Annales FLSH N° 17 Spécial JUOR (2013)
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par la décision qui consiste à se choisir absolument. Ici l’homme qui
était éparpillé dans le stade esthétique, organise son existence de
manière authentique. Il se marie même. Ce stade paraît emprunt de
gravité, car l’on tente de vivre selon des critères moraux. Vivre ce
stade, c’est mettre de la cohérence, c’est accepter ses obligations
envers soi-même et les autres. En choisissant cet absolu, on pose la
différence entre le bien et le mal.
L’éthicien sait dès lors comment se trouver soi-même en sa
faveur éternelle. C’est à ce stade que l’homme triomphe des
vicissitudes par la volonté, par des choix et accède ainsi à une liberté.
Pour Kierkegaard, c’est au stade éthique que l’on rencontre le
« héros », c’est-à- dire l’honnête homme qui remplit jusqu’au bout la
tâche qui lui a été assignée.
Bref, ce stade est caractérisé par une certaine continuité et un
principe d’unité qui interviennent et se font modèle d’existence.
L’individu s’affirme dans le sérieux. Toutefois, l’éthique du sérieux et
de l’assurance se heurte à la dimension dérisoire de la chose humaine :
elle correspond au devoir et à la bonne conscience.
1.3. Le stade religieux
Par rapport aux stades précédents, le stade religieux se veut
supérieur au plaisir de sens et à l’accomplissement du devoir. La foi
devient alors la préoccupation de l’homme religieux; il est individu
devant Dieu et l’expérience qu’il vit est une expérience authentique,
singulière, intraduisible dans les concepts généraux. Ce stade marque
la distance que Kierkegaard prend vis-à-vis de Hegel, car pour ce
premier, l’homme qui croit n’a pas besoin de preuves. C’est ici qu’il
donne une importance à la foi car, pour lui, « même la philosophie ne
peut donner la foi à l’homme et n’y est pas obligée ; mais elle doit
connaitre ses limites. Elle ne doit rien enlever à l’homme et surtout,
elle n’a pas le droit de le priver par son bavardage de ce qu’il a, en lui
faisant croire que ce n’est rien ». (L. CHESTOV, 1972, p.95).
La philosophie n’a pas besoin de ravir la foi aux hommes, de
railler la foi. L’expérience de la foi, c’est donc l’expérience de la
liberté de l’individu, de la valeur infinie de son existence singulière.
L’homme religieux se met en situation de ne plus trouver de raison ou
d’excuses à ses actes, il prend le risque de sa responsabilité, la liberté
de pécher ou d’être sauvé. Ici l’homme atteint une vérité profonde à
travers l’angoisse qui éduque l’existant.