La session organisée par le groupe de cardiologie tropicale de la SFC dans le cadre des  S Kingue  proposé quatre présentations sans dominante thématique cette année. 

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 XXèmes Journées européennes de la SFC La session organisée par le groupe de cardiologie tropicale de la SFC dans le cadre des XXèmes Journées européennes et présidée par les Prs S Kingue (Yaoundé) et A Vacheron (Paris), a proposé quatre présentations sans dominante thématique cette année. Facteurs de risque L’évolution épidémiologique rapide des facteurs de risque en Afrique subsaharienne a été présentée par le Pr A Kane (Dakar). L’Afrique subsaharienne, qui compte 730 millions d’habitants dans 48 pays se caractérise par la pauvreté de sa population, l’absence de croissance de son PIB et du point de vue sanitaire, la conjonction du fléau des maladies infectieuses (tableau 1), de la malnutrition et maintenant aussi, de l’apparition de maladies cardio‐vasculaires et de cancers en nombre croissant. Europe Afrique subsaharienne Prévalence HIV (pour 100 000) 336 4735 Mortalité par paludisme (pour <<1 104 100 000) Mortalité obstétricale (pour 99 900 100 000 naissances) Tableau 1 : Prévalence et mortalité comparées en Europe et en Afrique. L’OMS estime en effet que la mortalité par affection cardiovasculaire en Afrique subsaharienne atteindra 46% en 2030, alors qu’elle n’est que de 25% en 2004. Les accidents vasculaires cérébraux (AVC) en constituent une part importante (Figure 1). Figure 1 : Mortalité par AVC pour 100 000 habitants (d’après Strong, Lancet Neurol 2007, 6 :182‐7). De la même façon, la mortalité par maladie coronaire va également augmenter considérablement en Afrique subsaharienne dans les 20 prochaines années, selon les extrapolations faites par l’OMS (Figure 2) Figure 2 : Mortalité par cardiopathie ischémique (x1000) : prévisions OMS D’ici 2030, la mortalité par cardiopathie ischémique dépassera celle liée à l’infection HIV, soit 13,4% vs 13,2% (Mensah GA, Heart 2008, 94 : 697‐705). Cette évolution tient principalement aux changements de mode de vie, urbanisation, sédentarisation, alimentation à contenu calorique supérieur, mais aussi vieillissement de la population. Si 9 facteurs de risque rendent compte de 90% de la mortalité cardiovasculaire partout ailleurs, l’étude INTERHEART AFRICA a montré qu’en Afrique, 5 facteurs de risque seulement (tabagisme, diabète, hypertension, obésité abdominale, rapport ApoB/Apo A1) rendent compte de 89,2% des infarctus du myocarde (Steyn K, et al. Circulation 2005 ; 112 :3536‐40). L’HTA est le principal facteur associé aux IDM dans INTERHEART AFRICA (50%), le tabagisme comptant pour 4%, l’hypercholestérolémie pour 5% le surpoids pour 5%. La prévalence de l’HTA chez les sujets de plus de 20 ans varie selon les pays : Cameroun (20%), Burkina (22%), Sénégal (25%), Afrique du sud (22%), Tanzanie (33%). Elle est plus élevée en milieu urbain que rural (Figure 3). Figure 3 : Prévalence comparée de l’HTA (%) en zone rurale et urbaine (Kane A, et al. Dakar Médical, 1997 ; 42 :77‐82. Le diabète atteint 2 à 8% des Africains, mais sa prévalence va augmenter de 80% d’ici 2025, selon les prévisions de l’OMS, soit 18,8 millions de diabétiques en 2025 pour 10,4 millions en 2000). L’obésité, qui peut paraître un des paradoxes africains, dans la mesure où elle côtoie la dénutrition, est plus fréquente elle aussi en milieu urbain : 16% vs 8% en milieu semi‐rural et 5% en milieu rural (Kane A, Dakar Médical 1997, 42 : 77‐82). Elle se particularise, comparativement aux pays occidentaux, par sa prédilection féminine (rapport de 3 à 1). Sa prévalence augmente chez l’homme et chez la femme, y compris en milieu rural : en 10 ans, +84% chez l’homme et +54% chez la femme (Fezeu L et al, Obesity 2008, 16 : 1144‐7). D’après l’OMS, la mortalité liée au tabagisme est aussi élevée que celle liée à l’HTA en Afrique subsaharienne (6% vs 5,8%). Parmi les adolescents de 13 à 15 ans, 7% fument à Madagascar et 28% au Congo.Le syndrome métabolique, en pleine expansion, doit lui aussi devenir la cible de la prévention primaire, qui suppose de programmes éducatifs destinés à la population (alimentation, activité physique), et la mise en place de mesures visant à limiter le tabagisme (taxes). Urgences cardio‐vasculaires Les caractéristiques des urgences cardio‐vasculaires en Afrique subsaharienne, où la mortalité cardio‐vasculaire est de 7% (Reddy, Circulation 1998), ont été présentées par le Pr M Kakou‐Guikahué (Institut de cardiologie, Abidjan). L’étude MULTAF‐UCASS, coordonnée par E Bertrand, a montré en 2006 que les 4 affections qui rendaient compte de la majorité des urgences cardio‐vasculaires en Afrique étaient l’HTA, les cardiomyopathies, les valvulopathies et la maladie coronaire. Parmi les 1143 malades qui ont été vus aux urgences de l’Institut de cardiologie d’Abidjan pendant une période de 6 mois en 2006, 454 (42%) l’ont été pour une urgence hypertensive (HTA sévère : 65,4% ; AVC :28,2% ; encéphalopathie hypertensive :6,4%), 138 (12,7%) pour des troubles du rythme et de la conduction, 389 ( 36%) pour insuffisance cardiaque, et 99 (9,2%) pour maladie coronaire. Parmi eux, 317 sont hospitalisés, et 15 sont décédés. Sur les 2992 malades vus aux urgences entre juin 2003 et juin 2004, 319 (10,7%) ont adressés pour douleur thoracique (65% d’hommes), L’âge moyen de ces patients, de 46,6±17,3 ans, est plus jeune que celui des patients vus pour la même cause en France. Le taux de réalisation d’examens paracliniques était faible (Figure 4). 80
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ECG
Glycémie
Echo
Enzymes
cardiaque cardiaque
Figure 4 : Pourcentage de réalisation d’examens paracliniques aux urgences Un IDM était en cause dans 15,7% des cas, une douleur angineuse dans 22%, une péricardite dans 3,8%, une embolie pulmonaire dans 3,8%, une fibrillation auriculaire dans 0,6%. La proportion de malades atteints de pathologies non cardiovasculaire était importante, en raison de l’absence d’ECG préalable : ulcère gastro‐duodénal (38,7%), oesophagite (0,6%), pleuro‐pulmonaire (1,9%), pariétale (4,7%). Au cours de l’année 2008‐2009, 81 patients ont été admis pour IDM, mais 11 seulement ont pu bénéficier d’une thrombolyse (rt‐PA : 10 ; streptokinase : 1), leur délai douleur‐ consultation moyen étant de 4,4 heures, tandis que celui de l’ensemble des 81 malades était de 96 heures. En 5 ans (2001‐2006), 1347 malades (âge moyen : 48 ans) ont été admis en unité de soins intensifs, avec 391 décès (29%), en raison de la sévérité des cardiopathies et des délais d’admission. Un tiers des décès a eu lieu dans la première heure de l’admission (Figure 5). Figure 5 : Causes de mortalité en USIC en 5 ans . Une chirurgie cardio‐vasculaire a été réalisée en urgence chez 84 malades entre 2000 et 2007, 31 fois pour ischémie aigue des membres inférieurs non traumatique, 34 fois pour ischémie de membre post traumatique, 16 fois pour plaie cardiaque, 2 fois pour myxome. L’Institut prend également en charge les urgences cardiologiques de pédiatrie. Sur les 1732 enfants adressés aux urgences de 2005 à 2008, 199 (11%) avaient une pathologie cardiologique. Le sexe ratio était voisin de 1 (52% garçons), 29% des enfants avaient moins de 1 an, 48,8% moins de 5 ans et 22,2% plus de 5 ans. Une cardiopathie congénitale a été en cause chez 124 d’entre eux (62,3%) : shunt gauche‐droit (50%), cyanose (20,9%), sténose (19,3%), HTAP (1,6%), divers (7,2%). Trente enfants (15%) ont été opérés. La principale intervention a été une intervention de Blalock (10/15). Une procédure endovasculaire a été réalisée chez 24 enfants (dont 2 Rashkind, 2 valvuloplasties au ballon). La mortalité a été de 2%. Les cardiopathies acquises concernent 75 enfants (37,7%), principalement valvulaires (62,4%), myocardiopathies (22,6%), pancardite (14,8). La difficulté majeure de la prise en charge de ces Urgences cardio‐vasculaires dans un contexte de pauvreté (48% de la population vivant avec moins d’un Dollar US par jour) est la quasi inexistence d’une couverture sociale. Cette situation est à l’origine de l’arrivée tardive des patients, du transport non adapté, et la difficulté à réaliser les bilans paracliniques utiles au diagnostic ( coût moyen du bilan paraclinique est de 145 Dollar US). Fibrose endomyocardique L’actualité de la fibrose endomyocardique a été exposée par le Pr D Metras (Marseille). L’épaississement fibreux de l’endocarde qui y est observé, reste d’étiologie encore méconnue. L’intervention des polynucléaires éosinophiles est incriminée, mais la maladie semble différente de la maldie de Loeffler, ne serait‐ce que par sa survenue en milieu tropical. Elle réalise une cardiomyopathie oblitérante, restrictive, associée à une insuffisance mitrale (IM) et /ou tricuspide (IT). L’atteinte de l’appareil sous‐valvulaire est pratiquement constante. L’absence d’atteinte du myocarde permet son traitement chirurgical, qui associe la résection de la couche fibreuse et/ou remplacement ou plastie valvulaire. La topographie des lésions diffère d’un malade à l’autre : ‐
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Atteinte ventriculaire gauche (VG), englobant le pilier de la valve mitrale postérieure (IM) Atteinte du ventricule droit (VD), source d’IT Atteinte bi‐ventriculaire, avec IM et IT ou sans fuites auriculo‐ventriculaires, mais aspect de constriction ; Le traitement chirurgical combine la résection de la fibrose endomyocardique et la réparation ou remplacement valvulaire (1). Les 80 patients opérés à Abidjan de 1978 à 1984 et à Marseille de 1984 à 2004 par D Metras comporte 34 malades dont l’atteinte du VD est isolée ou prédominante et 46 dont l’atteinte du VG est isolée ou prédominante. Les opérés comprennent 43 hommes et 37 femmes, d’âge compris entre 4 et 62 ans, mais avec un âge moyen de 15 ans et 50 des 80 malades âgés de moins de 15 ans (2). La mortalité post‐opératoire est de 14% (11 décès dont 4 par bas‐débit), et la mortalité tardive de 7 patients supplémentaires (9%). Rhumatisme articulaire aigu L’évolution épidémiologique du RAA en Afrique subsaharienne a été présentée par le Pr S Kingue (Yaoundé), qui coordonne le registre VALVAFRIC. Comprendre le RAA sur le continent africain suppose de rappeler les réalités qui l’expliquent. Malgré ses ressources naturelles abondantes, l’Afrique est le continent le plus pauvre de la planète, avec 80,5% de sa population vivant en dessous du seuil de la pauvreté (<2,5 $ par jour)selon la banque mondiale en 2008. Le taux de croissance de la population est rapide, avec dans certains pays un habitant sur deux âgé de moins de 25 ans. Le système sanitaire manque de structures de soins, de ressources humaines et ne connait pas de couverture sociale. Evaluer la prévalence du RAA repose aussi sur un certain nombre de contraintes : critères diagnostiques de Jones (révisés), laboratoire de biologie et de bactériologie, disponibilité d’un appareil d’ECG et, idéalement, d’écho‐doppler cardiaque, ressources humaines suffisantes et qualifiées. Deux approches ont été utilisées jusqu’à présent : programme de dépistage communautaire (rare) et registre de cas (en milieu hospitalier). Néanmoins, les données précises manquent encore en Afrique sub‐saharienne, même si l’OMS estime que « l’Afrique renferme10 % de la population mondiale mais la moitié des 2,4 millions d’enfants atteints de RAA ». La prévalence du RAA en Afrique subsaharienne a été documentée en milieu scolaire, mais le plus souvent par la clinique, à l’exception de l’étude récente de D Sidi, qui a pu utiliser l’écho‐
Doppler, et montrer que la prévalence clinique est très sous‐estimée (tableau 2). Auteur Ogunbi McLaren Bertrand Sidi Sidi Strasser et Rotta Strasser et Rotta Hors Afrique Pays Année Nigeria 1970 Afrique du Sud 1975 Côte d’Ivoire 1985 Mozambique 2001‐2002 Mozambique 2001‐2002 Egypte 1973 Maroc 1973 Asie, Amérique latine, Polynésie, Nouvelle Zélande Tableau 2 : Prévalence du RAA en milieu scolaire Méthode clinique clinique clinique clinique Echo‐doppler clinique clinique clinique Prévalence 0,3 à 3%₀ 6,9%₀ 1,9%₀ 2,3%₀ 30,4%₀ 10%₀ 9,9%₀ 1 à 18%₀ La prévalence des cardiopathies rhumatismales en milieu hospitalier, étudiée par plusieurs séries, reste très élevée, tant chez l’enfant que chez l’adulte. Ce sont les cardiopathies les plus fréquentes chez l’enfant en Afrique sub‐saharienne, comme le montrent les études de Sankalle et Koate (Sénégal, 1968), de Horst et Vander (Afrique du Sud, 1984), de Touré et Fofana (Guinée, 1988), de Bertrand et Ekra (Côte d’ivoire, 1979, 1991 et 1992). Dans une étude rétrospective de 10 ans portant sur 33 198 enfants hospitalisés au CHU de Yaoundé et publiée en 1995, Obama et coll ont retrouvé une prévalence de 11%₀. Les cardiopathies acquises représentent dans ce travail 42,7% dont 70% de cardiopathies post‐rhumatismales. La prévalence des cardiopathies rhumatismales chez les enfants d’âge scolaire atteint 15,5%₀. En Afrique sub‐saharienne, les valvulopathies occupent la 3ème position parmi les affections cardiovasculaires de l’adulte (S Kingué et coll, Cameroun, 2000). Les valvulopathies sont la 3ème cause d’insuffisance cardiaque chez l’adulte (Kingué, 2000). L’épidémiologie du RAA et des cardiopathies rhumatismales sont encore mal connues en Afrique sub‐saharienne. L’étude VALVAFRIC , coordonnée par S Kingué, investigateur principal (NDLR) dans le cadre du groupe de travail de cardiologie tropicale de la SFC, a pour but de fournir un certain nombre de données en vue d’entretenir/initier un plaidoyer pour améliorer le dépistage, la prévention et la prise en charge de la maladie. Il s’agit d’une étude multicentrique africaine, comportant un volet rétrospectif et un volet prospectif (Tableaux 3 et 4). Les premiers résultats sont attendus pour le congrès de cardiologie organisé par la Société camerounaise de cardiologie à Yaoundé, du 16 au 19 mars 2010. Titre Evolution sur 5 ans des valvulopathies post‐rhumatismales. Etude multicentrique africaine But Contribuer à une meilleure connaissance des tendances évolutives des valvulopathies post‐rhumatismales en Afrique. Objectif 1. ‐ Décrire la prévalence hospitalière des valvulopathies post‐
rhumatismales et ses variations dans le temps 2. ‐ En évaluer les conséquences en termes de rehospitalisations, de complications évolutives et de mortalité hospitalière 3. ‐ Estimer l’ampleur des implications scolaires et sociales de ces affections 4. ‐ Décrire la prévalence des valvulopathies non rhumatismales Durée 5 ans : 2004‐2008 Tableau 3 : Etude VALVAFRIC : volet rétrospectif. Titre Prévalence hospitalière des cardiopathies rhumatismales. Une étude multicentrique africaine But Contribuer à une meilleure connaissance des caractéristiques épidémiologiques du RAA en Afrique Objectif 1.‐ Décrire la prévalence hospitalière des cardiopathies rhumatismales 2.‐ Déterminer la fréquence des formes arrivées au stade chirurgical 3.‐ Décrire le devenir à court terme des formes observées 4.‐ Evaluer l’impact socio‐économique de ces affections Durée 6 mois minimum. Tableau 4 : Etude VALVAFRIC, volet prospectif. Références 1
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Metras D, Ouezzin‐Coulibaly N, Ouattara K, Chauvet J, Ekra A, Longechaud A, Bertrand E. Endomyocardial fibrosis : early and late results of surgery. J Thor Cardiovasc Surg 1982; 83: 52‐64. Metras D, Coulibaly A, Ouattara K. The surgical treatment of endomyocardial fibrosis : results in 55 patients. Circulation 1985; 72 (Suppl II): 274. 
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