la foi sans savoir, au-delà du savoir. J’accepterais donc que l’on parle ici
de foi.”2
Cependant, il est clair que la DECONSTRUCTION dans les variantes,
pratiquées par Derrida dans ses textes, n’exclut au moins jamais
l’expérience (sans engagement), expérience de l’absence absolue de
tout engagement, c’est-à-dire l’expérience sans attache de la non
religiosité (et de la déraison3). Dans sa forme la plus populaire, la
pratique déconstructive repousse toute idéologie de l’engagement, de
l’obéissant, du devoir autoritaire. Elle a à faire avec ce que l’on ne peut
pas permettre en tant que tel, avec L'EXPERIENCE DE LA
CONTINGENCE, du bonheur ou du malheur, de la chance, de
L'INCALCULABLE, de l’au-delà du calcul. Aussi longtemps que l’on
suppose, que sacrifice et prière en tant que pratique de l’invocation,
englobant la culture, tendent à la réciprocité de la DIALOGIQUE
ANTHROPO-THEOLOGIQUE en tant que modèle d’une communication
même improbable, aussi longtemps que l’on connote l’économie
religieuse avec ces formes des usages de la raison calculatrice (“Si tu
me donnes, alors je te donne, dit le contrat bourgeois ”4 – et le pacte
religieux !), la “religion” reste un objet indispensable de la
déconstruction. Afin de comprendre dans quel sens la déconstruction
même opère dans l’espace indéterminé entre l’échange religieux, la
religion des buts, comme on pourrait le dire, et la DEPENSE
RELIGIEUSE (prière aporétique), c’est-à-dire au milieu ou au seuil de la
2 Jacques Derrida, Eine gewisse unmögliche Möglichkeit, vom Ereignis zu sprechen (
Une certaine
possibilité impossible, parler d’événement
), Berlin, 2003, p. 60.
3 “La responsabilité de sauver l’honneur de la raison ”, dit Derrida dans Voyous. – Cette responsabilité
n’implique-t-elle pas un certain sauvetage “déconstructif” de la déraison envers la raison, envers une
neutralisation par une certaine raison limitée et imposant des limites ? N’implique-t-elle pas plus encore la
surveillance, la protection ou le sauvetage de la non religiosité par rapport à la religiosité et sa dictature du sens ?
Cf. Jacques Derrida, Voyous, Paris, 2003, p.167.
4 Roland Barthes, Über mich selbst (
Sur moi-même
), Munich, 1979, p. 64.