LE TRAGIQUE EXISTENTIEL DANS LA PENSEE DE SÖREN KIERKEGAARD

Annales FLSH N° 17 Spécial JUOR (2013)
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LE TRAGIQUE EXISTENTIEL DANS LA
PENSEE DE SÖREN KIERKEGAARD
Par UKUMU ULAR Dieudonné
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ABSTRACT
Human existence is not only rose but also and always bramble
or thorn. How Man can fully live his existence that meets anguish and
despair, but also to problem of pain, in him and in the world? Which
attitudes Man must post in front of tragic that impose to him his
existence?
In fact, that thought, which leans on the existentialist
philosopher KIERKEGAARD, aims at raising up the conscience-
making at all man who would like to live as good Christian, to
understand that the tragic realities of existence as the sin, suffering,
death... have tendency to plunge us in despair, whereas they are pure
and human realities.
So, Man must reach the certitude that only God can transform
his despair to hope: it is only by the abandonment to providence that
Man can overcome that tested anguish in front of sin and death.
0. INTRODUCTION
Kierkegaard, considéré comme le père de l’existentialisme, est
le premier penseur à avoir affirmé le primat du vécu sur la réflexion
abstraite et à faire de l’existence le point d’attache de la vérité. Il
réagit ainsi contre le « je pense donc je suis » de R. Descartes, qui ne
nous apprend rien sur l’existence réelle et ne nous donne qu’un être
réduit à une pure forme. Au lieu d’ordonner l’homme selon les idées,
Kierkegaard estime préférable d’ordonner les idées par rapport à
l’homme. C’est dans ce sens qu’il faut comprendre sa formule « la
vérité est la subjectivité ». L’individu, qu’il se découvre dans le
moment de l’esthétique ou dans la durée de l’éthique ou dans l’instant
du religieux, est donc seul porteur de sa vérité.
C’est ainsi qu’il conçoit l’existence comme étant l’irréductible,
la non catégorisable, le rapport intime et non conceptuel à la
transcendance. Autrement dit, l’existence n’est pas un système car,
elle est non pensable, elle se donne comme une subjectivité ; il s’agit,
de prime abord, de trouver une vérité qui en soit une pour soi-même.
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Professeur Associé à l’Université de Kisangani
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Ce que nous pouvons déjà retenir de l’auteur, c’est que sa
pensée n’est guère compréhensible qu’en marge des événements qui
ont frappé son existence à tel point qu’il finit par y voir une vie
d’exception, qui lui a inspiré quelques questions. Comment assumer le
christianisme qu’il a hérité de son père mélancolique ? Comment
surmonter l’échec ou rupture de ses fiançailles ? Comment
comprendre la souffrance comme un bien pour l’individu?, etc.
Kierkegaard résume ces questions en deux fondamentales: comment
se comprendre soi-même dans l’existence ? Comment l’homme peut-il
pleinement vivre son existence qui fait toujours face à l’angoisse et au
désespoir, mais également au problème du mal en lui et dans le
monde ? L’intérêt de ce sujet réside dans le fait que ces questions nous
interpellent, nous appellent à une réflexion radicale sur notre existence
en proie aux différents tragiques de la vie. Cette réflexion sera
articulée sur deux points essentiels : les trois sphères sur le chemin de
la vie et le tragique existentiel.
I. Les trois sphères sur le chemin de la vie
Comme nous l’avons souligné dans les lignes qui précèdent,
Kierkegaard est un philosophe existentialiste. Et il sait bien que du
point de vue de la philosophie spéculative, la philosophie existentielle
est la pire des absurdités. Mais cela ne l’empêche pas de s’engager sur
ce chemin. Par cette réhabilitation de l’existence, Kierkegaard s’est
affirmé comme le père de l’existentialisme.
En effet, Kierkegaard reproche à la philosophie spéculative,
précisément à l’hégélianisme son objectivisme. Les hommes, pense-t-
il, sont devenus trop objectifs pour obtenir la atitude éternelle car,
cette dernière consiste justement en un intérêt personnel infiniment
passionné. (S. KIERKEGAARD, 1982, p.151). Et c’est cet intérêt
qu’il considère comme étant le commencement de la foi. Alors que
l’objectivité abstraite emprisonne l’existence, Kierkegaard soutient
que la subjectivité est la vérité. Il le démontre par l’idée selon laquelle
l’existence passe par trois étapes ou stades existentiels : esthétique
(sphère de l’immédiateté), éthique (sphère transitoire), et religieux
(sphère de l’accomplissement spirituel de l’individu). (S.
KIERKEGAARD, 1982, p.151).
1.1. Stade esthétique
Le stade esthétique désigne la première étape de la philosophie
de Kierkegaard. Pour l’esthéticien, la jouissance est le but suprême de
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l’existence. Toute vie esthétique, pense l’auteur, est désespoir. ( S.
KIERKEGAARD, 1949, p.20).
L’esthéticien se garde de tout ce qui pourrait le lier de façon
durable. Les préoccupations religieuses lui sont étrangères ; il n’a que
faire des normes morales. Il n’obéit qu’aux règles esthétiques : plaisir
et dégout ; intéressant et ennuyeux ; piquant et fade. L’esthéticien est
un érotique peu commun. ( L. CHESTOV, 1972, p.18).
Ainsi, cette étape est un moment d’une jouissance, d’un
érotisme et d’une perversité bien singulière, de nature mentale et
calculatrice. Dans son roman « le journal du séducteur », il présente
un type d’esthéticien, Johannes, pour lequel « le beau, le plaisir
raffiné, la jouissance sont aussi le but de l’existence, mais qui incarne
en outre une certaine conception de l’érotisme, d’une perversité toute
particulière ». (S. KIERKEGAARD, 1843, p.12). Kierkegaard prend
la figure de Don Juan pour exprimer l’énergie du désir sensuel. Don
Juan représente le stade esthétique kierkegaardien.
L’esthéticien est donc celui qui fait de la jouissance le but de la
vie sans se préoccuper du bien ni du mal. Chez lui, l’opposition des
contraires disparaît dans l’indifférence. Comme tout homme, il est
constamment en face d’un choix : agir ou ne pas agir, mais son art
consiste à ne pas choisir. L’angoisse ne se dissipe pas dans l’instant de
sa jouissance. Il souffre mais d’une souffrance stérile.
Toute existence esthétique est vouée à la perdition, au désespoir,
puisque l’esthéticien croit que le malheur est hors de lui, dans la
multiplicité des choses qui passent et qui meurent ; le désespoir de
l’esthéticien est stérile. Kierkegaard souligne le déclin de cette
jouissance quand affirme : « Il ne s’agit pour lui que de jouir de
l’existant, que d’y plonger dans un éclair : comme il ya des insectes
qui meurent au moment de la fécondation, ainsi toute jouissance
s’accompagne de mort » (S. KIERKEGAARD, 1966, p.30).
Ce stade est celui de l’immédiateté et du désir, l’individu
s’éparpille dans l’instant, par le désir de jouissance.
1.2. Le stade éthique
Le stade précédent était caractérisé par la vie dans l’imagination.
Autrement dit, l’homme y vit dans une absence de choix. Le stade
éthique intervient alors pour montrer qu’on peut sortir du désespoir
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par la décision qui consiste à se choisir absolument. Ici l’homme qui
était éparpillé dans le stade esthétique, organise son existence de
manière authentique. Il se marie même. Ce stade paraît emprunt de
gravité, car l’on tente de vivre selon des critères moraux. Vivre ce
stade, c’est mettre de la cohérence, c’est accepter ses obligations
envers soi-même et les autres. En choisissant cet absolu, on pose la
différence entre le bien et le mal.
L’éthicien sait dès lors comment se trouver soi-même en sa
faveur éternelle. C’est à ce stade que l’homme triomphe des
vicissitudes par la volonté, par des choix et accède ainsi à une liberté.
Pour Kierkegaard, c’est au stade éthique que l’on rencontre le
« héros », c’est-à- dire l’honnête homme qui remplit jusqu’au bout la
tâche qui lui a été assignée.
Bref, ce stade est caractérisé par une certaine continuité et un
principe d’unité qui interviennent et se font modèle d’existence.
L’individu s’affirme dans le sérieux. Toutefois, l’éthique du rieux et
de l’assurance se heurte à la dimension dérisoire de la chose humaine :
elle correspond au devoir et à la bonne conscience.
1.3. Le stade religieux
Par rapport aux stades précédents, le stade religieux se veut
supérieur au plaisir de sens et à l’accomplissement du devoir. La foi
devient alors la préoccupation de l’homme religieux; il est individu
devant Dieu et l’expérience qu’il vit est une expérience authentique,
singulière, intraduisible dans les concepts généraux. Ce stade marque
la distance que Kierkegaard prend vis-à-vis de Hegel, car pour ce
premier, l’homme qui croit n’a pas besoin de preuves. C’est ici qu’il
donne une importance à la foi car, pour lui, « même la philosophie ne
peut donner la foi à l’homme et n’y est pas obligée ; mais elle doit
connaitre ses limites. Elle ne doit rien enlever à l’homme et surtout,
elle n’a pas le droit de le priver par son bavardage de ce qu’il a, en lui
faisant croire que ce n’est rien ». (L. CHESTOV, 1972, p.95).
La philosophie n’a pas besoin de ravir la foi aux hommes, de
railler la foi. L’expérience de la foi, c’est donc l’expérience de la
liberté de l’individu, de la valeur infinie de son existence singulière.
L’homme religieux se met en situation de ne plus trouver de raison ou
d’excuses à ses actes, il prend le risque de sa responsabilité, la liberté
de pécher ou d’être sauvé. Ici l’homme atteint une vérité profonde à
travers l’angoisse qui éduque l’existant.
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Pour Kierkegaard, c’est dans ce choix que l’angoisse apparaît.
L’apprentissage de l’angoisse, c’est-à-dire la confrontation avec la
liberté de choisir, qui est le suprême savoir de l’homme. Cette vision
de choses nous fait comprendre ce que Kierkegaard entend par liberté.
II. LE TRAGIQUE EXISTENTIEL
Dans ce point, nous tentons de réfléchir sur les attitudes de
l’homme face aux divers tragiques que l’existence lui impose. Nous
parlerons plus précisément du péché et de la mort, ces deux tragiques
essentiellement humains devant lesquels l’homme éprouve l’angoisse
et le désespoir.
2.1. Le concept de l’angoisse
2.1.1. Quelques considérations sur l’origine de l’angoisse (pour ces
considérations, nous nous sommes référé à http:// fr. Wikipedia.org/
wiki/ Angoisse. Le 2 Mars 2011, 00: 04 : GMT).
Le mot angoisse regroupe plusieurs sens et définitions. En
psychologie, il désigne un état de mal-être qui se manifeste par une
sensation interne d’oppression et de resserrement ressentie au niveau
du corps, ceci s’accompagnant généralement d’une crainte de malheur
ou de mort imminente contre lesquels le sujet se sent impuissant.
En psychanalyse, S. Freud a effectué plusieurs
« théorisations » de l’angoisse qui se complètent. Il distingue
généralement deux conceptions de mécanismes intrapsychiques qui, la
plus part du temps, sont inconscients et n’apparaissent qu’à travers la
parole de la cure, le dessin pour les enfants, ou par des médiations
plus ou moins sublimées.
La première « théorisation » considère l’angoisse comme
secondaire au refoulement : l’affect sexuel, délié de la représentation
refoulée, est transformée en angoisse. La seconde considère l’angoisse
comme un « signal » devant l’imminence d’un danger notamment
interne ; l’angoisse est donc ici un processus de défense mis en place
par le Moi, face à l’afflux d’excitation pulsionnelle : l’angoisse
précède donc le refoulement dans cette conception.
En philosophie, la notion d’angoisse semble remonter à la
philosophie de Kierkegaard, dans son ouvrage « Le concept
d’angoisse ». Non loin de la définition qu’en fait la psychanalyse, elle
sera alors fréquemment utilisée par les philosophes contemporains
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