Lésions bénignes, précancéreuses et cancéreuses de la cavité

24 JSOP / n° 4 / avril 2011
CONSEI LS P R ATIQUES
ONCOLOGIE
Lésions bénignes, précancéreuses
et cancéreuses de la cavité buccale
tieuse virale, tel l’hers, ou bac-
rienne : chancre syphilitique,
tuberculose ou autres. Les mala-
dies auto-immunes comme le
pemphigus peuvent se manifes-
ter par des lésions bulleuses de la
muqueuse buccale souvent
annonciatrices de la maladie.
Ensuite viennent les lésions dys-
plasiques, modérées ou sévères,
ces dernières étant considérées
comme précancéreuses. Elles
sont essentiellement constituées
de leucoplasies et de lichens.La
leucoplasie est une hyperkéra-
tose de la muqueuse se tradui-
sant par des plaques blan ches
cartonnées. Létiologie est le plus
souvent d’origine tabagique. La
canrisation se ma nifeste -
ralement par une zone érosive
aux pourtours de la lésion
blanche avec une induration pal-
pable qui doit condui re à une
biopsie. Le lichen plan, d’origine
encore connue (cer tains évo-
quent une composante auto-
immune), se présente sous un
aspect réticulé, en réseau, sans
infiltration sous-jacente. Quand
il est le siège d’érosion au sein des
arborescences, son po tentiel de
dérescence est alors impor-
tant. Ces lésions doivent donc
être surveillées riodiquement
et biopsiées à l’apparition de
zones érosives. Le traitement des
leucoplasies est la suppression
des facteurs fa vorisants. Pour les
lichens érosifs, des corticoïdes
locaux se ront prescrits, et la biop-
sie sera de règle face à l’absence
de ponse au traitement.
Rappelons que la biopsie est un
examen simple dont le but est
dobtenir un diagnostic histolo-
gique. Seul cet examen permet
un diagnostic fiable et s’avère, à
ce titre, indispensable. La biop-
sie peut tout à fait être réalisée au
cabinet dentaire sachant que le
praticien devra adresser le prélè-
vement à un laboratoire d’anato-
mopathologie qualifié et qu’il lui
reviendra den an noncer le résul-
tat au patient. En cas de résultat
positif, il de vra pouvoir adresser
son patient à un correspondant
ou à une structure spécialie.
Le traitement des lésions béni -
gnes est essentiellement chirur-
gical. En cas de résection au la -
ser ou par cryothérapie, il est
essentiel dans un premier temps
de faire un prélèvement pour his-
tologie avant l’exérèse.
En première ligne dans le dépistage des cancers de la cavité buccale, l’omnipraticien
doit être en mesure d’identifier précisément les difrents types desions.
Les sions nignes de la cavi -
té buccale sont soit hyperpla-
siques, soit d’origine épithéliale
ou conjonctive. La sion hyper-
plasique la plus courante est la
diapneusie, pédiculée, recouver -
te dune muqueuse saine. Elle est
provoquée par un traumatisme
mécanique et siège ralement
en regard d’un secteur éden sur
le bord de langue ou la joue. Bo -
triomycome et épulis sont des lé -
sions cousines : il s’agit de gra-
nulomes pédiculés aux dépens
dune papille interdentaire.
Le papillome, seule sion d’ori-
gine épithéliale, est le plus sou-
vent localisé sur la muqueuse
palatine, puis jugale et linguale.
Dorigine conjonctive, le fibrome,
hyperplasie du tissu conjonctif,
est la plus fréquente des sions
bénignes de la cavibuccale.
Viennent ensuite les lipomes,
myomes, angiomes, lymphan-
giomes et schwannomes. Le
diagnostic différentiel est très
important car les traitements ne
seront évidemment pas identi -
ques. Il faudra distinguer les
aphtes, les blessures trauma-
tiques, les sions d’origine infec-
Lichen plan buccal (diagnostiqué sur biopsie)
Lésion carcinomateuse
Ces conseils pratiques sont issus des conférences données
par Jean-Pierre Margainaud lors du voyage-congs de la
SOP aux Antilles.
Retrouvez toutes les autres conrences dans la rubrique
« Les rendez-vous de la formation continue »,
pp. 31 à 41.
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Les sions cancéreuses de la
muqueuse buccale sont essen-
tiellement des carcinomes épi-
dermoïdes dont l’étiologie est
lintoxication alcoolo-tabagique
dans environ 80 % des cas. La
France a le triste rang de se cond
pays au monde dans la fréquence
de ces cancers avec 14 000 cas en
2000. À chaque nouveau patient,
l’odontologis te, dans sa pratique
courante, doit réaliser un examen
clini que complet de toute la
cavité buccale bien au-dedes
arca des dentaires à la recherche
de sions débutantes. La palpa-
tion endobuccale et exobucca le
est de rigueur dans la recher che
d’une éventuelle atteinte gan-
glionnaire. En effet, les sions
canreuses sont carac térisées
par une induration et une infil-
tration palpable qui s’étend au-
delà de l’aspect vi suel de la lésion.
L’examen clini que même gatif
est complé par un orthopanto-
mogramme. Les localisations les
plus fréquen tes sont la langue, les
commissures intermaxillaires, le
plancher buccal, la gencive, les
mu queuses jugales et labiales et,
enfin, la voûte palatine.
La cavité buccale peut être le
siège de cancers de nature histo-
logique différente. Les cancers
d’origine glandulaire, tels le cy -
lindrome ou l’adénocarcinome,
se développent souvent à partir
dune glande salivaire accessoi re
de la muqueuse palatine. De
même, sarcomes, lymphomes et
mélanomes peuvent atteindre la
cavi buccale.
La radio panoramique, à l’occa-
sion d’un simple contrôle den-
taire, peut mettre en évidence
une métastase osseuse, le plus
souvent mandibulaire, dun can-
cer primitif.
Le diagnostic de lésion cancé-
reuse est basé sur la biopsie, in -
contournable avant toute mise
en traitement. Pour les carci-
nomes épidermdes, la chirur-
gie et/ou la radiothérapie, avec
éventuellement un recours à la
chimiothérapie en but de trai-
tement ou de façon concomi-
tante à la radiothérapie, se ront
pratiqs.
Le diagnostic précoce d’une -
sion cancéreuse débutante en
aliore notablement le pronos-
tic tout en atnuant la lourdeur
du traitement curatif correspon-
dant. Lodontologiste a un le
primordial à jouer dans ce
domai ne par la possibilité d’exa-
mens de pistage systématique
à l’occasion de consultations
motivées par une pathologie
dentaire.
n
Jean-Pierre Margainaud
Plaque de leuco-kératose
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Après assainissement du secteur mandibulaire gauche
situé dans le champ de radiation
Radio panoramique initiale
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ONCOLOGIE
Radiothérapie cervico-faciale :
quelle démarche adopter ?
pour éviter toute blessure. Si une
chirurgie savère incontournable,
le patient sera réadressé en milieu
scialisé.
Le chirurgien-dentiste devra veil-
ler à maintenir l’équilibre bucco-
dentaire très fragile chez ces
patients, insistera sur l’hygiène
souvent ficiente, tout en parti-
cipant à la surveillance carcinolo-
gique de ces malades chez qui le
taux de récidive est important.
n
Jean-Pierre Margainaud
Les conséquences de l’irradiation du patient nécessitent une adaptation des traitements
de lomnipraticien.
Leffet de l’irradiation sur les tis-
sus sains entraîne une hypocel-
lularité, une hypovascularisation
et une hypoxie rendant les tissus
vulnérables à toute agression de
façon croissante avec le temps. Au
niveau de l’os irradié, cette fragi-
li est la porte d’entrée d’une
complication ma jeure : lostéora-
diocrose. Elle est presque tou-
jours provoqe par un trauma-
tisme chirurgical ou prottique.
Les caries post-radiques appa-
raissent sur toutes les dents du fait
de l’hyposialie ou de l’asialie
consécutives à l’irradiation des
glandes salivaires. Cest pour cette
raison qu’il est nécessaire d’ex-
traire toutes les dents en territoire
devant être irrad avant la mise
en traitement. La prévention fluo-
rée par application topique à laide
de gel fluoré raison de cinqmi -
nutes par jour) permet de préve-
nir ces caries et donc de pouvoir
moduler la mise en état dentaire
en conservant toutes les dents
saines avant la radiotrapie.
Cette mise en état peut encore être
adaptée en fonction de létat géné-
ral du malade, du pronostic de la
maladie et me parfois du
contexte psychologique. Elle a
pour effet de diminuer le nombre
dostéoradionécroses précoces du
fait d’un moindre traumatisme
chirurgical avant lirradiation.
Ensuite, les patients sont cont-
lés tous les six mois afin d’entre-
tenir la motivation aux ap plica-
tions fluorées et contrôler leur état
dentaire. Le maintien de dents
dans les champs dirradiation pro-
voque à terme une si tuation nou-
velle : la présence de dents à risque
en territoire irradié. En cas de
complications in fectieuses, lex-
traction de la dent en cause devra
être réalisée avant lapparition de
lostéoradionécro se mais avec cer-
taines pcautions telles qu’une
anesthésie sans vasoconstricteur
et lo corégionale si possible, la
mise en place dans l’alvéole de
colle biologique (Tissucol®ou
Beriplast®) utilisable en France
uniquement en milieu hospitalier
du fait de la législation sur les pro-
duits d’origine sanguine, la mise
en place de su tures et enfin une
couverture an tibiotique jus qu’à
lépithélialisation complète de lal-
ole. En milieu hospitalier,
lodontologiste peut être ame à
réaliser des appareils plombés de
protection en vue dune curiethé-
rapie de la lèvre essentiellement
et des appareils porte-source pour
irradiation localie de rattrapage
en cas de récidive limitée. Au cabi-
net dentaire, le praticien doit se
mettre en rapport avec le radio-
trapeute afin de conntre p-
ciment le volume irradié et la
dose reçue, les risques d’ostéora-
diocrose butant à la dose de
45grays. Tout acte chirurgical mis
à part, implantologie comprise, il
n’existe pas de contre-indication
aux soins conservateurs et pro-
thétiques. Il faut toujours éviter
les vasoconstricteurs, instaurer
une couverture antibiotique lors
dobtu ration canalaire et suivre de
façon très étroite les patients après
la pose d’une prothèse ad jointe
Ostéoradionécrose mandibulaire droite suite
à l’avulsion de la 47
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