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L’énucléation reste le choix thérapeutique
obligatoire lorsque la tumeur est trop large
pour être traitée par radiothérapie, résec-
tion tumorale, thermothérapie transpupil-
laire, ou photocoagulation au laser. La
présence d’un décollement rétinien total,
d’un glaucome néovasculaire, d’une infil-
tration de la tête du nerf optique, ou d’une
extension extrasclérale orbitaire constitue
également l’indication d’une énucléation.
Lorsque la composante extra-oculaire est
trop importante pour envisager une énu-
cléation du globe oculaire, une chirurgie
d’exentération avec épargne palpébrale
devra être considérée. L’utilisation dans
notre technique chirurgicaled’implant en
matériel poreux comme l’hydroxyapatite
(FCI®,BioEye®)ou le polyéthylène poreux
(Medpor®)aconsidérablement amélioré le
problème cosmétique de la cavité orbitaire
anophtalme et la motilité de la prothèse.
Malgré ces traitements locaux, certains
patients vont présenter une récidive sys-
témique. Celle-ci survient principalement
au niveau hépatique et dans les 3 premières
années. Certains facteurs prédisposant ont
été identifiés tels que la taille de la tumeur,
l’extension au corps ciliaire, l’invasion
sclérale ou extrasclérale, la présence de
cellules épithéloïdes, l’expression de c-myc
ou la monosomie 3. La survie médiane des
patients métastatiques varie de 2 à 6 mois.
Seuls les patients avec une récidive
uniquement extra-hépatique ont une survie
plus longue (19mois). L’élévation sérique
des LDH et des phosphatases alcalines sont
des facteurs de mauvais pronostic.
Différentes approches thérapeutiques
systémiques ont été proposées: chimio-
thérapie, radiothérapie, immunothérapie.
Toutes sont équivalentes en terme d’in-
efficacité: taux de réponse de 10% et un
gain de 1 à 2 mois de survie. Des traite-
ments loco-régionaux ont été développés et
sont basés sur la prédilection du mélanome
oculaire à récidiver au niveau hépatique.
La survie des patients présentant une
récidiveuniquement hépatique peut être
augmentée si une chirurgie hépatique
l’irradiation quelque soit la configuration de
la surface basale tumorale et son épaisseur.
De plus, la plaque de support (applicateur)
pour une irradiation par grains d’iode 125
peut être créée de façon à pouvoir s’appli-
quer anatomiquement le mieux à la tumeur
àirradier (par exemple avec encoche pour
le traitement des tumeurs juxta-papillaires)
(Figure 3A).La plaque est fixée en position
épisclérale pour une durée de 3 à 6 jours
pour délivrer une dose approximative de
90 Gy à l’apex tumoral (Figure 3B).Le
placement et le retrait de la plaque peuvent
se faire sous anesthésie locale rétro-
bulbaire. Dans notre expérience, le contrôle
tumoral (supérieur à 96%) après radio-
thérapie par plaque dépend principalement
de la tailleinitialedu mélanome ainsi que
de sa localisation. Les risques de morbidité
visuelle importante sont liés principale-
ment au développement d’une rétinopathie
radique dont l’incidenceestde 42% à 5 ans
[Kaplan-Meier].
Les complications radiothérapiques au
niveau du segment antérieur (sécheresse
oculaire, cataracte, glaucome néovascu-
laire) après irradiation par plaque d’iode
125 sont moins élevées qu’après radiothé-
rapie externe par particules accélérées.
Une approche combinée radiothérapie et
photocoagulation au laser ou thermo-
thérapie transpupillaire est utilisée depuis
peu pour accélérer la fonte tumorale et
diminuer les risques de récidivetumorale
intraoculaire. Quelque soit la forme de
radiothérapie utilisée une moyenne de 5 à
10% des patients traités subiront une
énucléation secondairesuite aux com-
plications radiothérapiques (décollement
exsudatif total, hémorragie vitréenne,
glaucome néovasculaire) ou au développe-
ment d’une récidive tumorale.
Enrègle générale, la résection tumorale
est réservée aux tumeurs localisées
antérieurement au niveau du corps ciliaire
et de la choroïde pour lesquelles les risques
d’intégrité du globe et de morbidité visuelle
seraient plus élevés si une radiothérapie
était envisagée.
Approches Thérapeutiques Actuelles
du Mélanome de l’Uvée
5
Figure 3A
Plaque avec grains iode 125 radioactifs
collés sur le support en or de 12mm de
diamètre (A), avec encoche de façon à être
appliquée contre le nerf optique et suturée
àla surface oculaire durant la chirurgie
d’application (B).
Figure 3B