étaient qualifiés de logopéniques, ce terme décrivant
un discours plutôt non fluent, ralenti, avec un manque
du mot au premier plan, des phrases courtes n’excé-
dant pas quatre mots, une syntaxe préservée mais sim-
plifiée, sans trouble de la phonologie, de l’articulation
et de la compréhension [1, 3, 16] ; 4 patients avaient
une aphasie non fluente qui évoquait un tableau
d’aphasie de Broca, caractérisée par une anomie, des
erreurs articulatoires et phonologiques et un agramma-
tisme ; 2 patients avaient « une aphasie sémantique ou
démence sémantique » avec, au premier plan, un trou-
ble de la compréhension des mots sans trouble de la
syntaxe ni de la phonologie dans le contexte d’un dis-
cours fluent ; 2 patients étaient mutiques alors que leur
compréhension était relativement épargnée ; 6 patients
présentaient une aphémie ou apraxie verbale avec des
« erreurs articulatoires et phonologiques » (probables
troubles arthriques), un débit de parole ralenti, parfois
une tendance au bégaiement et un trouble de la proso-
die. Ces derniers patients sont à rapprocher d’autres
cas publiés sous le nom de « perte progressive du
langage et apraxie bucco-faciale associées à un hypo-
métabolisme frontal » [17], de « perte progressive du
langage avec dysfonctionnement prémoteur » [18],
d’« anarthrie progressive » [19] ou d’« aphémie pro-
gressive pure » [20]. Par ailleurs, des études de cas
isolés ont décrit des tableaux de surdité verbale pure
avec un trouble isolé de la compréhension du langage
oral, en l’absence de trouble de l’expression et de la
compréhension du langage écrit, qui présentaient, à
l’imagerie, une atrophie et un hypométabolisme tem-
poral supérieur gauche : cas 4 de Mesulam [1], cas 2 de
Croisile et al. [21], cas d’Otsuki et al. [22]. Ces tableaux
d’anarthrie et de surdité verbale progressives repré-
sentent des tableaux frontières et se détachent du
cadre strict des APP.
Une autre approche a tenté une classification des
APP selon l’axe de la fluence. Snowden et al. [23] ont
décrit trois sous-types d’APP à partir de l’étude longitu-
dinale de 16 patients :
1) le profil A, « anomie/non fluent » (5 patients) était
caractérisé par un manque du mot, un style télégraphi-
que, une répétition altérée, des troubles de la lecture et
de l’écriture, une compréhension relativement bien
préservée et évoluait vers le mutisme. L’imagerie mon-
trait une atrophie asymétrique plus prononcée à gau-
che et un hypométabolisme hémisphérique gauche ;
2) le profil B, « anomie + trouble de la compré-
hension/fluent » (6 patients), était caractérisé par un
manque du mot, de nombreuses paraphasies sémanti-
ques, un trouble de la compréhension des mots, des
régularisations en écriture, dans le contexte d’un dis-
cours fluent avec une articulation, une syntaxe et une
prosodie préservées. L’évolution se faisait vers une
réduction du langage, avec une écholalie, des persévé-
rations et des troubles sévères de la compréhension,
et, pour quatre de ces patients, une agnosie associative
et des troubles du comportement faisant évoquer un
tableau de démence sémantique. Chez trois patients,
l’imagerie montrait une atrophie et un hypométabo-
lisme antérieurs bilatéraux (symétriques ou prédomi-
nant à gauche) ;
3) le profil C (5 patients), regroupait des formes inter-
médiaires, difficiles à classer. Quatre patients présen-
taient un tableau mixte, le profil A accompagné d’un
déficit marqué de la compréhension, une évolution
vers un mutisme, mais gardant parfois la capacité à
s’exprimer par écrit (par des mots isolés). Chez ces
patients, l’atrophie cérébrale était globale, symétrique
ou plus marquée à gauche et un hypométabolisme
frontal gauche était observé. Le dernier patient présen-
tait un discours fluent voire logorrhéique, de type apha-
sie de Wernicke, avec une certaine préservation de la
compréhension des mots concrets. L’atrophie frontale
était bilatérale, mais l’hypométabolisme était plus mar-
qué à droite.
Dans la même optique, Mesulam [4] a décrit deux
grands tableaux d’APP en séparant clairement les for-
mes non fluentes et fluentes et en prenant en compte
l’évolution. Il a décrit ainsi une première phase, le stade
anomique, commun à toutes les APP, caractérisée par :
– un discours fluent malgré la recherche de mots, la
présence de pauses, l’utilisation de mots neutres et la
production de paraphasies sémantiques ;
– un manque du mot lors d’épreuves de dénomination,
sans trouble de la compréhension de ces mêmes mots
(désignation correcte).
À ce stade, la grammaire, la syntaxe et la lecture
sont préservées et la compréhension est parfaite ; on
peut observer des paraphasies phonémiques et des
troubles de l’écriture.
Ce stade anomique peut évoluer en deux tableaux
aphasiques différents :
1) l’APP non fluente, se différenciant en deux sous
types :
–une forme anomique pure dans laquelle le manque
du mot reste isolé, s’aggrave progressivement et évo-
lue vers un mutisme ;
–une forme avec agrammatisme, proche de l’apha-
sie de Broca et caractérisée par un débit de parole
ralenti, une perte de la prosodie, un manque du mot,
Les aphasies progressives primaires
Psychol NeuroPsychiatr Vieil, vol. 4, n° 3, septembre 2006 191
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