
A. Pham-Scottez L’Encéphale, 2007 ;
33 :
383-91, cahier 3
S 384
C’est cette définition de l’insight qui est utilisée dans la
littérature internationale.
La croissance des publications sur ce sujet est expo-
nentielle.
À titre indicatif, les auteurs Amador et David (1) de
l’ouvrage de référence sur le sujet « Insight and
Psychosis », ont comptabilisé plus de 200 articles concer-
nant ce domaine entre 1998, date de la parution de la pre-
mière édition, et fin 2003, qui correspond à la deuxième
édition.
La mesure
Il fallait passer de l’évaluation clinique approximative
bon/mauvais insight, suite à un entretien avec le patient,
à la (ou plutôt les) mesure standardisée de l’insight.
Des entretiens semi-structurés, avec un système de
cotation systématisé ont été mis au point, et leurs qualités
psychométriques étudiées.
La première évaluation couramment utilisée est
l’« Insight and Treatment Attitudes Questionnaire », déve-
loppée par McEvoy (27).
Il comprend 11 items (de 0 à 2), évaluant les croyances
(ou attitudes) du patient concernant le fait d’avoir une
maladie mentale et le fait d’avoir besoin d’un traitement.
Il a été utilisé sur de larges échantillons de patients, et
s’est montré fidèle et valide, et prédictif (pronostic, com-
pliance…).
Cet instrument représente un progrès indubitable dans
l’évaluation de l’insight, mais il peut lui être reproché de
ne pas comprendre certains aspects qui seraient consti-
tutifs de l’« insight », et de vouloir croire que l’insight est
un phénomène unitaire.
De façon quasi-concomitante, David et Amador ont pro-
posé une conceptualisation multidimensionnelle de l’insi-
ght, et ont chacun développé un instrument standardisé
d’évaluation de l’insight.
L’échelle de David (11) « Schedule for the Assessment
of Insight » prend en compte (3 items, Lickert à 5 points) :
– la reconnaissance par le patient d’avoir une maladie
mentale ;
– la compliance au traitement ;
– la capacité à reconnaître comme pathologiques les
événements inhabituels tels que délire ou hallucina-
tions.
Par contre, elle ne prend pas en compte les variations
symptôme par symptôme, et ne différencie pas insight pré-
sent et rétrospectif.
Par la suite, la conscience d’un changement a été rajou-
tée à cette échelle (SAI-E :
SAI expanded-version
) ; en
effet, en clinique, certains patients peuvent avoir la per-
ception qu’ils ont changé, mais sans pouvoir le lier à une
pathologie mentale.
Le SAI a ensuite été adapté et transformé en auto-ques-
tionnaire (Birchwood, 1994) ; cette forme est très utilisée
dans les publications internationales.
Ce nouvel instrument s’est montré sensible au chan-
gement.
Amador distingue deux composants principaux dans
l’insight :
– la conscience de la maladie ;
– l’attribution des symptômes à la maladie.
La non-conscience de la maladie (« unawareness of
the illness ») reflète l’incapacité du patient à reconnaître
un déficit spécifique ou un signe de la maladie, même s’il
y est confronté par l’examinateur.
L’attribution incorrecte consiste en la croyance expri-
mée par le patient que ce déficit spécifique, ce symptôme
ou cette conséquence de la maladie ne résultent pas d’un
dysfonctionnement mental.
La
Scale to Assess Unawareness of Mental Disorder
(Amador et Strauss, 1990) s’appuie sur cette conception
de l’insight (awareness/attribution), et distingue la cons-
cience actuelle et rétrospective :
– d’avoir une maladie mentale ;
– les effets du traitement ;
– les conséquences de la maladie mentale ;
– les signes et symptômes spécifiques.
Elle ne prend pas en compte le besoin ressenti de trai-
tement.
Les débouchés sont cliniques (stratégies psycho-édu-
cationnelles/non-conscience de certains symptômes…)
et théoriques (nature et étendue du « poor insight »).
La SUMD a été validée et traduite dans une quinzaine
de langues. Sa passation est assez longue (74 items, Lic-
kert), mais elle peut être raccourcie, en enlevant certains
items.
Cependant, certains aspects subtils de l’insight pour-
raient échapper à la SUMD, ou les patients peuvent refu-
ser de répondre à certaines questions perçues comme
intrusives, ou stigmatisantes, d’où l’intérêt d’auto-ques-
tionnaires.
L’auto-questionnaire développé par Markova et Berrios
(32), la « Insight Scale », comporte 32 items (oui/non/je
ne sais pas).
Cet instrument comprend de façon encore plus large
l’insight, en évaluant aussi comment la maladie affecte
l’interaction du patient au monde extérieur. Le mauvais
insight pourrait être le reflet d’une perturbation plus large
de l’auto-représentation du patient.
Un patient peut se rendre compte qu’il a changé, et sans
l’attribuer à la maladie mentale ou à une autre cause,
comme le recherchent les items « je me sens différent de
mon état normal » ou « je veux savoir pourquoi je me sens
comme çà ».
Il faut également citer :
– l’item G12 de la PANSS (
Positive and Negative
Symptoms Scale
, de Kay) (20), à coter de 1 : absence de
manque de jugement et d’insight à 7 : manque extrême
de jugement et d’insight ;
– l’item 104 du PSE
(Present State Examination)
, de
Wing (57) : « do you think there is a matter with you ? »,
à coter de 0 à 3.