Asepsie et traçabilité - Dental Tribune International

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STÉRILISATION
Dental Tribune Édition Française | Mai 2016
Asepsie et traçabilité
La chaine de stérilisation est connue de
tous pourtant certaines étapes sont parfois
mal réalisées.
Nous évoquerons quelques rappels sur le
nettoyage entre deux patients, le traitement
de l’aspiration et des PID (porte instrument
dynamique) ainsi que le lavage des mains
pour permettre l’usage des gants incontournable pour tous ces points. Ces quelques
exemples montrent comme toujours, l’utilité de l’écriture des procédures. Celles-ci permettent la reproductibilité sans faille des étapes, quelque soit la personne qui les exécute,
l’assistante attitrée ou la remplaçante occasionnelle. La chaine de stérilisation représente donc le premier stade d’apprentissage
de la mise en place d’une démarche qualité.
Réfléchir, écrire (selon les recommandations), tester, et améliorer des procédures
pour la sécurité de tous. Cette chaine débute
par l’asepsie : des mains de l’équipe soignante, des meubles et à l’ensemble du matériel qui permettent la réalisation des soins.
Elle se termine par une étape fondamentale
qui est la traçabilité de la stérilisation.
Pour de nombreux praticiens ce dernier
point ne représente qu’une perte de temps
sans réel intérêt. Pourtant après avoir réalisé
correctement votre chaine de stérilisation, y
avoir passé du temps dépensé de l’argent,
n’est-il pas utile de pouvoir prouver que tout
ce travail contribue à la sécurité des soins
dans votre cabinet ? C’est la fonction première de cette traçabilité. Nous évoquerons
en quoi elle consiste.
L’asepsie au cabinet dentaire
Elle commence par le nettoyage quotidien de la structure. Le bionettoyage qui
concerne la salle des soins, le mobilier, les appareils de soins (fauteuils, plan de travail) et
le laboratoire de stérilisation, est réalisé en
utilisant exclusivement des produits spécifiques capables de réaliser en un seul temps,
la détergence ET la désinfection. La liste positive des produits désinfectants en dentaire
(LPPDD) réactualisée annuellement par
l’ADF vous permet de choisir les produits efficaces et sûrs. [1]) Exit donc les « vigor et eau de
Javel » classiques en ce qui concerne le nettoyage des sols de ces pièces dites protégées.
Les autres surfaces et les fauteuils seront également nettoyés au détergent désinfectant.
Pour le reste de la structure, un détergent
classique suffit. Attention aux lingettes qui
finissent dans le temps par déposer un biofilm grâce à l’alcool qu’elles contiennent. Préférez des solutions à préparer beaucoup plus
économiques, mais surtout, respectez les recommandations des fabricants en ce qui
concerne les dilutions, les temps d’application, et les dates de péremption de ces produits. Les flacons fabriqués ne doivent pas
être de type alimentaire (bouteille d’eau minérale) mais surtout ils doivent comporter le
nom du produit, sa dilution, sa date de fabrication et de péremption.
Il est également très important pour faciliter cette asepsie d’organiser les pièces pour
faciliter leur nettoyage. Plus elles seront sobres et dépouillées, plus vous gagnerez en rapidité et efficacité. Dans cet objectif, veillez à
encombrer au minimum tous vos plans de
travail : les appareils incontournables
comme les mélangeurs de silicones, les distributeurs de gants, et de solutions hydro alcooliques etc… seront fixés si possible aux
murs [2]. Mais conservez par exemple les vibreurs et quelques flacons comme les désinfectants (chlorhexidine) et bains de bouche.
(2) Appareils fixes au mur.
(3) Traitement de l 'aspiration.
Par contre vous pouvez ranger dans vos meubles les appareils réchauffe gutta (thermaprep) ou les localisateurs d’apex. Enfin abandonnez les bouliers de fraises sans couvercle
toujours disposés au plus près du patient et
donc pollués lors des soins. Si vous ne pouvez-vous en passer, choisissez les bouliers
munis de couvercles ou préférez les séquenceurs dans des cassettes.
Le traitement de l’aspiration
Un autre élément également important de la
chaine d’asepsie est
le nettoyage et
l’entretien des
systèmes d’aspiration. Comme tout dispositif médical (DM) participant aux soins l’aspiration doit être parfaitement entretenue.
L’aspiration recueille de nombreux déchets
minéraux, métalliques et organiques. Les
plus gros déchets sont retenus en général au
niveau de plusieurs filtres classés en deux types : les lavables et les jetables. Les éléments
retenus doivent être exempts d’amalgame.
Dans le cas contraire le filtre lavable est rincé
à l’eau courante et son contenu métallique
vidé dans le container des déchets humides
d’amalgame contenant également de l’eau de
Javel pour être revalorisés ultérieurement
ainsi que les cassettes des séparateurs à amalgame et les filtres jetables. Les déchets orga-
© Africa Studio/Shutterstock.com
(4) Grille technique de stérilisation ADF 2015.
STÉRILISATION
Dental Tribune Édition Française | Mai 2016
(5) Traitement des fraises diamantées.
autoclave de classe « S »), permet de s’affranchir du passage à l’autoclave de classe B pour
les actes NON CHIRURGICAUX. (Soins, détartrage léger)[7]. Dans le cas contraire les PID
traités seront conditionnés et subiront un cycle prion classique en autoclave de classe B.
Ces deux méthodes démontrent bien la nécessité de posséder plusieurs PID identiques
pour permettre leur traitement entre deux
patients. Pour améliorer la pré désinfection il
est préférable de commencer par le traitement des PID juste après les soins, jusqu’à
l’enveloppement à la lingette, puis de réaliser
le nettoyage de la salle de soins entre deux patients. Ce qui augmentera le temps de contact
avec le détergent désinfectant.
Le traitement des mains
(6) Sigle compatible laveur sur PID.
niques qui ont tendance à colmater les
tuyaux, seront traités par des produits utilisés fréquemment selon les recommandations des fabricants. On en compte généralement deux : un désinfectant à utiliser deux
fois par jour 4 jours par semaine (le midi et
surtout le soir pour les laisser agir la nuit), et
un détergent deux soirs de la semaine. [3]
Attention au piège des chirurgies classiques, il ne faut jamais utiliser ces deux produits pour traiter les canalisations après
chaque acte chirurgical. Seule l’aspiration
d’un à deux gobelets d’eau est suffisamment
efficace et moins destructrice pour l’installation, qu’une utilisation excessive des détergents désinfectants corrosifs.
Le traitement des PID
Il doit être pratiqué systématiquement
entre deux patients. Quel que soit la méthode, manuelle ou avec des automates, les
PID doivent subir une pré désinfection suivie
d’une stérilisation. Selon les recommandations du guide de l’ADF (grille technique d’évaluation pour la prévention des infections
liées aux soins 2015) [4]. Le trempage nécessaire à la première étape ne peut être ici réalisé (selon les fabricants). Il sera remplacé
par un enveloppement de l’instrument dans
un support saturé en détergent désinfectant
(généralement une lingette). De nouveau le
temps d’action doit être respecté selon les indications imprimées sur le flacon.
La technique manuelleconsiste donc après
le soin, à purger le PID 20 secondes fraise en
place, puis a nettoyer celle-ci avec la pierre
prévue à cet effet (pour les diamantées). La
fraise alors démontée et placée sur son séquenceur avec les autres fraises non diamantées, [5] puis l’ensemble part en bac de pré
désinfection classique.Le corps du PID doit
être frotté avec une lingette dans un premier
temps pour sortir toutes les salissures. Puis
pour la pré désinfection, l’instrument sera
enveloppé dans une lingette propre pour 15
minutes classiquement. L’étape suivante
sera le graissage puis la mise sous sachet et le
passage à l’autoclave de classe B pour subir un
cycle Prion.
En méthode avec automate, les premières
étapes sont identiques sauf pour le graissage
qui est réalisé par la machine. (Assistina, xcid
etc….). Il existe également deux variantes :
pour le lavage il est possible d’utiliser un laveur désinfecteur (improprement appelé
thermo désinfecteur) si le PID possède le logo
compatible, [6], et pour la désinfection de
haut niveau, l’utilisation du DAC (qui est un
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(7) Traitement de PID pour actes non chirurgicaux.
Sujet amplement décrit dans la littérature,
les recommandations toujours issues du
guide de l ADF rappellent que le nettoyage
des mains doit toujours être réalisé avant de
mettre n’importe quels gants et après les
avoir retirés. L’utilisation de l’eau chaude est
à proscrire pour éviter les dermatites.
Les mains doivent être exemptes de tous
bijoux et de vernis à ongle.
Les savons liquides doivent être doux et
bien rincés. Le séchage avec des serviettes jetables à usage unique est incontournable en
remplacement des supports en tissu. L’asepsie est réalisée ensuite par une ou des frictions avec des solutions hydro alcooliques,
comme cela est recommandé par les fameuses 7 fiches de la DGS. Celles-ci sont disponibles sur le site du conseil de l’ordre, et leur affichage est OBLIGATOIRE en salle de stérilisation en cas de contrôle des ARS. La forme gel
est préférable pour votre confort. Attention
pour être efficaces ces frictions ne seront réalisées que sur des mains propres, non
mouillées et non poudrées. En cas d’irritation, changez de marque de produit parce
qu’ils n’utilisent pas tous les mêmes colorants ou émollients responsables de ces inconforts. En ce qui concerne les risques liés à
une utilisation excessive de ces solutions, ils
retournent plus de légendes urbaines que
d’une réalité scientifique comme cela a été
expliqué par le professeur Martine Bonnaure-mallet responsable de la LPPDD lors
du dernier congrès de l’ADF en complément
des recommandations de la direction générale en santé (DGS).
La traçabilité
de la stérilisation
Elle représente la dernière étape incontournable de la chaine de stérilisation. En
effet quel est l’intérêt d’avoir réalisé des tests
(prion et hélix), de faire des requalifications
obligatoires et onéreuses, si vous ne conservez pas les preuves que tout est conforme aux
dernières recommandations en matière de
stérilisation dans votre cabinet.
La traçabilité de la stérilisation consiste à
associer un dispositif médical stérilisé à un
numéro de cycle de l’autoclave et au dossier
d’un patient.
Cette procédure permet de réaliser la traçabilité descendante symbolisée par les fameuses étiquettes à codes à barres rattachées
au dossier du patient. Si cette étape est généralement facile à réaliser, la suivante utilisée
lors de recherches de traçabilités est un peu
plus complexe et fort heureusement reste
exceptionnelle .
Il s’agit de la traçabilité ascendante de la
stérilisation. Ici le principe consiste à partir
d’un instrument utilisé pour un soin à une
date précise,à retrouver les preuves que ce
DM était bien stérile. Pour ce faire grâce à l’informatique il sera possible d’obtenir la fiche
(8(3) ) Fiche de stérilisation créée à chaque stérilisation puis à scanner.
de laboratoire de stérilisation sur laquelle figure le DM en question. Cette fiche avait été
créée lors de la stérilisation de celui-ci. Sur ce
document scanné on retrouve le nom de l’autoclave, le numéro du cycle prion réalisé, le ou
les tests réalisés : l’intégrateur prion systématique, et le test hélix (une fois par semaine
ou tous les 6 cycles) puis le contenu de la
charge et enfin la signature de la personne
qui avait réalisé cette stérilisation. Cette fiche
complète [8] doit être conservée dans vos archives pendant 20 ans selon les dernières directives du conseil national de l’ordre (depuis
La lettre N° 143 de Décembre 2015).
L’utilité de cette traçabilité ascendante est
de pouvoir prouver en cas de litige que vous
n’êtes pas responsable de l’infection transmise au patient.
Sans informatique la traçabilité de la stérilisation est comparable aux 12 travaux d’her-
cule, surtout pour l’ascendante. D’où l’intérêt
de posséder un logiciel dentaire capable de la
réaliser aisément. Mais il sera nécessaire de
prendre le temps de le paramétrer selon vos
procédures (liste des sachets réalisés régulièrement pour votre exercice), et de suivre des
formations (ou de lire la notice ;-)).Une fois
bien maitrisée, la réalisation quotidienne devient un jeu d’enfant.
Dr Patrick BONNE
· Expert AFNOR ADF en stérilisation
· Réfèrent scientifique de
l’UFSBD
· Coordonnateur du D.U. management de la démarche qualité en cabinet dentaire
· Université de Bordeaux.
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