«4è Rencontres d'Armentières »,Les Lumières - 5 /35
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Je crois vraiment que le français est une discipline cruciale au sens
étymologique du terme : c’est-à-dire qui est au « carrefour », à la croix/croisée des
chemins, au carrefour de perspectives et d’approches qui sont différentes et
légitimement différentes. Notre travail concerne la maîtrise de la langue, l’étude de
la langue, et de la langue comme manière de penser le monde - pas seulement
comme manière de parler sur les textes qu’ils soient littéraires ou non littéraires. Le
cours de français s’intéresse aux discours, c’est-à-dire aussi aux idées, aux
significations dont ces discours et ces textes sont porteurs, aux rapports au monde
dont ils témoignent aussi, et qu’ils contribuent à construire.
Il y a donc en effet une importance réelle de la conscience historique dans la
conception que nous pouvons avoir de cette discipline cruciale. Mais notre travail
croise aussi une réflexion qui relève de la philosophie. […] Il nous faut chercher dans
cette pluralité de la discipline à établir une cohérence riche, et pas une cohérence
pauvre qui serait le résultat d’une réduction de la discipline à une ou deux de ses
dimensions, et cette cohérence est d’autant plus importante que vous êtes à cheval
sur deux disciplines, ce qui - je le pense très sincèrement - est une richesse pour les
élèves. Je remercie mes collègues IEN de l’invitation qu’ils ont bien voulu me faire.
[…]
Dans ce cadre là, je voudrais travailler de manière un peu « latérale » en
partant de la représentation courante que nous avons des philosophes des Lumières,
c’est-à-dire des penseurs ou des hommes de pensée engagés dans le combat
idéologique [...] pour libérer la société et les hommes de l’obscurantisme et de
l’absolutisme. Des philosophes qui sont avant tout soucieux du bonheur ici-bas, font
le pari d’un bonheur possible dès cette vie. Faisant confiance à la raison pour
distinguer non pas tant le bien du mal que le bon du mauvais et pour exercer au
mieux des capacités de progrès : tout cela fait [...] de l’humanisme des Lumières,
l’héritier, le continuateur de l’humanisme renaissant. Et ces philosophes se servent,
pour ce combat, de ce qui est considéré en général comme une arme, c’est-à-dire
le talent littéraire ou la littérature.
[...] Plutôt que le modèle de l’éloquence délibérative qui est présent chez
Rousseau par exemple, ce qu’on retient des philosophes, c’est surtout l'usage d'un
discours littéraire un peu biaisé : l'ironie, le conte philosophique, le recours à des
représentations exotiques pour revenir à une réflexion sur la société dans laquelle on
vit, bref un discours indirect permettant de mettre les « rieurs » de son côté et de