Facteurs mécaniques de la performance en sprint sur 100 m

Communication brève
Facteurs mécaniques de la performance en sprint
sur 100 m chez des athlètes entraînés
Mechanical factors of 100 m sprint performance in trained athletes
J.-B. Morin *,A. Belli
Laboratoire de physiologie - Groupe PPEH, GIP Exercice, centre hospitalier universitaire (CHU)
St-Jean-Bonnefonds pavillon 12, 42055 Saint-Étienne cedex 2, France
Reçu le 23 mars 2002 ; accepté le 10 novembre 2002
Résumé
Objectifs. – Étudier les paramètres mécaniques musculaires en lien avec la performance dans les différentes zones du 100 m chez des
athlètes entraînés.
Synthèse des faits. – La force, vitesse et puissance musculaire de 10 sprinters ainsi que leur raideur musculotendineuse, ont été corrélées
à leurs performances en sprint sur 100 m. Les vitesses et forces maximales, la hauteur en saut sans élan et la puissance musculaire des athlètes
étaient significativement corrélées (p< 0,05) respectivement aux vitesses moyennes à 20, 40 et 60 m et au délai d’atteinte de vitesse maximale.
Aucun paramètre mécanique musculaire évalué n’était lié à la performance à vitesse maximale et en fin de course.
Conclusions. – La puissance musculaire (et ses composantes de force et de vitesse) est déterminante pour la performance en phase
d’accélération, les facteurs clés de la suite de la course restant inexpliqués.
© 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Abstract
Aims. – Study mechanical muscular parameters linked with performance in the different parts of a 100 m intrained athletes.
Methods and results. – Force, velocity and muscular power of ten sprinters as well as their stiffness were correlated to their performances
on a 100 m sprint. Maximal forces and velocities, jump height and muscular power of athletes were significantly correlated (p< 0,05)
respectively with mean 20, 40 and 60 m velocities and with the time to reach maximal velocity. No other mechanical muscular parameter
assessed was linked with performance in the maximal velocity phase or in the end of the 100 m.
Conclusions. – Muscular power (and its components of force and velocity), is a determining factor of the performance in the acceleration
phase. Key factors explaining performance in the following phases remaining unexplained.
© 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS.All rights reserved.
Mots clés : Sprint ; Puissance mécanique musculaire ; Cycloergomètre ; Raideur musculotendineuse
Keywords: Sprint running; Mechanical muscular power; Cycle ergometer; Stiffness
1. Introduction
L’évolution de la vitesse de course au cours du 100 m
montre 3 phases caractéristiques [4] d’accélération initiale (0
à 30–60 m), de course à vitesse maximale approximative-
ment constante et de décélération. D’un point de vue méca-
nique, les études précédentes ont montré que la performance
correspondlorsde ces 3 phases àl’expressionde la puissance
mécanique et la production de force des membres inférieurs
[4], ainsi que la raideur musculotendineuse des membres
inférieurs [2], mais de façon globale ou avec des sujets non
spécialistes de sprint et sur des distances inférieures à 100 m
[2]. Nous avons donc étudié les liens entre les qualités méca-
*Auteur correspondant.
Adresse e-mail : [email protected] (J.-B. Morin).
Science & Sports 18 (2003) 161–163
www.elsevier.com/locate/scispo
© 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
DOI: 10.1016/S0765-1597(03)00113-8
niques musculaires de force, vitesse, puissance et raideur de
sprinters entraînés et leurs performances dans les 3 phases du
100 m évaluées de façon précise àlaide dun radar.
2. Méthodes
Dix sprinters masculins (âge : 21 ± 3 ans ; taille : 177 ±
6 cm ; masse : 72±7kg;record au 100 m : 11,3 ± 0,3 s) ont
réalisé2 sprints de 12 s contre des forces de friction de 0,4 et
0,6Nkg
1
sur une bicyclette ergométrique non-isocinétique
Monark 818 E modifiée, permettant de mesurer la force
(F
max
en N), la vitesse (V
max
enms
1
) et la puissance
(P
moymax
en W kg
1
) maximales moyennées par coup de
pédale ainsi que la vitesse optimale (Vopt en m s
1
) corres-
pondante [1]. Le maintien de puissance produite en ndef-
fort a étéexprimépar un indice DPen pourcentage de la
valeur moyenne des 3 coups de pédales ayant donnélieu àla
valeur maximale de puissance.
Des tests de Squat Jump (SJ) et de Repeated Jumps (RJ)
(sauts maximaux durant 15 s) réalisés sur tapis Ergojump®
ont permis respectivement d’évaluer la hauteur maximale
atteinte (h
SJ
en cm) ainsi que la puissance maximale (P
RJ
en
Wkg
1
) et la raideur (K en N m
1
kg
1
) des membres
inférieurs[3].Deux indices de maintien de raideur (DK)etde
puissance (DP
RJ
)enn de sauts répétés ont étécalculés
comme les pourcentages de raideur et puissance du saut
maximal maintenus lors des 2 derniers sauts.
Les vitesses moyennes tous les 20 m (en m s
1
), v
Cmax
(vitesse maximale de course des sujets en m s
1
)ettv
Cmax
(temps datteinte de v
Cmax
en secondes) des athlètes ont été
mesurés au cours du 100 m grâce àun radar Stalker ATS
système(Radar Sales, Mineapolis, États-Unis) [2]. La
vitesse maximale de course étant parfois atteinte après quel-
ques secondes de «plateau »àdes vitesses proches, le temps
datteinte dune vitesse correspondant à90%dev
Cmax
,t90
v
Cmax
aétéenndéterminé. Des corrélations ont étéétablies
entre les variables mécaniques et les performances mesurées
et calculées lors des tests de sprint sur 100 m avec un seuil de
signicativitéfixéàp=0,05.
3. Résultats
Le Tableau 1 montre les valeurs des principaux paramè-
tres mécaniques et leur coefcient de corrélation avec les
paramètres de performance sur 100 m. Seuls les résultats
signicatifs de cette étude gurent dans ce tableau.
4. Discussion
4.1. Phase daccélération
Les relations signicatives entre F
max
mesurée sur bicy-
clette ergométrique ou la hauteur atteinte en saut sans élan et
les vitesses moyennes à20, 40 et 60 m conrment limpor-
tance de la force maximale lors de laccélération en sprint. La
relation entre V
max
et les vitesses moyennes à20 et 60 m
souligne linuence de la vitesse maximale que peut déve-
lopper un sujet sur sa performance dans cette phase du sprint.
Ces 2 qualités musculaires sont les composantes de la puis-
sance mécanique musculaire. Cette étude montre le lien
signicatif entre P
moymax
ettv
Cmax
. Ainsi la force est une
qualitédéterminante de la phase initiale du sprint, mais la
vitessegestuelle de mobilisationdesmembres inférieurs lest
également. Ces 2 qualités sont regroupées dans lexpression
de puissance mécanique qui est liée signicativement àlex-
plosivitéet àlaccélération (délai datteinte de vitesse maxi-
male) en sprint en course àpied.
4.2. Phase de course àvitesse maximale
Aucun des paramètres mécaniques évaluésna montréde
relation signicative avec les paramètres de performance
dans cette zone du sprint. Une relation entre la raideur mus-
culotendineuse et la vitesse maximale de course était atten-
due au vu des études de Chelly et Denis [2] ou de Mero et al.
[4]. Cette absence de lien signicatif peut être due àlhomo-
généitéde cette population, la raideur pouvantêtre un facteur
déterminant de la performance àvitesse maximale en sprint
pour des populations hétérogènes ou non spécialistes de
sprint sans présenter le même pouvoir de discrimination au
sein dune population de sprinters de niveau homogène.
Tableau 1
Valeurs des paramètres mesurés et calculés (moyenne ± écarttype) et matrice de corrélations liant paramètres mécaniques et performances en sprint. *:p<
0,05.
V
10
V
20
V
40
V
60
t
90
v
cmax
tv
cmax
(m s
1
)(m s
1
)(m s
1
)(m s
1
)(s) (s)
Moyenne ±
écarttype 4,56 ± 0,26 5,93 ± 0,18 7,26 ± 0,23 7,9 ± 0,23 3,21 ± 0,43 6,5 ± 1,22
V
max
(m s
1
)19,4 ± 1,8 0,53 0,67
*
0,6 0,63
*
0,04 0,26
F
max
(N) 180,6 ± 24,3 0,58 0,66
*
0,63
*
0,64
*
0,21 0,25
P
moymax
(W kg
1
)15,4 ± 1,3 0,45 0,5 0,39 0,32 0,62 0,69
*
Vopt (m s
1
)13,1 ± 1 0,17 0,22 0,15 0,12 0,73
*
0,61
h
SJ
(cm) 45,5 ± 3,9 0,66
*
0,66
*
0,69
*
0,68
*
0,09 0,15
P
RJ
(W kg
1
)53,4 ± 2,6 0,11 0,11 0,18 0,14 0.68
*
0,39
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4.3. Phase de décélération
Aucun facteur mécanique mesurén’était liésignicative-
ment àla performance dans cette zone de course, une expli-
cation de la décélération en n de 100 m par lintervention de
facteurs mécaniques nécessitant de nouvelles études.
Références
[1] Arsac LM, BelliA, Lacour JR. Muscle function during brief maximal
exercise:accuratemeasurements on afriction-loaded cycleergometer.
Eur J Appl Physiol 1996;74:1006.
[2] Chelly SM, Denis C. Leg power and hopping stiffness: relationship
with sprint running performance. Med Sci Sports Exerc 2001;33(2):
32633.
[3] Dalleau G. Inuence du contrôle de la raideur musculotendineuse lors
de la locomotion, Apport de nouvelles méthodes de mesure [Thèse].
Lyon: UniversitéClaude-Bernard, Lyon I; 1998.
[4] MeroA, Komi PV, Gregor RJ. Biomechanics of sprint running. Sports
Med 1992;13(6):37692.
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