Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XVIII - n° 6 - juin 2014
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Cas clinique
Dans notre observation, la thrombose de la veine surré-
nalienne et la thrombose colique constituent les critères
cliniques majeurs. L’allongement du temps de céphaline
activée (TCA) et la positivité des anticorps anti-β2gp1
plaident en faveur de ce diagnostic sur le plan biologique.
Le taux d’anticorps du patient a été vérifi é 12 semaines
plus tard : ce taux était de 75 (N < 3), ce qui permet
de confi rmer le diagnostic d’un authentique SAPL.
Le SAPL est isolé dans la moitié des cas (SAPL primaire)
ou associé à une connectivitée, principalement le
lupus (SAPL secondaire) ; il peut plus rarement être
associé à des infections, des vascularites ou des can-
cers. Chez notre patient, la découverte du SAPL dans
les suites du cancer pulmonaire évolutif nous a fait
retenir le diagnostic d’un SAPL paranéoplasique (9).
Les tumeurs les plus fréquemment associées au SAPL
sont les hémopathies malignes, les adénocarcinomes
pulmonaires et les carcinomes rénaux (10). L’évaluation
du risque thrombotique chez les patients atteints de
cancer pourrait donc avoir un intérêt pronostique et
thérapeutique, puisque le risque thrombotique est plus
important chez ces patients.
Le traitement du SAPL a pour objectif principal la
prévention de la récidive thrombotique. Il repose
sur une anticoagulation curative par antivitamine K.
La récidive est de l’ordre de 12 % à 1 an, 26 % à 5 ans
et 44 % à 10 ans (11, 12). Les modalités thérapeutiques
(INR [International Normalized Ratio] cible et durée du
traitement) sont discutées selon la gravité du SAPL,
le caractère veineux ou artériel et le profi l immuno-
logique du patient (13). Dans ce cas précis du SAPL
paranéoplasique et compte tenu de la présence d’un
cancer actif, nous avons instauré une anticoagulation
par HBPM (14) en association au traitement au long
cours de l’insuffi sance surrénalienne. Un suivi régulier
multidisciplinaire a été recommandé pour ce patient.
La prise en charge complémentaire spécifi que du
carcinome pulmonaire a été poursuivie.
Conclusion
La présentation du syndrome des antiphospholipides
peut mimer plusieurs pathologies. L’hémorragie bilaté-
rale des surrénales reste une manifestation rare mais très
grave susceptible d’engager le pronostic vital. L’imagerie
abdominale et le bilan immunologique ont permis,
dans notre cas, de poser le diagnostic. La gestion du
traitement anticoagulant dans ce contexte néoplasique
doit être prudente. ■
Tableau II. Critères du diagnostic du SAPL publiés par Miyakis et al.
(6)
.
Critères cliniques
Thrombose(s) artérielle(s) et/ou veineuse(s) et/ou microvasculaire(s)
Un ou plusieurs épisodes de thrombose dans n’importe quel tissu ou organe. La thrombose
doit être confi rmée par l’imagerie ou par les données histopathologiques. Dans ce cas, il ne
doit pas y avoir de signes histologiques de vascularite
Événements obstétricaux
Au moins une mort fœtale (dès 10 semaines d’aménorrhée) inexpliquée par ailleurs ou une
semaine prématurée (avant 34 semaines d’aménorrhée) d’un enfant morphologiquement
normal, liée à une (pré) éclampsie ou une insuffi sance placentaire sévère(s) ou au moins
3avortements précoces (avant 10 semaines d’aménorrhée) consécutifs inexpliqués par ailleurs
Critères biologiques (avec confi rmation au-delà de 6 semaines)
Anticorps anticardiolipine IgG ou IgM à titre moyen ou élevé, par un test Elisa standardisé pour
la recherche d’anticorps dépendants de la β2gp1
Anticoagulant circulant lupique dépisté selon les recommandations de l’International Society
on Thrombosis and Halemostasis
Le SAPL est “défi ni” s’il existe au moins 1 critère clinique et 1 critère biologique
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Références