Pneumonie à cytomégalovirus chez un patient séropositif

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CAS CLINIQUE
Mots-clés
CMV - Infection - VIH
Keywords
CMV - Infection - AIDS
Pneumonie à cytomégalovirus
chez un patient séropositif
Cytomegalovirus pneumonia in AIDS patient
C. Godet*, C. Beigelman-Aubry**
U
n homme, âgé de 56 ans, est hospitalisé en réanimation médicale pour détresse respiratoire aiguë fébrile.
Dans les antécédents, on note un tabagisme à
20 paquets-année.
Examen
Une légère thrombopénie à 138 000 plaquettes/mm3, un
syndrome inflammatoire biologique modéré (CRP à 87 mg/l),
une cytolyse hépatique modérée (ASAT, ALAT) et des lactates
déshydrogénases à 680 UI/l sont retrouvés.
L’aspect en tomodensitométrie haute résolution (TDM-HR) est
celui d’un verre dépoli diffus bilatéral relativement symétrique
sans prédominance périhilaire (figure 1), n’épargnant pas la
région pulmonaire sous-corticale (figure 2), et associé à des
condensations alvéolaires des bases (figure 3).
Le lavage broncho-alvéolaire retrouve une cellularité à prédominance lymphocytaire (35 % de lymphocytes), avec un
résultat négatif pour le Pneumocystis jirovecii.
Une positivité de l’analyse de réaction en chaîne de la polymérase
cytomégalovirus (CMV) est retrouvée dans le sang et le lavage
broncho-alvéolaire, ainsi qu’une séropositivité VIH avec un taux
de T4 à 26/mm3.
Il s’agit donc d’une pneumonie à CMV avec découverte
contemporaine d’une rétinite chez un patient séropositif.
L’évolution sera favorable après un traitement par ganciclovir
et l’introduction à J10 d’un traitement antirétroviral. En raison
du faible taux de T4 du patient, les mesures de prophylaxie
primaire nécessaires à la prévention du risque de mycobactériose et de pneumocystose ont également été instaurées
jusqu’à restauration immunitaire satisfaisante.
* Service des maladies infectieuses et tropicales, hôpital La Milétrie, CHU de Poitiers.
** Service de radiologie polyvalente diagnostique et interventionnelle, GH de la
Pitié-Salpêtrière, AP-HP, Paris.
232 | La Lettre du Pneumologue • Vol. XIII - n° 6 - novembre-décembre 2010 ▲ Figure 1. Coupe axiale en fenêtre parenchymateuse pulmonaire : verre
dépoli et condensations alvéolaires en mottes.
Discussion
Un verre dépoli diffus bilatéral sans prédominance topographique dans
un tableau de détresse respiratoire aiguë fébrile doit faire rechercher
une pneumocystose pulmonaire ou une infection virale de type CMV.
D’autres diagnostics sont également à évoquer, comme les œdèmes
pulmonaires de surcharge hydrostatique ou lésionnels. Cependant,
la composante fébrile, l’absence d’antécédent cardio-vasculaire, l’absence de prise médicamenteuse ayant pu entraîner une dysfonction
cardiaque brutale et l’absence d’autres signes de surcharge pulmonaire
tels qu’une cardiomégalie, un épanchement pleural, un épaississement
péribronchique, des lignes septales anormales, un élargissement des
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vaisseaux pulmonaires plaident contre le diagnostic. Une hémorragie
intra-alvéolaire dans le cadre d’une coagulopathie, d’une décompensation cardiaque gauche, de cause iatrogène, d’une manifestation
pulmonaire inaugurale de certaines connectivites ou vascularites,
▼ Figure 2. Reformation multiplanaire dans le plan coronal : verre dépoli
diffus hétérogène n’épargnant pas les régions sous-corticales.
de manifestations pulmonaires de certains agents infectieux
(légionellose, infection à staphylocoque, etc.) sont également
à évoquer. Ce diagnostic est facilement éliminé par l’aspect
macro­scopique du lavage broncho-alvéolaire. La présence d’un
verre dépoli diffus dans un contexte de décompensation respiratoire aiguë fébrile doit également faire penser à une pneumonie
d’hypersensibilité médicamenteuse ou environnementale. Cependant, dans le cas présenté, l’histoire du patient et l’absence de
prise médicamenteuse plaident également contre ce diagnostic.
La pneumopathie à CMV est une complication grave et fréquente
dans un contexte d’allogreffe de moelle osseuse, de transplantation rénale, hépatique, cardiaque et pulmonaire sous sérum
antilymphocytaire. Décrite initialement dans le cadre du sida,
sa réalité et sa pathogénie ont été discutées. Plus récemment,
le CMV a été reconsidéré comme une cause possible de décès
par infection opportuniste chez les patients séropositifs pour le
VIH à l’ère de l’HAART en France.
Classiquement, l’atteinte pulmonaire à CMV n’apparaît qu’à titre
de co-infection d’une pathologie préexistante, de type infection
bactérienne, pneumocystose, maladie de Kaposi chez le sidéen
ou de rejet du greffon chez les greffés de moelle osseuse. Chez
les patients séropositifs, la présence d’une hémorragie intraalvéolaire au lavage broncho-alvéolaire est un bon élément pour
le diagnostic de cytomégalovirose.
L’infection pulmonaire peut être associée à des troubles hémato­
logiques, oculaires, hépatiques ou digestifs ; elle peut également être
isolée sous la forme d’une pneumopathie diffuse se traduisant par
des plages bilatérales et plurifocales de verre dépoli et de condensations alvéolaires non systématisées, parfois de formes arrondies à
contours mal définis. Une présentation nodulaire ou micronodulaire
de type centro-lobulaire avec aspect en arbre bourgeonnant peut
être observée. Les nodules correspondent à un aspect hémorragique
en histologie ou à des foyers de pneumonie organisée. Des aspects
réticulaires et réticulo-nodulaires sont également décrits en radiographie standard. La présentation radiologique d’une pneumonie
à CMV chez un patient non sidéen est plus volontiers un aspect de
condensation alvéolaire ou de masse.
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Pour en savoir plus...
▲ Figure 3. Coupe axiale passant par les bases : condensations alvéolaires
des deux bases.
• McGuinness G, Scholes JV, Garay SM et al. Cytomegalovirus pneumonitis: sectrum of parenchymal CT findings with pathologic correlation in 21 AIDS patients.
Radiology 1994;192(2):451-9.
• Tamm M, Traenkle P, Grilli B et al. Pulmonary cytomegalovirus infection in immunocompromised patients. Chest 2001;119(3):838-43.
• Moon JH, Kim EA, Lee KS et al. Cytomegalovirus pneumonia: High-resolution
CT findings in ten non-AIDS immunocompromised patients. Korean J Radiol
2000;1(2):73-8.
La Lettre du Pneumologue • Vol. XIII - n° 6 - novembre-décembre 2010 | 233
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