DOSSIER ANNEXE DE SESSION Recommandations pour la pratique clinique – CNGOF Le prolapsus Clinical Practice Guidelines: synthesis of the guidelines for the surgical treatment of primary pelvic organ prolapse in women by the AFU, CNGOF, SIFUD-PP, SNFCP, and SCGP A. Watelet*, G. Legendre* L e prolapsus génital féminin est défini comme une hernie dans la cavité vaginale dans laquelle s’engagent un ou plusieurs éléments du contenu abdomino-pelvien. Les compartiments concernés sont la vessie, l’utérus ou le fond du vagin et le rectum, cul-de-sac de Douglas et son contenu. Cette affection fréquente est responsable de 11 % des chirurgies après 70 ans. Les symptômes évocateurs sont urinaires, ­génito-sexuels ou anorectaux, ce qui impose une prise en charge pluridisciplinaire. Bilan préopératoire d’un prolapsus non récidivé de la femme (1, 2) * Service de gynécologie-obstétrique, CHU d’Angers. Le premier symptôme est la perception par la patiente d’“une boule intravaginale” plus ou moins extériorisée à l’effort. Celle-ci peut être associée à des signes urinaires (incontinence, hyperactivité vésicale), digestifs (incontinence anale, dyschésie), gynécologiques (dyspareunie, métrorragies), qui ne sont pas prédictifs d’un grade ou d’un type de prolapsus (niveau de preuve [NP] 3). L’examen clinique décrit les structures anatomiques concernées par le prolapsus et permet d’objectiver la gêne et le retentissement fonctionnels altérant la qualité de vie de la patiente. Les facteurs de risque de complications per- et postopératoires sont le tabac, l’obésité et les facteurs de risque d’exposition prothétique (NP 3). L’imagerie (IRM dynamique avec défécographie, colpocystodéfécographie) n’est utilisée que lorsque les 10 | La Lettre du Gynécologue • N° 408 - mai-juin 2017 données de l’examen clinique sont insuffisantes ou en cas de discordance entre les signes cliniques constatés et les signes fonctionnels décrits par la patiente. L’interrogatoire permet également de dépister une incontinence urinaire patente ou masquée. Une débitmétrie avec mesure du résidu postmictionnel est réalisée en cas de doute clinique. Si la clinique n’est pas en faveur de signes urinaires, un bilan urodynamique systématique n’est pas recommandé (grade C). Il convient enfin d’éliminer une pathologie d’organe associée en cas de suspicion clinique (néoplasie cervi­cale ou endométriale) avant toute prise en charge chirurgicale par morcellation utérine ou hystérectomie subtotale. Promontofixation cœlioscopique (3, 4) Il n’y a pas lieu d’effectuer une préparation colique avant une chirurgie de prolapsus par promonto­fixation. Le bénéfice apporté par la mise en place d’une prothèse postérieure n’est pas établi en l’absence de colpocèle postérieure (NP 3). Il n’y a pas d’argument pour la mise en place systématique d’une prothèse postérieure en prévention du risque de rectocèle secondaire lors d’une cure de prolapsus génito-urinaire par promontofixation associant hystéro- et/ou vaginopexie antérieure (grade C). L’indication de la rectopexie ventrale cœlio­scopique reste le prolapsus du rectum symptomatique (grade C). La mise en place d’une bandelette postérieure dans le traitement des rectocèles, élytrocèles et entérocèles est peu évaluée (NP 3). DOSSIER La répercussion du mode de fixation des prothèses sur la qualité de vie n’a pas été étudiée. La prothèse antérieure est fixée à l’isthme utérin et à la paroi vaginale antérieure à l’aide de fils. La prothèse posté­ rieure est, quant à elle, fixée au promontoire par du fil non résorbable. Les auteurs recommandent la péritonisation des prothèses pour réduire le risque d’occlusion postopératoire. Il est recommandé d’utiliser des prothèses non résorbables de types I (polypropylène macroporeux) et III (polyester), associées à un taux moins élevé d’érosion prothétique que les prothèses de type II (polytétrafluoroéthylène, silicone) [NP 3]. La voie cœlioscopique est recommandée pour la laparotomie car elle est associée à une réduction des pertes sanguines, de la durée d’hospitalisation et de convalescence (NP 1). Les résultats anatomiques et fonctionnels des 2 voies d’abord sont, quant à eux, comparables (NP 1). L’assistance robotique ne peut pas actuellement être recommandée pour une promontofixation (grade B). Traitement par voie vaginale Il n’y a pas lieu d’effectuer une préparation digestive avant une chirurgie du prolapsus par voie vaginale (grade B). Cystocèle (5) L’utilisation de prothèses synthétiques intervésico­ vaginales est associée à un meilleur résultat anatomique que la chirurgie autologue (NP 1). Mais son utilisation ne doit pas être systé­matique car elle est liée à une augmentation du nombre de réinterventions (érosions vaginales de prothèses). Le résultat fonctionnel des 2 techniques est comparable. Rectocèle moyenne (6) Il n’y a pas lieu de recommander une technique de réparation, ou plicature du fascia rectovaginal, car, même si les résultats anatomiques sont meilleurs en cas de plicature, les résultats fonctionnels des 2 techniques sont similaires. Il convient cependant d’utiliser des fils non résorbables afin d’éviter les granulomes ou érosions vaginales. La technique de myorraphie des élévateurs n’est pas recommandée car elle est associée un taux élevé (environ 50 %) de dyspareunies (NP 3). L’utilisation de prothèses biologiques n’est pas recommandée dans le traitement chirurgical des rectocèles par voie vaginale (grade B). La pose de prothèses synthétiques par voie vaginale n’est pas un traitement de première intention car encore peu étudiée (grade C). Pour le traitement de la rectocèle moyenne ou basse, la voie vaginale doit être préférée à la voie tran­ sanale (grade B). La voie vaginale obtient de meilleurs résultats sur les symptômes fonctionnels et sur les critères anatomocliniques ou déféco­graphiques que la voie transanale (NP 1). Rectocèle basse Une périnéorraphie superficielle peut être réalisée en cas de béance vulvaire, mais elle n’est pas recommandée de manière systématique. Colpocèles postérieures hautes et prolapsus du fond vaginal (7) Il n’a pas été montré de différence entre les techniques de culdoplastie selon McCall et la sacro­ spinofixation selon Richter (NP 1). Les résultats anatomiques sont meilleurs pour la promontofixation par laparotomie compara­ ti­v ement à la sacrospinofixation, mais au prix de durées ­o pératoires et d’hospitalisation plus longues (NP 1). Occlusion vaginale : colpocléisis Cette technique est envisagée chez les femmes âgées sans activité sexuelle. Elle est associée à une efficacité objective et subjective de plus de 95 % (NP 3). Les résultats fonctionnels sont excellents et les complications per- et postopératoires moins fréquentes. Il convient cependant d’éliminer tout risque de pathologie d’organe au préalable (grade C). Hystérectomie (8) En l’absence d’indication spécifique, il n’y a pas de raison de réaliser systématiquement une hysté­ rectomie au cours de la cure chirurgicale d’un prolapsus génital (grade C), quelle que soit la voie chirurgicale. La Lettre du Gynécologue • N° 408 - mai-juin 2017 | 11 DOSSIER ANNEXE DE SESSION Recommandations pour la pratique clinique – CNGOF Le prolapsus Traitement de l’incontinence urinaire Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts. Le traitement isolé du prolapsus par voie vaginale avec pose de prothèse sous-vésicale transobturatrice permet de traiter 60 % des incontinences urinaires préopératoires patentes (NP 3). Mais ce type de prise en charge expose à un risque de dysurie et à une hyperactivité vésicale. La prise en charge du prolapsus seul permet de traiter 50 à 60 % des incontinences urinaires masquées (NP 3). On peut donc proposer à la patiente une chirurgie du prolapsus seul en prévenant du risque d’incontinence urinaire postopératoire nécessitant un deuxième temps opératoire. ■ Équipe des RPC : L. Le Normand (CHU de Nantes), M. Cosson (CHU de Lille), F. Cour (hôpital Foch, Paris), X. Deffieux (hôpital Antoine-­ Béclère, Clamart), L. Donon (polyclinique Côte-Basque Sud, SaintJean-de-Luz), P. Ferry (CH de La Rochelle), B. Fatton (CHU Carémeau, Nîmes), J.F. Hermieu (hôpital Bichat, Paris), H. Marret (CHU de Tours), G. Meurette (CHU de Nantes), A. Cortesse (hôpital Saint-Louis, Paris), L. Wagner (CHU Carémeau, Nîmes), X. Fritel (CHU de Poitiers). Références bibliographiques 1. Maher C, Baessler K, Barber M et al. Pelvic organ prolapse surgery. In: Abrams P, Cardozo L,Khoury S, Wein A, editors. 5th International Consultation on Incontinence. EAU-ICUD 2013 : abstr. 15. 2. Deffieux X, Savary D, Letouzey V et al. Prévenir les complications de la chirurgie prothétique du prolapsus : recommandations pour la pratique clinique, revue de la littérature. J Gynecol Obstet Biol Reprod 2011;40(8):827-50. 3. Begley JS, Kupferman SP, Kuznetsov DD et al. Incidence and management of abdominal sacrocolpopexy mesh erosions. Am J Obstet Gynecol 2005;192(6):1956-62. 4. Freeman RM, Pantazis K, Thomson A et al. A randomised controlled trial of abdominal versus laparoscopic sacrocolpopexy for the treatment of post-hysterectomy vaginal vault prolapse: LAS study. Int Urogynecol J 2013;24(3):377-84. 5. Cour F, Le Normand L, Meurette G. Traitement par voie basse des colpocèles postérieures : recommandations pour la pratique clinique. Prog Urol 2016;26(Suppl. 1):S47-60. 6. Paraiso MF, Barber MD, Muir TW, Walters MD. Rectocele repair: a randomized trial of three surgical tech- n iques including graft augmentation. Am J Obstet Gynecol 2006;195(6):1762-71. 7. Barber MD, Brubaker L, Burgio KL et al.Comparison of 2 transvaginal surgical approaches and perioperative behavioral therapy for apical vaginal prolapse: the OPTIMAL randomized trial. JAMA 2014;311(10):1023-34. 8. Carramão S, Auge AP, Pacetta AM et al. Estudo randômico da correcão cirúrgica do prolapso uterino através de tela sintética de polipropileno tipo I comparando histerectomia versus preser - vaçéão uterina. Rev Col Bras Cir 2009;36(1):65-72. 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