Leishmaniose sporotrichoïde de la verge
Bull Soc Pathol Exot, 2005, 98, 5, 380-381 381
Commentaires
Notre observation présente une double particularité : l’aspect
sporotrichoïde avec une localisation inhabituelle au niveau
de la verge.
On assiste ces dernières années à une recrudescence de la
leishmaniose cutanée en Tunisie. Cependant cette pathologie
reste exclusivement cutanée. La localisation muqueuse est
rare ; les seuls cas rapportés de LC des muqueuses en Tunisie
sont à localisation labiale et endonasale (6). L’atteinte génitale
est exceptionnellement rapportée dans la leishmaniose cutanée
de l’Ancien monde (5).
Si la LC se caractérise par son grand polymorphisme clinique,
la forme sporotrichoïde reste rare. En effet, la LC de l’Ancien
monde est traditionnellement connue pour la fixité de ses
lésions. Cependant plusieurs études ont montré la possibi-
lité de dissémination sous forme de nodules sporotrichoï-
des, papules satellites ou indurations sous-cutanée (1, 7, 10).
Cette extension lymphatique est en rapport avec un contact
direct avec le corps de Leishman ou l’antigène leishmanien.
La localisation habituelle est le membre supérieur et inférieur.
L’atteinte génitale n’a pas été rapportée (1).
La LC sporotrichoïde devrait être différentiée des autres
infections parasitaires (sporotrichose) et bactériennes, en
particulier le Mycobacterium marinum (9).
En Tunisie, la majorité des formes cutanées pures guérissent
spontanément (14) en conférant une immunité durable. Un
traitement curatif s’avère parfois indispensable, du fait de
l’augmentation de la fréquence de la LC et du préjudice esthé-
tique inhérent aux séquelles fibreuses parfois invalidantes.
Toutefois, l’interprétation des différents essais publiés doit
tenir compte de l’espèce responsable, de la forme clinique
et de l’évolution rapidement favorable (8). Les dérivés pen-
tavalents de l’antimoine constituent le traitement de choix
de la LC ; cependant ils sont souvent inadéquats (3) et ne
sont pas démunis d’effets indésirables, parfois sévères (11).
La voie intra-lésionnelle est préférable, cependant on ne peut
pas l’indiquer dans les lésions génitales (4). D’autres alterna-
tives thérapeutiques pourraient être efficaces, telles que la
rifampicine, l’itraconazole (12) et le fluconazole. Ce dernier,
coûteux, ne peut être utilisé, étant donné les incertitudes de
son efficacité (2). Les antiseptiques et les antibiotiques locaux,
y compris les cyclines, n’ont pas été décrits comme efficaces
dans le traitement de la LC (8). L’efficacité des cyclines par
voie orale, particulièrement la doxycycline dans le traitement
de la LC, n’a pas été rapportée. Dans notre cas, l’efficacité
de la doxycycline reste discutable, puisque l’évolution de la
LC est souvent spontanément résolutive dans notre pays.
Des études contrôlées seront nécessaires pour confirmer son
efficacité.
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Photo 2
Nodules sporotrichoïdes de la verge recouverts par une peau
érythémateuse ou normale.
Sporotrichoid nodules of the penis covered by an erythematous
or normal skin.