Special Balades - Mai 2016 - Dans les entrailles

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26 MAI 2016
DOSSIER
Mines de Bex
Dans les entrailles
Le Chablais vaudois recèle bien des
surprises. L’une d’elles se cache
dans la roche, à Bex. Les visiteurs
empruntent le même tunnel que les
mineurs qui œuvrent encore à 450
mètres sous terre pour faire remonter l’eau salée à la surface. Les parents apprécient, les gosses jubilent.
Texte: Cédric Reichenbach. Photos: © Saline de Bex.
salées de la terre
Deux mineurs
continuent de travailler toute l’année
dans la mine où un
dispositif d’injection
d’eau douce permet
de dissoudre le sel.
La saumure est traitée en ville de Bex.
Ci-contre
Le sel à l’ancienne
fait partie des
produits vendus par
la saline de Bex.
«O
n aperçoit parfois un chamois passer là-haut, le long
des parois, avec ses petits. A en croire
la légende, c’est à ces animaux que
l’on doit la découverte des sources
salées», explique Alain Fiaux en conduisant les visiteurs vers l’entrée des
mines de Bex.
Attirées par l’eau salée suintant de la
montagne, les chèvres auraient, diton, été les premières à mettre la puce
à l’oreille des bergers. Après avoir
goûté à l’eau, les chevriers l’auraient
fait bouillir. Une fois le liquide évaporé, une fine couche de sel serait apparue au fond du chaudron...
Si les deux heures de visite passent si
vite dans ce coin du Chablais vaudois, c’est en grande partie grâce à
Alain. Souriant, passant aisément du
français à l’allemand, ce guide chevronné est un passionné d’histoire
et de géologie. L’homme à la barbe
courte plus sel que poivre a l’habitude de gérer des groupes importants. Mais, la haute saison n’ayant
pas encore débuté, seul un couple de
Belges et une famille venue d’Allemagne sont présents ce matin.
«Le pic de fréquentation, c’est juilletaoût, explique Henry Savioz, responsable des guides et de l’animation
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DOSSIER
Parfait pour les familles
«La région ressemble à un grand parc d’attractions, estime Henry Savioz. Pour les familles, c’est le bonheur! En plus des mines de Bex, vous avez le Swiss Vapeur Parc
et Aquaparc au Bouveret.» Sans oublier le
château de Chillon (375’000 entrées par
an) qui fête cette année les 200 ans du
passage de Lord Byron dans la forteresse.
Ou les fameux Bains de Lavey, à deux kilomètres de Saint-Maurice, et le Labyrinthe
Aventure d’Evionnaz (celui avec les grandes haies). n
CeR
pour la Fondation des mines de sel
de Bex. Il nous arrive d’accueillir
jusqu’à un millier de personnes par
jour. Mais 500 entrées, c’est déjà une
bonne journée. Avec 65’000 visiteurs
en moyenne par an, on est loin des
autres pôles d’attraction touristique
de la région (voir encadré), mais ça
n’est pas vraiment comparable. Ici,
tout se fait dans un espace restreint,
sous terre. C’est une expérience assez
unique.»
GOÛTER L’EAU SALÉE
C’est certain qu’avec son côté «immersion», la visite des fameuses mines bellerines de l’Est vaudois tient
plus de l’expédition que de la balade en musée. On touche la roche,
on goûte à l’eau salée et on parcourt
les galeries en sentant le sol gypseux
sous ses pieds. «Il ne s’agit pas de
spéléologie même si nous offrons des
‘trekkmines’ aux personnes intéressées. Reste qu’il ne faut pas être claustrophobe pour visiter les galeries,
précise Henry Savioz.»
Les mines de sel font partie du patri-
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défiler les madriers et les lampes le
long du tunnel étroit, les cinéphiles
pensent aussitôt à Steve McQueen
fuyant le camp de prisonniers gardé par les soldats allemands dans
La Grande Evasion – le passage était
bien plus étroit puisque les hommes
avançaient couchés la tête en avant.
Les lecteurs de Tolkien verront plutôt
les galeries de la Moria, cette ville
souterraine grouillant de gobelins décrite dans Bilbo le Hobbit et Le Seigneur des Anneaux.
PAS L’ORIENT-EXPRESS
Quoiqu’il en soit, si l’occasion s’en
présente, optez pour la queue du
train. En plus de sentir l’air frais sur
votre visage au moment où le train
s’élancera sur les rails, vous apercevrez parfaitement les parois creusées
dans la roche, les lanternes, les remblais et les poutres installées pour
empêcher la terre de s’effondrer. Sans
compter qu’un douillet coussinet fixé
sur la banquette rendra votre voyage
plus agréable qu’à l’intérieur des wamoine du canton de Vaud. «L’aspect gonnets, un brin plus spartiates. Ce
culturel et historique est central. Ce- n’est pas l’Orient-Express, mais un
pendant, précise le responsable, le si- train conçu pour le transport des mite est toujours actif: 30 à 35’000 ton- neurs, diront certains. Et ils auront
nes de sel sont proraison. N’empêche...
«Cinq mètres par
duites chaque année
«Le voyage s’est bien
à partir de la saumois au mieux, gri- déroulé?», demanmure (eau chargée
de Alain, le guide,
gnotés pendant
en sel, ndlr) extraite
après sept minutes
de la roche. Il y a douze ans... au mar- de trajet. Les visiune dimension conteau et à la cisette!» teurs acquiescent en
crète et réelle à las’avançant sur ce qui
quelle se frottent les gens qui vien- doit être le quai de débarquement
nent nous voir.» On est bien loin du le plus court du monde. «Si vous
folklore artificiel sur lequel certains l’avez trouvé un peu long, imaginez
surfent pour attirer les touristes.
ce que ressentaient les mineurs qui
ont creusé le tunnel: cinq mètres par
STEVE MCQUEEN
mois au mieux, grignotés pendant
Le côté réaliste de la balade, on le dé- douze ans... au marteau et à la cicouvre vite en s’installant dans l’un sette!» A en croire notre guide, les
des trois mini-wagons entraînés dans hommes se relayaient chaque heure
les entrailles de la montagne par une au marteau tandis que d’autres aclocomotive jaune.
tionnaient une grande souffleuse
En voyant
pour éviter aux travailleurs de mourir
CeR
Le guide Alain Fiaux
connaît les mines
comme sa poche.
asphyxiés. L’air arrivait par des centaines de troncs de mélèzes troués alignés les uns derrière les autres.
QUAND LA TÉTHYS RÉGNAIT
«Le Trias, tu connais?, demande Alain
à une petite fille venue de Heidelberg
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avec ses parents pour découvrir la
Suisse. C’est une période très ancienne qui remonte à 250 millions d’années (les grands yeux de la gamine
blonde le fixent l’air de dire: «250 millions d’années!»). A cette époque, la
région était recouverte par la Téthys,
une mer gigantesque. Cette étendue
d’eau a fini par s’assécher et par disparaître avec la formation des Alpes,
laissant de grands dépôts de sel derrière elle. Avec le vent et l’érosion,
ceux-ci se sont durcis et mélangés durant des millions d’années avec des
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SPÉCIAL BALADES
De g. à dr.
Dès vingt personnes, un groupe peut décider de manger
dans ces magnifiques salles situées à 450 mètres sous terre.
Des banquets de mariage y ont lieu.
Le fameux train des mines de Bex.
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couches et des couches de sédiments. avec laquelle on payait le travail fourVoilà pourquoi les sous-sols contien- ni chez les Romains. Les Bernois ausnent du sel, ajoute-t-il en désignant si savaient l’importance de l’or blanc,
une fistule d’or blanc suspendue au d’où leur intérêt pour Bex, occupée
plafond.»
dès le 16e siècle.
Or blanc? Aujourd’hui connu pour Mais cela, le guide vous l’expliquera
son utilité en cuisine ou pour dénei- plus en détail si vous décidez d’emmener votre famille dans
ger la chaussée, le sel –
on a tendance à l’ouQui contrôlait les mines de Bex. Et pour
achever de vous conblier – a longtemps eu
le sel contrôlait vaincre: alors que la caune très grande valeur.
la société.
nicule commencera bienNotamment parce qu’il
tôt à étouffer tout être
permettait de conserver
la nourriture. Plutôt utile avant l’ap- normalement constitué vivant en plaiparition du réfrigérateur! Qui con- ne, la température dans les salines de
trôlait le sel contrôlait la société. La Bex, elle, ne bougera pas! «Elle est de
Rome antique, qui a construit son 17°C toute l’année», confirme Alain
pouvoir sur le monopole du sel, en en remontant dans le train qui ramèsait quelque chose. Le mot salaire, c’est ne les visiteurs à l’air libre. n
Cédric Reichenbach
bien connu, vient de la quantité de sel
Infos utiles
Route des Mines de Sel 55, 1880 Bex
Contact: +41 24 463 03 30, www.mines.ch, [email protected]
Visites: deux par jour, à 11h15 et 14h15, toute l’année. De juin à août,
quatre à dix par jour du lundi au dimanche. Visites individuelles sur demande.
Accès: en voiture: sortie Bex, suivre les panneaux bruns «Mines de sel».
En train: gare CFF de Bex, puis 90 min. de marche jusqu’aux mines, au
lieu-dit Le Bouillet (balisage jaune du tourisme pédestre). Gare BVB du
Bévieux, puis 50 min. de marche à travers la forêt (balisage jaune du
tourisme pédestre). n
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SPÉCIAL BALADES
GUIDE
On se fait un château?
«Visiter un château, c’est
le préserver», dit le photographe André Locher qui
invite à découvrir des bâtisses célèbres ou inconnues de Suisse occidentale.
Le château restaurant de
Schadau, près de Thoune.
Commons.wikimedia
L
es châteaux sont des géants fra- milles du Valais féodal. On y trouve
giles. Ils brûlent, sont victimes un souterrain préhistorique qui passe
des tremblements de terre, ils tom- sous les ruines.
bent en ruines. Ce qui peut être beau
aussi, mais sans exagérer: voir un châ- ILS SONT VUS DE HAUT
teau avec ses plafonds, ses meubles, Deux pages par château, parfois une
ses créneaux prêts à affronter un siè- seule, c’est peu. Les informations hisge est incomparablement plus stimu- toriques sont succintes, le descriptif
lant. Telle est la conviction d’André va à l’essentiel. Par contre, l’auteur est
un photographe aéLocher, qui publie un
guide des Châteaux et
«L’appareil photo rien qui a nourri son
vestiges de Suisse occidans la main droite, site de 50'000 photos
prises lors de ses sordentale: 138 bâtisses
le
manche
à
balai
ties, «l’appareil photo
qui ont défié les sièdans l’autre».
dans la main droite, le
cles, certaines très conmanche à balai dans
nues comme Chillon,
Gruyères ou Grandson. Et d’autres la main gauche». Ces photos aériennes sont un de ses attraits du livre
qui ne le sont pas du tout.
C’est là d’ailleurs que ce guide révèle même si les petits formats sont parson utilité: qui a vu le château de fois décevants.
Saint-Martin-du-Chêne à Molondin, L’autre originalité de ce guide, la plus
sur le lac de Neuchâtel? Ou Haute- décisive, est d’avoir inclu des cantons
ville, sur les hauts de Saint-Légier que les Romands ignorent même s’ils
(VD), ou Châtillon, dont le nom in- sont proches: Berne, Soleure, Bâleduit en erreur car il se trouve dans le campagne. Sur le lac de Thoune se
Haut-Valais? Ce fut le fief des sires de dressent de petites merveilles médiéLa Tour, une des plus puissantes fa- vales ou néogothiques (comme Scha-
dau, construit par un banquier neuchâtelois et transformé en restaurant). Ils peuvent faire l’objet d’une
randonnée d’un jour. Waldegg, dans
le canton de Soleure, offre une façade
de 78 mètres, «une longueur impressionnante et exceptionnelle pour la
Suisse». Le monument est ouvert au
public. A Bâle-campagne, les superbes ruines de Farnsburg ou de Pfeffingen couronnent des collines qui invitent au pique-nique dans un décor
unique. Mais l’auteur ne donne pas
de suggestions de balades ou d’itinéraires.
Au final, ce guide ne remplace pas les
ouvrages plus complets, mais il donne des idées en rêvant à de belles sorties, quand la belle saison s’impose
PF
enfin. n
André Locher, Châteaux et vestiges
de Suisse occidentale, Edition Favre,
293 pages.
En vente à l’Echo Magazine au prix de Frs
31.– (+ frais d’envoi). Tél. 022 593 03 03.
Fax 022 593 03 19. [email protected]
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