La Lettre du Cancérologue • Vol. XIX - n° 1 - janvier 2010 | 9
Résumé
La signature d’expression génomique dite “intrinsèque” qui distingue plusieurs grandes catégories de cancers du sein a
montré clairement son intérêt en clinique sur le plan pronostique et même thérapeutique. On distingue : les tumeurs HER2
positives, dont le pronostic a été nettement modifié par des thérapies ciblées ; deux grands types de tumeurs exprimant
les récepteurs hormonaux (RH) : faiblement proliférantes et de bon pronostic luminal A, et proliférantes de moins bon
pronostic luminal B ; enfin, les tumeurs
basal-like
, correspondant en grande partie aux tumeurs triple négatives (RE–,
RP– et HER2–) et de pronostic péjoratif. Malgré de nombreuses études utilisant les puces d’expression, les techniques
d’immunomarquage comportant la mesure de la prolifération par le Ki67, des récepteurs hormonaux et de HER2 semblent
finalement capables de bien classer les sous-groupes de tumeurs. Il n’a pas été démontré de supériorité d’une hormono-
thérapie séquentielle sur un traitement par inhibiteur d’aromatase d’emblée : une méta-analyse ne montre pas clairement
de bénéfice en survie globale de cette classe thérapeutique. L’impact sur la survie sans récidive des diphosphonates pose
la question de leur action sur le processus métastatique ou d’un effet antitumoral direct. Enfin, la question de la valeur
pronostique des micrométastases ganglionnaires reste posée, mais avec des éléments en faveur d’une valeur péjorative.
Une nouvelle classe thérapeutique, les inhibiteurs de PARP, est apparue, particulièrement prometteuse dans les tumeurs
triple négatives ou BRCA muté. De plus, on observe une confirmation du rôle des traitements antiangiogéniques associés
à la chimiothérapie, mais sans bénéfice clair en termes de survie globale.
Mots-clés
Cancer du sein
Signature génomique
Facteurs pronostiques
Hormonothérapie
Chimiothérapie
Antiangiogénique
Trastuzumab
Inhibiteurs de PARP
Highlights
The genomic signatures allow
the subclassifications of breast
cancers and clearly demonstrate
their ability in prognosis and
prediction to therapy. Amongst the
subclasses: there is a major impact
of HER2-targeted treatment on the
prognosis of HER2-overexpressing
tumors; the luminal A and B are
tumors expressing hormonal recep-
tors, with low proliferation and a
good prognosis for luminal A and
high proliferation and a less good
prognosis for luminal B. The last
group is represented by the basal-
like tumors, mainly triple-negative
tumors (ER–, PR– and HER2–).
This last group demonstrates the
worst prognosis due to the lack of
targeted therapy. However, despite
the numerous studies using micro-
array technology, immunochemistry
with evaluation of proliferation
with Ki67 and receptors ER, PR and
HER2 allows the subclassifi cation of
breast tumors, needed for therapy.
Considering the adjuvant endocrine
treatment, there is no superiority
of the sequential approach over
an aromatase inhibitor upfront. A
meta-analysis did not demonstrate
any impact on global survival of
aromatase inhibitors. The impact
of diphosphonate on disease-free
survival raises the issue of their
activity either on the metastatic
spread or direct antitumoral effect.
The prognostic value of lymph node
micrometastases is still debated but
with more data in favour of a pejo-
rative value. A new class of thera-
peutic agents, PARP inhibitors, may
be promising, particularly in triple
negative tumors or BRCA defi cient
tumors. In three large randomized
trials, bevacizumab demonstrates a
benefi t in progression free survival
without clear benefit on overall
survival to date.
Keywords
Breast cancer
Genomic signature
Prognostic factors
Endocrine therapy
Chemotherapy
Anti-angiogenic
Trastuzumab
PARP inhibitors
Une signature portant surtout sur les gènes exprimés
par le stroma péritumoral a permis de prédire la
résistance à la chimiothérapie néoadjuvante de type
FEC dans les tumeurs n’exprimant pas les récepteurs
hormonaux incluses dans un essai de l’EORTC (7).
Cette étude montre l’importance de tout le tissu
péritumoral dans l’action des traitements.
L’équipe de l’institut Gustave-Roussy a mis au point
une signature exonique fondée sur le type d’exons
exprimés par les tumeurs malignes du sein compara-
tivement aux tumeurs bénignes sur des échantillons
de cytoponctions (8).
Le score de récidive Oncotype DX® basé sur
21 gènes mesurés par RT-PCR a été évalué chez
367 patientes ayant des tumeurs exprimant les RH
avec une atteinte ganglionnaire et incluses dans
l’essai SWOG-8814, qui comparait du tamoxifène à
du tamoxifène + chimiothérapie de type CAF. Chez
les patientes ayant le RS le plus faible, malgré l’at-
teinte ganglionnaire, il n’y avait pas de bénéfi ce
de l’addition de chimiothérapie, alors que, pour
les patientes avec le RS (score de récidive) le plus
élevé, l’apport de la chimiothérapie par rapport au
tamoxifène seul était signifi catif (9).
Il semble que ce soit dans ces formes les plus
proliférantes des tumeurs exprimant les récep-
teurs hormonaux que le bénéfi ce des taxanes en
situation adjuvante, par rapport à une chimiothé-
rapie comportant uniquement des anthracyclines,
est le plus important. Ainsi, dans l’essai BCIRG01
comparant le TAC (docétaxel-adriamycine-cyclo-
phosphamide) au FAC chez 1 350 patientes pN1,
le bénéfi ce du TAC est signifi catif dans le groupe
luminal B, c’est-à-dire RH+ et Ki67 élevé, ainsi que
pour les triple négatifs, alors que la différence n’est
pas signifi cative pour les luminaux A (10). De même,
dans l’essai français PACS01, comparant 6 FEC 100
à 3 FEC puis 3 docétaxel, la différence en faveur du
bras taxanes est surtout importante dans le groupe
ER+ et Ki67 élevé (11).
Le taux de protéine tau (protéine associée aux micro-
tubules) bas avait été décrit comme un marqueur
prédictif de réponse aux taxanes en situation néoad-
juvante. Une analyse en situation adjuvante dans
l’essai NSABP B28 montre que tau est associé à
une meilleure survie, mais non au bénéfice du
paclitaxel (12).
◆Autres
Une analyse de la valeur pronostique des emboles
vasculaires (LVI) a été réalisée sur un registre danois
de près de 16 000 patientes (13). Cette étude montre
que les emboles présents dans environ 15 % des cas
sont un facteur pronostique péjoratif sur la survie
sans récidive (SSR) et la survie globale (SG), mais
qu’ils ne représentent pas un facteur indépendant
par rapport aux autres indicateurs comme l’atteinte
ganglionnaire ou la taille tumorale.
La valeur prédictive de la topo-isomérase II dans
la réponse aux anthracyclines reste toujours aussi
controversée. Une altération de la topo-isomé-
rase II dans l’essai MA5 canadien comparant un
CEF au CMF est bien associée avec un bénéfi ce des
anthracyclines, qui n’est pas présent dans l’autre
sous-groupe (14). Cependant, cette altération de la
topo-isomérase II n’est pas un facteur pronostique,
alors que l’amplifi cation de HER2 reste signifi cative
en termes pronostiques (15), et prédicitive du béné-
fi ce de l’augmentation de la dose d’anthracyclines
dans l’essai CALGB 8541, alors que l’amplifi cation
de la topo-isomérase II α n’a pas d’incidence (16).
La valeur pronostique du taux de cellules tumo-
rales circulantes a été confirmée dans le cancer du
sein métastatique (17), mais, surtout, leur apport
a été montré dans la prédiction de la réponse à la
chimiothérapie, complémentaire de celle du PET
scan (18).
Épidémiologie et prévention
L’étude française E3N a montré une augmentation
du risque de cancer du sein avec la durée du trai-
tement hormonal substitutif (THS) de la méno-
pause, mais aussi sa précocité dès l’apparition de
la ménopause (19). L’étude WHI, qui avait montré
cette augmentation liée au THS, montre aussi que
l’incidence baisse rapidement (en 2 ans) après l’arrêt
du traitement (20), ce qui peut expliquer la baisse
observée depuis 2003 dans l’incidence des cancers
du sein après la ménopause depuis la réduction de
l’utilisation du THS dans de nombreux pays, sans
rapport avec la fréquence des mammographies.
Le risque de développer une tumeur controlatérale est
plus élevé en cas de tumeur RH négative, et la proba-