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Le 15 novembre dernier, l’historien norvégien Idar Helle prononçait en
français une conférence sur le modèle norvégien, à l’invitation de l’Associa-
tion pour la taxation des transactions financières et pour l’action citoyenne
(Attac)2 au Québec. «Ce qui est frappant, c’est de voir qu’un modèle de déve-
loppement économique basé sur l’État, la concertation tripartite, des impôts
élevés et une présence syndicale forte conduit non pas à la faillite, mais à la
prospérité économique tout en maintenant une plus grande justice sociale»,
a expliqué Robert Laplante, directeur général de l’IRÉC qui a assisté à la
rencontre.
CONFÉRENCE DU NORVÉGIEN IDAR HELLE1
La social-démocratie favorise
la prospérité économique
Idar Helle a souligné l’importance de la participation
de la Norvège au Conseil nordique, une institution
créée en 1955, regroupant les pays nordiques avec
des pays membres (Danemark, Finlande, Islande,
Norvège et Suède) et des pays observateurs (Esto-
nie, Lettonie et Lituanie). Dès son année de créa-
tion, des règles communes ont été instituées entre
ses membres concernant le marché du travail et la
sécurité sociale. Le Conseil a par ailleurs garanti la
liberté de circulation des citoyens et des citoyennes
entre chaque pays membre. Soulignons que la Nor-
vège a refusé, à deux reprises, lors de référendum
en 1972 et 1994, d’adhérer à l’Union européenne.
Nous avons eu droit à une démonstration
qui constituait un véritable démenti de la
posture idéologique voulant que le mouvement
syndical soit un obstacle à la prospérité. Au
contraire. Ce pays occupe la quatrième place
mondiale du produit national brut (PNB)/habi-
tant (2006) «Avec un taux de syndicalisation à
près de 55%, on voit que cette présence syndi-
cale forte a joué un rôle positif et essentiel sur
la performance économique globale du pays»,
poursuit Robert Laplante.
Le syndicalisme a une longue histoire en
Norvège. La Confédération générale du travail
(LO) a été fondée en 1899.
Concertation
La Norvège a aussi une tradition de colla-
boration entre le patronat, les syndicats et le
gouvernement. Même les sociétés étrangères,
précise Idar Helle, sont obligées d’accepter la
présence syndicale. Les résultats sont probants:
la Norvège est un pays hautement développé,
qui se classe parmi les plus riches au monde
tout en atteignant des sommets en ce qui a
trait au niveau de vie de ses habitants, de leur
espérance de vie, de la santé publique et de la
qualité du logement.
Rôle de l’État
Idar Helle décrit l’économie norvégienne
comme étant très ouverte, très compétitive.
Cependant, l’État joue un rôle extrêmement
actif dans l’économie. Il est propriétaire de
55% des actifs du secteur industriel. «L’État
est perçu non pas comme un frein, mais bien
comme un moteur de l’activité économique.
La Norvège a fait le choix d’exploiter ses
ressources naturelles en particulier le pétrole
afin de soutenir un changement dans sa base
énergétique. La décision de mettre l’État au
premier plan pour l’exploitation des gisements
pétroliers dans la Mer du Nord a été l’objet d’un
débat national durant deux ans. La Norvège a
alors créé Statoil pour en faire l’exploitation en
partenariat avec le privé. Cette société devenue
la plus importante du pays est détenue à plus
de 70% par l’État. L’essentiel de la valeur pro-
duite est retourné au Trésor norvégien qui est
le vrai propriétaire de la ressource. On voit bien
l’importance de la concertation comme mode
de résolution des conflits et l’établissement
des compromis. Tous les intérêts sont débattus
dans un cadre accepté par tous et les partenai-
res se plient aux décisions qui en découlent. Ce
débat n’a pas été fait au Québec sauf lors de la
nationalisation de l’électricité. Rien n’a été fait
pour les secteurs de la forêt ou des mines. Le
Plan Nord prévoit une timide participation de
l’État au développement des ressources, tout en
assumant les risques!», explique le directeur
général de l’IRÉC.
Dans la même foulée, les Norvégiens ont
décidé de créer un fonds souverain pour les
générations futures, alimenté par les revenus
pétroliers excédentaires de l’État. Avec ses 560,5
milliards de dollars d’actifs, au mois de juin
2011, le fonds de retraite norvégien est le plus
gros fonds souverain au monde.
Impôts élevés
L’État a les moyens de ses interventions
avec des taux d’imposition élevés et une TVA
(l’équivalent de la TPS-TVQ) de 23%. Cela
permet l’existence d’un système de protection
sociale que Idar Helle résume en cinq carac-
téristiques: 1) le plein emploi; 2) un système
universel d’allocations pour faire face au chô-
mage, à la maladie ; 3) une politique familiale
où l’accent est mis sur l’égalité des sexes; 4) des
revenus suffisants à la retraite; 5) des services
publics de qualité (éducation, santé, etc.). En
ce qui a trait au logement, soulignons que
80% des Norvégiens et des Norvégiennes sont
propriétaires de leur habitation.
NORVÈGE/SUITE À LA PAGE 4
LA NORVÈGE
Quelques indicateurs
(2011)
Population: 4,9 millions d’habitants
Capitale: Oslo
PIB: 479,30 milliards de dollars (estimé)
PIB par habitant: 96590$ (estimé)
Taux de chômage: 3,6%
Taux de croissance: 2,7%
Taux d’inflation: 1,4%
Fond souverain: 560,5 milliards $ (1er au
monde)
Taux de syndicalisation: 53%
Indice de développement humain: 1er au
monde.
1. Idar Helle est historien et militant d’Attac Norvège. Il
est un spécialiste de la réalité du travail et du mouvement
ouvrier européen après 1945. Il a été membre du comité
international d’Attac Norvège et l’initiateur de la pre-
mière université d’été européenne d’Attac en août 2008.
2. Fondée en 1998, suite à la rédaction d’un éditorial du
Monde diplomatique en décembre 1997: «Désarmer les
marchés» l’Association pour la taxation des transactions
financières et pour l’action citoyenne (Attac) promeut la
reconquête, par les citoyens et les citoyennes, du pouvoir
que la sphère financière exerce sur tous les aspects de la vie
politique, économique, sociale et culturelle dans l’ensem-
ble du monde. www.quebec.attac.org
Carte : L’État du monde 2005