( ...)
Sur la fin de mars 1762, un voyageur qui avait passé par le Languedoc, et qui vint dans
ma retraite à deux lieues de Genève, m’apprit le supplice de Calas, et m’assura qu’il
était innocent. Je lui répondis que son crime n’était pas vraisemblable, mais qu’il était
encore moins vraisemblable encore que les juges eussent, sans aucun intérêt, fait périr
un innocent par le supplice de la roue [...] Je fis réflexion que le père avait été condamné
au supplice comme ayant seul assassiné son fils pour la religion, et que ce père était
mort âgé de soixante-neuf ans. Je ne me souviens pas d’avoir jamais lu qu’aucun vieillard
eût été possédé d’un si horrible fanatisme. [...] Cette idée me fit douter d’un crime
qui d’ailleurs n’est guère dans la nature [...] Loin de croire la famille Calas fanatique et
parricide, je crus voir que c’étaient des fanatiques qui l’avaient accusée et perdue [...]
Voltaire, Correspondance,
Mélanges philosophiques,
VI, p. 307-31 ''
Comment les idées se diffusent-elles ?
Au XVIIIème siècle, le livre, support essentiel à la diffusion des idées, s’est développé. Le
nombre de lecteurs augmente.
L'historien Darnton développe la thèse selon laquelle'' si l’on ne peut pas faire
raisonnablement un lien immédiat entre la publication des « ouvrages philosophiques » et
le déclenchement des événements politiques de 1789, leur diffusion continue durant le
siècle a contribué, par leur contenu séditieux aussi bien sur le plan moral, religieux que
politique, à saper les valeurs et les fondements de la Monarchie Absolue.'' ( ...)
La diffusion des ouvrages s’effectue à travers un maillage d 'imprimeries, de librairies
patentées et clandestines. Les colporteurs, marchands ambulants sillonnent le territoire
dans les zones les plus reculées.
En ville, les salons littéraires où l'on aime discuter et débattre des idées nouvelles ont
contribué à la diffusion des idéaux des Lumières. '' Les lectures publiques , qui se
multiplient dans les salons, les académies, les loges maçonniques, les cafés ou les
jardins, permettent l'élargissement de l'esprit critique.''
Les salons parisiens,'' sujet de choix pour la littérature de l’époque, rayonnent
intellectuellement dans toute l’Europe tandis que Londres et Paris s’imposent.''
Tableau de salon au XVIII e siècle ( Une Soirée chez Madame Geoffrin par Gabriel
Lemonnier. )
''L'intention de l'auteur a été d'offrir la réunion de tous les personnages célèbres en France
à l'époque qu'il a choisie, qui est celle de 1755. C'est donc un salon idéal, une sorte de
catalogue des artistes et écrivains les plus représentatifs qui célèbre ici le XVIIIe siècle. ''
Pascale Bonassies, CPC