«NOUS NE VOULONS PLUS AVOIR PEUR»    
TUNISIE. VIOLATIONS  DES DROITS HUMAINS SOUS L’ETAT D’URGENCE   
Amnesty International  5 
1. SYNTHÈSE 
Depuis le soulèvement populaire de 2010-2011 contre le régime répressif de l’ancien président Zine el 
Abidine Ben Ali, la Tunisie est confrontée à des menaces croissantes pour la sécurité émanant de groupes 
armés qui veulent appliquer la charia (droit musulman) dans tout le pays. Des postes de police ainsi que des 
bases de la Garde nationale et de l’armée sont régulièrement la cible d’attentats à l’explosif et d’attaques 
armées, tout particulièrement dans les zones proches des frontières algérienne et libyenne. En 2015, la 
Tunisie a été propulsée sur le devant de la scène internationale à la suite de trois attaques de grande 
ampleur revendiquées par le groupe armé État islamique (EI) qui ont secoué le pays et choqué le monde 
entier. En mars, des hommes armés ont abattu 22 personnes, des touristes étrangers pour la plupart, devant 
le musée du Bardo, à Tunis. En juin, 39 personnes, des touristes européens pour la plupart, ont été tuées 
en plein jour sur une plage de Sousse. En novembre de la même année, un attentat-suicide visant le 
symbole de l’État, dans le centre de Tunis, a coûté la vie à 12 membres de la Garde présidentielle. En 
mars 2016, des hommes qui auraient été affiliés à l'EI ont mené une attaque sans précédent contre des 
bases militaires et un poste de police dans la ville de Ben Guerdane (sud du pays), à la frontière avec la 
Libye. Cet assaut, qui a semble-t-il été mené en représailles à une frappe aérienne américaine contre un 
camp d’entraînement de l’EI dans la ville libyenne de Sabratha, ainsi que les affrontements qui ont suivi, ont 
fait environ 68 morts, dont au moins sept civils et 12 membres des forces de sécurité. 
En réponse à ces attaques armées, les autorités tunisiennes ont renforcé les mesures sécuritaires, décrété 
l’état d’urgence et ont eu recours aux lois d’exception. Amnesty International condamne sans réserve toutes 
les attaques menées par des groupes armés contre des civils et elle reconnaît que les autorités tunisiennes 
ont le devoir de protéger la population contre de tels actes. Toutefois, ses recherches révèlent que 
l’application de ces mesures est souvent arbitraire, discriminatoire et disproportionnée et qu’elle a entraîné 
toute une série de violations des droits humains qui rappellent de plus en plus les pratiques du régime de 
Ben Ali. 
Des violations des droits humains sont toujours commises malgré les initiatives positives qui ont été prises et 
l’engagement public des autorités en faveur des droits humains. Les mesures prises n’ont pas été suffisantes 
pour rompre avec les violations qui étaient systématiques sous le régime de Ben Ali et faire de la Tunisie 
l’exemple de réussite qui est souvent donné. De nombreuses lois répressives qui n’ont pas été modifiées 
permettent la persistance des violations. Les efforts en vue de remédier aux violations passées des droits 
humains en accordant aux victimes l’accès à la vérité, à la justice et à des réparations sont lents et 
insuffisants. 
Le présent rapport examine les violations des droits humains commises dans le cadre des mesures 
sécuritaires qui ont été prises par les autorités tunisiennes à la suite de quatre attaques armées d’envergure 
perpétrées depuis le mois de mars 2015, soit par des modifications législatives soit dans la pratique. Il est 
fondé sur des informations recueillies lors de 84 entretiens menés depuis novembre 2015 avec des victimes 
de violations des droits humains et leurs proches ainsi qu’avec des avocats, des juges, des militants de la 
société civile et des journalistes. Les entretiens ont été réalisés en personne à Tunis et à Ben Guerdane lors 
de missions d’enquête en Tunisie en novembre et en décembre 2015 puis en août 2016, ainsi que par 
téléphone. Ce document expose en détail l’impact des mesures de sécurité sur la capacité des personnes de 
mener une vie normale ainsi que l’absence d’obligation de rendre des comptes pour les violations commises 
dans ce contexte. Il recense, en particulier, des cas de perquisitions illégales, d’arrestations arbitraires, 
d’actes de torture et d’autres formes de mauvais traitements, ainsi que de restrictions à la liberté de 
mouvement au moyen d’ordres d’assignation à résidence et de mesures de contrôle aux frontières.