VIE PROFESSIONNELLE Convention : les mesures en matière d’aide à l’installation, d’évolution des secteurs et de valorisation des actes cliniques E. Senbel* E n août 2016, une nouvelle convention entre les caisses d’assurances maladies et les médecins a été signée ; plus exactement, 3 syndicats (MG France, le BLOC et la Fédération des médecins de France) l’ont signée, alors que 2 (le Syndicat des médecins libéraux et la Confédération des syndicats médicaux français) ont refusé de le faire. Il s’agit en effet d’une convention que certains considèrent comme “clivante”, avec des impacts fort différents en termes de valorisation entre les médecins généralistes et les spécialistes, entre les médecins à honoraires différents (secteur 2) et les médecins à honoraires opposables. S’il n’est pas possible de reprendre en détail un contrat de 456 pages, nous pouvons en revanche nous concentrer sur les nouveautés, celles qui concernent tous les médecins et celles qui concernent plus spécifiquement les médecins spécialistes, en particulier les rhumatologues. Ce qui concerne tous les médecins Les “zones fragiles” *Rhumatologue, président du Syndicat national des médecins rhumatologues, Marseille. La part belle a été faite aux mesures ciblant les incitations à l’installation dans les déserts médicaux, appelées dans la convention “zones fragiles”, en proposant plusieurs types de contrats. ➤➤ Le contrat d’aide à l’installation des médecins : proposant une aide financière dès l’installation, ce contrat est réservé aux médecins de secteur 1 ou à ceux ayant adhéré aux options de pratique maîtrisée (OPTAM et OPTAM-CO succédant au contrat d’accès aux soins) installés dans une zone fragile depuis moins de 1 an (le contrat peut donc bénéficier à un médecin précé- 32 | La Lettre du Rhumatologue • N° 431 - avril 2017 demment installé en libéral dans une zone non fragile). Un engagement de maintien dans la zone fragile d’une durée de 5 ans est demandé pour éviter les effets d’aubaine. Ce contrat représente 50 000 €, versés en 2 fois. ➤➤ Le contrat de stabilisation et de coordination : il vise les médecins installés en zone fragile et impliqués dans des démarches de prise en charge coordonnée sur un territoire. Celles-ci peuvent se traduire soit par un exercice regroupé, soit par la participation à une équipe de soins primaires ou à une communauté professionnelle territoriale de santé, avec des rémunérations majorées en cas de participation à la formation des étudiants en médecine dans le cadre de stages ambulatoires (5 000 €/­an), ou de réalisation d’une partie de leur activité au sein des hôpitaux de proximité (1 250 €/an). ➤➤ Le contrat de transition pour les médecins : proposé aux médecins de plus de 60 ans accompagnant un confrère de moins de 50 ans, il consiste en une majoration de 10 % des honoraires, à concurrence de 20 000 €. ➤➤ Le contrat de solidarité territoriale médecin : l’objectif est de valoriser les médecins non installés en zone fragile mais qui s’engagent à intervenir de manière ponctuelle dans les zones identifiées par les agences régionales de santé comme “fragiles”. Le forfait structure Le forfait structure remplace la “ROSP” (rémunération sur objectifs de santé publique) organisationnelle et comprend 2 volets : ➤➤ Le premier volet (prérequis) reprend 3 des indicateurs du bloc organisation de la ROSP : taux de feuilles de soins électroniques (FSE) supérieur aux deux tiers de la totalité des actes facturés, affichage VIE PROFESSIONNELLE des horaires et utilisation d’un logiciel d’aide à la prescription certifié et compatible avec le dossier médical partagé. Il est complété par l’indicateur d’utilisation d’une messagerie sécurisée de santé et l’utilisation des versions des logiciels SESAM-Vitale les plus à jour. ➤➤ Le second volet (bonus) vise à valoriser des outils et modes d’organisation permettant de développer les démarches d’appui ou services supplémentaires aux patients : recours aux téléservices de l’assurance maladie et codages des données médicales ; accueil des étudiants en médecine ; participation à des démarches de soins coordonnées ; amélioration des services offerts aux patients (prise de rendez-vous, recours aux plates-formes territoriales d’appui à la coordination des parcours de santé complexes, etc.). À l’instar de la ROSP, ce nouveau dispositif est valorisé sous la forme d’un forfait annuel, sur la base d’un système de points dont la valeur est fixée à 7 €. Le nombre de points affecté par an est croissant. Ce forfait (volet 1 + volet 2) est valorisé à hauteur de 250 points en 2017 (soit 1 750 €), puis de 460 points en 2018 (soit 3 220 €) et jusqu’à 660 points en 2019 (soit 4 620 €) en cas d’atteinte des objectifs à 100 %. OPTAM : l’option pratique tarifaire maîtrisée L’OPTAM, qui remplace le CAS (contrat d’accès aux soins), impose toujours un engagement quant au respect d’un taux de dépassement moyen et d’un taux d’activité au tarif opposable en contrepartie de l’accès aux tarifs de remboursement applicables aux médecins de secteur 1 et de la prise en charge d’une partie des cotisations sociales. Elle fait l’objet cependant de quelques aménagements : ➤➤ le taux de dépassement sera désormais défini sur la base de la pratique tarifaire du médecin sur les 3 dernières années précédant l’entrée en vigueur de la convention de 2016 (soit 2013, 2014 et 2015) et non plus sur l’année 2012 ; ➤➤ les médecins d’une même spécialité exerçant en groupe peuvent demander la fixation de leurs engagements sur la base de la moyenne des taux constatés chez l’ensemble des médecins du groupe ; ➤➤ les médecins ayant une activité libérale mixte (activité libérale en cabinet et dans un établissement) peuvent demander la prise en compte de leur activité en établissement pour la fixation et le suivi de leurs engagements ; ➤➤ une plus grande souplesse pour sortir du dispositif est octroyée (contrat d’un an renouvelable tacitement et possibilité de sortir à tout moment) ; ➤➤ une modification des conséquences sur les engagements des hausses des tarifs de remboursement est prévue afin de partager les gains entre les patients et les médecins ; ➤➤ une participation aux cotisations sociales par une rémunération spécifique calculée par la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés sur l’activité réalisée à tarif opposable permettra une réduction des délais de versement pour les médecins ayant respecté leurs engagements ; ➤➤ une rémunération progressive sera mise en place en fonction du niveau d’atteinte des engagements, afin de permettre à davantage de médecins signataires d’en bénéficier. Congé de maternité/paternité On signale, enfin, un avenant signé le 1 er mars dernier concernant le congé de maternité, avec une aide qui s’élévera à 3 100 euros par mois pendant 3 mois pour les femmes en secteur 1 ou adhérant à l’OPTAM, mais limitée à 2 066 € par mois pendant 3 mois pour les femmes en secteur 2. Pour un congé paternité, cette aide sera de 1 116 € par mois pour le secteur 1 ou les adhérents à l’OPTAM, et de 744 € par mois pour le secteur 2. Cet avenant entrera en application dans 6 mois. Ce qui concerne les spécialistes Sur environ 1,318 milliard d’euros, 437 millions sont consacrés aux spécialistes. Il a été estimé que, pour les rhumatologues, cela représenterait en moyenne une augmentation brute de 9 900 € pour les médecins en secteur 1 et de 4 600 € pour les rhumatologues en secteur 2. Valorisation des actes cliniques courants On voit apparaître un code MCU (majoration correspondant urgence) si le malade est reçu dans les 48 heures à la demande du médecin traitant : le montant en sera de 15 € à partir du 1er janvier 2018. La MCS (majoration de coordination spécialiste) passe de 3 à 5 € au 1er juillet 2017, tandis que la MPC (majoration provisoire clinicien) reste à 2 €. Ces 3 majorations seront ouvertes aux médecins du secteur 2 pratiquant des tarifs opposables au 1er janvier 2018. L’avis ponctuel de consultant (C2) passera à 48 € le 1er octobre 2017 et à 50 € le 1er juin 2018. La Lettre du Rhumatologue • N° 431 - avril 2017 | 33 VIE PROFESSIONNELLE Consultations complexes et très complexes en rhumatologie : une reconnaissance de l’expertise du rhumatologue L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts en rapport avec cet article. Les consultations complexes, dans le cadre du parcours de soins de patients présentant une pathologie complexe ou instable, bénéficient d’une majoration de 16 € de l’acte de base dans certaines circonstances particulières, soit un total de 46 €. ➤➤ Patient atteint de polyarthrite rhumatoïde évolutive, en cas d’épisode aigu ou de complication : cette consultation, dénommée PPR (prise en charge polyarthrite rhumatoïde) et dont la cotation est réservée aux médecins de secteur 1 et OPTAM, sera facturable une fois par an ou en cas d’aggravation ou d’épisode aigu. Elle impose le respect du parcours de soins, avec réalisation d’un bilan approfondi, mise en œuvre de la prise en charge (traitement, surveillance par examens complémentaires, prise en charge médicale et paramédicale, orthèses, etc.). Le code prestation à transmettre à l’assurance maladie sur la feuille de soins (électronique ou papier) est MSF. Cette prestation ne peut pas être facturée pour un patient hospitalisé. En pratique, en l’absence d’aggravation ou de poussée, on peut la coter une fois par an (on ne cotera donc pas s’il y a eu une cotation pour poussée ou aggravation durant la même année). Sinon, dans le cadre d’une maladie “évolutive et sévère” (en affection de longue durée et en cas de DAS > 3,2), on peut la coter “autant de fois que nécessaire avec discernement” en cas de poussée avec augmentation du DAS (entre 0,6 et 1,2 selon les références), entre 2 consultations ou en cas de complication (apparition d’une érosion ou d’un pincement, d’une manifestation extra-articulaire ou d’une complication liée au traitement). ➤➤ Première consultation spécifique de prise en charge d’une scoliose grave évolutive de l’enfant ou de l’adolescent, dénommée SGE (scoliose grave de l’enfant), dont la cotation est réservée aux médecins de secteur 1 et OPTAM. Une scoliose est considérée comme grave et évolutive s’il y a une aggravation de 5° sur 2 radiographies à 4 ou 6 mois d’intervalle, ou une courbure supérieure à 30°. Le code prestation à transmettre à l’assurance maladie correspondant à la consultation complexe est MCL. ➤➤ Dans le cas d’une consultation très complexe, une majoration de 30 €, soit un total de 60 €, est appliquée à l’acte de base. Elle se situe après la consultation d’annonce du diagnostic ; il s’agit de la consultation d’annonce de la thérapeutique, qui comprend un temps d’information sur l’objectif de celle-ci, les éventuels effets indésirables et les conséquences sur la vie quotidienne. 34 | La Lettre du Rhumatologue • N° 431 - avril 2017 ➤➤ Cette consultation spécifique vise à initier la prise en charge, par un rhumatologue, un dermatologue ou un médecin spécialiste en médecine interne, d’un patient atteint d’une maladie auto­ immune avec atteinte viscérale ou articulaire ou d’une vascularite systémique. Elle sera dénommée MAV (maladie atteinte viscérale), et sa cotation sera réservée aux médecins de secteur 1 et OPTAM. Le code prestation à transmettre sur la feuille des soins à l’assurance maladie est MTX. La consultation ne peut être facturée pour un patient hospitalisé. Elle doit donner lieu à la rédaction de conclusions thérapeutiques. Sont donc concernés toutes les connectivites et vascularites, la polyarthrite rhumatoïde, le rhumatisme psoriasique et les spondyloarthrites. À noter, toutefois, que cette majoration n’est facturable qu’une fois, ce qui pose le problème de sa traçabilité. ➤➤ Consultation initiale d’information et d’organisation de la prise en charge pour le suivi d’un patient chez qui a été institué un traitement par biothérapie (anti-TNFα), dénommée MPB (majoration pour traitement par biothérapie anti-TNFα), dont la cotation sera réservée aux médecins de secteur 1 et OPTAM. Le code prestation à transmettre sur la feuille des soins (électronique ou papier) à l’assurance maladie est MTX. Dans le cadre du parcours coordonné de soins, il s’agit donc en pratique de la première consultation suivant l’instauration de la biothérapie. Elle peut être étendue à toutes les biothérapies, et n’est elle aussi cotée qu’une seule fois (elle ne l’est donc pas en cas de “switch” si la cotation a déjà été faite auparavant). On rencontre là encore un problème de traçabilité interopérateurs. Conclusion Si cette convention permet enfin une reconnaissance de la complexité particulière des actes spécifiques de spécialité, elle consacre une augmentation des tarifs de base, qui sont donc supposés ne pas être revalorisés au cours des 5 prochaines années. C’est pour cette raison qu’il nous faut continuer à proposer d’autres consultations complexes et très complexes, négocier une rémunération sur objectifs de santé publique pour les rhumatologues et tenter de faire revaloriser les actes de la Classification commune des actes médicaux, dont le tarif n’a souvent pas bougé depuis 2005 ! ■