18 26 MAI 2016 DOSSIER Mines de Bex Dans les entrailles Le Chablais vaudois recèle bien des surprises. L’une d’elles se cache dans la roche, à Bex. Les visiteurs empruntent le même tunnel que les mineurs qui œuvrent encore à 450 mètres sous terre pour faire remonter l’eau salée à la surface. Les parents apprécient, les gosses jubilent. Texte: Cédric Reichenbach. Photos: © Saline de Bex. salées de la terre Deux mineurs continuent de travailler toute l’année dans la mine où un dispositif d’injection d’eau douce permet de dissoudre le sel. La saumure est traitée en ville de Bex. Ci-contre Le sel à l’ancienne fait partie des produits vendus par la saline de Bex. «O n aperçoit parfois un chamois passer là-haut, le long des parois, avec ses petits. A en croire la légende, c’est à ces animaux que l’on doit la découverte des sources salées», explique Alain Fiaux en conduisant les visiteurs vers l’entrée des mines de Bex. Attirées par l’eau salée suintant de la montagne, les chèvres auraient, diton, été les premières à mettre la puce à l’oreille des bergers. Après avoir goûté à l’eau, les chevriers l’auraient fait bouillir. Une fois le liquide évaporé, une fine couche de sel serait apparue au fond du chaudron... Si les deux heures de visite passent si vite dans ce coin du Chablais vaudois, c’est en grande partie grâce à Alain. Souriant, passant aisément du français à l’allemand, ce guide chevronné est un passionné d’histoire et de géologie. L’homme à la barbe courte plus sel que poivre a l’habitude de gérer des groupes importants. Mais, la haute saison n’ayant pas encore débuté, seul un couple de Belges et une famille venue d’Allemagne sont présents ce matin. «Le pic de fréquentation, c’est juilletaoût, explique Henry Savioz, responsable des guides et de l’animation 26 MAI 2016 DOSSIER Parfait pour les familles «La région ressemble à un grand parc d’attractions, estime Henry Savioz. Pour les familles, c’est le bonheur! En plus des mines de Bex, vous avez le Swiss Vapeur Parc et Aquaparc au Bouveret.» Sans oublier le château de Chillon (375’000 entrées par an) qui fête cette année les 200 ans du passage de Lord Byron dans la forteresse. Ou les fameux Bains de Lavey, à deux kilomètres de Saint-Maurice, et le Labyrinthe Aventure d’Evionnaz (celui avec les grandes haies). n CeR pour la Fondation des mines de sel de Bex. Il nous arrive d’accueillir jusqu’à un millier de personnes par jour. Mais 500 entrées, c’est déjà une bonne journée. Avec 65’000 visiteurs en moyenne par an, on est loin des autres pôles d’attraction touristique de la région (voir encadré), mais ça n’est pas vraiment comparable. Ici, tout se fait dans un espace restreint, sous terre. C’est une expérience assez unique.» GOÛTER L’EAU SALÉE C’est certain qu’avec son côté «immersion», la visite des fameuses mines bellerines de l’Est vaudois tient plus de l’expédition que de la balade en musée. On touche la roche, on goûte à l’eau salée et on parcourt les galeries en sentant le sol gypseux sous ses pieds. «Il ne s’agit pas de spéléologie même si nous offrons des ‘trekkmines’ aux personnes intéressées. Reste qu’il ne faut pas être claustrophobe pour visiter les galeries, précise Henry Savioz.» Les mines de sel font partie du patri- SPÉCIAL BALADES 21 PUBLICITÉ défiler les madriers et les lampes le long du tunnel étroit, les cinéphiles pensent aussitôt à Steve McQueen fuyant le camp de prisonniers gardé par les soldats allemands dans La Grande Evasion – le passage était bien plus étroit puisque les hommes avançaient couchés la tête en avant. Les lecteurs de Tolkien verront plutôt les galeries de la Moria, cette ville souterraine grouillant de gobelins décrite dans Bilbo le Hobbit et Le Seigneur des Anneaux. PAS L’ORIENT-EXPRESS Quoiqu’il en soit, si l’occasion s’en présente, optez pour la queue du train. En plus de sentir l’air frais sur votre visage au moment où le train s’élancera sur les rails, vous apercevrez parfaitement les parois creusées dans la roche, les lanternes, les remblais et les poutres installées pour empêcher la terre de s’effondrer. Sans compter qu’un douillet coussinet fixé sur la banquette rendra votre voyage plus agréable qu’à l’intérieur des wamoine du canton de Vaud. «L’aspect gonnets, un brin plus spartiates. Ce culturel et historique est central. Ce- n’est pas l’Orient-Express, mais un pendant, précise le responsable, le si- train conçu pour le transport des mite est toujours actif: 30 à 35’000 ton- neurs, diront certains. Et ils auront nes de sel sont proraison. N’empêche... «Cinq mètres par duites chaque année «Le voyage s’est bien à partir de la saumois au mieux, gri- déroulé?», demanmure (eau chargée de Alain, le guide, gnotés pendant en sel, ndlr) extraite après sept minutes de la roche. Il y a douze ans... au mar- de trajet. Les visiune dimension conteau et à la cisette!» teurs acquiescent en crète et réelle à las’avançant sur ce qui quelle se frottent les gens qui vien- doit être le quai de débarquement nent nous voir.» On est bien loin du le plus court du monde. «Si vous folklore artificiel sur lequel certains l’avez trouvé un peu long, imaginez surfent pour attirer les touristes. ce que ressentaient les mineurs qui ont creusé le tunnel: cinq mètres par STEVE MCQUEEN mois au mieux, grignotés pendant Le côté réaliste de la balade, on le dé- douze ans... au marteau et à la cicouvre vite en s’installant dans l’un sette!» A en croire notre guide, les des trois mini-wagons entraînés dans hommes se relayaient chaque heure les entrailles de la montagne par une au marteau tandis que d’autres aclocomotive jaune. tionnaient une grande souffleuse En voyant pour éviter aux travailleurs de mourir CeR Le guide Alain Fiaux connaît les mines comme sa poche. asphyxiés. L’air arrivait par des centaines de troncs de mélèzes troués alignés les uns derrière les autres. QUAND LA TÉTHYS RÉGNAIT «Le Trias, tu connais?, demande Alain à une petite fille venue de Heidelberg 26 MAI 2016 DOSSIER PUBLICITÉ avec ses parents pour découvrir la Suisse. C’est une période très ancienne qui remonte à 250 millions d’années (les grands yeux de la gamine blonde le fixent l’air de dire: «250 millions d’années!»). A cette époque, la région était recouverte par la Téthys, une mer gigantesque. Cette étendue d’eau a fini par s’assécher et par disparaître avec la formation des Alpes, laissant de grands dépôts de sel derrière elle. Avec le vent et l’érosion, ceux-ci se sont durcis et mélangés durant des millions d’années avec des 23 SPÉCIAL BALADES De g. à dr. Dès vingt personnes, un groupe peut décider de manger dans ces magnifiques salles situées à 450 mètres sous terre. Des banquets de mariage y ont lieu. Le fameux train des mines de Bex. PUBLICITÉ couches et des couches de sédiments. avec laquelle on payait le travail fourVoilà pourquoi les sous-sols contien- ni chez les Romains. Les Bernois ausnent du sel, ajoute-t-il en désignant si savaient l’importance de l’or blanc, une fistule d’or blanc suspendue au d’où leur intérêt pour Bex, occupée plafond.» dès le 16e siècle. Or blanc? Aujourd’hui connu pour Mais cela, le guide vous l’expliquera son utilité en cuisine ou pour dénei- plus en détail si vous décidez d’emmener votre famille dans ger la chaussée, le sel – on a tendance à l’ouQui contrôlait les mines de Bex. Et pour achever de vous conblier – a longtemps eu le sel contrôlait vaincre: alors que la caune très grande valeur. la société. nicule commencera bienNotamment parce qu’il tôt à étouffer tout être permettait de conserver la nourriture. Plutôt utile avant l’ap- normalement constitué vivant en plaiparition du réfrigérateur! Qui con- ne, la température dans les salines de trôlait le sel contrôlait la société. La Bex, elle, ne bougera pas! «Elle est de Rome antique, qui a construit son 17°C toute l’année», confirme Alain pouvoir sur le monopole du sel, en en remontant dans le train qui ramèsait quelque chose. Le mot salaire, c’est ne les visiteurs à l’air libre. n Cédric Reichenbach bien connu, vient de la quantité de sel Infos utiles Route des Mines de Sel 55, 1880 Bex Contact: +41 24 463 03 30, www.mines.ch, [email protected] Visites: deux par jour, à 11h15 et 14h15, toute l’année. De juin à août, quatre à dix par jour du lundi au dimanche. Visites individuelles sur demande. Accès: en voiture: sortie Bex, suivre les panneaux bruns «Mines de sel». En train: gare CFF de Bex, puis 90 min. de marche jusqu’aux mines, au lieu-dit Le Bouillet (balisage jaune du tourisme pédestre). Gare BVB du Bévieux, puis 50 min. de marche à travers la forêt (balisage jaune du tourisme pédestre). n 26 MAI 2016 DOSSIER 24 PUBLICITÉ SPÉCIAL BALADES GUIDE On se fait un château? «Visiter un château, c’est le préserver», dit le photographe André Locher qui invite à découvrir des bâtisses célèbres ou inconnues de Suisse occidentale. Le château restaurant de Schadau, près de Thoune. Commons.wikimedia L es châteaux sont des géants fra- milles du Valais féodal. On y trouve giles. Ils brûlent, sont victimes un souterrain préhistorique qui passe des tremblements de terre, ils tom- sous les ruines. bent en ruines. Ce qui peut être beau aussi, mais sans exagérer: voir un châ- ILS SONT VUS DE HAUT teau avec ses plafonds, ses meubles, Deux pages par château, parfois une ses créneaux prêts à affronter un siè- seule, c’est peu. Les informations hisge est incomparablement plus stimu- toriques sont succintes, le descriptif lant. Telle est la conviction d’André va à l’essentiel. Par contre, l’auteur est un photographe aéLocher, qui publie un guide des Châteaux et «L’appareil photo rien qui a nourri son vestiges de Suisse occidans la main droite, site de 50'000 photos prises lors de ses sordentale: 138 bâtisses le manche à balai ties, «l’appareil photo qui ont défié les sièdans l’autre». dans la main droite, le cles, certaines très conmanche à balai dans nues comme Chillon, Gruyères ou Grandson. Et d’autres la main gauche». Ces photos aériennes sont un de ses attraits du livre qui ne le sont pas du tout. C’est là d’ailleurs que ce guide révèle même si les petits formats sont parson utilité: qui a vu le château de fois décevants. Saint-Martin-du-Chêne à Molondin, L’autre originalité de ce guide, la plus sur le lac de Neuchâtel? Ou Haute- décisive, est d’avoir inclu des cantons ville, sur les hauts de Saint-Légier que les Romands ignorent même s’ils (VD), ou Châtillon, dont le nom in- sont proches: Berne, Soleure, Bâleduit en erreur car il se trouve dans le campagne. Sur le lac de Thoune se Haut-Valais? Ce fut le fief des sires de dressent de petites merveilles médiéLa Tour, une des plus puissantes fa- vales ou néogothiques (comme Scha- dau, construit par un banquier neuchâtelois et transformé en restaurant). Ils peuvent faire l’objet d’une randonnée d’un jour. Waldegg, dans le canton de Soleure, offre une façade de 78 mètres, «une longueur impressionnante et exceptionnelle pour la Suisse». Le monument est ouvert au public. A Bâle-campagne, les superbes ruines de Farnsburg ou de Pfeffingen couronnent des collines qui invitent au pique-nique dans un décor unique. Mais l’auteur ne donne pas de suggestions de balades ou d’itinéraires. Au final, ce guide ne remplace pas les ouvrages plus complets, mais il donne des idées en rêvant à de belles sorties, quand la belle saison s’impose PF enfin. n André Locher, Châteaux et vestiges de Suisse occidentale, Edition Favre, 293 pages. En vente à l’Echo Magazine au prix de Frs 31.– (+ frais d’envoi). Tél. 022 593 03 03. Fax 022 593 03 19. [email protected] 25