retrouvée en comparant des monocytes de sujets B27+ à des
monocytes de sujets B27-. En outre, l’expression de certains
gènes de virulence de la bactérie varie selon que les monocytes
infectés sont porteurs de la molécule B27 ou non : la présence
de B27 sur les monocytes a pour conséquence une surexpres-
sion de SpiC (Salmonella pathogenic island C), dont la fonction
est d’inhiber la fusion du phagosome avec le lysosome chargé
des enzymes de digestion, et une sous-expression de SipB (Sal-
monella invasion protein B) qui induit l’apoptose de la cellule
infectée (figure 3). Cette modulation de l’expression des gènes
de virulence de Salmonella par B27 pourrait ainsi concourir à
la persistance des bactéries dans les macrophages infectés au
cours de l’arthrite réactionnelle chez les sujets génétiquement
prédisposés, bien indépendamment de la fonction traditionnelle
de B27 dans la présentation antigénique (Vesterlund, 1185).
La Lettre du Rhumatologue - n° 268 - janvier 2001
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ARTHRITES RÉACTIONNELLES
Figure 2. Dimérisation des chaînes lourdes αde la molécule B27.
SURFACE SURFACE
Réticulum
endoplasmique
CL
S-S
β2m
Peptides
tapasine
TAP
CL
calnexine calreticuline
Cytoplasme Chaînes lourdes (CL)
nouvellement
synthétisées
Figure 3. Inhibition de la fusion du phagosome et du lysosome.
Inhibition du phagosome
Destruction
du microbe ingéré
Lysosome
Phagosome
Phagocytose
Vésicule
de transport
contenant
les enzymes
hydrolytiques
inactives
Appareil
de Golgi
Réticulum
endoplasmique
Mécanisme de la phagocytose
1. Adhérence
2. Ingestion
3. Formation
de phagosome
4. Formation
de phagolysosome
5. Destruction
de “microbes
ingérés”
6. Libération de
débris microbiens
Microbes
Lysosomes
1,2 3456
Phagosomes
Phagosomes
3a
3b
La Lettre du Rhumatologue - n° 268 - janvier 2001
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ARTHRITES RÉACTIONNELLES
SPONDYLARTHROPATHIE ET MALADIE INTESTINALE
Une iléite infraclinique serait très fréquente au cours de la
spondylarthrite ankylosante (SA).
Helgason et al. (1207) ont recherché une inflammation intes-
tinale par mesure du taux de calprotectine fécale (enzyme
sécrétée par les leucocytes) chez 85 parents au premier degré
de sujets porteurs d’une SA, et des anomalies des sacro-
iliaques par scanner spiralé chez 44 d’entre eux. Des taux
élevés de calprotectine fécale ont été détectés chez 44 (52 %)
des parents, sans corrélation avec l’existence de lombalgies,
la présence de B27, ou avec le sexe. Neuf (20 %) des parents
explorés par scanner présentaient une condensation des
sacro-iliaques.
Ainsi, une inflammation intestinale et une sacro-iliite a minima
semblent fréquentes chez les parents au premier degré de sujets
atteints de SA.
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