Pourquoi la bataille des médias contre les adblockers est vaine et contre-productive Charles Cuvelliez / Chargé d'Enseignement à l'Ecole Polytechnique de Bruxelles (ULB - Belgique) | Le 23/02 à 15:29 http://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/cercle-154335-contrer-les-adblocker-bloqueurs-de-pub-inefficace-et-con Certains médias ont décidé de contrer les logiciels permettant de bloquer les publicités en ligne. Cela peut faire fuir les internautes. Un adblocker est une extension que l’on place dans son browser et qui altère ou bloque les publicités qui apparaissent sur le site qu’on visite. Son autre avantage est de bloquer le retour vers Internet de votre comportement sur la toile pour mieux cibler la publicité qu’on vous envoie. Les journaux qui offrent leurs articles gratuitement en ligne ont besoin de cette publicité pour financer cet accès libre : dans la dernière moitié de 2015, "Forbes", le "Washington Post" et "GQ" ont commencé à ériger des contre-mesures aux adblockers. Celles-ci sont encore rudimentaires : elles interdisent l’accès au contenu du site tant que l’internaute n’a pas désactivé son adblocker ou alors, contre un micro-paiement ou un abonnement Des mesures peu efficaces D’après l’étude, évoquée dans "Les Echos" et menée par J. Ryan, qui dirige PageFair, un organisme qui mesure les adblockers, leurs effets et qui étudie les moyens de les contrer, les résultats "prometteurs" de ces contre-mesures ne sont pas confirmés par ses propres recherches. Pourtant, "Forbes" affirme que 42,3 % des lecteurs avec adblockers l’ont désactivé quand ils ont reçu l’annonce le leur demandant. City AM parle de 75 % et "GQ" évoque 30 % de taux de succès, même avec un micro-paiement de 0,25 $ à 0,50 $. IDG Communications détaille même le taux de déblocage selon le segment B2C et B2B : ils sont quasiment les mêmes, 37 % et 38 %. Lire aussi : > En France, « Les Echos » montent au créneau contre les adblockers > Les logiciels anti-publicité tuent le e-commerce PageFair a vérifié sur le site de leurs membres le succès de la proposition de désactivation de l’adblocker qui accompagne le blocage du site en cas de détection d'un adblocker. Les résultats sont tout autres : seul 0,33 % des Adblockers ont été désactivés et 1/3 d’entre eux l’ont fait sur base temporaire. Or, il s’agissait de 576 tests de blocage menés sur 220 sites d’éditeurs. Pis : le la contre-mesure mise en place pour contrer les adblockers (interdire l’accès au contenu du site) ne semble même pas bien fonctionner : sur le "Wahsington Post" et le magazine "GQ", cela ne marche tout simplement pas. Chez "Forbes", il suffit de désactiver l’adblocker au moment d’entrer sur le site et on peut le réactiver après. Sur le "Bild", il marche de temps en temps. Et on ne voit pas pourquoi les adblockers ne réussiraient pas à leurrer à terme les blocages de site, ce qui a été le cas par le passé dit le rapport, pour les sites de TV. Une arme à double tranchant Bloquer l’accès des sites aux adblockers est non seulement pas fiable à 100 %, mais risque d’endommager la relation à l’internaute, un autre nerf de la guerre internet. L’internaute qui n’a pas accès au site pour la recherche d’une information va très vite prendre l’habitude d’aller sur un autre site pour la même nouvelles et il y restera. Les internautes qui utilisent les adblockers sont les plus intéressants des clients : ils s’y connaissent et sont des millenials (entre la génération X et Y, NDLR ), ceux-là même qu’on s’arrache en termes d’audience. L’enquête pose alors une question plus intéressante : et si l’installation de l’Adblocker n’avait pas comme objectif d’éviter le tracking, cette technique qui permet de cibler les publicités qui vous sont envoyées, mais qui sont intrusives, car elle vous espionne ? Et d’expliquer que la publicité classique, celle des magazines et de la télévision, n’a jamais suscité un tel rejet. La relation des internautes avec les éditeurs de médias peut devenir de confiance plutôt que de rejet mutuel. Par exemple, l’utilisateur final pourrait très bien s’enregistrer via un petit questionnaire pour recevoir ensuite des publicités ciblées sans que ses goûts et penchants ne soient connus en dehors du site de l’éditeur Facebook et Apple News ont le bon bout Bénéficier d’une publicité de qualité en moindre nombre, pas intrusive, n’est-ce pas la solution ? Et de se baser sur Facebook ou Apple News qui adoptent ce modèle de ciblage consentant qui ne gêne pas là et qui rapporte gros à Apple et Facebook. Lire aussi : > Adblockers : la revanche d’Apple sur la publicité mobile Plus préoccupante est la possibilité qu’Apple donnerait d’activer le blocage de pub pour son IOS 9. Ceci dit, sur les mobiles, les jeux ne sont pas encore faits : les millenials ne surfent plus sur internet avec leur mobile, ils utilisent des applications, de plus en plus, et c’est par ce biais que les pubs arrivent. Les adblockers ne les affectent pas encore. En savoir plus sur http://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/cercle-154335-contrer-les-adblockerbloqueurs-de-pub-inefficace-et-contre-productif-1202346.php