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Exemple de corrigé pour la question de littérature classique L1 janvier 2010
Cours de F. Lagrange
Imru’ al-Qays, le « poète-étalon » et le personnage littéraire
Les anthologies littéraires médiévales présentent unanimement Imru’ al-Qays b. uǧr al-Kindī(VIe siècle)
comme le père de la qaṣīda,le long poème monorime, monomètre et multithématique de la tradition
antéislamique, qu’ils regardent comme la plus haute forme de poésie. C’est significativement par la notice qui
lui est consacré que s’ouvre le Kitāb al-Ši‘r wa-l-šu‘arād’Ibn Qutayba (m. 889), immédiatement après
l’introduction théorique. Pourtant, l’historicité d’Imru’ al-Qays, que les savants irakiens du VIIIe siècle
(comme Abū‘Amr b. al-‘Alā’, al-Mufaḍḍal al-abbīou leur exigeant successeur barien al-Ama‘ī) font
mourir vers 550, est sujette à caution. R. Blachère, dans son Histoire de la littérature arabe,le qualifie de
personnage « semi-historique » et pense que la biographie de ce poète de l’Arabie centrale est « contaminée »
par celle d’un émir de Syrie du Sud, en rapport avec les Ġassānides (le royaume-tampon vassal de l’Empire
Byzantin et le protégeant des incursions arabes). Notant que des doutes étaient déjà exprimés par les critiques
médiévaux sur la transmission de cette poésie, Blachère estime également peu fiables les longues pièces du
dīwānd’Imru’ al-Qays, dont l’archaïsme et la préciosité lexicale lui semblent suspects. Al-Ama‘ī(m. 828)
estimait en effet que toute l’œuvre d’Imru’ al-Qays avait été transmise par le kūfien ammādal-Rāwiya, qu’il
qualifiait de faussaire ; cependant, le logographe barien ne remet pas en cause l’existence même du
personnage.
La recherche contemporaine se préoccupe cependant moins de l’authenticité historique (bien que la
découverte de liens entre l’Empire byzantin et le Royaume de Kinda redonne quelque vraisemblance au
personnage)1 et examine le personnage dans une perspective plus anthropologique.
Imru’ al-Qays est un « étalon » de la poésie aux deux sens du terme ; tout d’abord, il s’agit du qualificatif
qu’emploient les anthologues à l’égard des premières générations reconnues de poètes bédouins anté-
islamiques : fal(pl. fuḥūl), assimilant la production poétique à la virilité fougueuse de l’animal, et le
jaillissement naturel du verbe à la procréation. Le falest le poète à l’ample production, qui maîtrise et
s’approprie la langue. Ce terme ne s’applique qu’aux Anciens, et àla génération des muaramūn(poètes
ayant connu le paganisme et l’islam), quand bien même Ibn Qutayba souligne dans son introduction du Al-
Ši‘r wa-l-šu‘arāque l’ancienneté n’est pas à elle seule gage de qualité et que les modernes (mudaṯūn) sont
eux-aussi capables de bonne poésie. Son statut d’étalon se lit également au travers des épisodes de son
« roman », de sa biographie semi-mythique, qu’on verra infra.Mais il faut aussi comprendre « étalon» au sens
de mesure et de modèle : exemple d’ode traditionnelle, la première pièce de son dīwān,sa mu‘allaqa fonde
un archétype que les poètes ultérieurs seront supposés imiter, à tout le moins dans le domaine de la poésie
d’apparat, et donc du madīḥ,le panégyrique. C’est pour ceci que « son » poème dont la célèbre ouverture a été
apprise par cœur par des générations d’écoliers au cours du dernier millénaire et demi :
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Faisons halte, vous deux, afin de pleurer le souvenir de l’aimé(e) et d’une étape
1. Voir Ibrahim Mumayiz, “Imru’ al-Qays and Byzantium”, Journal of Arabic Literature 36 (2005)
Au terme de la dune, entre Daḥūl, awmal
Tūḍi et al-Miqrāt, dont les traces ne se sont pas effacés
Tant elles ont été tissées par le passage des vents du sud et du nord
est toujours la première pièce mise en exergue et expliquée (tant le vocabulaire y est archaïque) par les
commentateurs des mu‘allaqāt,cette collection de sept (ou dix...) poèmes de l’anté-islam mise en place au
VIIIe siècle, et présentée comme joyau de la poésie des Arabes d’antan.
Les abār(anecdotes narratives) constituant la biographie du poète dans les anthologies d’adab (outre celle
d’Ibn Qutayba, on citera le Kitāb al-Aġānīd’al-Ifahānī,m. 967) construisent le portrait d’un héros réunissant
les qualités et défauts associés aux bédouins : fils de uǧr, dernier roi de la confédération tribale des Kinda
(Arabes du Sud établis dans la région du Naǧd), Imru’ al-Qays aurait été chassé par son père en raison de son
penchant pour la boisson, les femmes et la poésie. Quand ce dernier est assassiné par les BanūAsad, en
révolte contre leur suzerain, il se donne une dernière soirée de plaisir avant de consacrer le reste de sa vie à
venger son père : la légende lui fait prononcer la formule devenue proverbiale 9/8KKC3):K K+3LK9;M)K+ (ce soir le
vin, demain les affaires sérieuses). Il devient alors al-Malik al-illīl,le roi-errant, poursuivant les BanūAsad
à travers l’Asie mineure, contractant alliance avec l’empereur byzantin Justinien avant d’être trahi par ce
dernier qui, outré qu’il ait composé des vers sur sa fille, lui fait don d’une tunique empoisonnée. Imru’ al-
Qays devient alors Ḏū l-quru(le pustuleux) et meurt à Ancyre2,en prononçant ses derniers vers (sans doute
apocryphes) devant la montagne ‘Asīb :
!'=A+!HM (N +92)89
D./+# / O'N3
PC/5) !) C!#M ./6=Q
D
!'=A+!HM !R'N
$(!&/+L !'DS!S /
T1,3
U./+L
$./+V78
D./6='
Ô voisine, je vous rendrai bientôt visite / Et demeurerai ici tant que le mont ‘Asīb demeurera
Ô voisine, nous sommes tous deux en terre étrangère / Et chaque étranger est parent de son frère
Imru’ al-Qays représente donc la force virile, le jeune séducteur (sa mu‘allaqa est elle-même une pièce
érotique dans laquelle il se vante de ses exploits et de la séduction de sa cousine ‘Unayza, dont il a dérobé au
bains les vêtements et à laquelle il arrache des baisers dans son palanquin), l’amour des plaisirs, au point de
remettre au lendemain le devoir de vengeance, mais aussi la générosité, le courage guerrier, et la piété filiale :
son destin tragique est scellé du jour où trahissent les BanūAsad. Incapable de retenue, il va jusqu’à séduire
la fille du Basileus, auquel ces récits prêtent des principes d’honneur bien arabes. Enfin, l’éloquence et la
puissance du verbe complètent l’image du bédouin.
On reconnaît des bribes de légendes universelles dans les composantes de son « roman », ainsi la tunique
empoisonnée qui rappelle l’épisode conté par Ovide dans ses Métamorphoses :le sang du centaure Nessus
que Déjanire répand sur une tunique qu’elle donne à son époux Hercule, causant sa mort. Réemployés dans
cette « mythologie arabe » qui se laisse deviner dans des notices biographiques se présentant comme
factuelles, des éléments de légendes empruntés à d’autres aires culturelles ou circulant dans l’aire
méditerranéenne et moyen-orientale sont parés de nouvelles significations et aident à constituer le portrait du
poète-héros, personnage littéraire et référence comportementale dans la culture arabo-musulmane classique.
2. Irfan Shahid, “The Last days of Imru’ al-Qays”, Tradition and Modernity in Arabic Literature, Fayetteville,
University of Arkansas Press, 1997 ; Ibrahim Mumayiz, op. cit. le font mourir de la peste bubonique en 542,
expliquant ainsi son surnom.
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