Lésions bénignes, précancéreuses et cancéreuses de la cavité

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ONCOLOGIE
Lésions bénignes, précancéreuses
et cancéreuses de la cavité buccale
En première ligne dans le dépistage des cancers de la cavité buccale, l’omnipraticien
doit être en mesure d’identifier précisément les différents types de lésions.
Lichen plan buccal (diagnostiqué sur biopsie)
Lésion carcinomateuse
Les lésions bénignes de la cavité buccale sont soit hyperplasiques, soit d’origine épithéliale
ou conjonctive. La lésion hyperplasique la plus courante est la
diapneusie, pédiculée, recouver te d’une muqueuse saine. Elle est
provoquée par un traumatisme
mécanique et siège généralement
en regard d’un secteur édenté sur
le bord de langue ou la joue. Bo triomycome et épulis sont des lé sions cousines : il s’agit de granulomes pédiculés aux dépens
d’une papille interdentaire.
Le papillome, seule lésion d’ori24
gine épithéliale, est le plus souvent localisé sur la muqueuse
palatine, puis jugale et linguale.
D’origine conjonctive, le fibrome,
hyperplasie du tissu conjonctif,
est la plus fréquente des lésions
bénignes de la cavité buccale.
Viennent ensuite les lipomes,
myomes, angiomes, lymphangiomes et schwannomes. Le
diagnostic différentiel est très
important car les traitements ne
seront évidemment pas identi ques. Il faudra distinguer les
aphtes, les blessures traumatiques, les lésions d’origine infec-
tieuse virale, tel l’herpès, ou bactérienne : chancre syphilitique,
tuberculose ou autres. Les maladies auto-immunes comme le
pemphigus peuvent se manifester par des lésions bulleuses de la
muqueuse buccale souvent
annonciatrices de la maladie.
Ensuite viennent les lésions dysplasiques, modérées ou sévères,
ces dernières étant considérées
comme précancéreuses. Elles
sont essentiellement constituées
de leucoplasies et de lichens.La
leucoplasie est une hyperkératose de la muqueuse se traduisant par des plaques blanches
cartonnées. L’étiologie est le plus
souvent d’origine tabagique. La
cancérisation se manifeste généralement par une zone érosive
aux pourtours de la lésion
blanche avec une induration palpable qui doit conduire à une
biopsie. Le lichen plan, d’origine
encore méconnue (certains évoquent une composante autoimmune), se présente sous un
aspect réticulé, en réseau, sans
infiltration sous-jacente. Quand
il est le siège d’érosion au sein des
arborescences, son potentiel de
dégénérescence est alors impor-
tant. Ces lésions doivent donc
être surveillées périodiquement
et biopsiées à l’apparition de
zones érosives. Le traitement des
leucoplasies est la suppression
des facteurs favorisants. Pour les
lichens érosifs, des corticoïdes
locaux seront prescrits, et la biopsie sera de règle face à l’absence
de réponse au traitement.
Rappelons que la biopsie est un
examen simple dont le but est
d’obtenir un diagnostic histologique. Seul cet examen permet
un diagnostic fiable et s’avère, à
ce titre, indispensable. La biopsie peut tout à fait être réalisée au
cabinet dentaire sachant que le
praticien devra adresser le prélèvement à un laboratoire d’anatomopathologie qualifié et qu’il lui
reviendra d’en annoncer le résultat au patient. En cas de résultat
positif, il devra pouvoir adresser
son patient à un correspondant
ou à une structure spécialisée.
Le traitement des lésions béni gnes est essentiellement chirurgical. En cas de résection au laser ou par cryothérapie, il est
essentiel dans un premier temps
de faire un prélèvement pour histologie avant l’exérèse.
Ces conseils pratiques sont issus des conférences données
par Jean-Pierre Margainaud lors du voyage-congrès de la
SOP aux Antilles.
Retrouvez toutes les autres conférences dans la rubrique
« Les rendez-vous de la formation continue »,
pp. 31 à 41.
JSOP / n° 4 / avril 2011
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Les lésions cancéreuses de la
muqueuse buccale sont essentiellement des carcinomes épidermoïdes dont l’étiologie est
l’intoxication alcoolo-tabagique
dans environ 80 % des cas. La
France a le triste rang de second
pays au monde dans la fréquence
de ces cancers avec 14 000 cas en
2000. À chaque nouveau patient,
l’odontologiste, dans sa pratique
courante, doit réaliser un examen
clinique complet de toute la
cavité buccale bien au-delà des
arcades dentaires à la recherche
de lésions débutantes. La palpation endobuccale et exobuccale
est de rigueur dans la recherche
d’une éventuelle atteinte ganglionnaire. En effet, les lésions
cancéreuses sont caractérisées
par une induration et une infiltration palpable qui s’étend audelà de l’aspect visuel de la lésion.
L’examen clinique même négatif
est complété par un orthopantomogramme. Les localisations les
plus fréquentes sont la langue, les
commissures intermaxillaires, le
plancher buccal, la gencive, les
muqueuses jugales et labiales et,
enfin, la voûte palatine.
La cavité buccale peut être le
siège de cancers de nature histologique différente. Les cancers
d’origine glandulaire, tels le cylindrome ou l’adénocarcinome,
se développent souvent à partir
d’une glande salivaire accessoire
de la muqueuse palatine. De
même, sarcomes, lymphomes et
mélanomes peuvent atteindre la
cavité buccale.
La radio panoramique, à l’occasion d’un simple contrôle dentaire, peut mettre en évidence
une métastase osseuse, le plus
souvent mandibulaire, d’un cancer primitif.
Le diagnostic de lésion cancé-
Plaque de leuco-kératose
reuse est basé sur la biopsie, incontournable avant toute mise
en traitement. Pour les carcinomes épidermoïdes, la chirurgie et/ou la radiothérapie, avec
éventuellement un recours à la
chimiothérapie en début de traitement ou de façon concomitante à la radiothérapie, seront
pratiqués.
Le diagnostic précoce d’une lésion cancéreuse débutante en
améliore notablement le pronostic tout en atténuant la lourdeur
du traitement curatif correspondant. L’odontologiste a un rôle
primordial à jouer dans ce
domaine par la possibilité d’examens de dépistage systématique
à l’occasion de consultations
motivées par une pathologie
dentaire. n
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ONCOLOGIE
Radiothérapie cervico-faciale :
quelle démarche adopter ?
Les conséquences de l’irradiation du patient nécessitent une adaptation des traitements
de l’omnipraticien.
L’effet de l’irradiation sur les tissus sains entraîne une hypocellularité, une hypovascularisation
et une hypoxie rendant les tissus
vulnérables à toute agression de
façon croissante avec le temps. Au
niveau de l’os irradié, cette fragilité est la porte d’entrée d’une
complication majeure : l’ostéoradionécrose. Elle est presque toujours provoquée par un traumatisme chirurgical ou prothétique.
Les caries post-radiques apparaissent sur toutes les dents du fait
de l’hyposialie ou de l’asialie
consécutives à l’irradiation des
glandes salivaires. C’est pour cette
raison qu’il est nécessaire d’extraire toutes les dents en territoire
devant être irradié avant la mise
en traitement. La prévention fluorée par application topique à l’aide
de gel fluoré (à raison de cinq mi nutes par jour) permet de prévenir ces caries et donc de pouvoir
moduler la mise en état dentaire
en conservant toutes les dents
saines avant la radiothérapie.
Cette mise en état peut encore être
adaptée en fonction de l’état général du malade, du pronostic de la
maladie et même parfois du
contexte psychologique. Elle a
pour effet de diminuer le nombre
d’ostéoradionécroses précoces du
fait d’un moindre traumatisme
chirurgical avant l’irradiation.
Ensuite, les patients sont contrôlés tous les six mois afin d’entretenir la motivation aux applications fluorées et contrôler leur état
dentaire. Le maintien de dents
dans les champs d’irradiation pro-
voque à terme une situation nouvelle : la présence de dents à risque
en territoire irradié. En cas de
complications infectieuses, l’extraction de la dent en cause devra
être réalisée avant l’apparition de
l’ostéoradionécrose mais avec certaines précautions telles qu’une
anesthésie sans vasoconstricteur
et locorégionale si possible, la
mise en place dans l’alvéole de
colle biologique (Tissucol® ou
Beriplast®) utilisable en France
uniquement en milieu hospitalier
du fait de la législation sur les produits d’origine sanguine, la mise
en place de sutures et enfin une
couverture antibiotique jusqu’à
l’épithélialisation complète de l’alvéole. En milieu hospitalier,
l’odontologiste peut être amené à
réaliser des appareils plombés de
protection en vue d’une curiethérapie de la lèvre essentiellement
et des appareils porte-source pour
irradiation localisée de rattrapage
en cas de récidive limitée. Au cabinet dentaire, le praticien doit se
mettre en rapport avec le radiothérapeute afin de connaître précisément le volume irradié et la
dose reçue, les risques d’ostéoradionécrose débutant à la dose de
45 grays. Tout acte chirurgical mis
à part, implantologie comprise, il
n’existe pas de contre-indication
aux soins conservateurs et prothétiques. Il faut toujours éviter
les vasoconstricteurs, instaurer
une couverture antibiotique lors
d’obturation canalaire et suivre de
façon très étroite les patients après
la pose d’une prothèse adjointe
Ostéoradionécrose mandibulaire droite suite
à l’avulsion de la 47
Radio panoramique initiale
Après assainissement du secteur mandibulaire gauche
situé dans le champ de radiation
pour éviter toute blessure. Si une
chirurgie s’avère incontournable,
le patient sera réadressé en milieu
spécialisé.
Le chirurgien-dentiste devra veiller à maintenir l’équilibre buccodentaire très fragile chez ces
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patients, insistera sur l’hygiène
souvent déficiente, tout en participant à la surveillance carcinologique de ces malades chez qui le
taux de récidive est important. n
Jean-Pierre Margainaud
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