LA RUSSIE, UN ETAT ET UN ESPACE EN
RECOMPOSITION
Introduction
La Russie actuelle est née en 1991 du démantèlement de l’URSS, Etat considéré alors comme développé. Ce
nouvel Etat, engagé dans un long processus de recomposition, connaît les problèmes du re-développement. Cette
nouvelle Russie s’est engagée depuis sa création et même depuis la perestroïka (reconstruction, réformes de
Gorbatchev à partir de 85) dans la voie de la libéralisation politique et économique.
Le passage brutal à l‘économie de marc a été extrêmement difficile : des pans entiers de l’économie se sont
écroulés, les structures sociales d’ « ancien régime» ont disparu, le chômage et la misère se sont développés.
L’image ainsi véhiculée par les médias a été celle d’un pays au bord de l’abîme, remisé au rang d’un pays en voie de
développement.
Cependant, la Russie montre des signes certains de redressement depuis 1999 et bénéficie d’atouts importants que
la nature et l’héritage de l’Union soviétique lui ont offerts : espace immense doté de ressources considérables
(ressources qui sont en grande partie le moteur de la reprise économique des dernières années), population
nombreuse et hautement qualifiée, potentiel économique, militaire et diplomatique de poids.
=> problématique(s) : Quels ont été les aspects et les conséquences de la recomposition et du redressement ? La
Russie est-elle encore une grande puissance (a-t-elle retrouvé les attributs de la puissance que fut l’URSS ?) ?
I. Un Etat en pleine mutation
A) Un État immense mais réduit
Le diaporama doit vous permettre en même temps de suivre et vous situer. Cf istor bac blog.
17 M de km2 = 30 fois la France (11% des terres émergées) / 9000 km Est-Ouest (presque la moitié de la Terre,
l’essentiel du territoire en Asie). Mais elle a perdu 5 M de km2 par rapport à l’URSS de 1991, dont elle n’est qu’une
des républiques, la plus étendue et la plus peuplée (145 M d’habitants sur les 260 de l’URSS).
Les frontières ont été modifiées => problèmes de défense et de fonctionnement : le cosmodrome de Baïkonour
(photo) est à l’étranger, comme des bases navales en mer Noire (Fondé par la tsarine Catherine II dans une zone
stratégique de la mer Noire, le port ukrainien de Sébastopol (sud-ouest de la Crimée) abrite la base navale de la
marine russe.). La Tchétchénie troublée est devenue frontalière. La région de Kaliningrad est enclavée au sein de
l’UE.
Se sont retrouvées hors de la Russie actuelle d’importantes ressources naturelles : bassins charbonniers (Donbass),
champs de pétrole (Mer Caspienne), sites miniers, cultures des pays chauds (agrumes, coton par ex. : Caucase du
Sud, Asie centrale).
@ Restent les problèmes de maîtrise du territoire dont l’immensité fait de la Russie un État-continent
Pays du froid, à 90% au nord du 50e parallèle (dont 30% au-delà du cercle polaire) => climats rigoureux (continental,
polaire), hivers très longs, merzlota (pergélisol ou permafrost en anglais) (gel permanent du sol, qui dégèle
superficiellement en été), froid qui fait éclater les rails, dégel de printemps qui détruit les routes, embâcle (gel
hivernal) et débâcle (dégel estival) des fleuves sibériens.
Le Territoire est inégalement desservi de part et d’autre de l’Oural : réseau de transports en étoile à partir de
Moscou en Russie d’Europe, bien connecté à l’UE / axe de communication unique et vétuste (train), en Russie d’Asie
à l’Est de l’Oural, du Transsibérien doublé à l’extrême Est par le BAM (Baïkal-Amour-Magistral). De nombreuses
régions du nord de la Sibérie, enclavées, dépendent des liaisons aériennes.
Plus récemment inégalité de la couverture internet : 80% des russes n'ont pas accès à Internet. Médiocre
développement des réseaux. Majorité des utilisateurs = connexion au travail, utilisation professionnelle dominante.
2002: l'Etat met en place un plan de développement. 5Mds d’€.. Forte couverture à Moscou. Cependant
phénomène spatial très sélectif à Moscou même : utilisation surtout à Moscou dans le quartier des affaires.
Peu d’ouvertures sur les mers et les océans, malgré 43 000 km de côtes : les littoraux sont pris par les glaces une
grande partie de l’année (Baltique avec Saint-Petersbourg, Mer de Barents avec Mourmansk, Vladivostok au large
du Japon). Seuls les ports de la mer Noire sont libres de glace, mais on y accède par les détroits turcs du Bosphore et
des Dardanelles.
B) Une démographie sur le déclin
@ L’éclatement a mis à l’extérieur de la Russie plus de 25 M de Russes et à l’intérieur près de 20 M de ressortissants
des nouveaux États => malaise et migrations difficiles (retour des Russes des ex-républiques de l’URSS, arrivée de
non-russes chassés par des conflits locaux et trouvant refuge dans le pays => difficultés d’accueil et problème de
l’aide financière apportée à ces personnes : leur présence provoque parfois des phénomènes de rejet.
@ Avec 141M d’habitants, la Russie a perdu 8M d’habitants depuis 1992 (9e rang mondial). Comme dans les pays
développés, la natalité et la fécondité (La natalité est l'étude du nombre de naissances au sein d'une population .Il ne
faut pas la confondre avec la fécondité qui est l'étude du nombre des naissances par femme en âge de procréer) de la
Russie diminuent depuis les années 60 (indice de fécondité = 1.3 enfant par femme => pas de renouvellement des
générations), mais la Russie présente des caractères démographiques spécifiques. Le bilan naturel est négatif depuis
1992 (taux d’accroissement naturel < 0 : la Russie perd 800 000 personnes par an et l’immigration par retour des
Russes ne suffit pas à compenser) :- taux de natalité (nombre de naissance par habitants)= 10 pour mille (en baisse
constante depuis la fin des années 1980) mais en léger progrès grâce à l’amélioration de la situation économique et
à une politique de primes à la naissance - taux de mortali = 16 pour mille (en hausse constante depuis 1991), très
élevé à cause de la crise sanitaire : mortalité infantile forte et en hausse (10 pour mille), espérance de vie en baisse
(59 ans chez les hommes, 72 chez les femmes) car : baisse du niveau de vie lors du passage à l’économie de marché
(=> pauvreté), mauvais état des services de santé depuis l’ère soviétique, aggravé depuis 1991 par le retrait de l’État,
alcoolisme, forte mortalité par accidents, épidémies comme le SIDA, essor de la criminalité.
@ Le peuplement estséquilibré de part et d’autre de l’Oural. La densité moyenne est de 8,3 hab/km2 =>
territoire sous-peuplé. Mais en fait 80% de la population vit sur 25% du territoire, en Russie d’Europe (plus vieille), et
20% sur 75% du territoire, en Russie d’Asie (plus jeune). Le Nord de la Sibérie est vide (sauf quelques zones
minières), le Sud peuplé le long du Transsibérien. Il y a des migrations intérieures vers la Russie d’Europe mais
limitées par la vétusté des réseaux de transports, le manque de logements et la propiska passeport » intérieur
nécessaire pour s’installer dans les grandes villes, officiellement supprimé depuis 1993 mais toujours en vigueur en
fait) dans les grandes villes comme Moscou.
@ L’urbanisation, rapide du temps de l’URSS, est aujourd’hui stoppée, la population urbaine stagnant à 73%. Il y a
toujours exode rural, mais les grandes villes, sauf Moscou, perdent des habitants avec la crise démographique. Dix
des 15 villes > 1M d’habitants sont en Russie d’Europe et concentrent plus d’1/4 de la population urbaine. Les deux
métropoles dominantes sont Moscou (plus de 10M d’habitants, seule ville globale de Russie) et Saint-Petersbourg
(5M d’habitants).
C) L’entrée de force dans l’économie de marché
@ Depuis 1992, la Russie a choisi le système économique libéral et a privatisé la plupart des entreprises publiques
(sauf le complexe militaro-industriel et le gaz) qui assuraient la quasi-totalité de la production. Elles ont été reprises,
souvent de façon mystérieuse et violente, par des banques nouvelles menant des groupes d’affaires souvent animés
par d’anciens dirigeants d’usines d’État. La quasi-totalité de l’industrie et des mines sont privatisées, mais en
maintenant les combinats (grands ensembles industriels polyvalents, datant de l’ère soviétique : sidérurgie, chimie,
textile, etc.)). L’État possède encore des grandes entreprises, en concurrence avec des sociétés privées.
Les kolkhozes et les sovkhozes ont été transformés en sociétés privées, dont les paysans sont souvent salariés (les
paysans indépendants sont moins de 5%) : malgré des « terres noires » très fertiles (tchernoziom dans le sud de la
Russie d’Europe), la Russie n’est plus une grande puissance agricole.
@ Ces changements se sont d’abord accompagnés d’une chute de la production (baisse des commandes militaires,
vétusté et délabrement d’une partie des usines) d’1/3 entre 1991 et 98, avec une montée du chômage. En 1998,
une grave crise financière a entraîné faillites et concentrations d’entreprises. Depuis, l’économie russe en
reconstruction a retrouvé la croissance (voir II.), avec un taux de chômage < 8%. Reste que les indicateurs
internationaux ne placent pas encore la Russie dans les pays du Nord : 79e rang mondial pour le PNB/habitant
(5800 $), 67e pour l’IDH (0,802 = celui du Brésil)
@ Ces changements ont accru les inégalités sociales depuis 1990 :
Les 20% les plus riches reçoivent 52% des revenus totaux, quand les 20% les plus pauvres ne reçoivent que
4% des revenus totaux.
La Russie est le pays des nouveaux riches : n°2 mondial pour le nombre de milliardaires (R. Abramovitch,
Chelsea), un des principaux marchés des produits de luxe (7% des ventes mondiales). L’enrichissement, légal
ou non, a profité aux dirigeants d’entreprises, aux spécialistes (finance, informatique…), à de nombreux
jeunes urbains à l’esprit d’entreprise (vacances sur la Côte d’Azur), aux oligarques.
oligarques : personnalités de premier plan du monde des affaires en lien avec le pouvoir politique et qui se sont
enrichies après le démantèlement de l’URSS : financiers et industriels qui ont profité des privatisations et font
pression sur le pouvoir politique pour garder leurs privilèges. Ce sont souvent des anciens de la nomenklatura
Exemples :R Abramovich : deuxième fortune de Russie et 16ème mondiale, 19Mds de dollars, le plus jeune parmi les 25
plus grosses richesses du monde, célèbre car proprio de Chelsea et investissements dans le football européen.
16/08/2008 Le milliardaire russe Mikhail Prokhorov achète la villa la plus chère du monde à Villefranches sur Mer sur
la côte d’Azur. Un demi-milliard d’euros. 24ème homme le plus riche du monde. Réseau présumé de prostitution à
Courchevel.
La pauvreté, de masse dans les années 1990 (plus d’1/3 de la population) est tombé à 15-16% de la
population en 2007, grâce à la croissance des années 2000. La misère touche les campagnes (plus de 30%),
les républiques et périphéries non-russes de la Russie (Caucase, Sibérie), les personnes âgées (effondrement
des retraites à cause des dévaluations du rouble, recul de la protection sociale d’État), les ouvriers, les
chômeurs, les fonctionnaires, les minorités non-russes (120 minorités en Russie, à dominante musulmane,
alors que les Russes 80% de la population sont majoritairement orthodoxes : montée du nationalisme
russe face aux minorités)…
D) Des pouvoirs qui s’affrontent
@ La Russie est un État fédéral composé de 89 unités = « sujets » autonomes (un président élu, un gouverneur
nommé) et égaux en droits (traité de la Fédération, 1992, signé par tous sauf la Tchétchénie), mais contrôlés depuis
2000 par 7 gouverneurs (7 grandes régions) représentants du Président (Poutine) :
- 21 républiques
- 49 régions (oblast)
- 6 territoires (kraï)
- 2 agglomérations urbaines (Moscou et Saint-Petersbourg)
- 11 régions ou districts autonomes.
Il y a un Parlement (deux Chambres), un Président de la Fédération élu au SU direct pour 4 ans (Vladimir Poutine, ex
du KGB, en 2000-2008, puis Medvedev en 2008, avec comme Premier Ministre… Poutine). Les partis politiques sont
très instables, l’opposition divisée, intimidée (prison, assassinats, peu d’accès aux médias) et muselée. Si le début
des années 1990 avait été marqué par une démocratisation indéniable (pluralisme politique et de la presse, grandes
libertés), mais avec une forte corruption (=> fortune des oligarques) et un affaiblissement du pouvoir central, il y a
eu avec Poutine un très fort retour de l’autoritarisme politique et économique (prise de contrôle par l’État de la TV,
de grands journaux, du pétrole et du gaz, démantèlement ou rachat de groupes privés d’oligarques, souvent
emprisonnés). Les élections de mars 2012 ont été marquées par des manifestations d’opposants à Poutine
d’ampleur assez inédites qui dénoncent les trucages des scrutins et le manque de démocratie. Sans surprise, Poutine
est réélu à la présidence, par plus de 60% des suffrages lors du premier tour du 4 mars 2012.
@ Les trois groupes qui s’affrontent ou coopèrent selon leurs intérêts sont les oligarques (grands patrons de
banques et d’industries), le président et ses alliés des ministères et de l’administration (l’armée a beaucoup perdu
de son pouvoir : complexe militaro-industriel en crise), les mafias.
Poutine et Medvedev l’emportent pour l’instant. Ne pouvant exercer plus de deux mandats présidentiels de suite,
Poutine a fait élire président son « poulain » Medvedev, dont il est devenu le Premier Ministre. L’apprentissage de la
démocratie reste donc très très très lent.
II. Une puissance renaissante mais incomplète
A) Une puissance renaissante
1) L’essor économique
@ La croissance est aujourd’hui de 6 à 7 % par an, avec un PIB de 1000 MM de $ (15e rang mondial), une balance
commerciale excédentaire, une multiplication par 4 des IDE depuis 2000. Doc balance commerciale Russie
Il y a pourtant des freins à la réussite : forte dette de l’État (165MM de $), forte inflation (12% en 2005), économie
illégale très développée (corruption, trafics illicites, détournement fiscal, fuite des capitaux), retard de
l’investissement dans les infrastructures de transports, le logement, les équipements publics et l’industrie, méfiance
vis-à-vis des investissements étrangers (négociations d’entrée dans l’OMC lancées en 1993 et toujours pas
terminées).
@ L’industrie s’est concentrée sur les secteurs de base (énergie, sidérurgie, métallurgie…), l’industrie légère ayant
beaucoup souffert. Les industries de biens de consommation sont aujourd’hui les plus dynamiques, avec l’énergie
(gaz, pétrole : 30% de la richesse nationale). Les services progressent fortement (42% de la main d’œuvre en 1991,
60% en 2005).
@ reste que le modèle soviétique avait donné la priorité à l’industrie lourde sur gisements de ressources naturelles
=> régions industrielles dispersées, souvent lointaines => temps et coûts de transports élevés.
2) La Russie possède un certain nombre d’atouts
@ des ressources naturelles (doc)(les ¾ à l’Est, alors que l’essentiel de la consommation est à l’Ouest) :
énergie : 1er producteur et exportateur mondial de gaz (1/3 des réserves mondiales), 2e producteur de
pétrole (la moitié des réserves), 4e d’électricité, 5e de charbon. Ex de la mer de Barents.
minerais : 1er pour le nickel et le mercure, 2e pour les diamants et la platine, 5e pour l’or et le fer. Minerais
de l’Oural en déclin, mais énorme potentiel en Sibérie
vastes forêts (la moitié du territoire : cf toundra, taïga, foret boréale …) et sols arables (300M d’hectares) +
excellentes terres noires (tchernoziom) très riches pour les céréales.
Forêt boréale : (appelée par extension taïga). Il s’agit d’une forêt dominée par les conifères avec présence discrète de
feuillus. En Europe, constituée de feuillus (bouleaux) et ou de conifères, elle s'étend de la Baltique à l'Oural. Les
épicéas sont les conifères dominants formant une forêt dense et sombre. Au-delà de l'Oural, le mélèze remplace
l'épicéa et elle s'éclaircit en allant vers l'est jusqu'à devenir une formation très claire, sorte de steppe arborée dans les
montagnes d'Extrême-Orient. À la frontière chinoise, le long de l'Amour, la taïga redevient plus dense et plus variée.
Taïga (sensu stricto) : La taïga est une zone de transition entre la forêt boréale et la toundra arctique. Le couvert
forestier, dont la composition est semblable à la forêt boréale, est continu mais relativement ouvert.
Steppe : Formation herbacée basse plus ou moins ouverte et suffisamment continue pour dominer le paysage. Ces
formations sont déterminées par de basses précipitations mais supposent de très grandes amplitudes thermiques, ce
qui justifie leur répartition à la périphérie des déserts tropicaux et aux hautes et moyennes latitudes en domaine
continental.
Mais la Russie a tout misé sur la vente de gaz (société d’État = Gazprom) et de pétrole (entreprises privées) comme
base financière du développement. La mise en valeur du territoire est superficielle : on compte plus sur l’abondance
et sur l’ouverture de nouveaux sites (« terres vierges » à l’Est) que sur une meilleure exploitation => gaspillages
@ un héritage soviétique de :
grands travaux, souvent grâce aux détenus du Goulag. Certains grands travaux ont gaspillé des ressources
(canal Baltique-mer Blanche, voies ferrées arctiques abandonnées), d’autres peuvent être des atouts
(système fluvial de la Volga, Transsibérien et BAM).
domaines d’excellence, surtout dans la défense et les hautes technologies, la recherche scientifique, les
activités de prestige (espace, arts et spectacles, etc.).
des « cerveaux » très bien formés, mais qui ont tendance à partir à l’étranger.
3) L’insertion dans la mondialisation
@ Certains secteurs se sont ouverts, surtout à partir des années 2000, aux firmes étrangères :
la grande distribution internationale (Ikea, Auchan, Metro) dans les grandes villes : ex de Moscou.
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