Isabelle Durand – FAPSE – Equipe Interaction & Formation
Projet de canevas au 24/09/2013
Nous considérons que les conditions de mobilisation des compétences interactionnelles – et de
mise en œuvre des modalités de participation - modèlent les mouvements des rapports de places à
l'œuvre dans les interactions.
Quelques points d'intérêt en particulier :
- les mouvements des rapports de places, et du positionnement de l'apprenant, dans les
interactions avec le tuteur et avec les enfants
- comment les interactants endossent des rôles multiples ou complexes - nous considérons le
fait d'endosser un ou des rôles, comme un aspect de la participation à l'interaction
Nous abordons le champ conceptuel lié à la notion de "rapport de places", à partir de travaux
conduits dans les champs de la linguistique et de la micro-sociologie autour des concepts de place,
statut, rôle, et place.
Places et rapports de places
Avec Flahault (1978), nous considérons les formations sociales (famille, entreprise, etc) comme
des "systèmes de places" au sein desquels chaque sujet occupe une position qui participe de sa
construction identitaire et modèle en partie ses relations interindividuelles avec les autres membres
du groupe. "Chacun accède à son identité à partir et à l'intérieur d'un système de places qui le
dépasse" (Flahault, 1978, p. 58).
Les places des uns sont nécessairement corrélées à celles des autres. Aucune place occupée dans
telle formation sociale n'existe isolément ; elle est occupée par rapport aux places qu'occupent les
autres. "Il n'est pas de parole qui ne soit émise d'une place et convoque l'interlocuteur à une place
corrélative" (Flahault 1978, p 58)
La notion de "rapport de places" désigne cette dimension corrélative selon laquelle "on ne peut
parler sans occuper une ou plusieurs places déterminées. Ce faisant, on convoque inévitablement
son partenaire à une ou plusieurs places corrélatives." (Vion p 80)
Chacun des partenaires d'une interaction occupe une place qui devient le siège de sa participation.
Cette "mise en places" (Flahault, 1978, p 53) revient à la fois à convoquer l'autre à une place
corrélative et à rechercher la reconnaissance de sa propre place. "Etant donné la place d'où je
parle, j'assigne une place complémentaire à l'autre et lui demande, en s'y tenant, de reconnaître que
je suis bien celui qui parle de ma place (et bien entendu, il en va de même pour lui)." (ibid., p 70)
Cette demande de reconnaissance, comme le suggère Flahault, est double à la fois pour le sujet et
pour son partenaire. D'une part je demande à être reconnu à la place d'où je parle. D'autre part je
demande à mon partenaire d'occuper une place complémentaire, qu'il peut accepter ou au contraire
contester ou renégocier. C'est ainsi que le rapport de places fait l'objet d'une négociation qui
émerge et se déploie au cours de l'interaction, et se manifeste par les modalités de participation
employées par les partenaires.
Kerbrat-Orecchioni envisage la négociation du rapport de places comme un mouvement sur un
"axe vertical invisible" qui structure les relations interpersonnelles dans des rapports de pouvoir,
de domination ou encore d'influence. "A cours du déroulement d'une interaction les différents
partenaires de l'échange peuvent se trouver "positionnés" en un lieu différent sur cet axe vertical
invisible qui structure leur relation interpersonnelle. On dit alors que l'un d'entre eux se trouve
occuper une position "haute" de dominant, cependant que l'autre est mis en position "basse" de
dominé." (Kerbrat-Orecchioni, 1992, p 71)