Progrès en Urologie (1995), 5,1009-1011
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Métastases péniennes à propos d’un cas. Revue de la littérature
Xavier CUVILLIER, Alain DONNAINT, Jean-Marc RIGOT, Etienne MAZEMAN
Clinique Urologique, CHRU de Lille
RESUME
Les métastases péniennes sont rares. Elles survien-
nent dans un délai moyen de 2 ans et accompagnent
très souvent une dissémination métastatique. L e
traitement est plus souvent palliatif que curatif et
permet une survie de 2 ans. Les auteurs rapportent
un cas de métastase pénienne, secondaire à un can-
cer rectal, découvert 29 mois après le traitement du
site primitif. La survie avec un traitement par chi-
miothérapie a été de 15 mois.
Mots clés : Pénis, métastase.
Progrès en Urologie (1995), 5,1009-1011.
Les tastases niennes sont rares. Depuis le premier
cas rapporté par H
E B E RT H
[5] en 1870 (tastase nien-
ne d’un cancer rectal), moins de 300 cas ont é publiés.
Les auteurs rapportent une nouvelle observation de
métastase pénienne d’un cancer rectal et rappellent à
son propos les différentes possibilités diagnostiques et
thérapeutiques.
CAS CLINIQUE
Mr D., âgé de 61 ans, a présenté en janvier 1990 un
cancer du bas rectum, traité par radiothérapie (35,5
Gray), puis par chirurgie (amputation abdomino-péri-
néale et colostomie terminale). Il s’agissait d’un adé-
nocarcinome lieberkuhnien bien différencié dont les
recoupes étaient saines.
En juin 1992, alors quaucune dysfonction érectile
nexistait après l’amputation abdomino-périnéale, le
patient s’est plaint dune impuissance dont l’examen
clinique a permis de mettre en évidence une indura-
tion du corps caverneux droit. Le scanner pelvien et
pénien réalisé montrait une infiltration de la quasi-
totalité du corps caverneux droit, de même qu’une
sion hypodense prostatique sans contigui entre
l’une et l’autre. La biopsie chirurgicale du corps
caverneux et la biopsie prostatique confirmaient la
nature tastatique de ces deux lésions. Métastase du
cancer rectal. Le scanner thoracique retrouvait égale-
ment des sions secondaires pulmonaires. Une chi-
miothérapie à base dinhibiteur de la thymidilate syn-
thétase puis de 5 FU a é entreprise permettant une
survie de 15 mois.
DISCUSSION
L’induration des corps caverneux, qu’elle soit due à un
ou à plusieurs nodules, est certainement le signe le plus
constant de la métastase pénienne mais pas toujours le
signe révélateur. Effectivement, Abeshouse [1] rappor-
te un taux de 38% de priapisme inaugurateur sur une
revue de 140 cas. Un autre signe fréquent est la dou-
leur. D’autres signes plus rares peuvent être retrouvés
comme la rétention aiguë durines, la dysurie,
I’hématurie ou l’ulcération [11, 12].
La maladie de Lapeyronie et le cancer primitif de la
verge forment l’essentiel du diagnostic différentiel.
L'anamnèse et la forme de la lésion font souvent évo-
quer le diagnostic mais c’est l’examen anatomopatho-
logique du produit d’aspiration à l’aiguille comme le
préconise ESCRIBANO et UKAR [6, 15] ou par biopsie
chirurgicale qui l’affirme. Le scanner et la résonance
magnétique nucléaire visualisent bien les lésions au
niveau du corps caverneux et leur extension mais c’est
la cavernosographie qui en précise le mieux les limites,
notamment avant d’envisager une exérèse chirurgicale
[6].
Lorigine du cancer primitif est variable. Il est génito-
urinaire dans 76% des cas, digestif dans 17%. Une autre
origine est trouvée dans 7% des cas, aussi variée que
pharynx, broncho-pulmonaire, os, peau ou sang, comme
le rapporte S
A G A R
dans sa revue de littératures[14]. Dans
3/4 des cas, le cancer primitif est pelvien, quil soit géni-
to-urinaire ou digestif [3] (Tableau 1).
L’apparition de la métastase pénienne survient dans un
délai de 2 ans [12] après la découverte du cancer pri-
mitif, 29 mois pour notre patient. Beaucoup plus rare-
ment, ce délai est plus long: 4 ans pour un cancer du
sigmoïde et 6 ans pour un cancer du rein, rapporté par
ADJIMAN [10] et 9 ans pour un cancer de l’oesophage
que décrit KARANJIA [10]. La découverte de la métasta-
se est rarement isolée. Elle est souvent contemporaine
d’une généralisation du cancer dont elle est la premiè-
re manifestation découverte. C’est le cas de notre
observation où le motif de consultation est une impuis-
sance dont le bilan permet de découvrir une induration
du corps caverneux droit puis des localisations secon-
daires prostatiques et pulmonaires.
Manuscrit reçu le 24 juillet 1995 , accepté : octobre 1995.
Adresse pour correspondance : Docteur X. Cuvillier, Hôpital Saint-Philibert, 115,
rue du Grand But, 59160 Lhomme.
Malgré une riche vascularisation, la verge est rarement
le site de métastases. Celles-ci se développent plutôt au
niveau des corps caverneux que du corps spongieux [3]
et le mode de propagation reste encore discuté. La pro-
pagation directe est certainement en cause quand le
cancer primitif est pelvien et que la métastase pénienne
apparaît de façon synchrone à la localisation primitive
ou dans un délai court. Néanmoins, d’autres hypothèses
existent: la propagation par voie veineuse est, pour
VALADEZ [16] et MATTHEWMAN [11], la plus fréquente.
La proximité et la communauté des plexus veineux dor-
saux de la verge et des organes du petit bassin l’expli-
quent, d’autant qu’une compression extrinsèque des
veines du petit bassin peut en inverser le flux et provo-
quer un essaimage néoplasique des corps caverneux.
Cette hypothèse est renforcée par la découverte d’em-
bol néoplasique veineux [2]. La propagation par voie
ganglionnaire, comme le montre MATTHEWMAN, est
également possible [11]. Effectivement, les drainages
lymphatiques de la verge et des organes pelviens sont
différents mais ces deux systèmes sont anastomotiques.
En cas d’occlusion d’un des deux systèmes, notamment
des relais hypogastriques par radiothérapie ou chirur-
gie, ces anastomoses deviennent perméables, et per-
mettent l’essaimage rétrograde néoplasique jusqu’aux
corps caverneux. Dans ce sens, HADDAD [6] montre que
les métastases péniennes dont le primitif est vésical sur-
viennent plus tôt lorsqu’a été réalisée une radiothérapie
plutôt qu’un autre traitement, chimiothérapie ou chirur-
gie, 26,6 mois contre 38,3 mois. Cette différence est
toutefois non significative [8].
La propagation par voie artérielle reste un mécanisme
possible mais certainement plus rare étant donné la
faible fréquence des métastases péniennes dont le pri-
mitif est éloigné.
Enfin, la propagation par voie instrumentale est un ca-
nisme possible dans les tumeurs de vessie ou de prostate.
La localisation est alors primitivement spongieuse et non
caverneuse, ce qui est beaucoup plus rare [3, 16].
Le traitement de la métastase pénienne est difficile et
décevant puisqu’il correspond au traitement de la géné-
ralisation d’un cancer. Le traitement est à la fois étio-
logique et symptomatique. Le traitement étiologique
dépend du cancer primitif et de sa sensibilité aux diffé-
rentes chimiothérapies. Il peut alors rallonger la survie
de 6 mois sans traitement à 2 ans avec traitement,
notamment dans les tumeurs de vessie comme le rap-
porte MATTHEWMAN [11] avec une chimiothérapie à
base de Cysplatine et de Methotrexate.
Les autres traitements sont symptomatiques et asso-
cient radiothérapie seule qui améliore le confort de la
survie pour GILATT [7] ou en association à la thermo-
thérapie pour BEN YOSEF et KAPP [4]. Ces derniers rap-
portent une amélioration du confort de la survie chez
trois patients sur quatre avec métastase pénienne d’un
cancer de prostate. Les infiltrations locales d’anesthé-
siques locaux donnent un bon résultat sur la douleur et
sur 30% des priapismes d’origine néoplasique [16].
L’exérèse chirurgicale, qui avait été proposée dans un
but de propreté ou dans le cadre de douleurs impor-
tantes, conserve toutefois actuellement une indication
lorsque la métastase pénienne est unique et limitée
[12]. REES rapporte dans sa revue de la littérature 2 cas
de survie à 5 et 9 ans après pénectomie pour métastase
unique d’un cancer rectal.
La chirurgie garde également des indications pallia-
tives dans les désobstructions urétrales ou les dériva-
tions urinaires.
REFERENCES
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cinoma of the penis. A report of 3 cases. Eur. Urol., 1989, 16, 308-
309.
1010
Tableau 1. Répartition des cancers primitifs.
CANCERS PRIMITIFS GENITO-URINAIRES 195
Vessie 83
Prostate 75
Rein 26
Testicule 10
Uretère 1
CANCERS PRIMITIFS DIGESTIFS 46
Colorectal 42
Estomac 1
Anus 1
Foie 1
Pancréas 1
AUTRES CANCERS PRIMITIFS 18
Broncho-pulmonaire 8
Lymphome 5
Os 2
Mélanome 2
Pharynx 1
5. ESCRIBANO G., ALLONA A., BURGOS F.J., GARCIA R., NAVIO
S., ESCUDERO A. Cavernosography in diagnosis of metastatic
tumors of the penis: 5 new cases and a review of the litterature.
J.Urol., 1987, 138, 1174-1177.
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Delayed non urothelial metastatic lesions to the penis: a report of
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9. KARANJIA N.D., KING H. Metastases to the penis from carcinoma
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10. VALADEZ R.A., WHEELER J.S., CANNING J.R., MOYLAN D.J.
Metastatic transitional cell carcinoma to penis. Urology, 1987, 29,
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11. MATTHEWMAN P.J., OLIVER R.T.D., WOODHOUSE C.R.J.,
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312.
12. ABOULKER P., BERGE D., ROUJEAU J. Trois cas de métastases
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13. HADDAD F.S. Penile metastases secondary to bladder cancer. Urol.
Int., 1984, 39, 125-142.
14. GILATT D.A., Secondary carcinomatous infiltration of the penis:
palliation with radiotherapy. Br.J. Surg., 1985, 72, 763-764.
15. BEN YOSEF R., KAPP D.S. Cancer metastatic to the penis: treat-
ment with hyperthermia and radiation therapy and review of the lit-
terature. J. Urol., 1992, 148, 67-71.
16. WILSON F., STAFF W.G., Malignant priapism: an unexpected
reponse to local anesthetic infiltration of the dorsal nerves of the
penis. Br. J. Surg., 1982, 69, 469-471.
17. REES B.I. Secondary involvement of the penis by rectal cancer. Brit.
J. Surg., 1975, 62, 77-79.
Commentaire du lecteur (P.Bondil - Chambéry)
Quoiqu’exceptionnel, la découverte d’un nodule pénien doit
faire évoquer une métastase en cas d’antécédent d’un cancer,
notamment génito-urinaire ou digestif. Cette métastase peut
prendre la forme d’un priapisme, malin (érection «priapiforme»
par envahissement massif des corps caverneux) ou veineux (par
compression du drainage veineux caverneux nécessitant alors
une anastomose cavernospongieuse si la ponction évacuation est
insuffisante).
L’originalité de ce cas est la découverte par une insuffisance
érectile. Il met en exergue, une nouvelle fois, la nécessité d’un
bon interrogatoire et de palper les corps caverneux lors de l’éta-
pe clinique d’une dysérection.
La cavernographie ne paraît pas recommandée en raison du
risque de diffusion des cellules cancéreuses. La propagation par
voie veineuse rétrograde est peu probable en raison du système
antireflux caverneux.
SUMMARY
Penile metastases. Case report and review of the literature.
Penile metastases are rare. They occur an average of 2 years
after diagnosis of the primary tumour and are frequently asso -
ciated with disseminated metastases. Treatment is more often
palliative than curative, allowing a survival of 2 years. The
authors report a case of penile metastasis secondary to a rectal
cancer, discovered 29 months after treatment of the primary site.
Survival with chemotherapy was 15 months.
Key words : Penis, metastatis.
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