répartis dans chaque secteur en établissant
par exemple le pourcentage de revenus qui
vient des sous-secteurs universitaire, collégial,
s e c o n d a i r e , primaire, etc.
L’étape suivante a consisté à prendre le
tableau d’impact économique fourni par le
modèle intersectoriel du Québec de l’Institut
de la statistique du Québec (ISQ) qui permet
de mesurer l’effet sur l’économie des revenus
provenant de tous les sous-secteurs.
Le chercheur a alors pris les revenus
distribués dans chaque secteur, calculé la pro-
duction dans chaque sous-secteur et appliqué
le modèle pour voir l’impact sur les emplois
directement soutenus (employés), indirec-
tement soutenus (fournisseurs) et les autres
(taxes, etc.)
Les résultats
Rappelons l’hypothèse: le Québec a pris
des dispositions législatives pour répondre aux
besoins de la minorité historique anglophone.
Normalement, les services offerts devaient
être en proportion de la population de cette
communauté. Les résidents de langue mater-
nelle anglaise au Québec constituent 8,7% de
la population. L’étude s’est ensuite penchée sur
chaque secteur afin de voir ce qu’il en était
dans les faits.
Enseignement. Dix pour cent des habi-
tants scolarisés du Québec c’est-à-dire qui
fréquentait un établissement scolaire l’année
du recensement sont de langue maternelle
anglaise. Dix-sept pour cent des travailleurs
et des travailleuses de ce secteur utilisent le
plus souvent l’anglais. Ce sont 49600 emplois.
À noter que les élèves anglophones disposent
de plus d’enseignants par personne que les
francophones.
Santé. Pour une population de la
minorité historique anglophone de 8,7%,
12% des travailleurs et des travailleu-
ses de ce secteur exercent en anglais. Ce
sont 54300 emplois. À noter qu’il y a 357
professionnels et le personnel qui utilisent
l’anglais comme langue de travail pour
10000 anglophones alors qu’il y a 253 pro-
fessionnels qui utilisent le français le plus
souvent pour 10000 habitants de la langue
majoritaire.
Administration publique. Dans cette
étude, cette catégorie comprend la fonction
publique québécoise, fédérale et munici-
pale. Ici, nous avons 13% du nombre total
qui parle régulièrement ou le plus souvent
en anglais. À noter que dans le bassin d’em-
ploi anglophone, le revenu annuel moyen
est de 59500$ alors qu’il est de 50000$
pour le bassin d’emplois francophone. La
présence de la fonction publique fédérale
n’est pas étrangère à ce résultat.
En tout, les trois secteurs représentent
135250 emplois. De ce nombre, 13,9% relève
du bassin d’emplois anglophone alors que la
population historique anglophone est de 8,7%.
Le tableau21 de l’étude intitulé La langue
maternelle des travailleuses et des tra-
vailleurs de bassin d’emploi anglophone
au Québec montre que ce sont des francopho-
nes et des allophones qui occupent majoritaire-
ment ces emplois.
« Rest of Canada »
La situation est différente dans le « Rest of
Canada ». En Ontario, il y a 4,9% des emplois
qui proviennent du bassin francophone. La
une minorité francophone représente 4,4% de
la population. Au Nouveau-Brunswick, c’est
31,5% des emplois pour une communauté
francophone de 33,4%. Ailleurs, c’est 1,3% des
emplois pour une communauté francophone
de 2,2%. 3
L’économiste Henri Thibaudin a analysé l’impact de l’offre d’emploi de la
langue minoritaire tant au Québec qu’au Canada. « Nous avons analysé, dit-il,
une dimension jamais évaluée de la réalité linguistique au Québec à partir
de données empiriques objectives. Nous nous sommes dotés d’une méthode
rigoureuse en essayant de répondre à la question suivante: les ressources
anglophones mises à la disposition de la communauté minoritaire dans trois
secteurs publics correspondent-elles au poids de cette communuauté? Nous
avons maintenant une analyse chiffrée de cette réalité. Je suis heureux de voir
que notre méthode et nos chiffres n’ont pas été contestés ». Nous remercions
chaleureusement Henri Thibaudin pour l’entrevue qu’il nous a accordée.
ENTREVUE AVEC HENRI THIBAUDIN
Une contribution scientifique
au débat sur la langue
Le chercheur a d’abord bien défini la
méthode de travail, identifié les sour-
ces de données les plus crédibles ainsi que
les bons outils d’analyse.
La méthode
Une première méthode devait permettre
de décrire de manière fiable les bassins
d’emplois anglophones dans la sphère
publique. Ensuite, le modèle devait permet-
tre d’en mesurer l’impact sur l’économie
du Québec.
À partir des données du recense-
ment de 2006 de Statistique Canada, les
secteurs de l’enseignement, de la santé et
de l’administration publique ont été triés
selon la langue utilisée au travail. Il existe
deux critères: la langue la plus souvent
utilisée et celle utilisée régulièrement. «
Nous avons retenu la première, explique le
chercheur, afin d’éviter de compter des tra-
vailleurs et des travailleuses francophones
qui utilisent à l’occasion la langue anglaise
au travail. Le même critère pour la langue
minoritaire française a été utilisé pour le reste
du Canada ».
Ensuite, une ventilation selon les catégories
professionnelles a permis d’avoir les salaires,
etc. En établissant un calcul selon les variables
de tri, il a été possible d’obtenir les revenus
totaux des travailleurs et des travailleuses
concernés d’un secteur et les revenus moyens
par catégorie professionnelle.
Enfin, il s’agissait de mesurer l’impact
économique des données recueillies et traitées.
Les données par sous-secteur n’étaient pas
accessibles pour le Québec. Par contre, celles
sur la redistribution existaient pour le Canada.
« Nous avons fait l’hypothèse que la distribu-
tion devait être la même au Québec, car l’étude
portait sur le secteur public et les structures
étaient sensiblement les mêmes », a précisé
le chercheur. Les revenus ont ainsi ont été
Natif d’Aix-en-Provence, Henri Thibaudin a fait ses études de
baccalauréat en économie à l’Université de la Méditerranée. Il
vit au Québec depuis 2006. Chargé de projet pour l’IRÉC, il est
titulaire d’une maîtrise en sciences économiques de l’Univer-
sité de Montréal avec une spécialité en évaluation de projet. Il
poursuit actuellement une recherche à l’IRÉC dans le domaine
des ressources naturelles et plus particulièrement de la res-
source « eau ». Il a déjà produit des études portant notamment
sur les mécanismes de financement des hôpitaux, la prévision
des quantités d’hospitalisations de courte durée au Québec
et l’analyse coûts-efficacité d’un projet public dont la solu-
tion de remplacement est un partenariat public-privé (PPP.).
Photo:AndréLaplante