L Traitements antirhumatismaux chez des patients porteurs du virus de l’hépatite C

24 | La Lettre du Rhumatologue No 364 - septembre 2010
MISE AU POINT
Traitements antirhumatismaux
chez des patients porteurs
du virus de l’hépatite C
ou de l’patite B
Rheumatic treatment in patients with hepatitis B
or hepatitis C
S. Faure*, G.P. Pageaux*
* Pôle digestif, hôpital Saint-Éloi, CHU
de Montpellier.
L
es traitements antirhumatismaux sont lar-
gement utilisés lors de la prise en charge des
arthropathies inflammatoires, notamment dans
la polyarthrite rhumatoïde, et certains d’entre eux,
du fait de leur potentiel immunosuppresseur, pour-
raient modifier l’évolution des hépatites chroniques
liées aux virus B et C (VHB et VHC). Nous propo-
sons ici une synthèse des données de la littérature
concernant cette thématique, axée sur les 3 classes
thérapeutiques les plus utilisées : corticostéroïdes,
méthotrexate, anti-TNFα.
Données récentes
sur l’épidémiologie
des hépatites virales B et C
Ces données sont issues du rapport de l’Institut de
veille sanitaire publié en 2006.
En 2004, dans la population de France métropoli-
taine âgée de 18 à 80 ans, la prévalence des anti-
corps anti-VHC (sujets ayant été en contact avec le
virus) est estimée à 0,84 %. La prévalence de l’infec-
tion chronique (ARN du VHC positif) est estimée à
0,53 %. En France, on estime à 250 000 le nombre
de porteurs chroniques du VHC. Les facteurs associés
de manière indépendante à la présence des anticorps
anti-VHC sont l’usage de drogues par voie injectable
ou nasale, les transfusions sanguines réalisées avant
1992, les tatouages, le fait d’être né dans un pays
où la prévalence de l’infection à VHC est d’au moins
2,5 %, le statut de bénéficiaire de la CMU, un âge
supérieur à 29 ans. Le taux de chronicité après infec-
tion aiguë par le VHC est estimé à 70 %. Il est établi
qu’environ 20 % des patients atteints d’hépatite
chronique C développeront une cirrhose dans un
délai moyen de 20 ans. L’association de l’interféron
pégylé à la ribavirine permet d’obtenir une réponse
virologique soutenue chez 80 % des patients naïfs
de génotype 2 ou 3 et chez 45 % des patients naïfs
de génotype 1.
La prévalence du portage de l’antigène (Ag) HBs
est estimée à 0,65 %. La prévalence des anticorps
anti-HBc (porteurs chroniques et porteurs occultes)
est estimée à 7,3 %. Les facteurs associés de manière
indépendante à la présence des anticorps anti-HBc
sont l’usage de drogues par voie injectable, l’homo-
sexualité, un niveau d’études inférieur au bac, des
séjours prolongés en institution sanitaire, sociale ou
psychiatrique, le fait d’être dans un pays la pré-
valence de l’infection à VHB est d’au moins 2 %, le
statut de bénéficiaire de la CMU, un lieu de résidence
dans le quart nord-est ou sud-est de la France ou en
Île-de-France, le sexe masculin, un âge supérieur à
29 ans. Le taux de chronicité après infection aiguë par
le VHB est estimé à 10 %. En cas d’hépatite chronique,
le taux de progression annuel vers la cirrhose est de 2 à
10 %. Il est de 2 % pour le carcinome hépatocellulaire.
Les analogues nucléosidiques (lamivudine, entécavir)
et nucléotidiques (adéfovir, ténofovir) ont considéra-
blement amélioré la prise en charge thérapeutique de
l’ hépatite chronique B. Bien que la vaccination soit le
traitement préventif de choix, le taux de couverture
global tous âges confondus était de 22 % en 2002.
La Lettre du Rhumatologue No 364 - septembre 2010 | 25
Points forts
»
L’histoire naturelle de l’hépatite chroniqueC peut être affectée par les situations d’immunodépression,
mais il n’est pas démontré que la prescription temporaire d’un médicament influençant l’immunité aggrave
l’atteinte hépatique ou modifie la charge virale du virus. Seuls les bolus de corticostéroïdes sont un facteur
de risque avéré d’accélération de la fibrose. En cas de traitement par anti-TNF, sur la base de résultats
préliminaires et limités, il ne semble pas y avoir d’aggravation de l’hépatiteC, mais une surveillance stricte
reste nécessaire. Une réactivation virale pourrait en revanche survenir sous rituximab.
»
La recherche de marqueurs de l’infection chronique viraleB (antigène HBs et anticorps anti-HBc,
et, en cas de positivité de l’un d’entre eux, ADN du virus de l’hépatiteB) doit être effectuée avant toute
prescription de traitement immunosuppresseur, en raison du risque élevé de réactivation virale.
Mots-clés
Traitements
immunosuppresseurs
Pathologie
rhumatismale
Hépatite virale B
Hépatite virale C
Réactivation virale
Il n’existe pas de données épidémiologiques spéci-
fiques concernant les patients porteurs d’affections
rhumatologiques.
Traitements antirhumatismaux
et hépatite virale C
L’histoire naturelle de l’hépatite chronique C peut
être affectée par les situations d’immunodépres-
sion. Ainsi, la vitesse de progression de la fibrose
hépatique est accélérée chez les patients co-infectés
par le virus VIH et après transplantation d’organe. À
l’inverse, il n’est pas démontré que la prescription
temporaire d’undicament influençant l’immunité
aggrave l’atteinte hépatique ou modifie la charge
virale du VHC.
Corticostéroïdes
Paradoxalement, il existe peu d’informations dispo-
nibles sur les corticostéroïdes. À doses modérées
(≤ 1 mg/ kg/ j), leur utilisation en cures courtes est
sans risque. Dans les autres modes d’utilisation,
les données issues de la transplantation hépatique
pour cirrhose virale C nous apportent quelques
informations : les bolus de corticostéroïdes (500
ou 1 000 mg) sont un facteur de risque, car ils accé-
lèrent la fibrose.
Les conséquences de leur utilisation sur le long
terme, quant à elles, ne sont pas claires.
Méthotrexate
encore, peu de données sont disponibles dans la
littérature. En raison du potentiel fibrosant de ce
médicament (1), le méthotrexate doit être utilisé
avec précaution chez les patients VHC atteints d’une
fibrose significative, c’est-à-dire de stade F2 et plus
de la classification Métavir. Ainsi, une évaluation de
la fibrose par biopsie hépatique ou tests non invasifs
(fibrotest, fibromètre, FibroScan®) est requise avant
la prescription de méthotrexate chez des patients
atteints d’hépatite C. Aucune modification virolo-
gique chez ces patients n’a été décrite.
Anti-TNFα
Sur la base des résultats préliminaires et limités publiés
dans la littérature, il ne semble pas y avoir d’aggra-
vation de l’hépatite C chez les patients VHC+ traités
par anti-TNFα (2, 3). Cependant, nous manquons
d’infor mations sur l’évolution des transaminases et de
la charge virale quantitative C pendant et après le trai-
tement par anti-TNFα pour conclure quant à l’innocui
de ces médicaments dans cette situation (4). En outre,
il faut encourager la réalisation de test non invasifs de
fibrose avant et après le traitement pour réellement
mesurer l’ impact de ces dicaments immunosuppres-
seurs sur l’histoire naturelle de l’hépatite C.
Rituximab
Les informations concernant le rituximab sont plus
ambiguës. D’une part, en raison de son pouvoir de
déplétion sur les lymphocytes B, il a été utilisé avec
succès en association avec l’interféron pégylé et la
ribavirine dans le cadre des cryoglobulinémies mixtes
associées à l’hépatite C (5). D’autre part, des cas de
“réactivation” virale C, sans que cette notion soit
clairement définie, ont été décrits lors de son utili-
sation chez des patients atteints de lymphome (6).
À notre connaissance, de telles situations nont pas
été décrites dans les pathologies rhumatismales.
Traitements antirhumatismaux
et hépatite virale B
L’histoire naturelle de l’hépatite chronique B com-
porte 4 phases en fonction du niveau de la charge
virale : tolérance immunitaire, clairance immuni-
taire, portage inactif et négativation de l’Ag HBs, qui
n’est pas synonyme de guérison. À l’occasion d’une
immunosuppression, une réactivation virale peut
conduire un patient en situation de portage inactif
avec charge virale faible ou indétectable à une phase
active de clairance immunitaire avec charge virale
élevée (7). La réactivation virale peut entraîner, par
hépatotoxicité directe, une production massive d’Ag
HBs responsable d’hépatites aiguës sévères pouvant
aggraver une hépatopathie sous-jacente. À l’inverse,
Keywords
Immunosuppressive
treatment
Rheumatic disease
Hepatitis B
Hepatitis C
Viral reactivation
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MISE AU POINT
l’arrêt d’une immunosuppression induit une restauration immu-
nitaire qui, au même titre que la réactivation virale au cours de
l’immuno suppression, peut être à l’origine d’hépatites fulmi-
nantes (8). Ces 2 événements en miroir ont ainsi les mêmes
conséquences et peuvent être observés pendant ou à la fin de
l’administration de traitements antirhumatismaux immuno-
suppresseurs, tels que les corticostéroïdes, le méthotrexate, les
anticorps anti-TNFα ou le rituximab. La recherche de marqueurs
d’infection chronique virale B (Ag HBs, anticorps [Ac] anti-HBc,
et, en cas de positivité de l’un d’entre eux, ADN du VHB) doit
être un préalable à toute prescription de ces traitements (9).
Les malades Ag HBs gatif avec Ac anti-HBc positifs et ADN VHB
indétectable qui roivent un traitement immunosuppresseur doivent
être suivis de ps avec dosage de lALAT et de l’ADN VHB et traités
par un analogue nucléosidique/ nucléotidique dès la confirmation
de la activation du VHB, avant lélévation des ALAT (10).
Les malades Ag HBs positif candidats à un traitement immuno-
suppresseur doivent avoir un dosage de l’ADN du VHB et recevoir
un traitement préventif par analogue nucléosidique/ nucléotidique
durant la thérapie et 12 mois après la fin de celle-ci (11).
En cas de positivité de l’un des marqueurs d’infection chronique
virale B (Ag HBs, Ac anti-HBc, ADN du VHB), une consultation
avec un hépatologue est nécessaire afin de discuter de l’indication
du traitement, de sa durée et du choix de l’analogue nucléosidique
ou nucléotidique.
Conclusion
Il existe des différences importantes entre les porteurs du VHC
et du VHB atteints de pathologies rhumatismales nécessitant un
traitement immunosuppresseur. Une collaboration étroite entre
rhumatologues et hépatologues est fortement conseillée.
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Références bibliographiques
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