Une tirelire à 150 milliards de dollars pour Apple
Le Monde.fr | 22.01.2014 à 18h49 • Mis à jour le 22.01.2014 à 18h49 |
Par Audrey Fournier
Hoarder : le terme désigne en anglais, dans un contexte principalement psychiatrique, ces
personnes qui accumulent quantité d'objets dont ils n'ont pas ou plus l'usage. Mercredi 22
janvier, c'est Apple que le Financial Times a qualifié de « hoarder ». Et pour cause : l'agence
de notation financière Moody's a chiffré à 150 milliards de dollars (près de 111 milliards
d'euros) l'argent frais - le « cash » - dont dispose la firme à la pomme dans ses caisses, et dont
elle ne fait aucun usage. C'est un peu plus de 5 % du produit intérieur brut (PIB) français et
bien plus que la valorisation de Facebook en Bourse (110 milliards de dollars).
Dans son étude, qui englobe tout le secteur de la haute technologie, Moody's pointe la fortune
colossale sur laquelle sont assis six géants - Apple, Microsoft, Google, Cisco, Oracle,
Qualcomm - qui rassemblent 25 % du cash détenu par les entreprises américaines. A elle
seule, Apple en concentre 10 %. Un montant qui a doublé depuis l'exercice fiscal 2010.
Cette publication a fait grand bruit mercredi et a suscité notamment une réaction de
l'actionnaire activiste Carl Icahn, entré au capital d'Apple à l'été 2013, via le réseau social
Twitter. Celui-ci, qui précise avoir investi 3 milliards de dollars dans la firme, déplore que le
conseil d'administration d'Apple n'augmente pas ses rachats d'actions, qui profiteraient aux
actionnaires.
A quoi sert cette montagne d'argent sur laquelle est assise la Silicon Valley ? Dans l'absolu, à
rien. Et c'est précisément ce que dénoncent de plus en plus analystes, médias et membres du
gouvernement outre-Atlantique où la reprise, bien qu'avérée, reste timide et surtout peu portée
par les investissements. Apple n'est en effet pas une compagnie pétrolière, ses investissements
sont modestes comparés à une plate-forme offshore, par exemple, et se situent pour une large
part dans la recherche et développement. Par ailleurs, la firme n'a pas de politique
d'acquisition d'envergure et a pendant longtemps entretenu, malgré les critiques - celles de
Carl Icahn sont les plus audibles -, une politique de distribution très parcimonieuse de
dividendes aux actionnaires.
Mieux encore, alors qu'elle détenait environ 137 milliards de dollars dans ses poches,
l'entreprise avait préféré, en avril 2013, lancer une émission de dette pour récompenser ses
actionnaires plutôt que de piocher dans les caisses. Au même moment, Tim Cook, le directeur
général d'Apple, était invité à venir s'expliquer à Washington sur sa politique d'optimisation
fiscale. Car, et ce n'est un secret pour personne, c'est là que le bât blesse : une très large part
des 150 milliards de dollars se trouve à l'étranger, disséminée dans les filiales d'Apple,
notamment en Europe (Irlande, Pays-Bas...) Et leur rapatriement sur le territoire américain
pourrait coûter cher à la firme en terme de fiscalité.
>> Lire le compte-rendu : Apple dénoncé pour ses détournements d'impôts
Pendant ce temps-là, donc, l'argent s'accumule, des deux côtés de l'Atlantique. Et rien
n'explique de façon convaincante pourquoi les géants de la technologie s'accrochent à la partie
du cash qui reste, elle, hébergée aux Etats-Unis.
« Les besoins en capital sont habituellement faibles dans cette industrie. souligne le Financial