101 1. Contexte et intentions Nous avons eu l`occasion de

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III (C). FORMALISATION SUR BASE D'UN MODULE D'ENREGISTREMENT DE DONNÉES
CLINIQUES
1. Contexte et intentions
Nous avons eu l'occasion de souligner l'absence de données fiables en matière
d'épidémiologie et de clinique des usagers de drogues en Belgique (Cf. Supra). Nous avons
également eu l'occasion de souligner notre expérience de chercheurs en matière de construction
de systèmes d'enregistrement de données dans les domaines de la Santé Mentale en général,
des toxicomanies en particulier, ainsi que dans l'élaboration d'outils informatiques dans le
domaine1.
Cette expérience, outre le fait de nous apporter de bonnes connaissances en la matière,
nous a permis de constater que la tâche ardue de formalisation d'un questionnaire avec
différents partenaires –et l'objectif de la mise au point d'un outil informatique– oblige chacun à
expliciter au maximum ses idées et à parvenir à un consensus. Dans un questionnaire en effet,
chaque terme doit être défini et compris de manière univoque par tous2. Profitant enfin du
contexte institutionnel favorisant les récoltes de données, nous avons proposé à nos partenaires
de recherche –chercheurs des autres équipes de recherche, d'une part, membres des équipes des
MASS d'autre part– d'ébaucher un questionnaire dans le cadre de la recherche-évaluation des
MASS, questionnaire qui permettrait d'enregistrer des données à propos des patients et du
suivi thérapeutique effectué avec eux dans les MASS.
Finalement, quelques réunions ont été tenues à ce sujet entre des membres des équipes
des trois MASS de Wallonie (Parenthèse – Mons, Diapason – Charleroi et Start – Liège) et les
chercheurs de l'ULB et de l'ULg.
1 Pelc I., Ledoux Y ; Epidémiologie de la toxicomanie en Belgique, rapport présenté à la Chambre des Représentants
dans le cadre du groupe de travail Drogues, 12 fév. 1996 ;
Bergeret I., Ledoux Y, Pelc I. ; Résumé Psychiatrique Minimum (RPM), Rapport de recherche scientifique 1997,
Ministère des Affaires Sociales, de la Santé Publique et de l'Environnement ;
Bergeret I., From L., Joosten J., Pelc I ; Résumé Psychiatrique Minimum (RPM), Etude des caractéristiques des
assuétudes sur base des données RPM au niveau fédéral, Ministère des Affaires Sociales, de la Santé Publique et de
l'Environnement, Bruxelles, 1998 ;
Bergeret I., From L., Joosten J., Pelc I ; Résumé Psychiatrique Minimum (RPM), Rapport de recherche scientifique
1999 & Rapport de recherche scientifique 2000, Ministère des Affaires Sociales, de la Santé Publique et de
l'Environnement ;
Bergeret I., De Backer V., From L., Joosten J., Nicaise P., Pelc I ; Recherche relative à l'application du RPM aux
problématiques des usagers de drogues dans les établissements hospitaliers, Ministère des Affaires Sociales, de la
Santé Publique et de l'Environnement, Octobre 1999 ;
Bergeret I., From L., Joosten J., Nicaise P., Pelc I ; Recherche relative à l'application du RPM aux
problématiques des usagers de drogues dans les établissements hospitaliers – Validation du module Résumé
Toxicomanies Minimum (RTM), Ministère des Affaires Sociales, de la Santé Publique et de l'Environnement,
Mars 2001 ;
Elaboration du logiciel Epitox par L. From pour le traitement informatique de la "Fiche Commune" du CCAD
Nicaise P., Bergeret I., De Backer V., From L., Joosten J., Pelc I. ; Récoltes de données en matière de drogues en
Belgique : une analyse critique (article à paraître)
2 Ceci ne veut pas dire que certaines variables doivent écartées si tous les participants n'y adhèrent pas. Il s'agissait
de définir le plus grand nombre de variables communes afin de décrire les spécificités de la prise en charge chez
chacun dans un cadre commun. En outre, le logiciel informatique devait permettre à chaque institution de
développer ses propres enregistrements autour d'un noyau commun, et de permettre les importations /
exportations de données nécessaires à tout type d'enregistrement (administratif, épidémiologique, clinique, local
ou global).
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La volonté de construire un "module clinique" répond au besoin de dépasser les carences
des outils d'enregistrement de type "Pompidou", tels que le VRM du VAD utilisé en Flandre,
ou la "Fiche Commune" du CCAD, utilisée alors en Communauté Française3. Ces
questionnaires ont été conçus avec une visée épidémiologique et en vue d'évaluer des politiques
d'organisation des soins en matière d'abus de drogues. Il s'agit donc d'un enregistrement de la
demande de soins et de données concernant le demandeur. Aucune question ne porte sur le
contenu de la prise en charge, sur le travail effectué avec le demandeur, et encore moins sur les
suites de cette prise en charge ou sur la fin de celle-ci. Aucun item ne porte sur des objectifs à
atteindre. Ce qui est même aberrant pour un questionnaire visant la demande de soins, aucun
item ne porte sur le contenu de cette demande.
Toutefois, depuis le deuxième semestre de l'année 1996, les institutions psychiatriques
subventionnées par le Ministère de la Santé Publique sont tenues de remplir un questionnaire
à visée clinique : le Résumé Psychiatrique Minimum (RPM)4. En 1999, le Ministère de la
Santé Publique a commandité auprès de notre Laboratoire une recherche portant sur
l'adaptation de ce RPM aux problématiques spécifiques des patients toxicomanes. Cette
adaptation a été envisagée sous la forme d'un module spécifique5. Dans le cadre de la
recherche-évaluation des MASS, l'objectif a donc été de doter celles-ci d'un module à visée
clinique, prolongeant la logique déployée au niveau du "RTM", et qui viendrait se greffer aux
outils déjà existants sans se substituer à eux et sans faire double-emploi. La modularité de
l'informatique devait permettre à la fois de limiter le travail d'encodage tout en offrant
beaucoup de souplesse pour la redistribution ultérieure de données selon les exigences et les
méthodes de chaque partie concernée.
2. Champs d'investigation sur lesquels faire porter les items du module
La première idée générale ayant émergé des discussions était une volonté de pouvoir
évaluer les processus dans lesquels se trouvent les patients des MASS dans l'émergence de
demandes de prise en charge impliquant des changements. Une telle mesure peut se faire à
partir d'éléments observables et d'éléments ressentis par l'intervenant. D'un côté, on peut
mesurer des éléments comme l'évolution du dosage des traitements à la méthadone. D'un autre
côté, on peut enregistrer les demandes ponctuelles formulées par les patients tout au long de la
prise en charge et les décoder selon leur contenu manifeste ou latent. Il s'agit aussi de dresser
un inventaire des objectifs des prises en charge, afin de déterminer ensuite les éléments
permettant de mesurer le travail effectué vis-à-vis de ces objectifs.
Après plusieurs séances de discussion, nous avons abouti à la liste suivante :
3 VRM = Vlaamse Registratie Middelengebruik, VAD = Vereniging voor Alcohol en andere Drugproblemen (Sous-
Point Focal du réseau REITOX pour la Région Linguistique de langue néerlandaise). Pour plus de détails, Cf.
Leurquin P. & al. ; Rapport national belge sur les drogues 2000, Belgian Information REITOX Network –
ISP/WIV, Bruxelles, 2000
4 Nous avons eu l'occasion de signaler ailleurs dans ce rapport que l'enregistrement des données RPM a connu des
aléas juridiques. Il n'empêche que la philosophie générale de ce questionnaire est clinique et qu'il nous a paru utile
de nous en inspirer.
5 Par commodité de langage, nous avons appelé ce questionnaire : Résumé Toxicomanies Minimum (RTM).
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Antécédents : Même s'il a été précisé que le module clinique n'avait pas d'objectif
épidémiologique, il est inévitable d'enregistrer de manière précoce des informations sur
l'état du futur "patient" dès l'entrée. Il est en effet nécessaire de tenir compte de la situation
de ce patient à l'entrée pour envisager le travail à effectuer avec lui, et aussi pour pouvoir
mesurer, au cours de sa prise en charge, l'évolution de sa situation. L'enregistrement des
antécédents recouvre donc tout ce qui décrit la situation du patient –points de vue médical,
psychologique, social, par rapport à la consommation, etc.– au moment de son arrivée dans
une MASS ;
Entrée en contact et maintien des contacts : L'entrée en contact et le maintien des
contacts avec le patient constituent les premiers objectifs intermédiaires des MASS (Cf.
Supra). Il est possible d'enregistrer certains éléments à ce niveau : expression de
demande(s) à l'entrée, type d'intervenants ayant favorisé ce contact, autres personnes
impliquées dans le contact –intervenants extérieurs, famille, amis, autres patients de la
MASS–, activités –au sens large– ayant favorisé le maintien du contact… Il est également
possible d'enregistrer des informations sur la qualité du contact (par exemple, dans le cadre
de la formalisation des processus de prise en charge à la MASS de Charleroi, il serait
possible d'enregistrer les positions relationnelles du contact avec différents intervenants
tout au long de la prise en charge — l'idée de pouvoir mesurer une évolution est
certainement présente ici ;
Etablissement d'une relation (thérapeutique) : Il s'agit ici d'éléments de mesure de la
qualité relationnelle et de l'implication personnelle du patient dans son processus
thérapeutique ;
Expressions de demandes : Les MASS ayant pour objectif intermédiaire d'inciter le patient
à entreprendre un traitement, favoriser l'expression de demandes de tous ordres donne
l'occasion de stimuler la curiosité des patients envers les possibilités de traitements plus
élaborés. L'enregistrement de ces expressions permet de mesurer l'évolution de l'élaboration
de ces demandes. Il serait également logique d'enregistrer les réponses fournies à ces
demandes ;
La fin de la prise en charge : On sait que le transfèrement des patients vers d'autres
institutions de soins dès que possible constitue également un objectif intermédiaire des
MASS. Il serait donc logique d'envisager, dès le départ, les conditions de "sortie" du
patient, ce qui est mis en place, les éventuelles difficultés ;
La question de l'impact des MASS : La question de l'impact des MASS peut sembler
s'éloigner de la ligne clinique suivie pour l'élaboration de ce module. Pourtant, les MASS
ayant à répondre également à des objectifs non-thérapeutiques, il n'est pas inutile de
chercher à mesure un impact de la MASS sur le patient, en termes de Santé Publique,
voire d'Ordre Public…
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3. Modalités de l'enregistrement
Au cours du processus de définition du module clinique, plusieurs questionnaires nous
ont été présentés par les trois MASS réunies, soit des questionnaires existants déjà validés, tels
le questionnaire ASI –essentiellement diagnostique et demandant une formation importante–,
soit des "questionnaires-maison" envisagés pour un usage interne à la MASS. La plupart de ces
questionnaires ne comportaient cependant que des variables diagnostiques, prises lors d'un
enregistrement statique ; contrairement à notre attente qui se centrait surtout sur le processus
de prise en charge dans ces axes principaux — la demande et le projet thérapeutique, les
objectifs, la description du travail thérapeutique réalisé et les données épidémiologiques
nécessaires à la détermination des choix cliniques. Nous visions aussi, en fait, une
formalisation plus concrète sous forme d'un questionnaire, d'un mode d'emploi et, d'un
prototype d'applicatif –programme informatique– de base de données.
Un seul questionnaire nous a semblé différent dans sa structure. La démarche de
formalisation d'un module clinique n'ayant pas pu être menée jusqu'à son terme dans le cadre
de cette recherche, nous avons finalement décidé de présenter les aspects les plus relevants de
ce questionnaire en vue d'éventuels développements futurs. Il s'agit de la "grille d'analyse de la
demande", proposé par la MASS de Charleroi. Nous devons toutefois prendre une précaution
indispensable : la version qui nous a été présentée à ce moment était expérimentale et sans
mode d'emploi6. Or un mode d'emploi donne la référence à consulter sur la façon d'utiliser un
questionnaire et ses références théoriques. La réflexion à ce propos a évolué depuis la phase
d'élaboration du module clinique. Il était cependant clair, pour les auteurs de ce questionnaire,
de poursuivre un objectif clinique, ainsi qu'un objectif pédagogique à destination des
intervenants de leur MASS.
3.1. Présentation du questionnaire dit "grille d'analyse de la demande"
3.1.1. SITUATION À L'ADMISSION : la "grille d'analyse de la demande" débute par quelques
éléments d'anamnèse :
Mode de vie : seul en couple, séparé, ... (item équivalent au questionnaire de l'"Enquête-Sentinelles)*7
Place dans la famille (génogramme)
Situation socio-professionnelle (item équivalent au questionnaire de l'"Enquête-Sentinelles)*
Facteurs de stress psychosociaux : divorce, deuil, échéance, mauvaise dynamique familiale énoncée*
Il s'agit d'items de type épidémiologiques permettant de situer le patient selon des
variables classiques de type anamnestique (génogramme, situation socio-professionnelle, stress
de l'axe 4 du DSM-IV8, …) mais qui permettent d'ancrer les aspects cliniques (investissements
du patient dans des loisirs, dans des relations familiales, …)
6 Ce questionnaire appartient à la MASS de Charleroi, et nous ne le reproduisons pas ici. Pour toute information
complémentaire, prière de prendre contact avec Diapason, Cf. Annexe V.
7 Tout au long de l'analyse de ce questionnaire, les items représentés avec une astérisque correspondent à des
informations qu'il y a lieu de fournir à l'INAMI pour justifier d'une demande de remboursement de semaines de
rééducation fonctionnelle.
8 American Psychiatric Association ; DSM-IV, Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (4e ed.),
trad. fr. par Guelfi J.D. & al., Masson, Paris, 1996
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Elle enregistre ensuite quelques données portant sur la situation actuelle du patient9 :
Re-présentation actuelle du patient (ce qu'il donne à voir de lui) : aspect vestimentaire, soins corporels, mise
en avant de stigmates, traces de piqûres, cicatrices, obésité, anorexie
Etat psychologique (présence d'une souffrance psychologique) : Dépression, idées suicidaires, tristesse,
structuration spatio-temporelle (bien orienté/mal orienté) (permet de compléter le rapport médical de l'INAMI)*
Possédez-vous un logement ? Oui/Non, sinon quel est votre mode de logement actuel ? Quels sont vos
souhaits en la matière ?*
Avez-vous des revenus ? Oui/Non ; Source (item équivalent au questionnaire de l'"Enquête-Sentinelles)*
Comment utilisez-vous votre temps libre ?
A côté de données sociales classiques –logement, revenus–, et du mode d'investissement
du patient dans des activités destinées à se faire plaisir –temps libre–, une observation fine du
patient est demandée à l'intervenant, tant au niveau de signes extérieurs que de signes
psychologiques. Il y manque cependant la valeur clinique à y accorder pour que l'intervenant
puisse comprendre ce qu'il fait en complétant ce questionnaire. En effet, l'enregistrement
"administratif" de signes extérieurs comme l'aspect vestimentaire pourrait rapidement devenir
stigmatisant. Ceci doit faire l'objet d'une attention particulière dès la conception du
questionnaire, afin qu'il soit utilisé correctement vis-à-vis de l'objectif énoncé. Il s'agit, une fois
encore, d'une question de cadre clinique.
3.2.2. ELÉMENTS ÉVÉNEMENTIELS : il s'agit d'enregistrer des éléments du parcours personnel
du patient.
1. Degré d'implication dans la demande de soins
Comment avez-vous fait pour savoir que vous pouviez venir ici ?
Est-ce que vous êtes renseigné pour savoir ce qu'on fait ici ?
Cotation sur l'implication du patient dans son entrée en contact avec l'institution : depuis la famille (Famille
= 0) ; le médecin (Médecin = ½) ; jusqu'au patient lui-même (Patient = 1)
Qui a pris le premier contact avec le centre : le patient ou autre personne ? Si autre personne, qui ? Si une
autre personne, est-ce qu'elle a agi à la demande du patient ou de sa propre initiative ? (Autre personne seule
= 0 ; Autre personne (à la demande du patient) = ½ ; Patient = 1)
Importance d'être accompagné lors du premier contact : est-ce que vous seriez venu seul ? (Non = 0 ; Oui,
mais c'est bien d’être accompagné = ½ ; Oui = 1 ) ;
L'intervenant est invité à faire explorer au patient son entrée en contact avec la MASS.
Chemin faisant, le patient et l'intervenant doivent se situer, au premier abord, vis-à-vis de
l'institution. Celle-ci est donc bien présente pour les deux protagonistes, et l'analyse d'un tel
parcours correspond à une incitation à l'approfondissement de la demande. On perçoit, dans la
formulation des items, que l'entrée en contact est examinée sous un angle relationnel — qui
correspond à l'approche de la MASS de Charleroi, Cf. Supra. Le mode d'entrée en relation
avec l'institution est estimé sur base d'une hypothèse qui pourrait être formulée de cette
manière : plus la demande est effectuée en solitaire et de façon informée / non impulsive, plus
grande est l'implication personnelle du patient, ce qui le situe dans sa capacité à entrer dans le
processus d'élaboration de la relation thérapeutique.
9 Situation actuelle équivaut, dans la pratique de Diapason, à l'admission du patient, ce questionnaire étant utilisé
lors de l'analyse de la demande, Cf. Supra. Nous avons vu toutefois que cet enregistrement pourrait intervenir plus
tard au cours de l'élaboration de la relation thérapeutique. Le questionnaire permet, éventuellement, d'amorcer
celle-ci, en structurant les contacts dans la position d'accueil.
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