BULLETIN DE L
Mensuel publié par l’Institut de recherche en économie contemporaine/Mai 2011
SOMMAIRE
À NOTER
Forum international
de l’économie sociale et
solidaire (FIESS)
Pouvoirs publics et
société civile
Ce colloque se tiendra
à Montréal du 17 au 20
octobre 2011. Pour obtenir de
l’information ou sinscrire,
voir www.chantier.qc.ca
2/Analyse du CASIQ
3/ Entrevue avec François
Aubry sur le salaire minimum
et le mouvement «Salaire
minimum convenable» aux
États-Unis et au Canada
4/ Remise des prix de l’IRÉC
2010: lannée d’un bon cru
Les économistes Gilles
Bourque et François
Aubry constatent que les
personnes payées au taux du
salaire minimum ne béné-
ficient pratiquement jamais
de régimes d’assurance, de
régimes de retraite, de for-
mation professionnelle et ne
travaillent pas suffisamment
d’heures pour être admissi-
bles à l’assurance-emploi.
Une stratégie de
reconversion
An de ne pas nuire à
la compétitivité du Qué-
bec, cette hausse devrait
être complémentaire à une
stratégie plus globale de
reconversion écologique de
l’économie, qui viserait à
soutenir le passage à une
voie supérieure du dévelop-
pement à haute intensité de main-d’œuvre qualifiée
et à faible intensité carbone. «Pour éviter la création
d’une économie à deux vitesses, disent-ils, cette stra-
tégie devra harmoniser les politiques publiques de
manière à favoriser la hausse des compétences des
personnes et la productivité des emplois plutôt que
chercher à abaisser les conditions minimales».
Le salaire minimum n’a pas d’effet
sur l’emploi global
Un des aspects les plus importants de cette
note est certainement l’intégration des résultats de
nouvelles études qui remettent en cause les théories
économiques néoclassiques.
Ces dernières établissent une
corrélation entre l’augmenta-
tion du taux du salaire mini-
mum et un impact négatif
sur l’emploi sont démenties
par les faits. «Pendant les
années 1980 et 1990, le
salaire minimum réel a
baissé du tiers au Canada, ce
qui n’a pas empêché un chô-
mage endémique. Par contre,
dans les années 2000, il a
augmenté alors que l’emploi
augmentait simultanément.
Généralement, peu importe
le modèle utilisé, les études
montrent que laugmentation
du salaire minimum n’a pas
d’effet sur l’emploi global,
à l’exception peut-être des
emplois des jeunes de 15 à
19 ans. Même cette exception
aurait été infirmée dans
certaines études, dont celle portant sur le New Jersey,
où une hausse de 20% du salaire minimum aurait
plutôt débouché sur une augmentation sensible de
l’emploi des jeunes», expliquent les économistes
Bourque et Aubry.
Une étude1 de l’Institut de la statistique du Qué-
bec (ISQ) publiée récemment confirme cette analyse.
SALAIRE MINIMUM/SUITE À LA PAGE 2
AUGMENTATION DU TAUX DU SALAIRE MINIMUM
Le gouvernement doit
maintenir le cap
Dans une note d’intervention sur le salaire minimum, deux chercheurs de l’Institut
de recherche en économie contemporaine (IRÉC) estiment qu’il n’y a pas lieu de geler
le taux du salaire minimum au Québec. « Le gouvernement québécois a déjà opéré un
changement de cap significatif, disent-ils, en acceptant d’aller au-delà de la fourchette
de 45-50% du salaire moyen. Le taux a connu une hausse de 18,8% en trois ans. Le
gouvernement doit maintenir le taux près du seuil de 55% du revenu médian dans le
court terme et viser le seuil du 60% du revenu médian à moyen terme ».
Facteurs justifiant une
hausse
1) Les décideurs politiques doivent
considérer que les personnes payées au
taux du salaire minimum ne bénéficient
pratiquement jamais de régimes d’assu-
rance ou de régimes de retraite, ni de
formation professionnelle.
2) Dans une proportion importante,
ces personnes ne travaillent pas non plus
sufsamment d’heures pour être admis-
sibles à l’assurance emploi. Ce sont des
facteurs qui contribuent à interdire aux
personnes payées au salaire minimum
l’atteinte d’un revenu décent.
3) Ces dernières années, le gouverne-
ment semble avoir opéré un changement
de cap significatif dans la politique qué-
bécoise du salaire minimum en acceptant
d’aller au-delà de la fourchette de 45-50%
du salaire moyen.
1. INSTITUT DE LA STATISTIQUE DU QUÉBEC. Hausse du
salaire minimum au Qbec et évolution de l’emploi:
que disent les données statistiques? Avril 2011, 4 pages.
Au cours du mois d’avril 2011, l’IQ-30
a baissé de 0,27% pour se situer à
1419,67. Douze titres ont augmenté alors
que dix-sept autres ont baissé. Cinq des sept
secteurs de l’IQ-30 ont connu une hausse. Le
secteur des Technologies de l’information a
eu la plus forte variation positive soit 1,82%.
Le secteur des Matériaux a subi une baisse
de l’ordre de -3,65%.
Le titre de la compagnie Les tements
de Sport Gildan a augmenté de +10,75%.
Tableau comparatif des secteurs de l’IQ-30 avec les secteurs de
l’Indice composé S & P/TSX
Depuis le début de l’année au vendredi 29 avril 2011
IQ-30 (%) TSX compo(%)
10–Énergie - 7,55
15–Matériaux -5,79 -2,00
20Industrie 13,18 8,07
25–Consommation discrétionnaire 0,45 -2,11
30Biens de consommation de base 3,56 3,15
35–Santé - 20,05
40Finance 9,32 6,68
45–Technologies de l’information 20,35 8,31
50–Télécommunications 0,34 4,50
55–Services aux collectivités - -0,56
Variation 6,74 3,73
N.B. Le secteur de l’énergie, de la santé et des services aux collectivités ne sont pas représentés dans l’IQ-30.
IQ-30: Les plus fortes hausses depuis le début de l'année
Prix ($) Prix ($) Variation Pondération (%) Variation
31 déc. 29 avril du titre au 31 déc. pondérée
Société 2010 2011 % 2010 %
Bombardier 5,01 7,05 40,72 4,87 1,98
Banque Nationale du Canada 68,52 78,34 14,33 8,33 1,19
Banque Royale du Canada 52,32 59,60 13,91 6,62 0,92
Groupe CGI 17,20 20,70 20,35 3,64 0,74
Saputo 39,58 45,04 13,79 4,49 0,62
ANALYSE DU CASIQ AU 29 AVRIL 2011
LIQ-30 connaît une baisse de 0,27%
Celui de la compagnie Semafo a affiché une
diminution de lordre de -13,46%.
Depuis le début de l’année, sept des dix
secteurs du TSX composé ont connu une
croissance positive alors que la variation
totale fût de +3,73%. La plus forte variation
positive provient du secteur de la Santé avec
une croissance de 20,05%.
Pour des informations plus complètes, voir
l’URL: http://www.iq30-iq150.org/
SALAIRE MINIMUM/SUITE DE LA PAGE1
Elle présente une analyse de l’évolution de
l’emploi au Québec entre les années 2000 et
2010 en lien avec les changements apportés au
taux du salaire minimum. Lorganisme gou-
vernemental met l’accent sur la période2005-
2010, soit celle au cours de laquelle le taux a
crû plus fortement.
Luc Cloutier, l’auteur de l’étude, résume
ainsi les conclusions auxquelles il est arrivé.
«En résumé, écrit-il, une hausse continue du
taux du salaire minimum entre 2001 et 2010
a été observée en même temps que l’emploi
salarié total connaissait une croissance presque
continue. De 2000 à 2005, on note un certain
repli de l’emploi au salaire minimum (– 6%)
associé à une hausse du taux, somme toute
assez modeste (+ 9%). Par contre, entre 2005
et 2010, une croissance très forte de l’emploi
au salaire minimum (+ 57%) est constatée
de même qu’une augmentation très mar-
quée du taux horaire légal (+ 24%). Dans ce
dernier cas, les changements observés nont
pas entraîné une véritable baisse des heures
de travail ou encore une hausse de l’emploi
temporaire à temps partiel dans les groupes
analysés. De plus, l’emploi rémunéré au-delà
du taux horaire minimum a, dans presque tous
les cas étudiés, connu une croissance entre les
années 2005 et 2010».
Laugmentation du salaire mini-
mum stimule l’économie
De leur côté, les auteurs de la note d’inter-
vention ont conclu en affirmant que laugmen-
tation du salaire minimum ne fait pas qu’amé-
liorer le sort des salariés les moins favorisés.
«Elle stimule davantage l’économie, disent-ils,
grâce à l’amélioration du pouvoir d’achat,
encourage l’entrée sur le marché du travail
du fait d’un écart plus élevé entre le salaire
minimum et l’aide sociale, augmente la pro-
ductivité du travail avec l’augmentation du prix
de l’effort et réduit le roulement du personnel.
Contrairement à ce qu’affirment les études des
économistes néoclassiques, après un certain
délai, la hausse du salaire minimum se réper-
cute sur l’ensemble de la structure salariale, le
temps d’intégrer les nouveaux écarts relatifs
dans les échelles de salaires des entreprises où
elles sont négociées. Il ne faut pas voir là une
causalité simple et automatique, mais lorsque
les conditions d’innovation sociotechniques
sont présentes, il y a probablement la création
d’un cercle vertueux de croissance».
La Note d’intervention de l’IRÉC numéro 6
s’intitule Le salaire minimum au Québec:
pour un revenu décent. Voir http://www.
irec.net/index.jsp?p=76
2
Tableau comparatif des secteurs
Depuis le jeudi 31 mars 2011 au vendredi 29 avril 2011
IQ-30 (%) TSX Compo(%)
10–Énergie - -2,63
15–Matériaux -3,65 -0,43
20Industrie 0,06 0,29
25–Consommation discrétionnaire 0,70 0,36
30Biens de consommation de base 1,01 0,93
35–Santé - 0,05
40Finance -0,87 -1,71
45–Technologies de l’information 1,82 -2,92
50–Télécommunications 0,68 0,80
55–Services aux collectivités - -0,61
Variation -0,27 -1,21
N.B. Le secteur de l’énergie, la santé et des services aux collectivités ne sont pas représentés dans l’IQ-30.
3
FRANÇOIS AUBRY/SUITE À LA PAGE 4
ENTREVUE AVEC FRANÇOIS AUBRY
Le salaire minimum, un enjeu
déconomie politique
L’économiste François Aubry a fait plusieurs recherches sur le salaire mini-
mum, dont celle, en collaboration avec d’autres économistes, pour l’orga-
nisme Au bas de l’échelle1. Comme collaborateur de l’IRÉC, il a rédigé avec
Gilles Bourque une très intéressante note d’intervention qui fait le point sur
la question2. Il est aussi le premier au Québec à s’être intéressé au mouve-
ment américain et canadien du «Salaire minimum convenable »3. «Les pro-
blèmes de pauvreté et d’exclusion sociale m’ont toujours interpellé, nous a
confié l’économiste. Le salaire minimum est un des moyens que la société qué-
bécoise s’est donnés pour combattre la pauvreté. Il n’est pas parfait, mais il
ne justifie pas les attaques très dures faites par les économistes néoclassiques
dont les modèles sont d’ailleurs contredits par la réalité». Nous le remercions
chaleureusement pour l’entrevue qu’il a accepté de nous accorder.
François
Aubry insiste
sur le fait que les
augmentations
récentes du
salaire minimum
aident 200000
personnes,
en majorité
des femmes, à
affronter l’état de
grande précarité
qui, souvent,
caractérise leur
situation. Mais
des efforts supplé-
mentaires doivent
être déplos
afin d’améliorer
leurs conditions
de vie. «En effet,
souligne l’économiste, la très grande majorité
de ces personnes travaillent à temps partiel
alors que la moyenne des heures travaillées de
l’ensemble des personnes salariées au Québec
est d’environ 36 heures par semaine. De plus,
elles sont rarement syndiquées, n’ont aucune
sécurité d’emploi, bénéficient très rarement
d’avantages sociaux et ont peu de possibilités
d’accéder à des emplois plus intéressants à
l’intérieur de l’entreprise», soutient le collabo-
rateur de l’IRÉC.
«À un niveau plus global, l’avantage d’un
salaire minimum adéquat est de contribuer à la
diminution des
coûts sociaux
et économiques
engendrés par la
pauvreté, dont
la société doit
assumer le fardeau
financier. À l’in-
verse, la persis-
tance d’un faible
niveau de salaire
minimum a aussi
des effets néfastes
sur l’ensemble de
la société. Il affecte
non seulement les
personnes pauvres
qui travaillent au
bas de l’échelle,
mais il peut aussi
agir comme
repoussoir pour
les sans-emploi qui ne voient aucun espoir de s’en
sortir.
Salaire minimum et niveau de
l’emploi
D’autres études4 ont montré que lorsque les
modèles des chercheurs intègrent des éléments
de réalité, tels la croissance économique, l’impact
d’une hausse du salaire minimum sur la demande
globale, le lien entre le niveau de salaire et la
productivité des personnes salariées, les coûts
d’embauche, d’encadrement et de formation liés
au roulement du personnel, la possibilité pour
les entreprises d’absorber les hausses, en totalité
ou en partie, soit par des ajustements des prix,
soit par des gains de productivité à la suite de
modifications dans l’organisation du travail ou
la qualité des produits et services offerts, soit par
une diminution des profits, on observe qu’une
hausse du salaire minimum n’a pas de consé-
quences négatives sur l’emploi, même chez les
très jeunes.
Les critères de fixation du taux
Depuis 2002, le gouvernement du Québec a
retenu cinq critères comprenant un ensemble de
treize indicateurs afin d’établir le taux du salaire
minimum5. Le premier critère est celui du pouvoir
d’achat des personnes salariées et leur partici-
pation à l’enrichissement collectif. Le deuxième
concerne les effets négatifs sur la compétitivité des
entreprises. Le troisième est l’effet négatif possible
d’une hausse du salaire minimum sur l’emploi; ce
critère — qui utilise le ratio du salaire minimum
en pourcentage du salaire horaire moyen des per-
sonnes rémunérées à l’heure — occupe une place
toute spéciale dans la fixation du taux du salaire
minimum (voir l’encadré 47%: Un indicateur
controversé). Le quatrième renvoie à l’impact du
salaire minimum sur l’incitation au travail avec
pour hypothèse que plus l’écart est grand entre le
revenu que représente un emploi à plein temps au
salaire minimum et l’aide sociale, plus grande est
l’incitation au travail. Enfin, le dernier introduit
l’impact du salaire minimum sur les personnes
pauvres suite à l’adoption de la loi112 visant à
lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale.
Pour ce qui est des treize indicateurs utilisés,
François Aubry souligne que seul le ratio salaire
Natif de Hull, François Aubry a obtenu une maîtrise en éco-
nomie de l’Univesité d’Ottawa pour ensuite poursuivre des études
doctorales à Lyon en économie urbaine. De retour au Québec, il
a travaillé comme économiste au ministère des Affaires sociales.
Il a été par la suite conseiller à la négociation à la Fédération
de la métallurgie, puis économiste au service de recherche de la
CSN. Plus tard, il a travaillé à l’UQAM sur des projets de recherche
sur l’économie solidaire. Il travaille maintenant sur un projet de
recherche sur la pauvreté et l’inclusion des personnes handicapées.
1. AUBRY, François, et autres Le salaire minimum,
la pauvreté et l’emploi: des arguments en aveur
d’une hausse substantielle du salaire minimum,
Au Bas de l’Échelle, 2006, 63 p. www.aubasdelechelle.ca
2. Voir l’article de la page couverture de ce numéro.
3. AUBRY, François. Le «Living Wage» aux États-Unis
et au Canada, Conférence régionale des élus (CRÉ) de
Montréal, Forum régional sur le développement social,
septembre 2010, 56 p. www.credemontreal.qc.ca
Les opposants à la hausse du salaire
minimum centrent leur argumentation
sur l’axiome de la théorie néoclassique selon
lequel les interventions de l’État sur les mar-
chés nuisent à ceux que ces interventions sont
censées protéger. Dans le cas du marché du
travail, le salaire minimum augmenterait le
coût du travail et nuirait à l’emploi, en parti-
culier pour les personnes sans qualifications.
Bien que de nombreuses recherches empi-
riques menées depuis le début des années
1990 invalident cette approche, le gouverne-
ment du Québec invoque l’importance de la
relation entre le salaire horaire minimum et
le salaire horaire moyen des personnes rému-
nérées à l’heure pour évaluer les pertes d’em-
plois engendrées par une hausse du salaire
minimum. Il en conclut, avec l’économiste
Pierre Fortin, qu’un ratio de 47% réaliserait
un bon compromis entre la préservation de
l’emploi, l’incitation au travail et l’équité. Cet
indicateur est très contestable. Premiè-
47%: un ratio
controversé
4. CARD, David et Allan KRUEGER. Myth and Measure-
ment : The New Economics of the Minimum Wage,
Princeton, Princeton University Press, 1995.
47%/SUITE À LA PAGE 4
Photo:AndréLaplante
5. MASCHINO, Dalil. «La fixation du salaire minimum»,
Regards sur le travail, vol. 7, no 1, automne 2010, 5 p.
Bulletin d’information
de l’Institut de recherche en économie
contemporaine (IRÉC) à l’intention des Amis
de l’IRÉC/Numéro 15
1030, rue Beaubien Est, bureau 103
Montréal, Québec H2S 1T4
Tél. 514 380-8916/Télécopieur: 514 380-8918
adm.irec@videotron.net/ www.irec.net
Directeur général de l’IRÉC: Robert Laplante
Responsable du bulletin: André Laplante
514 564-7955/andrelaplante@irec.net
Collaboration: Fraois Aubry, Frédéric Farrugia
(CASIQ)
Graphisme(grille): Anne Brissette
pôt légal à la Bibliothèque nationale du Québec
BULLETIN DE L
minimum/salaire horaire moyen des personnes
rémunérées à l’heure joue un rôle détermi-
nant. Lorsque le salaire minimum envisagé est
supérieur à 47% du salaire horaire moyen, la
décision d’aller de l’avant ne peut être prise sans
que le ministre du Travail consulte les princi-
paux ministères à vocation économique. Ce ratio
proposé été retenu par le ministère du Travail
comme principal indicateur économique lors de
la révision de la politique du salaire minimum de
2002. Il a été établi en s’appuyant sur les résultats
d’une étude de Grenier et Séguin6 publiée en 1992
estimant l’impact du salaire minimum sur des
adolescents sur deux périodes différentes (1956 à
1975 et 1976 à 1988)
Le seuil
L’économiste est conscient qu’il faut adopter
une approche équilibrée pour déterminer le seuil
qui, tout en procurant un revenu décent à ceux
et celles qui occupent des emplois non qualifiés,
ne soit pas contreproductif pour la création des
emplois et l’activité économique. Il existe un
seuil au-delà duquel les effets négatifs d’une
hausse sont supérieurs aux effets positifs. Il insiste
cependant sur la nécessité de mener des études
empiriques qui mesurent l’impact d’une hausse
des augmentations réelles et récentes du salaire
minimum après son ajustement, non avant. Elles
sont plus réalistes que les modèles théoriques
des néoclassiques et des études empiriques qui
remontent relativement loin dans le passé. “Il
faut tenir compte notamment des changements
survenus dans la structure industrielle du Québec
depuis la fin des années 1970, dit-il. Prenons
ces exemples: la diminution importante des
emplois dans le secteur manufacturier depuis la
FRANÇOIS AUBRY/SUITE DE LA PAGE3
4
rement, on peut se demander pourquoi le
ratio retenu exclut plus d’un million de
travailleuses et de travailleurs québécois qui
travaillent à salaire fixe hebdomadaire, men-
suel ou autre. Or, il s’avère que ces personnes
ont un revenu moyen de 40% supérieur au
revenu moyen des personnes rémunérées à
l’heure. Le choix de l’indicateur du salaire
moyen a des conséquences sur le ratio. En
2005 par exemple, le salaire minimum ne
représentait que 38% du salaire moyen de
l’ensemble des personnes salariées au Qué-
bec, non pas 45%.
Deuxièmement, comparer le salaire
minimum à un salaire moyen, quel quil
soit, revient à comparer des pommes et des
citrouilles. Cette stratégie d’analyse fait
abstraction du fait qu’un poste de travail
comprend aussi un horaire de travail et
un certain nombre de droits et d’avantages
pécuniaires (sécurité d’emploi, des avantages
sociaux comme les assurances collectives,
régimes de retraite, etc.) ou garantis par
l’État (assurance emploi, régime des rentes
du Québec, etc.) Or, sur lensemble de ces
aspects, les personnes travaillant au salaire
minimum sont désavantagées.
47%/SUITE DE LA PAGE3
CÉRÉMONIE DE REMISE DES PRIX DE L’IRÉC 2010
Un bon cru: six prix
Plus d’une cinquantaine de personnes ont
assisté à la remise des Prix de l’IRÉC
2010 à la Grande Bibliothèque à Montréal.
Luc Cloutier a reçu le prix pour la
meilleure thèse de doctorat intitulée
«Lévolution de la qualité de l’emploi
des femmes et des hommes au Qué-
bec entre 1997 et 2007: l’ascenseur
de la scolarisation et le fardeau des
responsabilités familiales». Il y a
aussi eu deux mentions d’honneur
dans la catégorie «Thèse de docto-
rat» pour Catherine Le Capitaine
et Lovasoa Nirina Ramboarisata.
Abel Brodeur a gagné le prix pour le
Photo:AndréLaplante
Une partie de l’assistance lors de la remise des Prix de
l’IRÉC 2010 à la Grande Bibliothèque le 26 mai dernier.
meilleur moire de maîtrise. Deux mentions
d’honneur dans la catégorie «Mémoire de
maîtrise» ont été décernées à Alice Friser et
Caroline Simard. Voir www.irec.net
fin des années 1970; le déclin de l’emploi dans les
secteurs dits ‘mous’ telles les industries du textile,
du vêtement et de la chaussure; le développement
d’industries manufacturières à haute valeur
ajoutée tels l’aéronautique, le développement tous
azimuts des emplois dans le secteur des services.
Ces phénomènes ont engendré des modifications
dans la relation entre une augmentation du
salaire minimum et le niveau d’emploi.
Deux exemples récents contredisent les
conclusions pessimistes quant à cette relation.
L’Institut de la statistique du Québec a publié
une étude sur la situation d’ensemble au Québec
(voir premier article de ce numéro). La deuxième
étude de nature sectorielle concerne l’impact de
la hausse du salaire minimum de 8,50$ à 9$
le 1er mai 2009 sur la situation financière et le
niveau d’emploi dans 692 restaurants et bars du
Québec. L’enquête conclut: « Ainsi, malgré les
conséquences importantes de la hausse du salaire
minimum sur les salaires dans le secteur de la
restauration et des bars, son effet est négligeable
sur l’emploi ». Le secteur des bars et restaurants
regroupe la plus grande proportion du personnel
payé au salaire minimum.
Salaire minimum convenable
À la demande du Forum régional sur le
développement social de l’île de Montréal,
l’économiste s’est penché sur le phénomène du
salaire minimum convenable ou ‘Living Wage’,
qui a débuté en 1994 à Baltimore aux États-Unis.
Initié par des organisations populaires, syndicales
et religieuses, le mouvement veut obliger les
municipalités à exiger des entreprises à qui elles
offrent des contrats ou des subventions à payer
leur personnel selon un taux de salaire minimum
permettant à une famille de deux adultes et deux
enfants de vivre au-dessus du seuil de pauvreté. Le
mouvement s’est étendu à plus de 140 municipali-
tés américaines, dont plusieurs grandes villes.
Au Canada, il s’est implanté récemment dans
la municipalité de New Westminster en Colombie
6. GRENIER, Gilles et Marc SÉGUIN. « L’incidence du
salaire minimum sur le marché du travail des adolescents
au Canada: reconsidération des résultats empiriques »,
LActualité économique, no 67, juin 1992,
britannique. Plusieurs projets sont en cours dans
d’autres municipalités canadiennes.
Ce mouvement n’a pas pris racine au Québec,
où il est d’ailleurs peu connu. Pour François
Aubry, cela s’explique du fait que le Québec a
réussi à se démarquer des provinces canadiennes
et plus encore des États-Unis, avec la mise en
place depuis la fin des années 1990 d’une poli-
tique familiale avant-gardiste généreuse qui a
contribué à réduire significativement la pauvreté
chez les familles québécoises.
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