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Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (XII), n°2, mars-avril 2008
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des LDL. C’est la théorie actuellement
admise qui justifie l’intérêt des antioxy-
dants, et en particulier des vitamines
dites antioxydantes.
Le but de l’étude clinique de S. Devaraj
et al. est de mesurer l’effet de la vita-
mine E chez des sujets porteurs d’une
insuffisance coronarienne stable sous
traitement médical. Dans cette étude en
double aveugle contre placebo, 90 sujets
coronariens ont reçu 1200 UI de RRR
α-tocophérol (vitamine E) pendant 2 ans.
La concentration de vitamine E plasma-
tique était bien sûr plus haute chez les
sujets recevant la vitamine E. La CRP
ultrasensible était plus basse (p < 0,001)
dans le groupe vitamine E. Ces sujets
avaient également des valeurs plus basses
d’isoprostanes F2 urinaires (p < 0,001),
un marqueur du stress oxydatif, de l’anion
superoxyde monocytaire et du TNF-α
(tumor necrosis factor) [p < 0,001].
En revanche, aucune différence n’a été
observée en ce qui concerne l’épaisseur
de l’espace intima-média carotidien chez
les sujets porteurs d’une athérosclérose
carotidienne, ni en ce qui concerne la
survenue des événements cardiovascu-
laires. Ces résultats ne remettent pas en
cause la théorie oxydative de l’athéro-
sclérose, mais confirment l’absence de
bénéfice clinique des très fortes doses
de vitamine E (800 mg) déjà mise en
évidence dans des études d’intervention.
Cela ne préjuge pas de l’intérêt de faibles
doses nutritionnelles (< 20 mg/j) de vita-
mine E, en particulier chez les sujets ayant
un statut en vitamine E déficitaire, athéro-
scléreux ou non, bien que cela n’ait jamais
fait l’objet d’études d’intervention.
J.M. Lecerf
Devaraj S et al. Am J Clin Nutr 2007;86:1392-8.
Le fénofibrate
peut-il ralentir la progression
de la rétinopathie
chez les diabétiques de type 2?
L’étude FIELD avait pour objectif
d’évaluer l’effet du fénofibrate compa-
rativement à un placebo sur le risque
d’événements coronariens majeurs chez
9795 diabétiques de type 2 âgés de 50
à 75 ans ayant un cholestérol total entre
1,16 et 2,51 g/l (3,0-6,5 mmol/l) et, en
outre, soit des triglycérides entre 0,89 et
4,43 g/l (1,0 et 5 mmol/l), soit un rapport
cholestérol total/HDL-cholestérol ≥ 4.
Les patients ont reçu 200 mg/j de fénofi-
brate micronisé (n = 4895) ou un placebo
(n = 4900). Au terme des 5 années de
suivi, cette étude n’a pas montré de
réduction significative du risque d’événe-
ments coronariens majeurs (infarctus non
fatal et décès) pour la totalité du groupe
(11%), mais une réduction de 25% si l’on
isole le groupe de patients en prévention
primaire. La réduction est significative en
ce qui concerne les événements cardio-
vasculaires totaux: 11% en risque relatif
et 1,4% en risque absolu pour la totalité
du groupe, réduction de 19% du risque
relatif pour le groupe en prévention
primaire, expliquée par une réduction du
risque d’infarctus non fatals (24%) et de
revascularisation coronaire (21%).
Cet essai a également évalué, tous les 4 à
6 mois sur une durée de 5 ans, l’effet du
traitement sur la progression de la rétino-
pathie et la nécessité d’une photocoagula-
tion dans un sous-groupe de 850 patients.
Quatre cent vingt-neuf patients étaient
sous fénofibrate et 421 patients sous
placebo. Les résultats d’examen du fond
d’œil ont été analysés selon les critères de
l’ETDRS (Early Treatment Diabetic Reti-
nopathy Study). Le critère de progression
était la progression de deux stades ou plus
de la rétinopathie à 2 ans de suivi et au-
delà. La décision de photocoagulation a
été prise par un collège d’ophtalmologistes
ignorant le groupe du patient. 91,7% des
patients n’avaient pas de rétinopathie
connue alors que 8,3% en avaient une
connue à l’inclusion, et 4,1% des patients
(n = 402) ont eu un traitement par photo-
coagulation au cours de cet essai. Les
patients qui ont nécessité un traitement
par photocoagulation étaient différents
de ceux qui n’en ont pas eu. En effet, il
s’agissait plus fréquemment d’hommes,
de patients présentant un diabète plus
ancien (7 ans de plus en moyenne), une
pression artérielle plus élevée (5 mmHg
de plus en moyenne) et un risque accru
d’accident vasculaire cérébral ou de
pathologie vasculaire périphérique. Les
patients ayant eu une photocoagula-
tion avaient un contrôle glycémique et
tensionnel moins bon que ceux n’ayant
pas eu de traitement par laser. Ils avaient
également plus fréquemment une neuro-
pathie et une néphropathie associées. En
revanche, il n’existait pas de différence en
ce qui concerne la dyslipidémie entre les
deux groupes de patients.
La nécessité d’avoir recours à un traite-
ment par photocoagulation était signi-
ficativement moindre dans le groupe
fénofibrate que dans le groupe placebo
(3,4% [n = 164] versus 4,9% [n = 238],
ratio = 0,69 [0,56-0,84]; p = 0,0002, avec
une réduction du risque absolu de 1,5%
[0,7-2,3]). Chez les patients ayant une
rétinopathie prééxistante, les auteurs ont
remarqué une diminution de la progression
de la rétinopathie chez les patients sous
fénofibrate comparativement aux patients
sous placebo (3,1% [n = 3] versus 14,6%
[n = 14]; p = 0,004). Ces auteurs ont
déterminé un critère composite compre-
nant la progression de la rétinopathie de
deux stades ou plus, l’œdème maculaire
et le traitement par photocoagulation. Ils
révèlent qu’il existe une réduction de ce
critère composite dans le groupe fénofi-
brate par rapport au groupe placebo (ratio
= 0,66 [0,47-0,94]; p = 0,022).
Bien que ces résultats soient intéressants,
il est actuellement difficile de conclure de
façon formelle sur un bénéfice du fénofi-
brate dans la prévention de la rétinopathie
diabétique, car les effectifs de cette étude
sont faibles et l’état rétinien initial n’est
pas toujours clairement défini. Le mode
d’action du fénofibrate sur l’évolution de
la rétinopathie diabétique reste à éclaircir.
Le fénofibrate pourrait inhiber l’apoptose
des cellules endothéliales rétiniennes,
prévenir la migration cellulaire et réduire
les processus inflammatoires locaux. Un
rôle protecteur pourrait également passer
par une inhibition du stress oxydatif.
D’autres études sont nécessaires afin de
mieux définir les mécanismes pouvant
expliquer le bénéfice du fénofibrate sur
le plan microvasculaire et d’offrir cette
possibilité dans la stratégie thérapeutique
de la prise en charge de la rétinopathie.
A. Vambergue, CHRU de Lille.
Keech AC et al. Lancet 2007;370:1687-97.
Simo R et al. Lancet 2007;370:1667-8.
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