U Pneumocystose pulmonaire chez un patient non VIH CAS CLINIQUE

CAS CLINIQUE
Pneumocystose pulmonaire
chez un patient non VIH
Pneumocystis pneumonia in non-AIDS patient
C. Godet*, C. Beigelman-Aubry**
* Service des maladies infectieuses et tropicales, hôpital La Milétrie, CHU de Poitiers.
** Service de radiologie polyvalente diagnostique et interventionnelle, GH de la
Pitié-Salpêtrière, AP-HP, Paris.
U
n homme, âgé de 56 ans, est hospitalisé en réanimation
médicale pour détresse respiratoire hypoxémiante
fébrile dans un contexte d’aplasie médullaire postchi-
miothérapie par daunorubicine et cytarabine dans le cadre
d’une leucémie aiguë myéloblastique de type I.
Dans les antécédents, on retrouve une tachyarythmie chro-
nique traitée par flécaïnide et fluindione et un syndrome
dépressif traité par venlafaxine.
Examen
Le bilan biologique initial révèle une hyperleucocytose à
41 600 globules blancs/mm
3
dont 72 % de blastes, une
thrombopénie à 16 000 plaquettes/mm
3
et un syndrome
inflammatoire modéré (CRP à 57 mg/l).
La tomodensitométrie haute résolution (TDM-HR) montre un
verre dépoli bilatéral prédominant à gauche sans prédominance
axiale, associé à des lignes septales et des réticulations intra-
lobulaires. Un calibre normal des veines pulmonaires et l’absence
d’épanchement pleural peuvent également être notés (figures).
La fibroscopie avec lavage broncho-alvéolaire étant impossible
en raison de l’état respiratoire du patient, un diagnostic micro-
biologique de pneumocystose est effectué sur une positivité
de l’analyse de la réaction en chaîne de la polymérase (PCR)
sur crachats induits.
Discussion
Chez un patient immunodéprimé, le premier diagnostic à envi-
sager devant un tableau de détresse respiratoire aiguë fébrile
est celui d’une infection. Le signe dominant étant un verre dépoli, une
pneumocystose pulmonaire − d’autant plus que le patient ne prenait
aucune prophylaxie spécifique − ou une infection à cytomégalovirus
doivent être évoquées en première intention.
Les autres causes de verre dépoli doivent néanmoins être rappelées,
en particulier les œdèmes pulmonaires hydrostatiques ou lésionnels,
les pneumopathies d’hypersensibilité ou les hémorragies alvéolaires.
Un œdème pulmonaire doit être envisagé chez un patient présentant
des antécédents de pathologie cardiaque à type d’arythmie complète
par fibrillation auriculaire, ayant bénéficié de surcroît d’une chimio-
thérapie cardiotoxique. La taille normale des veines pulmonaires
et du cœur, et l’absence d’épanchement pleural plaident contre ce
diagnostic, confirmé par l’échographie cardiaque.
En outre, une hémorragie alvéolaire par dommage alvéolaire lié au
traitement par cytarabine ou secondaire à une coagulopathie chez ce
patient thrombopénique et sous traitement antivitamine K doit être
envisagée. Ce diagnostic n’a pu être formellement éliminé dans ce cas
en raison de l’impossibilité de réaliser le lavage broncho-alvéolaire.
Enfin, la possibilité d’une pneumopathie d’hypersensibilité, en particulier
de cause médicamenteuse, doit également être envisagée. Cependant,
l’absence de nodules centrolobulaires et d’aspect de piégeage lobulaire
plaide contre ce diagnostic.
La pneumocystose concerne essentiellement les patients atteints
du sida, de syndrome lymphoprolifératif et/ou sous corticothérapie
à forte dose.
Chez les patients non sidéens, la clinique est souvent aiguë, marquée
par une toux et une dyspnée rapidement croissante, associées à une
fièvre élevée. L’aspect typique en TDM-HR est un verre dépoli bilatéral
symétrique avec une prédominance périhilaire progressant lentement
avec un respect relatif de la région sous-corticale du parenchyme
pulmonaire et une prédominance supérieure et moyenne. Un épais-
sissement des lignes septales par œdème interstitiel ou infiltration
cellulaire peut être retrouvé, de même qu’un aspect de “crazy paving,
défini par l’association d’un verre dépoli, de lignes septales et de
réticulations intralobulaires dans le même territoire. Des nodules
pulmonaires, des épanchements pleuraux, des masses, des lésions
kystiques ou des adénopathies médiastinales sont des présenta-
230 | La Lettre du Pneumologue Vol. XIII - n° 6 - novembre-décembre 2010
Mots-clés
Pneumocystis jiroveci
- VIH négatif
Keywords
Pneumocystis jiroveci -
Non-AIDS patient
CAS CLINIQUE
Figures. Pneumocystose chez un sujet non atteint par le VIH. Coupes
axiales millimétriques successives en fenêtre parenchymateuse pulmo-
naire. Aspect de verre dépoli diffus, avec lignes septales (flèche blanche)
et réticulations intralobulaires. Noter la prédominance unilatérale du
verre dépoli inhabituelle, à gauche chez ce patient, et la relative hypo-
atténuation du lobe supérieur droit, pouvant entrer dans le cadre de
séquelles d’atteinte des petites voies aériennes.
tions plus atypiques. Des condensations alvéolaires peuvent
être retrouvées à un stade plus avancé.
Chez le patient sidéen, la pneumocystose pulmonaire reste un
mode inaugural de la maladie même si sa fréquence a fortement
diminué depuis l’instauration d’une prophylaxie systématique.
À l’inverse du patient non sidéen, cette pneumopathie peut
être insidieuse, la clinique étant réduite à une toux tenace avec
amaigrissement, et, plus tardivement, une hyperthermie modérée
et une dyspnée.
Dans 10 à 30 % des cas, il existe une forme à présentation
kystique, en particulier lors de prophylaxie par aérosols de penta-
midine. Il s’agit habituellement de pneumatocèles et plus rare-
ment d’une nécrose postinvasion du tissu par le Pneumocystis.
L’expression habituelle est celle de kystes apicaux pouvant être
responsables de pneumothorax bilatéraux.
Une pneumocystose pulmonaire peut avoir une évolution fibro-
sante, s’exprimant par des lignes septales irrégulières, des bron-
chectasies et bronchiolectasies par traction. Cette évolution
conditionne le pronostic évolutif de la maladie.
Chez ce patient, l’évolution globale s’est avérée lentement favo-
rable sous un traitement par triméthroprime et sulfaméthoxazole.
Conclusion
En cas de verre dépoli prédominant en TDM-HR, une gamme
diagnostique exhaustive doit être évoquée. Le calibre normal ou
élargi des veines pulmonaires, l’existence ou non d’une cardio-
mégalie ou d’un épanchement pleural, ou encore de signes paren-
chymateux associés tels que piégeage lobulaire sont déterminants
pour le diagnostic final, qui sera effectué grâce à l’ensemble des
données cliniques, anamnestiques, biologiques, microbiologiques
et échocardiographiques.
La Lettre du Pneumologue Vol. XIII - n° 6 - novembre-décembre 2010 | 231
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