La Lettre de l’Infectiologue • Tome XXV - n° 5 - septembre-octobre 2010 | 187
Résumé
La leishmaniose viscérale zoonotique à
Leishmania infantum
, une maladie du chien potentiellement mortelle
chez l’homme, est présente dans le sud de la France. Des humains sont porteurs sains, et les cas-patients
chez les patients adultes sont devenus majoritaires. Néanmoins, la forme du jeune enfant est toujours
observée. La triade clinique fièvre, pâleur, splénomégalie est parfois accompagnée d’une hépatomégalie.
Les signes biologiques associent une pancytopénie et un syndrome inflammatoire à une sérologie positive.
La détection du parasite, dans la moelle osseuse ou le sang, affirme le diagnostic. Les tests de biologie
moléculaire sont surtout utiles pour le suivi post-thérapeutique. Le traitement de première intention est
l’amphotéricine B liposomale, dont la dose totale cumulée doit être de 20 mg/kg.
Mots-clés
Leishmaniose
viscérale
France
Diagnostic
Traitement
Summary
Zoonotic visceral leishmaniasis
due to
Leishmania infantum
, a
parasite of dogs, is a potentially
letal disease in the south of
France. Human asymptomatic
carriers have been described.
Cases in adults are now
the majority but the typical
disease, in young children, is
still observed. The clinical triad
fever, pallor, splenomegaly is
sometimes associated to hepa-
tomegaly. The biological signs
are low blood cells counts and
an inflammatory syndrome
associated with positive sero-
logical tests. The diagnosis
relies on the detection of the
parasite in a bone marrow
or a blood sample. Molecular
biology is particularly useful
for the follow-up. The first line
treatment is liposomal ampho-
tericin B and the total cumu-
lated dose has to be 20 mg/kg.
Keywords
Visceral leishmaniasis
France
Diagnosis
Treatment
de moins de 5 ans. Depuis les années 1980, la LV
est une infection opportuniste émergente, sur la
rive nord-méditerranéenne, dans le sud-ouest de
l’Europe (Portugal, Espagne, France, Italie), où plus
de 2 000 cas de co-infections VIH-Leishmania ont
été rapportés. C’est dans ce cadre que le rôle de
réservoir potentiel de l’homme, en particulier du
fait de l’échange de seringues chez les toxicomanes,
a été établi (3, 4).
Importance de la leishmaniose viscérale
en France
Des dépistages de sujets asymptomatiques ont été
réalisés, à partir de 1989, dans différentes localités
des Alpes-Maritimes sélectionnées sur l’existence de
cas récents humains ou canins. Ces dépistages ont été
réalisés par intradermoréaction à la leishmanine dite
de Montenegro et/ou par la technique sérologique
Western-Blot. Cette dernière permet de mettre en
évidence un profil sérologique particulier chez les
individus ayant eu un contact avec les leishmanies
sans développer de maladie. Les positivités varient de
10 à 55 % selon les localités. Dans un travail complé-
mentaire effectué chez les donneurs de sang vivant
autour de la principauté de Monaco, le parasite était
présent transitoirement dans le sang d’environ 20 %
des sujets séropositifs en Western-Blot (5).
Depuis 1999, le Centre national de référence des
Leishmania, situé à Montpellier, recense les cas
de LV autochtones. La synthèse des publications
sur ce sujet (6-8) permet d’identifier 118 cas de
LV acquises en France métropolitaine en 5 ans, de
1999 à 2003, avec des variations de 18 à 30 cas
par an. Parmi ces cas, 40 % concernent des sujets
co-infectés par le VIH et 22 % (26 cas) des enfants
de moins de 6 ans. Au cours de cette période, 30 %
des cas de LV recensés au plan national, tous âges
confondus, sont originaires des Alpes-Maritimes, ce
qui confirme que ce département constitue une des
principales régions françaises de contamination. La
LV demeure sporadique dans les Alpes-Maritimes ;
sa fréquence est actuellement de 6 cas par an dont
2 sont pédiatriques. Concernant ces cas pédiatriques,
en comparant les décennies 1975-1984, 1985-1994
et 1995-2004, on observe une progression régulière,
avec presque un doublement entre chacune d’elles :
10, 16 et 26 cas respectivement. La moyenne d’âge
au moment du diagnostic est de 3 ans et 4 mois,
avec des extrêmes de 4 mois à 15 ans ; 77 % des
enfants sont âgés de 4 ans ou moins. Le sex-ratio
est de 2 garçons pour 3 filles. La proportion des cas
pédiatriques (un tiers des cas) semble plus impor-
tante que dans l’ensemble du pays, où elle représente
seulement un cinquième des cas pour la période
1999-2003. Par ailleurs, l’incidence annuelle a été
évaluée récemment à 2,74 cas/100 000 enfants de
moins de 15 ans, contre 0,6 cas/100 000 dans le
département voisin des Bouches-du-Rhône. La carac-
térisation isoenzymatique des 32 souches isolées de
LV de l’enfant ne révèle aucune différence avec les
souches isolées de 25 cas canins autochtones ou
avec celles provenant des cas pédiatriques français.
Il s’agit toujours de L. infantum zymodème MON-1
(9, 10).
Formes cliniques de l’infection
à L. infantum : principalement
viscérales
Plusieurs facteurs de risque liés à l’hôte ou au para-
site favoriseraient le développement de la maladie en
intervenant de façon isolée ou concomitante chez un
homme contaminé après piqûre de phlébotome : une
prédisposition génétique, une immuno dépression
acquise ou iatrogène, la malnutrition, la quantité
de parasites inoculée, la virulence de la souche, le
rôle de la salive du phlébotome, etc.
L. infantum est aussi responsable de leishmanioses
cutanées, mais ces formes sont rarement diagnos-
tiquées, peut-être parce qu’elles passent inaperçues
lorsqu’elles siègent sur certaines parties du corps
(à l’exception du visage) et qu’elles guérissent très
souvent spontanément (11). Des formes muqueuses
ont aussi été décrites chez l’immunodéprimé. Les
formes viscérales patentes, mortelles si elles ne sont
pas traitées, ne représentent en fait que la partie
émergée de l’iceberg. Les sujets contacts, voire
porteurs asymptomatiques de leishmanies, sont
nombreux, et la maladie peut survenir dès la primo-
infection ou à la suite d’une réactivation, plusieurs
années après la contamination (12, 13).