Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XXI - n° 3-4 - mars-avril 2017
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Thérapies ciblées et diabète
lisé contre le cancer du rein et les cancers thyroïdiens
différenciés résistants à l’iode 131, et le vandétanib,
dans le cancer médullaire de la thyroïde.
Effets des inhibiteurs de mTOR
surlemétabolisme glucidique
En raison de la place importante de mTOR dans la régu-
lation du métabolisme glucidique, les inhibiteurs de
mTOR vont modifier significativement celui-ci et induire
des hyperglycémies.
mTOR est une sérine/thréonine kinase appartenant à
la famille des kinases associée à la PI3K. Elle joue un
rôle important non seulement dans la régulation de
la croissance cellulaire mais aussi dans les métabo-
lismes glucidique et lipidique. mTOR est présent sous
la forme de 2 complexes protéiques distincts, mTORC1
et mTORC2, qui interviennent dans la régulation de la
croissance cellulaire, de la survie cellulaire et du méta-
bolisme (2, 3).
Effets de mTOR sur le métabolisme glucidique
Les effets de mTOR sur l’homéostasie glucidique sont
complexes, avec des résultats opposés selon le niveau
d’activité de mTOR (1, 3). mTORC1 augmente la résis-
tance à l’insuline dans le tissu adipeux en favorisant la
phosphorylation de la sérine sur IRS1 (Insulin Receptor
Substrate 1), ce qui a pour conséquence de réduire l’ac-
tivation de PI3K. L’activité de mTORC1 est augmentée
dans le tissu adipeux, le foie et le muscle des animaux
insulinorésistants, ce qui plaide pour un effet délétère
de mTORC1 sur la sensibilité à l’insuline. Ainsi, dans le
foie, la phosphorylation du résidu sérine d’IRS1 réduit
l’activation de la voie PI3K-Akt, ce qui a pour consé-
quence une augmentation de la néoglucogenèse.
À l’opposé, mTORC1, au niveau musculaire, favorise le
métabolisme oxydatif, et les animaux K.O. pour mTORC1
présentent une réduction de la masse musculaire et des
capacités oxydatives musculaires. Par ailleurs, mTORC1
active la fonction de la cellule β et l’activation constitu-
tive de mTORC1 dans les cellules β améliore l’insulino-
sécrétion en relation avec une augmentation de la taille
et du nombre des cellules β (4).
Effets des inhibiteurs de mTOR sur la glycémie
Les inhibiteurs de mTOR sont à l’origine d’hyperglycé-
mies parfois très significatives. Une hyperglycémie est
rapportée chez 12 à 50 % des patients dans les études
de phase III avec l’évérolimus et le temsirolimus ; la fré-
quence des hyperglycémies majeures (> 13,9 mmol/l)
est comprise entre 4 et 12 % selon les études (1).
Cependant, les données de ces études ne donnent
qu’une vision incomplète du réel effet des inhibiteurs de
mTOR sur le métabolisme glucidique, dans la mesure où
nous ne disposons d’aucune information sur le nombre
de patients traités par des antidiabétiques, sur une
éventuelle intensification du traitement anti diabétique
sous inhibiteurs de mTOR, et parce que les patients dont
le diabète est mal contrôlé sont exclus de ces études.
Par exemple, sous évérolimus, on observe une hyper-
glycémie chez 50 % des patients (contre 23 % dans le
groupe placebo) dans l’étude RECORD-1 concernant le
traitement du cancer du rein métastatique, et chez 13 %
des patients (contre 3 % dans le groupe placebo) dans
l’étude BOLERO-1 concernant le traitement du cancer
du sein avancé (5). Avec le temsirolimus utilisé dans
le cancer du rein métastatique, une hyperglycémie a
été notée chez 26 % des patients (contre 11 % dans le
groupe placebo) dans l’étude Global ARCC et chez 22 %
des patients (contre 5 % dans le groupe placebo) dans
l’étude INTORACT (5).
Dans une méta-analyse incluant 24 études cliniques
portant sur l’évérolimus ou le temsirolimus dans dif-
férents types de cancer et totalisant 4 261 patients, le
risque de développer une hyperglycémie sous inhibi-
teur de mTOR est multiplié par 2,95 (IC95 : 2,14-4,05),
et le risque de développer une hyperglycémie sévère
(grade 3 ou 4), par 5,25 (IC95 : 3,07-9,00) [6].
Pathophysiologie de l’hyperglycémie induite
par les inhibiteurs de mTOR
Les mécanismes moléculaires liant l’inhibition de mTOR
à la survenue de troubles du métabolisme glucidique
sont complexes et imparfaitement connus. M. Laplante
et D.M. Sabatini (3) ont émis l’hypothèse que les inhibi
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teurs de mTOR exerçaient un effet “Janus” sur le métabo-
lisme glucidique suivant une courbe en U où le manque
aussi bien que l’excès d’activité de mTOR ont un effet
délétère sur le métabolisme glucidique. Ainsi, l’admi-
nistration prolongée d’inhibiteurs de mTOR (sirolimus)
chez les rongeurs est à l’origine d’une hyperglycémie
consécutive à une insulinorésistance et à une baisse de
l’insulinosécrétion. Il a été montré que l’inhibition de
mTORC2 par l’administration chronique d’inhibiteurs de
mTOR abolissait l’effet inhibiteur de PI3K-Akt sur la néo-
glucogenèse. On observe, chez les patients transplantés
rénaux traités de façon chronique par évérolimus, une
diminution de la phosphorylation d’Akt induite par
l’insuline dans les monocytes circulants traduisant une
résistance à l’insuline. Chez l’animal, une diminution de
mTOR par la rapamycine augmente la phosphorylation
de JNK (Jun N-terminal Kinase) 1, 2 et 3, ce qui est sus-
ceptible de réduire l’activation d’IRS1 et, ainsi, de réduire