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RÉSUMÉ
Le mouvement derridien de la différance marque la rupture avec l’affirmation de la métaphysique de la présence,
avec l’autorité du signifié transcendantal. Dans cet univers mouvant de signifiants qui se renvoient perpétuellement les uns
aux autres, la logique d’univocité se disloque. La « présence » n’est que fantomatique, s’esquissant au sein d’une chaîne
ininterrompue de signifiants et se laissant toujours creuser par la marque d’un irréductible manque. Face au logocentrisme,
corollaire de l’affirmation de la présence, l’écriture se veut siège et articulation de la trace, d’une origine qui ne peut être
que raturée, véhicule d’une irrémédiable fêlure. Le volet littéraire de la déconstruction a pour but de mettre en évidence le
fonctionnement de l’« indécidabilité » du discours, soit une certaine ambivalence dans la signification qui caractérise tout
texte. L’objectif principal de la présente recherche est de fournir une compréhension plus approfondie de la déconstruction
en insistant sur l’ancrage langagier de tout texte. Le discours philosophique n’échappe ainsi pas au mécanisme différentiel
du langage et à la dérive métaphorique. La parenté entre la perspective déconstructiviste derridienne et la conception
mallarméenne du langage poétique semble frappante. La mise en œuvre, par Mallarmé, d’une dislocation de l’espace
textuel, son minutieux « creusement » du vers après renoncement à toute quête d’« Idéal », la mise en relief du leurre de
l’appropriation langagière, voilà qui trouve un écho particulier dans les thèses derridiennes. La mimésis platonicienne se
voit au travers du prisme de la mimique mallarméenne. La déconstruction poursuit son travail de « luxation » de l’oreille
philosophique, insérant les philosophèmes dans la matrice langagière, les livrant ainsi au hasard du cheminement textuel et
les confrontant à l’aporie. La philosophie n’a alors d’autre choix que d’abandonner ses prétentions transcendantales. La
marche de la différance instaure une inexorable distance qui prive le sujet de tout rapport direct avec une origine assurée et
lui ôte toute possibilité de maîtrise sur le monde. Au travers de la langue, se profile la question de l’altérité, de la relation
dissymétrique qui nous lie à cet « autre », ce « tout-autre » qui nous fonde et nous constitue. L’accueil inconditionnel de
cette altérité nous mènera à l’étude de la « religion », la déconstruction se tournant vers le « religieux » tout en effectuant
un « retournement » habile de tout credo essentialiste.
MOTS-CLÉS : Derrida – Mallarmé – Déconstruction – Différance – Philosophie – Littérature – Langue – Écriture
Texte – Onto-théologie – Religion – Signifiant – Signe – Supplément
ABSTRACT
The play of traces described in Derrida’s “différance” highlights the fact that the relationship between the signifier
and the signified is arbitrary. Deconstruction thus undermines the guaranteed certainty of presence, which is at the very
core of Western metaphysical tradition or “logocentrism”. Ontology appears to be forever tainted by the “hauntological”
presence of the trace. The equivocal and infinite logic of the supplement forbids access to any uncontaminated origin.
As nothing exists outside the differential mechanism of the text, we are caught in a maze of signs, unable to bypass the
complex process of language. The main purpose of our study is to provide an accurate understanding of Derrida’s
deconstruction of ontotheology by drawing attention to the importance of language. Just like general discourse, philosophy
is affected by the play of difference, as philosophemes are themselves embedded in the metaphorical roots of language.
Derrida’s work on literature is well-known but we will show that his literary analyses are part of a strategy to emphasize
the “undecidability” of all texts. In this regard, Mallarmé’s attention to syntax, vocabulary, his purposeful use of spacing
and the disruption of conventional textual linearity, will have a significant impact on deconstruction. The permanent
displacement of any reference in Mallarmé’s “mimique” will indeed provide Derrida with a useful tool to deconstruct the
traditional Platonic schema of mimesis and consequently, “luxate” the philosophical ear. Philosophy is however not
destructed, yet renewed. As the ambivalence of language is stressed, philosophy has no choice but to jettison its
transcendental claims and be open to “destinerrance” and aporiae. The “colonial” structure of all language reminds us that
language always comes from the “other” and eventually always remains with the “other” or “wholly other”. The absolute
welcoming of the “other”, this unconditional hospitality, will lead us towards the analysis of “religion” -or should we say
“traces of religion”- in Derrida’s deconstruction. Derrida “turns” to religion but, at the same time, knows how to “turn
religion around”, as he cleverly dismantles any faith in essentialism.
KEYWORDS : Derrida – Mallarmé – Deconstruction – Différance – Philosophy – Literature – Language – Writing –
Text – Ontotheology – Religion – Signifier – Sign – Supplement