ARTICLE ORIGINAL Progrès en Urologie (1999), 9, 292-298
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Cancer de l’urètre chez la femme : expérience de l’Institut National
du Cancer du Brésil : 1992 - 1997
Antonio A. ORNELLAS, Francis R.A. KHOURI, Franz CAMPOS, Nelson KOIFMAN, Raul QUIRINO
Service d’Urologie, Instituto Nacional de Câncer, Rio de Janeiro, Brésil
Le cancer de l'urèthre est une maladie rare représentant
seulement 0,02% de l'ensemble des cancers de la
femme [9]. Le traitement repose habituellement sur la
chirurgie et/ou la radiothérapie, les indications dépen-
dant du stade clinique et de la localisation tumorale.
Les résultats des traitements sont difficile à évaluer, la
plupart des études publiées ayant concerné de trop
petits effectifs.
Nous rapportons notre expérience accumulée au cours
de ces 15 dernières années au cours desquelles nous
avons traité 31 patientes pour un cancer primitif de
l'urèthre.
PATIENTS ET METHODES
De 1982 à 1997, 31 patientes ont consulté à l'Institut
National du Cancer du Brésil pour la prise en charge
d'un cancer de l'urèthre. Parmi ces patientes, 18 (58%)
étaient de race blanche, 11 (35,5%) étaient mulâtres et
2 (6,5%) étaient de race noire. L'âge moyen était de 62
ans (extrêmes : 27 - 88 ans, médiane 63 ans).
Les symptômes initiaux ont été : hématurie dans 18 cas
(56%), dysurie dans 16 cas (50%), saignement vaginal
dans 10 cas (31%), perte de poids dans 9 cas (28%),
pollakiurie dans 9 cas (28%), douleur pelvienne dans 6
cas (19%) et dysurie dans 6 cas (19%).
Il s'agissait dans 13 cas d'un adénocarcinome, dans 11
cas d'une tumeur épidermoïde, dans 5 cas d'une tumeur
urothéliale et dans deux cas de mélanomes malins.
Les tumeurs ont été analysées en utilisant la classifica-
tion de GRABSTALD [6] : stade 0 : tumeur in situ, stade
Manuscrit reçu : août 1998, accepté : novembre 1998.
Adresse pour correspondance : Dr. A.A. Ornellas, Instituto Nacional de Câncer,
Praça da Cruz Vermelha 23, Rio de Janeiro, Brésil.
RESUME
But : Décrire les résultats du traitement des cancers de l’urètre chez la femme asso-
ciant chirurgie, radiothérapie et chimiothérapie.
Patients et Méthodes : Depuis 1982, nous avons traité 31 patientes pour cancer de
l’urètre (recul : 0 à 127 mois). Dix patientes ont été traitées par radiothérapie et 9 par
chirurgie. Parmi les patientes opérées, 5 ont eu une irradiation préopératoire et 1 une
irradiation postopératoire.
Deux patientes ont refusé le traitement chirurgical, une d’entre elles a été traitée par
chimiothérapie.
Trois patientes porteuses d’une maladie disséminée d’emblée ont été traitées de
manière palliative.
Résultats : Cinq patientes ont survécu sans signe de récidive avec un recul allant de 3
à 10 ans. Au total, sur les 31 patientes traitées, 18 ont développé des métastases dans
les 2 ans suivant la prise en charge thérapeutique initiale, et ce quel que soit le trai-
tement utilisé.
Conclusion : En dehors du mélanome malin, le caractère histologique de la tumeur
n’est pas un facteur pronostique. D’un point de vue thérapeutique, les patientes qui
ont été traitées par chirurgie et radiothérapie ont eu un taux de survie supérieur à
celles traitées par radiothérapie seule. Les tumeurs envahissant la totalité de l’urètre
sans lésion vésicale peuvent être traitées par urétrectomie et dérivation cutanée conti-
nente utilisant l’appendice.
Mots clés : Urèthre, vemme, tumeur, uréthrectomie, radiothérapie.
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A : atteinte de la sous muqueuse, stade B : atteinte du
muscle périuréthral, stade C1 : atteinte des fibres mus-
culaires de la paroi vaginale, stade C2 : atteinte de la
muqueuse vaginale, stade C3 : atteinte des organes de
voisinage : vessie, grande lèvre, clitoris, stade D1 :
atteinte des ganglions inguinaux, stade D2 : atteinte des
ganglions pelviens, stade D3 : atteinte des ganglions
latéro-aortiques, stade D4 : métastases viscérales.
Les traitements utilisés ont évolué au cours des années.
Dix patientes ont été traitées par radiothérapie exclusi-
ve. Les irradiations ont comporté un champ antérieur et
un champ postérieur avec un fractionnement quotidien
de 180 à 200 cGy. La dose totale délivrée était compri-
se entre 30 et 70 Gy (médiane : 50 Gy). Cinq patientes
ont été traitées par une association de radiothérapie et
chirurgie. Quatre d'entre elles ont eu une pelvectomie
antérieure. La dose d'irradiation préopératoire allait de
800 à 8200 cGy. Une patiente avait été irradiée deux
ans auparavant dans une autre institution. Elle s'est pré-
sentée avec une tumeur exophytique superficielle mais
envahissant l'urèthre sur toute sa hauteur avec une
extension endovésicale. Nous avons réalisé l'exérèse de
la tumeur uréthrale et réséqué la lésion endovésicale.
Une patiente porteuse d'une tumeur épidermoïde traitée
initialement par uréthrectomie et qui a dévelop
secondairement une métastase ganglionnaire inguinale
a été traitée par un curage iliaque bilatéral suivi d'une
irradiation des aires ganglionnaires de 50 Gy.
Neuf patientes ont été traitées par chirurgie seule : exé-
rèse conservatrice d'une petite tumeur distale (3 cas),
pelvectomie antérieure (2 cas), uréthrectomie avec
conservation de la vessie (3 cas) et dérivation des
urines par cystostomie sus pubienne (1 cas) ou dériva-
tion cutanée continente utilisant l'appendice selon la
technique de MITROFANOFF (2 cas) [14]. Une patiente a
été traitée par la résection transuréthrale d'une tumeur
d'origine urothéliale développée dans un diverticule de
l'urèthre et envahissant la vessie, la patiente ayant refu-
sé la pelvectomie antérieure.
Trois patientes porteuses d'une maladie disséminée
d'emblée ont été traitées de manière palliative. Deux
patientes ont refusé tout traitement. Une patiente de
stade D4 a été traitée par chimiothérapie, avec deux
cycles de 5 fluorouracil (1000 mg/j pendant 3 jours) et
mitomycine (15mg/m2) pendant un jour.
Les taux de survie actuarielle ont été calculés selon la
technique de Kaplan Meier et l'analyse statistique a été
faite par Log Rank Test avec un seuil de significativité
placé à 0,05.
RESULTATS
Globalement, les taux de survie à 5 ans et à 10 ans ont
été de 31% (Figure 1). Cinq patientes ont survécu sans
récidive avec un recul compris entre 3 et 10 ans. 18
patientes ont développé des métastases dans les 24
mois suivant la prise en charge et ce quel que soit le
traitement utilisé.
Les résultats de chacun des traitements sont présentés
dans les Tableaux 1 à 4. Les meilleurs résultats ont été
obtenus pour les tumeurs de stades O et A, toutes ces
patientes ayant survécu sans récidive.
Parmi les patientes traitées par chirurgie seule, la seule
complication a été la survenue d'une sténose de l'urè-
thre (Tableau 1).
Parmi les 16 patientes traitées par radiothérapie seule
ou une association radiothérapie chirurgie 10 ont eu
des complications mineures : lymphoedème (5 cas),
sténose de l'urèthre (3 cas), atrophie vaginale (2 cas) et
ulcération uréthrale (1 cas). Six patientes ont eu des
complications sévères : fistule vésico-vaginale (2 cas),
cystite radique (1 cas), rectite radique (1 cas), nécrose
inguinale (1 cas), occlusion sur grèle radique (1 cas)
(Tableaux 2 et 3).
Les trois patientes porteuses d'une dérivation cutanée
continente réalisaient un sondage évacuateur toutes les
quatre heures sans fuites entre les sondages.
La chimiothérapie entreprise dans un cas a été inter-
rompue après deux cycles pour absence d'efficacité.
En dehors du mélanome malin, la nature histologique
de la tumeur n'a pas de rôle pronostique (Figure 2).
Toutes les patientes porteuses d'un mélanome malin
sont décédées dans l'année suivant le diagnostic.
Les taux de survie à 3 ans pour les tumeurs distales,
proximales ou envahissant la totalité de l'urèthre ont été
respectivement de 62, 30 et 33% (p<0,20) Figure 3).
Nous n'avons pas observé de différence significative
concernant la survie des patientes traitées par chirurgie
seule ou association chirurgie et radiothérapie. En
revanche la radiothérapie seule a donné de moins bons
résultats en terme de survie que l'association chirurgie
radiothérapie (Figure 4).
DISCUSSION
Globalement dans cette série de 31 patientes, les taux
de survie à 5 ans et 10 ans des tumeurs de l'urèthre ont
été de 31%, ce qui est comparable aux données précé-
demment publiées [2, 4, 8]. Les meilleurs résultats ont
é obtenus avec les tumeurs de stade O et A.
Cependant l'analyse statistique en terme de survie reste
limitée compte tenu du faible nombre de patientes.
Les tumeurs distales peuvent être traitées par une exé-
rèse limitée de la terminaison de l'urèthre et de la paroi
vaginale en regard. En revanche, une pelvectomie anté-
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Tableau 1. Traitement par chirurgie exclusive (n = 9) : stade clinique, caractéristiques anatomopathologiques, résultats.
Patient Traitement Stade Localisation Anatomopathologie Evolution Complications Evolution
tumorale locale (mois)
1Exérèse limitée 0Urèthre distal Epidermoïde Non -Pas de récidive
(20 mois)
2Exérèse limitée AUrèthre distal Adénocarcinome Non Sténose de Pas de récidive
l’urèthre (113 mois)
3Exérèse limitée D1 Urèthre distal Mélanome Récidive -Métastase rétroP
Décès (7 mois)
4Résection C3 Diverticule Urothélial Récidive -Métastases
transuréthrale urèthre proximal Décès (16 mois)
5Uréthrectomie A Totalité de Urothélial Non -Pas de récidive
Mitrofanoffl’urèthre (39 mois)
6Uréthrectomie BUrèthre distal Urothélial Non -Métastases
MitrofanoffDécès (7 mois)
7Uréthrectomie C2 Urèthre distal Mélanome Récidive -Métastases
Cystectomie Décès (8 mois)
8Pelvectomie C3 Urètre proximal Adénocarcinome Récidive -Métastases
antérieure osseuses
Décès (4 mois)
9Pelvectomie C3 Urèthre proximal Adénocarcinome Non -Pas de récidive
antérieure -(9 mois)
Tableau 2. Radiothérapie exclusive (n=10) : stades cliniques, caractéristiques anatomopathologiques, résultats.
Patient Traitement Stade Localisation Anatomopathologie Evolution Complications Evolution
tumorale locale (mois)
165 Gy C3 Urètre distal Epidermoïde Oui Ulcération Progression
uréthrale (20 mois)
265 Gy BUrèthre distal Epidermoïde Oui Cystite radique Décès
(9 mois)
330 Gy D1 Urèthre distal Epidermoïde Non Sténose uréthrale Pas de récidive
Atrophie vaginale (18 mois)
450 Gy C1 Urèthre distal Epidermoïde Non Sténose uréthrale Pas de récidive
Atrophie vaginale (60 mois)
570 Gy C3 Urèthre distal Adénocarcinome Oui -Décès
(7 mois)
650 Gy C3 Urèthre proximal Adénocarcinome Oui -Décès
(6 mois)
750 Gy C2 Totalité de l’urèthre Epidermoïde Oui Fistule vésico-vaginale Décès
Lymphoedème (15 mois)
850 Gy C3 Totalité de l’urèthre Adénocarcinome Oui Fistule Décès
vésico-vaginale (16 mois)
Sténose uréthrale
965 Gy C3 Totalité de l’urèthre Adénocarcinome Oui Lymphoedème Décès
(11 mois)
10 50 Gy D1 Totalité de l’urèthre Urothélial Oui Lymphoedème Décès
Nécrose inguinale (10 mois)
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rieure est habituellement recommandée pour les
tumeurs proximales ou envahissant la totalité de l'urè-
thre. D'après notre expérience, il semble que les
tumeurs distales soient de meilleur pronostic mais ceci
devrait être confirmé avec des effectifs plus importants.
Le traitement des tumeurs de l'urèthre repose habituel-
lement sur la chirurgie et/ou la radiothérapie. Les
meilleurs résultats avec la radiothérapie ont été obser-
vés avec les tumeurs limitées et antérieures [3, 8, 18,
22, 23]. En revanche, les résultats ne sont pas satisfai-
sants pour les tumeurs invasives ou postérieures avec
des taux de récidive locale et de mortalité élevée.
L'analyse des séries portant sur des tumeurs localement
avancées est difficile en raison de l'hétérogénéité des
populations étudiées qui peuvent comporter des exten-
sions très localisées mais également les atteintes gan-
glionnaires. Pour ces tumeurs, les taux de survie à 5 ans
après radiothérapie varient entre 5 et 50% [18]. Dans
notre série seules deux patientes porteuses d'une
tumeur localement avancée de l'urèthre distal ont sur-
vécu sans signe de récidive avec un recul de 18 et 60
mois (Tableau 2).
Les complications de la radiothérapie sont fréquentes
atteignant 42 et 49% des patientes traitées dans deux
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Tableau 3. Traitement par chirurgie et radiothérapie (n=6) : stade clinique, caractéristiques anatomopathologiques, résultats.
Patient Traitement Stade Localisation Anatomopathologie Evolution Complications Evolution
tumorale locale (mois)
145 Gy C1 Urèthre distal Adénocarcinome Non -Décès
Pelvectomie (24 mois)
282 Gy C1 Urèthre proximal Adénocarcinome Non Atrophie vaginale Pas de récidive
Pelvectomie Grèle radique (127 mois)
340 Gy C3 Urèthre proximal Adénocarcinome Non Occlusion Pas de récidive
Pelvectomie (12 mois)
48 Gy C3 Totalité de Epidermoïde Non -Métastases
Pelvectomie l’urèthre Décès
(9 mois)
5Radiothérapie C3 Totalité de Adénocarcinome Non Lympoedème Pas de récidive
incomplète l’urèthre (5 mois)
Exérèse locale
Résection
endoscopique
650 Gy C1 Totalité de Epidermoïde Non Lympoedème Pas de récidive
Uréthrectomie l’urèthre (47 mois)
Mitrofanoff
Curage inguinal
Tableau 4. Patients avec extension locale d’emblée (n=6) : caractéristiques anatomopathologiques, résultats
Patient Traitement Stade Localisation Anatomopathologie Evolution Complications Evolution
tumorale locale (mois)
15FU D4 Urèthre distal Adénocarcinome Non -Métastases
Mitomycine Décès (6 mois)
(2 cycles)
2Refus de D1 Totalité de Epidermoïde Oui -Métastases
traitement l’urèthre pubiennes
Décès (6 mois)
3Palliatif D4 Totalité de Epidermoïde Oui -Métastases
l’urèthre Décès (2 mois)
4Palliatif D1 Urèthre proximal Epidermoïde Oui -Métastases
Décès (4 mois)
5Refus de C3 Totalité de Adénocarcinome Oui -Perdue de vue
traitement l’urèthre
6Palliatif D4 Totalité de Urothélial Oui -Métastases
l’urèthre Décès (6 mois)
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Figure 1. Taux de survie actuarielle sans récidive pour les
patients traités par radiothérapie, association radiothérapie/chi -
rurgie ou chirurgie seule (Kaplan Meier).
Figure 2. En dehors du mélanome malin [2], le taux de survie
n’est pas dépendant du type histologique : carcinome épider -
moïde [11], urothélial [5] ou adénocarcinome [13].
Figure 3. Taux de survie actuarielle en fonction de la localisa -
tion tumorale : distale, proximale ou totalité de l’urèthre après
exclusion des mélanomes (p<0,20, log rank test).
Figure 4. Taux de survie actuarielle en fonction du type de trai -
tement. Il existe une différence significative entre chirurgie plus
radiothérapie et radiothérapie seule (p<0,05, log rank test).
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