Techniques neuromusculaires du pied et de la cheville

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© Sauramps Médical. La photocopie non autorisée est un délit.
Le pied est avant tout une mosaïque osseuse
conçue pour résister aux contraintes oppo-
sées que sont la force gravitaire et les forces
de réaction au sol.
Mais il est animé par des muscles extrin-
sèques de puissance dont la fonction est non
seulement statique mais aussi dynamique.
La première est celle de stabiliser le point de
contact au sol du pendule inversé humain. La
seconde à pour but de lui permettre de se
déplacer à des allures variables du pas.
Lors de la marche, un pied est toujours en
contact au sol et le déroulement du pied per-
met une succession d’appuis débutant par
l’attaque arrière-talonnière, se prolongeant
par le déroulé de la colonne latérale puis par
l’appui successif des têtes métatarsiennes de
la cinquième à la première. Enfin, la propulsion
se fera grâce à la flexion plantaire de l’hallux
dont le moteur est son long fléchisseur. Le
fonctionnement est avant tout concentrique.
Lors de la course où les phases suspendues
se terminent toujours par un impact au sol
lors de la réception puis de propulsion explo-
sive, la part de la contraction musculaire ex-
centrique prend une plus grande part que lors
de la marche.
Les muscles intrinsèques ont un fonctionne-
ment plus fin. Ils règlent au niveau métatar-
sien la largeur de la palette ou du clavier. Ils
maintiennent les arches, notamment la mé-
diale, grandement aidés par l’entrecroise-
ment plantaire du long fibulaire et du tibial
postérieur.
La fonction posturale est donc importante,
justifiant l’intérêt de traquer des contractures
parasites qui en modifiant le déroulement du
pas génèrent une majoration des contraintes
sur l’ensemble des axes mécaniques dans
les trois plans de l’espace (ou chaînes pour
certains).
Le complexe tricipito-achilléo-plantaire est le
redoutable chef d’orchestre du fonctionne-
ment harmonieux du pied.
Il est mis à rude épreuve par notre mode de
vie assis, raccourcissant nos gastrocnémiens
mais aussi le système myofascial. Une limi-
tation de ses aptitudes naturelles d’expan-
sion va créer un pseudo-raccourcissement
entraînant un décollement précoce du talon
et par suite une surcharge du médio et de
l’avant-pied.
D’où l’importance fondamentale des tech-
niques neuromusculaires, avec une séquence
Techniques neuromusculaires
du pied et de la cheville
D. Bonneau, M. Cataliotti, J. Renzulli
Institut Supérieur de Thérapeutique Manuelle
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Médecine du sport et thérapies manuelles
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à respecter. D’abord il est important de récu-
pérer les amplitudes physiologiques d’expan-
sion par l’étirement post-isométrique suivi
d’une pression glissée, puis décorder les ten-
dons de terminaison lorsqu’ils sont acces-
sibles. Dans un second temps, il faut traquer
les points douloureux résiduels tant plan-
taires que jambiers et les traiter par le rac-
courcissement.
Mais pour éviter les récidives, sur le plan
mécanique l’étirement est indispensable,
sans oublier sur le plan métabolique, de rap-
peler à nos patients les indispensables règles
d’hygiène alimentaire.
BASES NEUROPHYSIOLOGIQUES
DES TECHNIQUES MUSCULAIRES
Tout muscle squelettique possède des méca-
norécepteurs et des métaborécepteurs qui
informent les centres supra-segmentaires de
l’état mécanique et métabolique du muscle.
Le muscle est un corps visco-élastique qui se
caractérise par deux états fondamentaux sous
la dépendance du système nerveux, l’état
contracté et l’état relâché, mais il peut aussi
sous l’action de force extérieure telle que la
gravité connaître l’état étiré et raccourci.
Les techniques neuromusculaires agissent
sur un muscle défini soit en l’étirant soit en le
raccourcissant ce qui entraîne le phénomène
inverse sur l’antagoniste.
On peut donc évoquer une forme de réinitiali-
sation de ces capteurs lors de la réalisation
de ces méthodes, expliquant leur action de
normalisation de la tension musculaire.
Principes des techniques
neuromusculaires [1, 2, 6, 14, 15]
Elles reposent sur les mécanismes de régula-
tion de la contraction musculaire.
“Le muscle crie la douleur de l’articulation qui
souffre”.
Il est doté d’un capteur de raideur, le fuseau
neuromusculaire dont l’étirement est le sti-
mulus privilégié.
À son extrémité se positionne un capteur de
force, l’organe neurotendineux de Golgi, qui
analyse les efforts transmis au levier squelet-
tique sur lequel il se fixe.
Le muscle est un activateur unidirectionnel
qui ne possède pas de marche arrière. Cette
situation nécessite, pour assurer la réversibi-
lité de l’action, de lui adjoindre un muscle
antagoniste. Mais ce dernier ne se contente
pas de réaliser cette rétroaction, car il contrôle
aussi la bonne marche du mouvement pro-
grammé se réservant à tout moment la possi-
bilité de freiner ce dernier.
La régulation de ce système dépend donc de
la boucle Gamma et son fonctionnement fon-
damental, le réflexe myotatique est quoti-
diennement utilisé par tout médecin dans la
recherche des réflexes ostéo-tendineux.
Le muscle possède quatre états :
Deux physiologiques, qualifiés d’intrinsèques
car ils sont sous la dépendance du contrôle
conscient de la motricité volontaire :
•l’étatcontracté,
•l’état relâché.
Techniques neuromusculaires du pied et de la cheville
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© Sauramps Médical. La photocopie non autorisée est un délit.
Deux états, dits extrinsèques, imposent la
mise en jeu d’une force extérieure, celle du
thérapeute:
•l’étatétiré,
•l’étatraccourci.
Ce sont ces deux derniers états qui sont privi-
légiés en thérapeutique manuelle, car ils per-
mettent, de manière élective, une réinitialisa-
tion des capteurs musculaires.
En effet, lors de l’étirement, la stimulation du
fuseau neuromusculaire est optimale, alors
que, durant le raccourcissement maximal, il
est mis totalement au repos.
Le fonctionnement de l’innervation réci-
proque permet de comprendre que la mise
en raccourcissement d’un muscle a un effet
potentialisé par la mise en étirement maxi-
mal de l’antagoniste. Le facteur temps est
primordial, potentialisant l’effet. La position
de raccourcissement maximal est maintenue
90 secondes.
Il existe trois types de techniques neuromus-
culaires :
•Lestechniquesbaséessurl’étirementlon-
gitudinal tendinocorporéal :
- étirement post-isométrique,
- pression glissée.
•Les techniques basées sur l’étirement
transversal tendinocorporéal :
- Décordage interépineux axial,
- Décordage musculaire appendiculaire
périphérique :
. métamérique,
. péri-articulaire.
•La technique basée sur le raccourcisse-
ment longitudinal tendino-corporéal.
Les mécanismes de régulation de
la contraction musculaire
Fuseau neuromusculaire et réflexe
myotatique
Le fuseau neuromusculaire, et son innerva-
tion sensitive Ia, est le récepteur hautement
spécialisé qui est à l’origine de la réponse
réflexe myotatique (fig. 1).
Le fuseau neuromusculaire est un tensio-
mètre qui, grâce à la coactivation des moto-
neurones alpha et gamma, conserve sa sen-
sibilité de mesure quel que soit l’état du
muscle. Il ajuste en permanence le niveau de
contraction selon le degré de la résistance à
l’effort initial.
Le réflexe myotatique contrôle la longueur du
muscle. Il se traduit par une augmentation du
niveau de contraction du muscle en réponse à
son propre étirement (“stretch réflex” des
Anglo-Saxons). La contraction supplémen-
taire qui en résulte tend à ramener le muscle
à sa longueur initiale, il s’agit donc d’un as-
servissement du muscle en longueur.
Fig. 1 : Régulation de la contraction musculaire
Médecine du sport et thérapies manuelles
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L’organe neurotendineux de Golgi et
l’inhibition autogénique
L’organe neurotendineux de Golgi est un mé-
cano-récepteur, type capteur de force, situé
dans le tendon et les aponévroses muscu-
laires. Il est stimulé par la force contractile
des fibres musculaires en série avec lui. Sa
sensibilité dynamique lui confère la fonction
de détecteur des variations de la force exer-
cée par les unités motrices sur leur attache
tendineuse.
Il est innervé par les fibres sensitives Ib (fig. 1).
Il permet de corriger les informations trans-
mises par les tensiomètres que sont les fu-
seaux neuromusculaires.
Le réflexe d’inhibition autogénique trouve son
origine dans l’ONT.
Il se traduit par l’inhibition des motoneurones
innervant un muscle en réponse à la contrac-
tion de ce même muscle.
Ce phénomène a été décrit expérimentale-
ment sur le chat mésencéphalique, lorsque
l’on cherche à vaincre l’hypertonie des exten-
seurs du genou en le fléchissant de force :
dans un premier temps le tonus augmente, à
la base de la description du réflexe myota-
tique, puis secondairement, le tonus chute
brutalement lors de la disparition brutale du
tonus des extenseurs et le genou se fléchit
brutalement comme une lame de canif.
Le réflexe ipsi-latéral de flexion
Mais organes neurotendineux de Golgi et fu-
seaux neuromusculaires ne sont pas les seuls
capteurs mis en cause dans le mode d’action
des thérapies manuelles. Récepteurs cutanés
et péri-articulaires tels les Pacini et les Ruffini
occupent une place privilégiée dans ce réflexe.
Il est mis en jeu par l’action d’un fort stimulus
appliqué sur la peau d’un membre qui en-
traîne l’activation des motoneurones provo-
quant le retrait du membre stimulé.
Les afférents au réflexe de flexion (ARF) sont
cutanés et tendinomusculaires. Ce réflexe est
couplé à l’inhibition réciproque permettant
l’inhibition des extenseurs.
L’ÉTIREMENT POST-ISOMÉTRIQUE
[4, 5, 7, 8, 9, 10, 11, 12,13, 15]
Appelée aussi myotensif, cette méthode dé-
rive du contracter-relacher, employé en réé-
ducation. Le but est d’étirer et décontracter le
muscle spasmé.
Cette technique s’applique en priorité à une
pathologie musculaire douloureuse associée
à une restriction de mobilité en rapport avec
la contracture musculaire.
L’application la plus classique est la myalgie
du syndrome cellulo-teno-myalgique de
Maigne, il trouve naturellement sa place dans
le syndrome myofascial qui se caractérise par
une douleur projetée, le plus souvent dans les
dermatomes correspondant aux racines mo-
trices du muscle en cause. Cette particularité
la distingue de la douleur strictement unimé-
tamérique témoin d’une dysfonction segmen-
taire vertébrale.
Le praticien réalise un examen programmé
régional à la recherche d’une limitation d’am-
plitude articulaire d’origine musculaire. Ce
qui sous-entend d’éliminer une cause ostéo-
cartilagineuse dégénérative, inflammatoire
ou traumatique par l’imagerie et la biologie.
Le contexte post-traumatique oriente vers
une cause cicatricielle d’origine capsuloliga-
mentaire.
Techniques neuromusculaires du pied et de la cheville
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© Sauramps Médical. La photocopie non autorisée est un délit.
En pratique, après avoir identifié le muscle ou
le plus souvent un groupe de muscles ago-
nistes, on demande au patient d’effectuer une
contraction isométrique (sans déplacement
des leviers articulaires), dont l’intensité de la
force est faible.
Il est inutile que le patient développe une
force importante, l’objectif est de mettre en
jeu la boucle neuromusculaire et non de “fati-
guer” le muscle. Une résistance manuelle est
appliquée sur le segment mobile par le théra-
peute. Le vecteur de cette résistance est di-
rectement appliqué dans le sens inverse du
mouvement provoqué par le muscle que l’on
veut étirer. Cette contraction est maintenue
durant six secondes.
Au terme de cette contraction, après un
temps mort d’une à deux secondes, néces-
saire au relâchement de l’ensemble des
fibres musculaires, le muscle est amené à la
position d’étirement identifiée par la percep-
tion d’une résistance appelée barrière mo-
trice. Cet étirement est maintenu une dou-
zaine de secondes, sans à-coup.
Une nouvelle contraction est demandée, sui-
vie d’un étirement, puis renouvelée jusqu’au
gain d’amplitude désirée.
Les variantes sont nombreuses et se différen-
cient par le nombre de cycles et leur durée.
On peut utiliser la respiration en demandant
au patient d’inspirer lentement durant la
contraction isométrique et de souffler durant
la période d’étirement.
Dans certaines conditions, il est utile de réali-
ser une contracter-relâcher “bloqué”, notam-
ment chez les porteurs de prothèses de
hanche où il est dangereux de chercher à
étirer un muscle à son maximum.
Loge postérieure de la jambe
Le triceps sural (fig. 2)
• Le soléaire (fig. 3)
Insertion : 1/3 proximal de la fibula et 1/3
moyen de la face médiale du tibia par une
arcade.
Terminaison : Tendon calcanéen (ex-tendon
d’Achille).
Action : Fléchisseur plantaire.
Innervation : Nerf tibial (S1-2).
Fig. 2 : Le triceps sural et le plantaire grêle
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