Une arthrose métacarpo-phalangienne inhabituelle chez un dentiste

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Une arthrose métacarpo-phalangienne
inhabituelle chez un dentiste
! A. Mardini, F. Lambert, M. Baba-Aissa*
OBSERVATION
Monsieur S., 38 ans, chirurgien dentiste, a consulté pour
des douleurs de la colonne du pouce droit évoluant depuis
deux ans. Ce patient, droitier, ne présentait pas d’antécédent
médical ou chirurgical notable. Il n’y avait pas de notion de
traumatisme, notamment d’entorse du pouce.
La douleur était localisée en regard de l’articulation métacarpo-phalangienne (MCP) du pouce droit et irradiait l’ensemble de la première colonne digitale. Les douleurs ont été
d’intensité croissante au fil des mois et de plus en plus invalidantes au cours de l’activité professionnelle. Monsieur S.
était régulièrement dans l’obligation d’interrompre, pendant
quelques minutes, les soins qu’il avait commencés sur ses
patients en raison des douleurs occasionnées lors de la manipulation des instruments dentaires.
Les antalgiques de niveau I, puis II, et les anti-inflammatoires non stéroïdiens s’avéraient de moins en moins efficaces.
L’examen mettait en évidence une douleur à la palpation et à
la mobilisation de la MCP du pouce droit, avec une limitation
douloureuse de la flexion active à 45° et de la flexion passive
à 60°. On ne notait aucun signe inflammatoire local. Le reste
de l’examen clinique, notamment neurologique, était sans
particularité.
Les examens biologiques ne montraient pas de syndrome
inflammatoire, d’anomalies phosphocalciques ou du bilan
martial.
La radiographie standard du pouce droit mettait en évidence un pincement de l’interligne de la MCP avec condensation sous-chondrale et discrète ostéophytose, sans érosion
(figures 1a et 1b). Le diagnostic d’arthrose de la MCP du
pouce est retenu.
1b
Figures 1a et 1b.
Radiographies du pouce droit.
Pincement de l’interligne MCP
avec condensation sous-chondrale
et discrète ostéophytose.
1a
* Service du Dr B. Dang Vu, CRRF J. Ficheux, route de Saint-Nicolas,
02410 Saint-Gobain.
La Lettre du Rhumatologue - n° 286 - novembre 2002
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DISCUSSION
La prévalence de l’arthrose symptomatique de la main est,
selon les données de l’étude de Framingham, de 6,6 % pour
l’interphalangienne distale (IPD), de 5,6 % pour l’interphalangienne proximale (IPP), de 4,2 % pour la trapézométacarpienne et de seulement 0,5 % pour la MCP.
L’arthrose de la MCP du pouce, dans sa forme primitive, est
rare, surtout avant l’âge de 45 ans. Chez le sujet jeune, l’atteinte
arthrosique de la MCP du pouce est, le plus souvent, secondaire
à une entorse grave du ligament collatéral ulnaire, mais d’autres
étiologies moins fréquentes peuvent être incriminées, notamment la chondrocalcinose et l’hémochromatose (1-3).
Le développement de l’arthrose digitale est favorisé par
l’hyperactivité manuelle, souvent professionnelle, en raison
des microtraumatismes répétés qu’elle engendre. Il existe
d’autres facteurs de risque de l’arthrose digitale primitive, tels
que l’âge supérieur à 55 ans, le sexe féminin, l’obésité et des
facteurs génétiques (1). Dans notre observation, l’atteinte élective de la MCP du pouce est très probablement liée aux préhensions répétées réalisées de façon pluriquotidienne, en manipulant les instruments dentaires (4). Lehto et al. ont décrit
l’arthrose de la main de 136 chirurgiens dentistes âgés de
33 à 69 ans comparés à 940 personnes du même âge de la
population générale (5). La fréquence de l’arthrose interphalangienne distale des doigts est plus élevée chez les dentistes,
surtout dans le groupe d’âge inférieur à 50 ans, ce qui pourrait s’expliquer par la nécessité de réaliser des préhensions de
précision, intensives et répétées, sollicitées par la pratique de
la médecine dentaire. Dans cette étude, il n’y a pas eu d’analyse spécifique de la prévalence de l’arthrose des MCP.
La symptomatologie de l’arthrose de la MCP du pouce associe habituellement une douleur et une tuméfaction nodulaire
de cette articulation. À un stade initial, la gêne fonctionnelle
est souvent peu importante, et la raideur est modérée ou
absente (1). Les radiographies standard (clichés de face et de
profil) viennent confirmer le diagnostic, qui est essentiellement clinique. Elles montrent des signes classiques d’arthrose
(pincement de l’interligne, condensation sous-chondrale,
géodes et développement d’ostéophytes). Aucune autre exploration complémentaire n’est nécessaire, sauf à la recherche
d’une étiologie en cas de suspicion clinique.
La prise en charge thérapeutique de l’arthrose métacarpophalangienne du pouce repose sur la mise au repos articulaire.
Le traitement médical et physique peut soulager la douleur, et
peut-être ralentir le processus évolutif. Le traitement chirurgical est réservé aux formes évoluées et invalidantes.
" Les antalgiques simples et les anti-inflammatoires non stéroïdiens per os ou en application locale sont très couramment
prescrits.
" Les injections intra- ou péri-articulaires de dérivés cortisoniques sont souvent réalisées sous contrôle radioscopique lors
des poussées douloureuses.
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" Les thérapeutiques antiarthrosiques d’action symptomatique laissent espérer un effet chondroprotecteur qui n’a pas
été démontré pour l’instant dans l’arthrose digitale.
" La physiothérapie (parafangothérapie, bain de paraffine) et
les techniques thermales apportent un certain bénéfice aux
patients (1). Le traitement par laser au néon hélium de basse
énergie semble décevant et inefficace (6).
" Le ménagement fonctionnel est utile, mais n’est pas toujours réalisable dans la vie quotidienne. Il peut être aidé par
le port d’une orthèse légère immobilisant l’articulation en position de fonction. Cet appareillage, suffisamment porté, permet
la mise au repos articulaire, ce qui semble ralentir l’évolution
de l’arthrose et assure un effet antalgique non négligeable.
" La chirurgie est réservée à la réparation du ligament latéral ulnaire lors des entorses graves, dans le but de prévenir une
arthrose secondaire de la MCP. À un stade très évolué et invalidant de l’arthrose de la MCP, la chirurgie est souvent nécessaire. L’arthrodèse ou l’arthroplastie sont les deux interventions le plus souvent réalisées, dont le choix dépend des écoles
et du contexte social et professionnel (1, 7).
Le diagnostic est habituellement clinique, confirmé par les
radiographies standard. Il ne nécessite pas d’autre exploration,
sauf si une forme secondaire est suspectée.
La mise au repos articulaire et le traitement médical symptomatique suffisent habituellement à soulager le patient à un
stade initial. Le recours à la chirurgie n’est indiqué que pour
les formes invalidantes.
#
Bibliographie :
1. Guyot-Drouot MH, Fontaine C, Delcambre B. Arthroses de la main et du poignet.
Encycl Med Chir (Elsevier, Paris), Appareil locomoteur, 14-066-A-10, 1997, 7 p.
2. Resnick D. Diagnosis of bone and joint disorders. 3rd edition. Philadelphia ;
London, WB Saunders 1995 ; 1757-80.
3. Thomas W. The aetiology of arthrosis of the first metacarpophalangeal joint
and its treatment with joint-replacement. Z Orthop Ihre Grenzgeb 1977 ; 115 :
699-707.
4. Chaisson CE, Zhang Y, Sharma L, Kannel W, Felson DT. Grip strength and risk
of developing radiographic hand osteoarthritis : results from the Framingham
Study. Arthritis Rheum 1999 ; 42 : 33-8.
5. Lehto TU, Ronnemas TE, Aalto TV, Helenius HY. Roentgenological arthrosis of
the hand in dentists with reference to manual function. Community Dent Oral
Epidemiol 1990 ; 18 : 37-41.
CONCLUSION
6. Basford JR, Sheffield CG, Mair ST, Ilstrup DM. Low-energy helium neon laser
treatment of thumb osteoarthritis. Arch Phys Med Rehabil 1987 ; 68 : 794-7.
L’arthrose primitive de l’articulation métacarpo-phalangienne
est rare, en particulier avant l’âge de 45 ans. Le surmenage
fonctionnel, souvent professionnel, en est le principal facteur
de risque.
&
O
7. Ring D, Herndon JH. Hand. Implant arthroplasty of the metacarpophalangeal
joint of the thumb. Hand Clin 2001 ; 17 : 271-3.
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