Portée et limites des VaR publiées par les grandes institutions

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Portée et limites des VaR publiées
par les grandes institutions financières
GUY LÉVY-RUEFF
Direction pour la Coordination de la stabilité financière
Service des Études sur les marchés et la stabilité financière
Les chiffres de valeur en risque (Value at Risk ou VaR) publiés par les grandes banques donnent des
informations utiles sur les risques de marché pris par le système bancaire. Mais il faut garder à l’esprit les
précautions méthodologiques qui doivent s’appliquer à leur analyse et qui sont détaillées dans cet article.
Les hypothèses sous-jacentes aux calculs de VaR peuvent en effet varier entre établissements et sont
souvent peu explicitées. Ceci doit amener à nuancer les conclusions que l’on peut tirer de ces données.
Les indications données par les VaR publiées doivent donc être corroborées par d’autres indicateurs et
analysées dans le contexte général macrofinancier qui les éclaire. Lorsque ces chiffres tendent à indiquer
des augmentations de prises de risques, ils servent surtout de signaux d’alerte pour des analyses plus
poussées des vulnérabilités susceptibles d’affecter la stabilité financière.
C’est dans ce contexte que les VaR publiées par les institutions financières sont suivies avec attention
par les banques centrales et sont, par exemple, souvent utilisées dans la chronique de cette Revue de
la stabilité financière. Elles ont ainsi contribué à étayer notre diagnostic d’une augmentation des prises
de risque sur les marchés lorsque les niveaux des taux courts étaient uniformément très faibles, avant le
début du processus de remontée graduelle des taux du Système fédéral de réserve, ce qui appelait à une
vigilance renforcée même si le contexte macrofinancier pouvait paraître bénin.
Les préoccupations permanentes des banques centrales pour une plus grande transparence des institutions
financières se sont notamment illustrées par la publication du rapport dit Fisher II. Dans ce cadre, un enjeu
spécifique pour renforcer la stabilité financière reste d’inciter les établissements de crédit à une plus grande
transparence des méthodes utilisées pour le calcul des VaR publiées. Ceci pourrait être obtenu par l’inclusion
d’explications méthodologiques plus précises et plus comparables d’un établissement à l’autre dans les
parties concernées des rapports annuels, sans que cela n’entrave, chez les banques les plus en pointe, la
mise en œuvre de processus de gestion du risque plus sophistiqués ni ne diminue la flexibilité de leur politique
de communication. En acceptant l’utilisation, sous réserve de validation, de modèles internes pour le calcul
des besoins en fonds propres réglementaires, les superviseurs bancaires ont d’ailleurs pris acte au niveau
international de la diversité des marchés et des opérations pratiquées par les banques, diversité qui implique
l’adoption de méthodologies de calcul adaptées à la spécificité et au mode de gestion des risques encourus
par chaque établissement. Il importe avant tout de mettre à disposition des analystes les informations les plus
pertinentes possibles. Or, pour cela, au vu des pratiques actuelles, la transparence relative aux méthodes
utilisées laisse encore à désirer. De plus, d’autres institutions financières que les banques, par exemple les
hedge funds, pourraient avantageusement être, elles aussi, incitées à publier des chiffres de VaR.
Par ailleurs, une publication plus systématique de stress tests par les institutions financières semble
souhaitable, d’une part en complément méthodologique des VaR, d’autre part afin de contrebalancer la
possibilité d’une trop grande homogénéisation des comportements qui pourrait découler d’une utilisation
trop exclusive des VaR dans les politiques de communication.
NB : Cette étude est le fruit d’un groupe de travail transversal, animé par l’auteur de l’article et comprenant des représentants de la direction générale des Opérations
et du Secrétariat général de la Commission bancaire. Je remercie l’ensemble des personnes ayant contribué à ce travail ; les éventuelles erreurs restent miennes.
Banque de France • Revue de la stabilité financière • N° 7 • Novembre 2005
81
ÉTUDES
Portée et limites des VaR publiées par les grandes institutions financières
D
e plus en plus de banques centrales mettent
régulièrement en avant dans leur revue de
stabilité financière les chiffres de valeur
en risque (Value at Risk ou VaR) publiés par les
grandes institutions financières. Ces indicateurs
permettent en effet de mesurer les risques pris par
ces institutions sur les marchés et, ainsi, de mieux
identifier d’éventuelles sources de vulnérabilités au
sein du secteur financier et de mieux comprendre
certaines dynamiques de marché. Ils sont également
souvent exploités lors des discussions ayant lieu dans
le cadre de réunions internationales, telles que le
Forum de stabilité financière.
Cette étude est structurée de la façon suivante :
• elle analyse d’abord les caractéristiques ainsi que
la portée des VaR publiées par les établissements de
crédit dans le cadre d’une évaluation de la stabilité
financière ;
• elle étudie ensuite l’hétérogénéité et les limites
méthodologiques des VaR publiées ;
• elle se conclut par une mise en perspective des
questions de transparence des institutions financières
qui éclaire l’analyse spécifique menée sur les VaR.
1| LA VAR : UN INSTRUMENT
SYNTHÉTIQUE D’APPRÉHENSION
DES PRISES DE RISQUE
1|1 La VaR comme outil de gestion
du risque de chaque établissement
de crédit
de 99 % s’établit à 5 millions d’euros, cela signifie
qu’il y a 99 chances sur 100 de ne pas perdre plus de
5 millions d’euros sur 10 jours consécutifs.
On recense trois grandes méthodes de calcul de
la VaR : paramétrique, historique et Monte Carlo.
Dans tous les cas, l’observation du passé est un
déterminant essentiel des résultats 1. Le rôle du
passé apparaît immédiatement dans le cas de la VaR
historique ; dans les deux autres cas, il découle des
modalités techniques de calcul de la VaR (modèle
paramétrique) ou des modes de simulation des
variations des facteurs de risque (VaR Monte Carlo) ;
en effet, pour traduire les liens existant entre les
facteurs de risque tirés des paramètres de marché
(c’est-à-dire pour prendre en compte la volatilité des
prix et leurs corrélations), on utilise la « matrice de
variances/covariances » qui est déterminée à partir
des séries historiques des variations des prix de
marché. Dans le cadre de ses différentes activités
ou catégories de risques, un établissement de crédit
peut utiliser différentes méthodes : par exemple, une
VaR paramétrique pour le traitement de portefeuilles
de produits obligataires, de change ou d’actions, et
une VaR de Monte Carlo ou une VaR historique pour
des portefeuilles de négociation d’options.
• La détermination de la VaR paramétrique se fait au
moyen d’un calcul analytique relativement aisé en
pratique mais sous des hypothèses théoriques assez
contraignantes, l’exemple le plus connu d’un tel modèle
étant sans doute RiskMetrics. Les principales hypothèses
simplificatrices consistent à supposer, d’une part, que
les lois de probabilité qui régissent les distributions
des variations des prix de marché sont « normales »
(avec une représentation correspondant à la « courbe
en cloche » de Laplace-Gauss) et, d’autre part, que les
instruments présentent un profil de risque linéaire. Sous
ces hypothèses, la matrice de variances/covariances
peut être appliquée assez directement aux positions
détenues pour calculer la VaR.
DÉFINITION
La VaR se définit mathématiquement comme la perte
potentielle maximale consécutive à une évolution
défavorable des prix de marché, dans un laps de
temps spécifié et à un niveau donné de probabilité
(appelé aussi seuil de confiance). La VaR est donc une
mesure globale et probabilisée du risque de marché.
Par exemple, si la VaR à 10 jours au seuil de confiance
1
82
• La VaR historique met en œuvre directement le
postulat que les évolutions futures du marché seront
similaires aux évolutions passées (celles de la dernière
année, par exemple). On collecte en effet les variations
quotidiennes des prix de marché ou des facteurs de
risque observés sur la période considérée, puis on
applique celles-ci aux positions détenues du jour ;
on en déduit ainsi la distribution des pertes possibles
D’où, d’ailleurs, l’importance de disposer de bonnes bases de données historiques pour ce type de mesure.
Banque de France • Revue de la stabilité financière • N° 7 • Novembre 2005
ÉTUDES
Portée et limites des VaR publiées par les grandes institutions financières
Méthodes de calcul de la VaR
Types de VaR
Paramétrique
Historique
Avantages
Inconvénients
• Calculs rapides et simples qui requièrent
uniquement la connaissance de la matrice des
variances/covariances.
• Inadaptée aux portefeuilles non linéaires (instruments
optionnels)
• Pas d’hypothèse sur la forme de la distribution des
rendements et possibilité de prise en compte, dans
une certaine mesure, des événements extrêmes (en
spécifiant de façon adéquate l’historique utilisé)
• Convient à tous les types d’instruments, y compris
optionnels.
Monte Carlo
• Convient également à tous les types d’instruments,
y compris optionnels.
• Permet de tester de nombreux scénarios et
d’y inclure explicitement des queues de distribution
épaisses (événements extrêmes pris en compte dans
une certaine mesure).
• Dans le cadre de la VaR Monte Carlo, on simule
un grand nombre de fois, couramment 10 000, les
comportements futurs possibles des facteurs de
risque, et on en déduit une distribution des pertes
et profits dont on tire une perte maximum possible
pour un seuil de confiance donné. Si cette approche
peut s’appliquer, en théorie, quelles que soient les
lois de probabilité suivies par les facteurs de risque,
elle est couramment utilisée en pratique, pour des
raisons techniques, en supposant que les variations
relatives des paramètres de marché suivent des lois
normales.
Des calculs plus sophistiqués, tels que la CVaR
(Conditional Value at Risk), qui donne le chiffre de
l’ensemble des pertes attendues conditionnellement
au fait de dépasser le seuil de perte de la VaR, peuvent
être mis en œuvre en complément de la VaR. Mais
ils n’entrent pas dans le champ de cette étude car
ils ne sont pas publiés par les banques.
AVANTAGES PAR RAPPORT À D’AUTRES OUTILS
DE GESTION DU RISQUE
La VaR, parce qu’elle combine plusieurs facteurs de
risque et mesure leur interaction, prend en compte
(et donc favorise) la diversification des portefeuilles :
des portefeuilles diversifiés, toutes choses égales
• Théoriquement peu adaptée aux queues de
distribution épaisses et aux distributions non normales
des rendements
• Pas d’assurance de la pertinence de l’historique
choisi, particulièrement important puisqu’aucune autre
modélisation ne s’y ajoute.
• Le risque de mauvais pricing de certains instruments
complexes (par exemple certaines options dont les prix
ne sont pas directement disponibles dans le marché,
mais modélisés à partir de paramètres de marché) ne
peut pas être exclu.
• Consommateur en ressources informatiques
• Risque de modèle plus important que dans les deux
premiers cas et le risque de mauvais pricing de certains
instruments complexes (par exemple certaines options)
ne peut pas non plus être exclu.
par ailleurs, tendent en effet à avoir des VaR plus
faibles que des portefeuilles non diversifiés (même
si, mathématiquement, la VaR d’un portefeuille
regroupant plusieurs sous-portefeuilles peut, au même
seuil de confiance, être supérieure à la somme des
VaR individuelles des sous-portefeuilles, et ce, pour
des lois de distribution sous-jacentes particulières ;
voir, sur cet aspect mathématique, l’annexe relative
à l’agrégation des VaR).
La VaR a permis d’évoluer d’une logique d’indicateurs
ponctuels du risque à une logique d’évaluation
probabilisée du risque global. Les mesures
traditionnelles permettent d’estimer, au travers de
multiples indicateurs individuels du risque (par
exemple la sensibilité aux taux), la perte instantanée
sur chaque produit pour une petite variation des
prix de marché. Toutefois, elles ne quantifient pas la
probabilité de telles évolutions : sont-elles fréquentes
ou exceptionnelles ?
La VaR est donc devenue une mesure standard du
risque de marché qui est désormais présente dans
toutes les grandes banques. Ce développement de
références communes en matière d’encadrement
des risques présente l’avantage de favoriser des
échanges entre professionnels et d’améliorer la
compréhension commune du comportement des
acteurs de marché.
Banque de France • Revue de la stabilité financière • N° 7 • Novembre 2005
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ÉTUDES
Portée et limites des VaR publiées par les grandes institutions financières
UTILISATION PAR LES ÉTABLISSEMENTS DE CRÉDIT
Les VaR sont essentiellement calculées pour les
risques de marché. Pour ces activités, elles sont
aujourd’hui un paramètre significatif des prises de
décision stratégiques de la plupart des institutions
financières. Ainsi, le développement d’une présence
sur tel type de marché, telle gamme de produits
financiers ou telle zone géographique est souvent
modulé en fonction, en plus de leur rentabilité, de
l’estimation des risques estimés par la VaR.
La VaR constitue de façon plus opérationnelle un
outil important et très répandu de gestion du risque
de marché. Les directions générales de nombreuses
institutions financières allouent des enveloppes
de VaR à des directions opérationnelles, qui vont
elles-mêmes les ventiler entre leurs différentes
activités. Au quotidien, les opérateurs de marché
gèrent et ajustent leurs positions en fonction de
limites opérationnelles cohérentes avec ces limites
de VaR.
La VaR est aussi utilisée comme un outil interne
de reporting des risques de marché consolidés
destiné aux niveaux les plus élevés de la hiérarchie
des institutions financières. Cet indicateur permet,
avec seulement quelques chiffres caractéristiques
(par exemple, VaR globale, VaR taux, VaR change,
VaR actions et VaR matières premières), de fournir
une information synthétique sur l’exposition aux
risques de marché, avec la possibilité d’en analyser
les évolutions au cours du temps. Si cet article se
concentre sur les VaR d’activités de marché, les
établissements de crédit peuvent d’ailleurs utiliser
la VaR pour mesurer l’ensemble de leurs risques,
notamment les risques de crédit et les risques
opérationnels.
La VaR est enfin un outil dans le dialogue avec les
autorités de tutelle. Étant en général un bon instrument
de gestion du risque, elle peut être acceptée par les
autorités de contrôle bancaire pour l’application de
ratios réglementaires (qui peuvent être calculés suivant
différentes méthodes, mais notamment à partir de
chiffres de VaR) 2. Pour la majorité des grands groupes
français, les indicateurs réglementaires des risques
de marché sont ainsi largement calculés sur la base des
2
84
chiffres de VaR après avoir reçu du régulateur, pour la
plupart de leurs activités, la validation indispensable
de leur modèle interne spécifique. Le régulateur
utilise ces indicateurs réglementaires de risques pour
ses missions de surveillance.
Au-delà de la mise en conformité avec les dispositions
édictées par les superviseurs, la publication de VaR
est aussi utilisée comme outil de communication
avec le marché pour mettre en valeur la capacité et
la volonté des établissements à se mettre au diapason
des standards de marché en termes de gestion du
risque. Ce sont ces VaR publiées dont nous analysons
spécifiquement la portée et les limites.
1|2 La publication de VaR contribue
à une meilleure appréhension
des risques macrofinanciers
DES MESURES COHÉRENTES AVEC D’AUTRES ÉLÉMENTS
D’ANALYSE DES ÉTABLISSEMENTS DE CRÉDIT
Les données de VaR publiées par les banques
françaises apparaissent globalement cohérentes
avec les informations dont les autorités de tutelle
disposent par ailleurs. À titre d’illustration, le tableau
ci-dessous affiche les données publiées fin 2004 dans
les rapports annuels.
Tableau 1
VaR publiée des principaux établissements français
(à 99 % et 1 jour)
(en millions d’euros)
BNPP
SG
CA sa
IXIS
CCF
Moyenne Moyenne Moyenne Moyenne Moyenne
année
année
année
année
année
NBP
Déc.
2004
Taux
Change
Actions
Matières
premières
Autres
Diversification
28
2
15
30
1
12
5,0
0,2
6,0
3
3
0,4
18
- 21
- 4,5
Total
30
25
28 (a)
16
10
7,0
(a) Comme le montre le tableau 3, la décomposition de la VaR de CA sa est
effectuée suivant une grille un peu différente des autres ; elle n’est donc pas
reprise ici.
Sources : rapports annuels
L’exigence en fonds propres réglementaires pour couvrir les risques de marché peut ainsi être calculée à partir de la VaR à 99 % sur 10 jours multipliée
par un coefficient d’au moins 3.
Banque de France • Revue de la stabilité financière • N° 7 • Novembre 2005
ÉTUDES
Portée et limites des VaR publiées par les grandes institutions financières
Tableau 2
PNB du métier de banque de financement
et d’investissement des principales banques françaises
(en milliards d’euros)
PNB
2004
BNPP
SG
CA sa
IXIS
CCF
NBP
BFI
5,7
4,7
3,9
1,3
0,6
1,3
VaR décomposées donnent ainsi, dans l’ensemble,
une assez bonne représentation des types de risque
associés à la structure de portefeuilles.
UNE MEILLEURE CONNAISSANCE
DES PRISES DE RISQUE DU SECTEUR BANCAIRE
Sources : rapports annuels
DU POINT DE VUE DE LA STABILITÉ FINANCIÈRE
Ces données confirment ce que l’on sait par ailleurs
des positions respectives des établissements français
et sont assez cohérentes au vu de leurs activités
principales : il est normal de trouver d’une manière
générale des expositions élevées sur les marchés de
taux et d’actions et des expositions faibles sur les
marchés de change et de matières premières. Enfin,
ces données apparaissent en ligne avec les niveaux
de produit net bancaire sur les marchés de capitaux,
comme le montre le tableau ci-dessus (même si le
périmètre du produit net bancaire sur l’activité de
banque d’investissement et de financement dépasse
l’activité de marché stricto sensu).
En plus d’être utilisée en interne par presque
tous les établissements de crédit comme outil
de gestion du risque, les chiffres de VaR publiés
peuvent être utiles, en externe, pour des études plus
macrofinancières.
DES CALCULS DE VAR ASSEZ ROBUSTES
En général, les procédures de backtesting opérées
par les banques françaises sur leurs VaR, qui
apparaissent explicitement dans environ deux
tiers des publications, témoignent de l’absence
de pertes dépassant les chiffres de VaR estimés.
Ces backtesting consistent à vérifier que les pertes
éventuelles ex post sont inférieures ou égales aux
chiffres de VaR calculés ex ante. À l’exception d’un
établissement pour lequel les pertes réalisées
ont dépassé à quelques reprises le chiffre de VaR
globale en 2003 et en 2004, aucun dépassement n’a
été enregistré pour d’autres banques françaises.
Certes, ces calculs sont en général biaisés par le
fait que les résultats ex post intègrent souvent des
marges commerciales qui absorbent une partie des
moins-values avant que des pertes ne soient
déclarées. Les résultats de ces exercices de backtesting
n’en demeurent pas moins encourageants.
Enfin, la démarche d’ensemble de présentation
des VaR publiées est pertinente, notamment sa
décomposition par types de risque ou de métier : taux,
change, actions, matières premières. Les mesures de
3
4
Certes, les chiffres de VaR ne mesurent que les
risques de marché pris par les établissements de
crédit, alors que le risque de crédit est en général
très largement dominant 3. De plus, si les chiffres
de VaR représentent théoriquement des indicateurs
précis de la perte maximale encourue sur les marchés
par chaque établissement de crédit, les limites
méthodologiques des chiffres publiés amènent à en
circonscrire l’analyse : plutôt qu’une analyse des
chiffres absolus de chaque établissement, on étudie
donc surtout leurs grandes évolutions.
Ces limites (détaillées dans la partie suivante)
prises en compte, les chiffres de VaR publiés
par les établissements de crédit aident bien les
banques centrales à étayer leur jugement sur la
stabilité financière. Ils procurent une mesure certes
imparfaite mais significative du comportement de
prises de risque sur les marchés par les grandes
institutions financières. C’est aussi la conclusion de
l’étude économétrique menée par P. Jorion sur les
VaR publiées par huit groupes bancaires américains
sur la période 1995-2000 4.
Comme les banques forment un maillon essentiel
de tout système financier et assurent un rôle central
dans le financement de l’économie, l’analyse de
leur comportement (et particulièrement de leurs
fragilités éventuelles) constitue clairement un
élément important de toute étude portant sur les
éléments de vulnérabilités affectant la stabilité
financière, aussi bien par le canal des enchaînements
macroéconomiques que par le canal des dynamiques
de marché. De ce point de vue, les VaR publiées
donnent des indications publiques pertinentes sur
La VaR n’est, par ailleurs, pas calculée sur les portefeuilles d’investissement mais seulement de négociation.
“How informative are Value-at-Risk disclosures”, 2002, Accounting Review
Banque de France • Revue de la stabilité financière • N° 7 • Novembre 2005
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ÉTUDES
Portée et limites des VaR publiées par les grandes institutions financières
les risques de marché pris par le système bancaire
dans son ensemble et par chaque établissement
(significatif) individuel.
Les prises de risque ne constituent certes pas des
faiblesses en soi puisqu’elles sont consubstantielles
au métier de banquier et contribuent à sa rentabilité
si elles sont judicieuses. Mais, lorsque les prises de
risque augmentent fortement, les établissements de
crédit peuvent, toutes choses égales par ailleurs, être
fragilisés face à une augmentation de la volatilité,
une diminution de la liquidité ou, plus généralement,
à des mouvements de marché non anticipés. Des
mouvements de marché adverses peuvent alors
les amener à enregistrer des pertes importantes
susceptibles de compromettre leur bonne santé
financière ou, de façon plus limitée, peuvent
les amener à modifier de façon atypique leurs
comportements sur les marchés, voire en termes
de distribution de crédit, avec des répercussions sur
la stabilité financière.
1|3 Différentes manières d’analyser
les chiffres de VaR individuels
et agrégés
Les VaR publiées par un échantillon représentatif
de banques peuvent être résumées sous forme
d’indicateurs synthétiques afin de permettre une
analyse macrofinancière. Dans ce cadre, différents
types de VaR « moyennes » peuvent être calculés (voir
l’annexe spécifique sur ce sujet). Cependant, pour
pouvoir être valablement interprétés, ces indicateurs
synthétiques doivent toujours être complétés par
une mesure de la dispersion de la VaR (par exemple
par une indication des minimums et maximums,
des fractiles ou de l’écart type de l’échantillon des
VaR individuelles).
Les chiffres de VaR publiés individuellement par
chaque institution financière forment le soubassement
de toute analyse agrégée à visée macrofinancière.
C’est surtout leur évolution qui est pertinente car
elle décrit des changements de comportement
susceptibles de modifier les dynamiques de marché.
Les montants en valeur absolue ne sont, en revanche,
pas particulièrement parlants étant donné qu’ils
dépendent largement des hypothèses mathématiques
retenues dans le calcul du chiffre de VaR (seuil de
confiance, longueur de la période considérée, etc.) et
86
que leur calcul souffre des limites méthodologiques
mentionnées dans la deuxième partie de cet article. La
décomposition des chiffres de VaR par type de risque
peut, elle, enrichir l’analyse effectuée. Le graphique
ci-dessous illustre ainsi le fait que, à la suite de
l’éclatement de la bulle internet, les prises de risque
sur les marchés actions ont clairement diminué dans
le total des risques de marché pris par les banques.
Présentés sous forme de ratios, les chiffres de VaR
apportent aussi des informations utiles. L’évolution
dans le temps ou la comparaison entre plusieurs
établissements de crédit du ratio VaR/fonds propres
peuvent ainsi permettre d’analyser les risques pris
par un établissement de crédit en proportion de sa
capacité à absorber les pertes subies à cause de ses
risques. Le ratio VaR/PNB des activités de marché
donne, lui, une mesure de l’efficacité des prises de
risque ; dans cette optique, il peut cependant être
biaisé par la part de revenus récurrents provenant
de l’activité clientèle qui ne rémunèrent pas, ou
peu, des prises de risque ; une analyse plus fine
serait donc nécessaire pour l’analyser. Enfin, le ratio
VaR max/VaR min permet d’approcher la volatilité de la
VaR d’un établissement donné sur la période
considérée. À titre d’illustration, on observe
ci-dessous que, ces dernières années, ce ratio a été
plus faible pour les banques d’investissement que pour
les banques généralistes, probablement parce que les
équipes de traders des premières utilisent de façon
plus constante leurs limites en termes de VaR.
Graphique 1
Décomposition de la VaR moyenne
par type de sous-jacent
pour un échantillon international de banques
(en millions d’euros)
80
2,3
5,5
5,9
7,2
4,5
60
5,6
5,5
4,4
5,8
5,5
7,4
40
20,9
17,2
29,8
31,2
5,2
6,2
14,7
5,0
7,0
13,5
15,0
33,4
31,8
34,0
20
0
- 20
- 26,9
- 40
Moyenne 2000
- 22,7
2001
Compensation
Taux d’intérêt
Actions
- 24,0
2002
- 24,2
- 24,2
2003
2004
Change
Matières premières
Autres
Sources : rapports annuels des banques
Banque de France • Revue de la stabilité financière • N° 7 • Novembre 2005
ÉTUDES
Portée et limites des VaR publiées par les grandes institutions financières
Graphique 2
Moyennes des ratios VaR max/VaR min
pour un échantillon international de banques
Graphique 3
VaR moyenne/fonds propres – Prime de CDS
VaR/fonds propres
3,5
0,007
3,0
0,006
0,005
2,5
0,004
2,0
0,003
1,5
0,002
1,0
0,001
0,5
0,000
0
0,0
1999
2000
2001
2002
2003
2004
Total
Banques d’investissement (DB,GS,LB,ML,MS)
Autres banques
Sources : rapports annuels des banques
Des analyses de VaR individuelles permettent
de vérifier que l’on ne néglige pas certains
phénomènes que des agrégations pourraient
masquer. Elles permettent aussi de rechercher
si certaines régressions entre les VaR publiées
(ou des ratios comprenant la VaR) et d’autres variables
sont statistiquement significatives et pertinentes en
termes d’analyse de la stabilité financière. À ce stade,
nos travaux quantitatifs sont cependant encore peu
concluants. Le graphique ci-dessous cherche ainsi
à explorer un possible lien entre le ratio VaR sur
fonds propres et les primes de CDS. Les régressions
testées se sont cependant révélées peu significatives,
étant donné que les primes de CDS ne prennent
pas seulement en compte les risques pris sur les
marchés. Elles se sont aussi révélées peu stables dans
le temps, sans doute car l’aversion au risque évolue
significativement d’une année sur l’autre.
Il restera à voir, dans le cadre de travaux futurs,
si des liens statistiques significatifs pourront être
démontrés, comme on s’y attend, entre les VaR
publiées, qui représentent des indicateurs de prises
de risque, et des indicateurs d’aversion au risque
tirés des évolutions des prix de marché.
10
20
30
40
50
60
70 80 90 100
Prime de CDS
2003
2001
Droite régression 2003
Droite régression 2002
Droite régression
2001-2002-2003-2004
Sources : rapports annuels des banques, Bankscope, Credit Trade, calculs :
Banque de France – Semasfi
2004
2002
2000
Droite régression 2004
Droite régression 2001
2| LIMITES DES VAR PUBLIÉES
PAR LES GRANDES BANQUES
2|1 Limites méthodologiques
Certaines limites méthodologiques sont assez
fondamentales : ainsi, la VaR ne s’intéresse pas aux
valeurs extrêmes, au-delà du seuil de confiance. Des
portefeuilles avec la même VaR peuvent ainsi générer
des pertes extrêmes très différentes sur lesquelles la
VaR ne donne pas d’information (pour cela, il faudrait
analyser les VaR). De surcroît, la zone des valeurs
extrêmes est celle où les hypothèses sous-jacentes aux
calculs de VaR sont les plus fragiles : le calcul de VaR
s’appuie, à travers la matrice de variance/covariance,
sur les corrélations entre actifs ; la stabilité de ces
corrélations n’est pas toujours vérifiée, surtout
au-delà du seuil de confiance ; c’est une des raisons
pour lesquelles il est nécessaire, en complément de
la VaR, d’évaluer des scénarios de crise (stress tests)
qui quantifient les pertes possibles lors d’événements
extrêmes qui peuvent être atypiques.
Les calculs classiques de VaR ne prennent pas bien en
compte les risques d’une modification de la liquidité
de certains marchés, alors qu’un assèchement de
cette liquidité pendant une période de tensions
amplifie le risque de pertes 5.
5
Le Counterparty Risk Management Policy Group II, animé par M. Corrigan, a d’ailleurs récemment insisté sur l’importance de continuer à progresser dans la
prise en compte du risque de liquidité dans la gestion des risques de marché et de contrepartie.
Banque de France • Revue de la stabilité financière • N° 7 • Novembre 2005
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ÉTUDES
Portée et limites des VaR publiées par les grandes institutions financières
La variété des méthodes de calcul des chiffres de VaR
permet une bonne adaptation aux produits spécifiques
dont on veut gérer le risque. Néanmoins, elle a pour
inconvénient de ne faciliter ni l’interprétation d’un
chiffre de VaR ni les comparaisons entre plusieurs
VaR : les résultats des calculs peuvent en effet être
sensiblement différents suivant la méthode retenue ;
les paramétrages possibles pour une même méthode
sont souvent nombreux et peuvent avoir un impact
significatif sur les résultats ; enfin, plus le chiffre
de VaR est global, moins il renseigne sur la nature
et le poids relatif des différents facteurs de risque
à l’œuvre.
Par ailleurs, la VaR ne considère pas certaines
problématiques connexes comme la rentabilité
obtenue sur les positions, donc les risques pris. Il
n’est ainsi pas impossible qu’un accroissement de
la VaR s’accompagne en fait d’une amélioration du
couple rendement/risque si la rentabilité ex post
augmente plus vite que la VaR (qui est une mesure
ex ante du risque).
L’ensemble des mesures de risque utilisées par les
banques ignore également le niveau absolu des
facteurs de risque, c’est-à-dire leur proximité ou
leur éloignement de valeurs considérées comme
d’équilibre, et ce malgré l’importance de cette
problématique en termes de stabilité financière. Il
faut cependant admettre qu’il y a clairement, dans
l’appréciation d’écarts éventuels par rapport à des
valeurs d’équilibre, des éléments de contexte et de
jugement qui ne se prêtent pas facilement à une
analyse quantifiée des risques. Enfin l’incertitude
quant aux dynamiques de marché de court terme,
lorsqu’on s’éloigne de valeurs d’équilibre, est toujours
très forte : est-ce une poursuite de mouvements
exagérés de marché ou un retour à l’équilibre qui
prévaudra ?
88
2|2 L’analyse comparative des VaR
publiées par les banques
demeure délicate
LE VOLUME ET LA QUALITÉ DES INFORMATIONS
PUBLIÉES EN TERMES DE VAR
RESTENT TRÈS EN DEÇÀ DES INFORMATIONS
DONT LES BANQUES DISPOSENT EN INTERNE
Le format de publication ne répond à aucune norme
de présentation commune et la fréquence est variable
(trimestrielle ou annuelle).
Les VaR publiées peuvent être des VaR à 1 ou 10 jours.
Or, s’il est facile de passer des unes aux autres sous des
hypothèses de fonction de distribution gaussienne, cette
hypothèse n’est pas toujours remplie. C’est d’ailleurs
ce dont on s’aperçoit souvent pour les banques qui
publient ces deux chiffres en même temps.
Le détail des données publiées par les différents
établissements n’est souvent pas homogène. C’est
parfois la seule VaR globale qui est publiée, parfois
une VaR décomposée par facteurs de risque. La VaR
publiée peut être celle de fin de période ou une VaR
moyenne, avec ou sans mention des VaR minimum
et maximum sur la période. Sur l’échantillon de
six groupes français, une banque ne publie pas
de VaR moyenne sur l’année et trois banques ne
communiquent pas sur l’impact de la diversification
par marchés. Cette hétérogénéité se retrouve
également en matière de décomposition du calcul
de VaR, par facteurs de risque et/ou par métier,
qui dépend de la politique de communication de
chaque établissement. À titre d’illustration, cette
décomposition est actuellement la suivante pour les
six premiers groupes français.
Banque de France • Revue de la stabilité financière • N° 7 • Novembre 2005
ÉTUDES
Portée et limites des VaR publiées par les grandes institutions financières
Tableau 3
Décomposition de la VaR
publiée par les principaux groupes français
BNPP
Taux
SG
CA sa
IXIS
CCF
NBP
Taux
Trésorerie
Taux
Change
Change
ICC
(taux-changematières
premières)
Change
Actions
Actions
Actions
Actions
Matières Matières
Crédit
premières premières
Matières
premières
Il faut aussi noter qu’il ne ressort pas toujours
clairement si la décomposition exacte est faite par
types de risque ou types de métier. Par exemple, la
VaR taux comprend-elle tous les risques de l’activité
sur marchés de taux, y compris la part non couverte
du risque de change, ou comprend-elle tout le
risque de taux des diverses lignes d’activité, que ce
soit l’activité taux mais aussi l’activité actions ou
change 6.
Le choix des informations publiées est enfin
susceptible de changer au cours du temps. Un
établissement a, par exemple, longtemps communiqué
dans ses documents trimestriels (entre décembre 2000
et mars 2003) deux types d’informations : d’une
part, la VaR fin de trimestre décomposée par type
d’activité, d’autre part un calcul de backtesting de sa
VaR globale. Si la première information a continué à
être communiquée, la publication de la seconde a été
interrompue entre juin 2003 et décembre 2003. En
mars 2004, le groupe a alors communiqué le montant
de sa VaR globale moyenne sur le trimestre. Cette
information a de nouveau disparu en juin 2004 pour
réapparaître en septembre 2004.
LES DIFFÉRENCES DE MÉTHODES DE CALCUL DES
VAR RENDENT LES COMPARAISONS PLUS DIFFICILES
Les établissements de crédit peuvent, nous
l’avons déjà mentionné, avoir recours à des VaR
paramétriques, historiques ou de Monte Carlo. Ils
peuvent opter pour des méthodes différentes pour
diverses parties de leurs activités afin de gérer leurs
6
risques de la façon la plus adaptée en fonction de leurs
spécificités. L’analyse macrofinancière ne peut donc
pas être sûre de toujours agréger des chiffres que l’on
souhaiterait pourtant, de ce point de vue, idéalement
calculés sur des bases identiques. L’homogénéité des
VaR reste cependant suffisante pour une analyse
macrofinancière pertinente dès lors qu’on sait en
apprécier les limites.
Par ailleurs, les calculs des établissements de crédit
sont plus ou moins globaux : certains se contentent
d’agréger les VaR de sous-portefeuilles, tandis que
d’autres font des calculs globaux qui tiennent mieux
compte des effets de diversification. Aussi, les
mêmes positions de départ n’aboutissent-elles pas
nécessairement au même chiffre de VaR.
Les VaR publiées sont également calculées sur des
périmètres d’activités variables d’un établissement à
l’autre et dans le temps (inclusion ou non des activités
de trésorerie, du portefeuille d’investissement,
du loan trading, etc.). Un extrait du rapport annuel
d’un établissement de crédit est ainsi très parlant :
« cette mesure [...] fait l’objet d’améliorations continues,
tant par l’ajout de nouveaux facteurs de risques que
par l’extension du périmètre suivi en VaR ».
Les techniques des établissements de crédit évoluent
en effet au cours du temps et certains introduisent
des nouveaux facteurs de risque en fonction de
l’évolution de leur activité. Il faut s’en féliciter si
cela améliore la pertinence des calculs de VaR. Mais
cela peut poser des problèmes pour la continuité de
l’analyse. À titre d’exemple, lorsqu’un établissement a
introduit dans sa VaR publiée, une activité de prise de
risque sur spreads de crédit, auparavant incluse dans
l’activité de prise de risque de taux d’intérêt, ceci a
augmenté en apparence l’impact de la diversification,
qui est passée d’environ 50 % des risques bruts à
environ 60 % (en effet, l’effet de diversification entre
taux et spreads de crédit était auparavant masqué à
l’intérieur du calcul global de la VaR taux).
D’ailleurs, les VaR publiées sont calculées sur des
périmètres d’activités généralement plus larges
que les périmètres des VaR validées pour chaque
établissement par le superviseur bancaire pour la
détermination des fonds propres réglementaires.
En effet, certaines banques peuvent souhaiter,
dans leur politique de communication, privilégier
Les VaR réglementaires sont, elles, systématiquement décomposées par types de risque.
Banque de France • Revue de la stabilité financière • N° 7 • Novembre 2005
89
ÉTUDES
Portée et limites des VaR publiées par les grandes institutions financières
la publication d’un chiffre très global même si la
rigueur des calculs de VaR pour certaines activités
(par exemple pour certaines activités d’arbitrage
très spécifiques) n’est pas parfaite, ce qui peut avoir
amené le superviseur à demander, pour le calcul des
exigences réglementaires, d’utiliser d’autres méthodes
pour les activités en question. Il peut en résulter des
écarts entre les chiffres de VaR qui figurent dans
les déclarations réglementaires et les chiffres qui
figurent dans les publications des banques, sans
que les uns majorent toujours les autres. Ce type de
différence ne porte en général que sur des domaines
d’activité limités. Cependant, en l’absence d’une
parfaite transparence des méthodes de calcul de
VaR publiées, il est difficile de mesurer précisément
l’impact de ces choix et la comparaison entre banques
en est rendue d’autant plus difficile. Ces problèmes
ne sont cependant pas entièrement propres aux
chiffres de VaR publiés. D’ailleurs, il faut noter que
les calculs de VaR autorisés par le superviseur pour
satisfaire aux exigences réglementaires couvrent
aussi des périmètres et utilisent des méthodes qui
varient pour chaque établissement en fonction des
spécificités de ses activités de marché.
2|3 Comment compléter les VaR
publiées pour une évaluation
de la stabilité financière?
À travers les informations comptables fournies
dans les bilans et hors-bilans (ainsi que les comptes
de résultat) bancaires, il est possible d’avoir une
information sur le volume de certaines activités et la
taille des portefeuilles détenus par les établissements
de crédit qui sont à la source d’une partie des risques
pris, notamment pour les portefeuilles titres ou
les produits dérivés. Une variation importante du
volume de certaines activités doit inciter à mener
des analyses plus poussées de l’évolution des risques
encourus.
En complément de la VaR, les établissements
calculent aussi, pour la plupart, des stress tests
sur leurs opérations de trading. Ces chiffres font
partie des indicateurs de gestion du risque utilisés
en interne et présentent l’intérêt de mesurer
l’impact pour la banque de scénarios d’évolution
des marchés en situation adverse extrême,
7
90
c’est-à-dire dans les cas qui risquent particulièrement
de révéler les vulnérabilités des établissements
de crédit. Néanmoins, le principal obstacle à
leur utilisation pour une analyse globale des
menaces pour la stabilité financière reste le caractère
très fragmentaire des informations publiées dans
ce domaine.
Par ailleurs, les établissements bancaires
communiquent parfois un indicateur sur leur risque
de taux global, mesuré en général dans le cadre de
leur gestion ALM, par exemple les écarts bilanciels par
bande de maturité (maturity gaps). L’exploitation de
ce type d’information se heurte néanmoins toujours
au même obstacle : la communication financière sur
ce sujet peut être très succincte.
La perception par le marché du niveau de risque
pris par les institutions financières donne une
information différente de celle sur le niveau de
risque lui-même (que l’on cherche à appréhender
à travers les chiffres de VaR). Les prix des CDS
(crédit default swaps) sur les grandes banques ou
les écarts de taux entre les obligations émises par
les établissements de crédit et la courbe swap sont
donc aussi utiles 7. Cependant, cette information
ne distingue pas entre perceptions du risque de
marché, du risque de crédit et même d’autres types
de risque (comme les risques opérationnels) et elle
prend en compte aussi bien les risques encourus
que le niveau et la volatilité des résultats obtenus.
Graphique 4
Prime de CDS à 5 ans sur la dette senior
des banques américaines, européennes et françaises
(en points de base)
160
140
120
100
80
60
40
20
0
10/01 04/02 10/02 04/03 10/03 04/04 10/04 04/05
Indice banques américaines
Indice banques européennes
Banques françaises
Source : CreditTrade
Ils peuvent être utilisés sur des banques individuelles ou sur des indices, dès lors que leur liquidité est suffisante.
Banque de France • Revue de la stabilité financière • N° 7 • Novembre 2005
ÉTUDES
Portée et limites des VaR publiées par les grandes institutions financières
D’autres indicateurs de perception par le marché
des risques pris par les établissements de crédit
peuvent être construits. À titre d’exemple, le FMI
utilise actuellement dans sa revue de stabilité
financière une autre mesure tirée de données de
marché : cet indice de risque (appelé market risk
index ou MRI) est la VaR d’un portefeuille d’actions
d’un échantillon représentatif de grandes banques
retenues en proportion de leur capitalisation
boursière. Cet indicateur, progressivement affiné,
est intéressant mais, comme les spreads de taux,
n’est pas un indicateur du risque de marché pris
par les établissements de crédit lui-même : c’est
techniquement un indicateur de la perception du
risque global (crédit et marché confondus) d’un
portefeuille d’actions de banques aux yeux des
investisseurs et donc, dans une optique d’analyse de
la stabilité financière, une indication de la perception
par le marché du risque bancaire. Ce MRI est utilisé
par le FMI parallèlement à un autre indicateur appelé
credit risk index, qui est un indice synthétique calculé
sur la base de primes de CDS.
Les diverses notes données par les agences de notation
apportent enfin des informations importantes, avec
cependant des limites assez similaires aux indicateurs
de marché (information sur la perception des risques
par les agences de notation plus que sur les risques
pris par les banques eux-mêmes, agrégation de
risques de marché et de crédit, etc.).
3| VERS UNE MEILLEURE
TRANSPARENCE
DES VAR PUBLIÉES
?
Pour conclure, nous allons nous attacher à mettre
en perspective cette question de la publication
des chiffres de VaR par les grandes institutions
financières. Elle s’inscrit dans le cadre d’un effort
généralisé de plus grande transparence, que cherchent
notamment à promouvoir les banques centrales et
les régulateurs bancaires. Nous allons également
chercher à déterminer les progrès qui sont encore
possibles dans ce cadre.
8
3|1 Les banques françaises
ont progressé dans la publication
de chiffres de VaR
Nous avons vu que la plupart des grandes banques
françaises (six sur sept) publient aujourd’hui, une mesure
de leurs risques de marché sous forme de chiffres de
VaR, notamment dans leurs rapports annuels.
Certes, à l’heure actuelle, la publication de ces
chiffres de VaR est encouragée, mais elle n’est pas
obligatoire. En France, l’AMF impose des obligations
de transparence en termes de publication des
risques pris par les sociétés qu’elle supervise,
parmi lesquelles les banques cotées. Mais, si ces
obligations peuvent être remplies par la publication
de chiffres de VaR, elles peuvent aussi l’être par
d’autres méthodes, avec une assez grande liberté
laissée aux sociétés 8.
Il n’est cependant pas surprenant que la publication
des chiffres de VaR soit devenue fréquente. Cette
tendance s’inscrit dans un contexte où la transparence,
avant même Bâle II, est favorisée, non seulement par
les régulateurs, mais aussi par les agences de notation
et, de façon plus générale, par les marchés.
Par ailleurs, comme la plupart des grandes banques
françaises utilisent aussi des modèles de VaR pour
leur gestion interne du risque et/ou pour le calcul des
exigences réglementaires de fonds propres, les coûts
des calculs des VaR publiées sont, pour elles, limités.
On notera enfin qu’aux États-Unis un processus
similaire est bien entendu en œuvre : par exemple,
la SEC a, en 2004, édicté de nouvelles règles de
calcul des exigences réglementaires qui favorisent
l’utilisation de la VaR par les grands brokers-dealers.
De plus, la SEC demande aux sociétés qu’elle régule,
notamment les banques cotées, de publier des
mesures de risque qui peuvent être des chiffres de
VaR. La situation est ainsi assez analogue à celle qui
prévaut en France : des chiffres de VaR sont publiés de
façon de plus en plus courante, mais avec les mêmes
limites méthodologiques que celles examinées en
détail dans le cas français dans la deuxième partie
de cet article.
Cf., notamment, la recommandation 89-01 de la COB, et ses recommandations pour l’élaboration des documents de référence relatifs à l’exercice 2002, ainsi que les
recommandations de l’AMF pour l’exercice 2003
Banque de France • Revue de la stabilité financière • N° 7 • Novembre 2005
91
ÉTUDES
Portée et limites des VaR publiées par les grandes institutions financières
3|2 Illustration de l’utilisation
des VaR publiées d’un point de vue
de stabilité financière
Les dernières chroniques de cette Revue de la stabilité
financière ont souligné la persistance de sérieux
déséquilibres macroéconomiques et financiers qui
alimentent le risque d’un retournement de certains
segments de marché et/ou d’une augmentation
de leur volatilité. Dans un tel contexte, il importe
clairement que tous les acteurs s’assurent de
l’évaluation correcte de leurs risques et soient à
même de faire face aux mouvements de marché qui
ne seraient pas conformes à leurs anticipations.
Ceci est évidemment plus difficile lorsque leurs prises
de risque, révélées par leurs VaR publiées, sont en
augmentation, ce qui a été le cas d’un grand nombre
de grandes banques d’investissement, notamment
américaines jusqu’en 2004 (c’est-à-dire tant que les
niveaux des taux courts étaient uniformément très
faibles, avant le début du processus de remontée
graduelle des taux du Système fédéral de réserve).
C’est ce diagnostic qui a conduit la Banque de
France à appeler à une vigilance renforcée dans un
contexte macrofinancier qui peut paraître bénin,
mais où certaines vulnérabilités se développent.
Les graphiques suivants illustrent l’analyse qui a
sous-tendu ce diagnostic, avec l’évolution annuelle,
puis trimestrielle, de la VaR agrégée d’un échantillon
de grandes banques américaines ainsi que le rapport
entre la VaR de la banque la plus exposée et celle de
la banque la plus prudente 9.
Graphique 5
VaR agrégée des principales banques américaines
(en millions de dollars)
300
250
200
150
100
50
0
1999 2000 2001 2002 2003
T2
T1
T2 T3 T4 T1
2004 2004 2004 2004 2005 2005
Sources : rapports annuels des banques (BOA, Citi, GS, LB, JPM, ML, MS)
9
92
Graphique 6
VaR la plus forte/VaR la plus faible
de l’échantillon des banques américaines
3,0
2,5
2,0
1,5
1,0
0,5
0,0
1999
2000
2001
2002
2003
2004
Sources : rapports annuels des banques
Une analyse plus large a corroboré les informations
d’accroissement des prises de risque obtenues à partir
des VaR publiées : en témoignent, par exemple, l’essor,
particulièrement vif ces dernières années, du marché
des CDO (collateralised debt obligations) ou la poursuite
du développement des fonds de gestion alternative
(hedge funds). L’émergence d’une combinaison de
facteurs de vulnérabilités au niveau international, avec
des prises de risque en augmentation et une moins
forte protection contre la réalisation de ces risques
(avec notamment de faibles primes de risque), doit
spécifiquement amener à une grande vigilance d’un
point de vue de stabilité financière.
Cette vigilance s’impose d’autant plus qu’on a constaté
un contexte généralisé de basse volatilité sur les
marchés. Or, le niveau des volatilités récentes est
pris en compte dans les calculs de VaR. Toutes choses
égales par ailleurs, les chiffres de VaR sont plus faibles
lorsque les volatilités sont basses. Les chiffres de VaR
publiés par les grandes banques internationales,
déjà généralement en hausse, auraient encore plus
augmenté si les banques avaient déployé la même
activité dans un environnement de marché marqué
par une volatilité plus forte, plus en ligne avec les
moyennes historiques. Une analyse des menaces
pour la stabilité financière doit prendre en compte
la possibilité, si les volatilités remontaient, de voir
les banques être contraintes de couper ou couvrir
rapidement de nombreuses positions avec de possibles
répercussions négatives sur la liquidité des marchés
ainsi que d’éventuelles sur-réactions sur le niveau
du change, des taux… Or, les systèmes de gestion
des risques ne tiennent pas toujours suffisamment
compte des risques d’assèchement de la liquidité de
Lorsque certaines données sont manquantes, les calculs sont ramenés à une taille théorique de sept banques.
Banque de France • Revue de la stabilité financière • N° 7 • Novembre 2005
ÉTUDES
Portée et limites des VaR publiées par les grandes institutions financières
Graphique 7
VaR moyenne des banques françaises
(en millions de dollars)
45
40
35
30
25
• cependant, si les VaR correspondent à des positions
s’avérant peu liquides (au moins dans certaines
circonstances de tensions sur les marchés) les risques
d’instabilité financière sont clairement accrus :
cf. l’épisode bien connu de LTCM 10 ;
20
15
10
5
0
Société générale
2000
2003
2001
2004
BNP Paribas
2002
Sources : rapports annuels des banques
marché, qui peuvent survenir en période de crise et
aggraver l’impact de mouvements de prix en limitant
la possibilité de déboucler des positions à l’horizon
ou au prix prévu. Certaines directions générales de
banques semblent d’ailleurs prendre en compte cette
analyse et, de façon prudente, tendent à demander à
leurs équipes une diminution de leur VaR quand la
volatilité est en baisse. Cela peut expliquer la relative
stabilité des VaR des banques françaises.
Pour renforcer ces études macrofinancières, les VaR
publiées par chaque établissement individuel doivent
parfois être analysées en détail. Mais ceci dépend
dans une large mesure du degré de transparence de
chaque établissement.
Au-delà des VaR moyennes, l’étude de la signification
des variations de la VaR au cours de l’année ne
devrait notamment pas être négligée si suffisamment
d’informations sont disponibles. Des fluctuations
rapides de la VaR en cours de période, dont une
indication est donnée par le rapport entre VaR
maximum et minimum, peuvent en effet avoir
plusieurs significations qu’on doit, dans la mesure
du possible, mettre en lumière, en s’attachant à
l’ensemble des dimensions du comportement des
établissements de crédit. Des variations rapides de
VaR à l’intérieur de limites strictes peuvent ainsi être
le signe de situations très différentes :
• elles peuvent révéler une gestion active du risque
et des positions prises sur des marchés liquides, qui
10
peuvent donc être dénouées rapidement ; les pertes,
même si elles peuvent se révéler importantes,
devraient alors pouvoir être contenues, par des
stop-loss, à des niveaux ne mettant en cause ni la
survie des institutions individuelles, ni la stabilité
financière ;
• enfin, on ne peut finalement pas exclure que des
sauts de VaR traduisent simplement une gestion du
risque déficiente. Suivant l’analyse qui est faite des
situations individuelles des principaux établissements
de crédit, les enseignements macrofinanciers qu’on
tirera des VaR publiées évolueront.
3|3 Un processus international
pour une transparence
plus forte et généralisée
Que reste-t-il à faire en termes de publication de VaR
par les institutions financières pour tirer le meilleur
parti possible de tels chiffres ? Les efforts en faveur
d’une plus grande transparence ne doivent-ils pas
être poursuivis dans ce domaine ?
L’intérêt que portent, notamment, les banques
centrales et les régulateurs bancaires à la publication
de chiffres de VaR par les grandes institutions
financières s’inscrit dans le cadre d’une tendance
de fond en faveur de plus de transparence
de la part des participants de marché. Cette
préoccupation a surtout pris forme dans les années
quatre-vingt-dix après diverses turbulences qui
ont marqué les marchés financiers. Il est en effet
apparu que, lorsqu’une information cachée émergeait
soudain, l’absence d’informations transparentes
favorisait une sur-réaction des marchés avec un coût
pour la communauté.
L’objectif maintenant largement partagé est, grâce à
une plus grande transparence et à travers la publication
de données plus complètes et plus pertinentes sur les
risques de marché pris par les grandes institutions
Qui avait cependant de nombreuses autres dimensions.
Banque de France • Revue de la stabilité financière • N° 7 • Novembre 2005
93
ÉTUDES
Portée et limites des VaR publiées par les grandes institutions financières
financières, de favoriser « la discipline de marché
[qui] peut jouer un rôle important dans le maintien
de la stabilité financière » 11.
risques pris soient toujours adaptées aux contextes
variés dans lesquels ces institutions investissent sur
les marchés.
Les régulateurs bancaires disposent, bien entendu,
d’informations plus détaillées sur les établissements
qu’ils supervisent. Néanmoins, les chiffres de VaR
publiés par les institutions financières présentent pour
eux un triple intérêt : d’une part, ils concourent à la
discipline de marché qui favorise un fonctionnement
sain des institutions financières ; d’autre part, ils
permettent d’effectuer des analyses internationales des
vulnérabilités pouvant affecter la stabilité financière ;
enfin, ils peuvent être utiles dans le cadre de leur
politique de communication envers le public.
Par ailleurs, les institutions peu ou pas régulées
comme les hedge funds restent celles qui, jusqu’à
présent, ont fait le moins de progrès dans la mise
en place des recommandations du groupe Fisher II.
Ces déficiences sont la traduction d’une certaine
réticence de la part d’acteurs qui ne voient pas assez
l’intérêt d’une plus grande transparence. Étant donné
le rôle que ces institutions jouent sur les marchés
interbancaires, elles devraient être incitées à adopter
une attitude plus ouverte en matière d’informations
sur leurs risques. Le marché comme les régulateurs
y gagneraient à l’évidence du point de vue de la
prévention des risques de crise 12. De façon spécifique,
la communication de VaR par ces fonds, encore
beaucoup trop opaques, constituerait un progrès
tangible.
Dans ce contexte, le rapport du groupe dit Fisher II
a préconisé, dès 2001, la publication de données sur
les risques de marché pris par les grandes institutions
financières et a mis en avant les chiffres de VaR
comme le médium naturel d’un tel processus.
Ce rapport mentionne également déjà la nécessité de
ne pas se contenter de chiffres bruts de fin de période,
mais de compléter ces premiers éléments par des
chiffres plus détaillés (des chiffres de moyennes sur
la période, des minimums et maximums, ainsi que
des indicateurs de la pertinence ex post des chiffres
de VaR anticipée).
Ces recommandations visaient tous les participants
de marché : banques, compagnies d’assurance,
intermédiaires de marché divers ou investisseurs
comme les hedge funds. Cependant, il était reconnu
qu’elles avaient plus de chance d’être suivies d’effets
rapides pour les participants de marché régulés, et
d’abord les banques, que pour d’autres intervenants.
De fait, c’est ce qui s’est produit.
Cet article s’est concentré sur les VaR publiées par
les banques, leur portée et leurs limites ainsi que les
progrès qui peuvent encore être réalisés pour obtenir
plus de transparence de la part de ces acteurs. À la
lumière des évolutions en cours, il paraît maintenant
souhaitable de continuer à inciter d’autres acteurs
financiers régulés, comme les OPCVM, à publier des
chiffres de VaR sur leurs portefeuilles d’instruments
de marché, tout en veillant à ce que les mesures des
11
12
13
94
Pour leur part, les banques sont les institutions qui,
sous l’égide de leurs régulateurs, ont déjà mis en
œuvre l’essentiel des recommandations du groupe
Fisher II. À l’heure actuelle, en France, des incitations
en faveur d’une publication des chiffres de VaR par
les banques cotées sont, nous l’avons vu, du domaine
de compétence de l’AMF 13.
Cette problématique est dorénavant aussi
explicitement couverte par le pilier 3 de Bâle II
(avec une mise en œuvre prévue pour 2007) et
par la future directive européenne CRD (capital
requirements directive). Les régulateurs bancaires
sont donc amenés à porter une attention accrue
aux questions de discipline de marché, notamment
de transparence sur les risques de marché pris par
les banques. C’est dans ce contexte que cette étude
de la portée et des limites des chiffres de VaR publiés
prend tout son sens.
À l’aune de l’expérience qui sera acquise avec la mise en
œuvre complète de Bâle II, les autorités de régulation
bancaire pourront, le cas échéant, considérer que,
dans l’état actuel des techniques de gestion des
risques, la publication plus systématique et/ou
plus transparente de chiffres de VaR est nécessaire
Rapport du groupe dit Fisher II qui s’applique aux relations entre contreparties privées. Toutefois, il faut noter que les banques centrales ont, elles-mêmes,
fait des efforts significatifs de transparence, notamment dans le domaine des informations qu’elles publient maintenant sur la gestion de leurs portefeuilles
de réserves de change, notamment dans le cadre du Special Data Dissemination Standard du FMI.
C’est aussi l’une des conclusions du Counterparty Risk Management Policy Group II.
Actuellement, les obligations de publication des risques pris par les banques qu’impose l’AMF peuvent être remplies par différentes méthodes, dont la publication
de chiffres de VaR, méthode retenue par les plus grandes banques actives sur les marchés.
Banque de France • Revue de la stabilité financière • N° 7 • Novembre 2005
ÉTUDES
Portée et limites des VaR publiées par les grandes institutions financières
à une bonne discipline de marché. Dans ce cas, elles
pourront agir en ce sens dans le cadre de Bâle II.
Un enjeu spécifique pour renforcer la stabilité
financière reste, dans ce contexte, d’amener, les
grands établissements de crédit internationaux à
une plus grande transparence dans leur description
des méthodes utilisées pour le calcul des VaR,
au-delà des chiffres bruts publiés. Ceci pourrait être
obtenu par l’inclusion, pour leurs VaR publiées,
d’explications méthodologiques plus précises et plus
comparables d’un établissement à l’autre dans les
parties concernées des rapports annuels, même si
cela ne doit pas entraver, chez les banques les plus
en pointe, la mise en œuvre de méthodes de gestion
du risque plus sophistiquées ni diminuer la flexibilité
de leur politique de communication.
Par ailleurs, il apparaît indispensable, pour les
raisons méthodologiques indiquées au cours de
cet article, de compléter les chiffres de VaR pour
mieux cerner les risques des institutions financières.
La publication systématique d’informations relatives
aux stress tests devrait aussi permettre de diminuer
le risque d’un mimétisme des comportements qui
pourrait découler d’une utilisation trop exclusive
des VaR dans les politiques de communication. Si
les VaR publiées permettent, dans certaines limites,
des comparaisons et agrégations internationales, les
stress tests publiés devraient, eux, être peu utilisés
pour comparer une banque à une autre, mais
devraient permettre à un analyste extérieur d’évaluer
de façon plus approfondie la situation de chaque
institution individuellement.
Pour atteindre ces objectifs de façon satisfaisante,
une coopération internationale est souhaitable afin
que soient préservées les conditions d’exercice d’une
concurrence saine entre les grandes institutions
financières au niveau mondial.
Banque de France • Revue de la stabilité financière • N° 7 • Novembre 2005
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ÉTUDES
Portée et limites des VaR publiées par les grandes institutions financières
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ÉTUDES
Portée et limites des VaR publiées par les grandes institutions financières
ANNEXE
Encadré
Peut-on bâtir des indicateurs agrégés
ou faut-il s’en tenir aux VaR individuelles ?
Rappelons que les VaR publiées par les banques représentent mathématiquement les pertes maximales encourues,
calculées généralement sur un horizon d’un jour et avec un seuil de confiance de 99 %. Certaines banques choisissent
de calculer une VaR à 10 jours, dont il est possible de déduire une VaR à 1 jour sous les hypothèses classiques des lois
de distribution gaussienne.
En plus de l’analyse des chiffres publiés par chaque établissement de crédit individuel, des indicateurs synthétiques
sont nécessaires. Spécifiquement, il serait intéressant d’obtenir un bon indicateur agrégé à partir des VaR individuelles.
La Var agrégée d’un groupe de banques devrait être égale à la perte potentielle maximale à 99 % encourue par ce groupe
de banques à un horizon donné. Il est cependant impossible de déduire directement ce chiffre à partir des seules VaR
individuelles, sans information ou hypothèse sur les corrélations entre les pertes des différentes banques et la forme des
lois de distribution. On peut néanmoins proposer plusieurs pistes.
1. L’indicateur synthétique de VaR le plus immédiat est la moyenne (ou la somme) arithmétique des VaR individuelles.
Le choix d’une simple moyenne a souvent été retenu, en prenant soin de compléter ce chiffre par les minimum et maximum
ainsi que les différents fractiles de l’échantillon des VaR des différentes banques.
La somme ou la moyenne ainsi calculées ne sont cependant de bonnes agrégations statistiques des VaR individuelles que
sous l’hypothèse où les pertes et profits des différentes banques suivent des lois de probabilité parfaitement corrélées entre
elles. Ceci ne correspond pas à une hypothèse en général très réaliste. Cette hypothèse n’est néanmoins pas à négliger car
elle couvre un risque particulier pour la stabilité financière, quand des positions similaires sont prises par diverses banques
(voir aussi ci-dessous). La somme des VaR constitue de plus un majorant intéressant de l’agrégation des VaR individuelles
sous la seule hypothèse que les distributions sous-jacentes suivent des lois normales, quelles que soient leurs corrélations.
2. Une autre hypothèse peut aussi être faite, celle que les pertes et profits des différentes banques suivent des lois de
probabilité gaussiennes et qu’elles soient indépendantes les unes des autres. Il est dans ce cas possible de calculer, à partir
des VaR individuelles, un indicateur de perte cumulée maximale à 1 jour et à 99 % de l’ensemble des banques étudiées.
C’est une somme quadratique que l’on pourrait spécifiquement nommer VaR agrégée (Aggregated Value at Risk : AVaR)
avec
n
∑VaR
AVaR =
2
i
.
i =1
Sous les mêmes hypothèses, la VaR agrégée ramenée à un établissement « moyen », est :
1
n
n
∑VaR
2
i
.
i =1
Notons que le résultat de ce calcul de VaR agrégée, à la différence d’une simple somme ou d’une simple moyenne, varie en
pratique suivant que les chiffres de VaR individuelles sont proches ou très différents les uns des autres ; le chiffre agrégé est
d’autant plus important que les différentes VaR de l’échantillon considéré sont dispersées. Ceci peut être relié à l’hypothèse
initiale d’indépendance des gains et pertes des différentes banques ; lorsque les VaR de nombreux établissements de
crédit sont du même ordre de grandeur, la VaR agrégée de l’échantillon bénéficie d’un élément de diversification significatif ;
cet effet de diversification existe beaucoup moins lorsqu’un petit nombre d’établissements concentrent des chiffres de VaR
importants, alors que les chiffres de VaR de la plupart des autres établissements de l’échantillon sont faibles.
Cette propriété semble potentiellement intéressante en termes d’analyse des risques pour la stabilité financière car
elle pénalise, pour une même moyenne arithmétique des VaR, une concentration des risques sur un petit nombre
d’établissements qui peuvent constituer des maillons faibles du système financier ; ils sont en effet susceptibles de
déclencher des dynamiques néfastes à la stabilité financière, soit à travers la concrétisation du risque de crédit, soit à
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Portée et limites des VaR publiées par les grandes institutions financières
travers une dynamique de crise du type LTCM. En revanche, cette propriété et cette formule de VaR agrégée ne donnent
pas d’information sur un autre type de risque, quand des positions similaires sont prises dans divers établissements
(the so-called crowded trades), ce qui constitue un autre danger en termes de stabilité financière avec la possibilité de
perturbations des dynamiques de marché si plusieurs établissements veulent déboucler des positions similaires au même
moment. Dans ce cas, les lois normales des pertes et profits sont d’ailleurs bien corrélées les unes avec les autres, ce
qui infirme les hypothèses du calcul de l’AVaR ; une simple somme est, dans cette optique, plus pertinente, comme nous
l’avons vu plus haut.
3. Enfin, dans le cas plus réaliste et plus général où les pertes et profits des différentes banques ne suivent pas des lois
de probabilité gaussiennes, la prudence s’impose, car aucun des indicateurs précédents n’est entièrement adéquat.
En particulier, la somme des VaR n’est pas nécessairement un majorant de la VaR agrégée au même seuil de confiance.
La somme des VaR est en fait un majorant à un seuil de confiance beaucoup plus faible, égal à 1 – n (1 – p), avec n le
nombre de banques considérées et p le seuil de confiance des VaR individuelles (cf. Coudert et Attia, 2005). Le seuil
de confiance diminue donc avec la taille de l’échantillon, ce qui rend malheureusement cette mesure peu opérationnelle
lorsque l’échantillon est grand.
À titre d’illustration, on peut considérer l’exemple simple suivant. Soit deux banques dont les pertes dépendent de
quatre états du monde de la manière suivante :
État du monde
Probabilité de cet état
Perte de la banque 1
Perte de la banque 2
Pertes de l’ensemble des deux banques
1
0,8
1 000
0
1 000
2
0,8
0
1 000
1 000
3
0,3
100
100
200
4
98,1
Gains
Gains
Gains
On voit que :
• la VaR à 99 % de la banque 1 est égale à 100 car la perte sera supérieure ou égale à 100 dans moins de 1 % des cas.
La VaR de la banque 2 est aussi égale à 100 pour la même raison. La somme des VaR de ces deux institutions est donc
de 200 ;
• pourtant, la VaR à 99 % de l’ensemble des deux banques est égale à 1000, puisque dans 1,6 % des cas, la perte de
l’ensemble des deux banques est de 1000.
Cet exemple très simple montre que la somme des VaR n’est pas nécessairement un majorant de la VaR agrégée. Plus
précisément, le cas se produit sous deux conditions :
• les pertes en queues de distributions (en deçà de 1 %) sont très grandes ;
• les pertes des deux banques n’interviennent pas dans les mêmes « états de la nature ». En effet, si les pertes avaient
lieu simultanément (corrélation de 1), la somme des VaR serait une bonne mesure de la VaR agrégée, même en cas de
valeurs extrêmes en queues de distributions.
En conclusion, des agrégations des chiffres de VaR d’établissements individuels ont un intérêt dans une perspective
de stabilité financière afin de disposer d’indicateurs synthétiques, même s’ils ne fournissent pas de chiffrage vraiment
réaliste des pertes totales maximum de l’ensemble des banques étudiées. Il est, en tout état de cause, important que les
hypothèses méthodologiques fortes sur lesquelles repose ce type de calcul soient bien prises en compte dans l’analyse
de la portée des chiffres agrégés.
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