Actualité sur la résistance aux fluoroquinolones
Anne JOLIVET-GOUGEON
Allemagne, connues pour sélectionner moins fréquemment les
souches résistantes que la ciprofloxacine, pourrait expliquer ces
résultats (affinité plus faible pour les pompes à efflux, car plus
volumineuses et moins hydrophiles, et augmentation d’affinité
pour l’ADN gyrase).
La faible prévalence de S. pneumoniae résistants aux FQ dans cette
étude peut cependant être contestée par un recrutement biaisé
des patients (immunodéprimés et primo-hospitalisation exclus).
Sélection pour le développement de résistance
aux fluoroquinolones de Campylobacter jejuni
81 116 chez les poulets, à l’aide de divers
protocoles de traitement à l’enrofloxacine
Stapleton K, Cawthraw SA, Cooles SW, Coldham NG, La Ragione RM,
Newell DG, Ridley AM. Selecting for development of fluoroquinolone
resistance in a Campylobacter jejuni strain 81 116 in chickens using
various enrofloxacin treatment protocols. J Appl Microbiol. 2010 ;
109 : 1132-1138.
Analyse
Ce travail avait pour objectif d’étudier l’effet de la dose et de
la durée d’un traitement par l’enrofloxacine sur la sélection de
souches résistantes de Campylobacter jejuni colonisant le tube
digestif de poulets.
L’intérêt d’analyser cette publication a été de prouver que
les conclusions d’un travail expérimental sur une souche de
laboratoire, ne peut pas toujours être superposable et s’appliquer
aux conditions observées dans un élevage.
Les auteurs ont choisi pour cette étude une souche de C. jejuni
sélectionnée, après passages chez le poussin, pour son haut degré
de colonisation, ce qui pourrait introduire un biais, par rapport
aux souches cliniques qui n’ont pas subi ce prétraitement. De plus,
le caractère invasif de C. jejuni associé au processus infectieux est
spécifique à la souche.
Les campylobactérioses sont responsables de la majorité des
intoxications alimentaires d’origine bactérienne en Europe, et
constituent donc un problème de santé publique. La colonisation
se produit lorsque les micro-organismes vivent sur ou dans un
organisme hôte, mais sans envahir les tissus ou causer des
dommages à l’animal. Dans cette étude, les auteurs n’ont étudié
que la colonisation du tube digestif de poussins, alors que
l’utilisation de FQ devrait être réservée, dans les élevages, aux
cas d’infections. Cependant, les fortes densités de population
créent aussi des risques sanitaires, qui nécessitent souvent des
traitements antibiotiques à titre préventif.
La large utilisation, en médecine vétérinaire, de fluoroquinolones
a été rendue responsable de l’augmentation de la fréquence de la
résistance, principalement due à une mutation dans le gène gyrA.
Une association des deux mutations dans le gène gyrA (Asp90-
to-Asn, Thr86-to-Ile) confère un niveau plus élevé de résistance
(CMI> ou = 128 µg/ml). Seul le changement Thr86-à-Ile, indicatif
de la résistance aux FQ, a été recherché dans cette étude, mais
d’autres mécanismes de résistance auraient pu être évoqués, tels
que des mutations dans le gène gyrB, ou parC ou l’implication de
pompes à efflux.
Pour chaque patient, un recueil des expectorations, ainsi
qu’une hémoculture ont systématiquement été réalisés. Parmi
les 163 souches de S. pneumoniae isolées, 12,3 % provenaient
d’hémocultures, 84,5 % de prélèvements respiratoires et 3,2 %
d’autres localisations.
Les mutations dans la zone QRDR, correspondant à la zone
préférentielle où sont retrouvées les mutations conférant la
résistance aux FQ, ont été recherchées. L’ADN codant les gènes
parC, parE et gyrA, a été amplifié par PCR, séquencé et comparé
avec la séquence d’une souche de référence de S. pneumoniae.
Sur les 20 souches présentant une mutation, seulement 2 avaient
une mutation significative (sur le gène parC) et 18 des mutations
silencieuses, sans traduction phénotypique.
Parmi ces mêmes 20 souches, 11 ont montré une résistance par
augmentation du mécanisme d’efflux. L’expression de la pompe
à efflux a été mise en évidence par une augmentation de la CMI
à la ciprofloxacine (méthode de référence, méthode de dilution
en milieu gélosé), en présence d’un inhibiteur de la pompe (la
réserpine).
Un typage moléculaire par la méthode de Multi Locus Sequence
Typing (MLST) a permis de montrer l’absence de clonalité des
souches mutées (souches différentes), alors que 2 souches sur
11 montrant une résistance par augmentation de l’efflux étaient
génétiquement reliées (souches clonales).
Les FQ ont été prescrites, durant la période de l’étude, chez 37,5 %
des patients atteints de PCA (chez ces patients, la moxifloxacine
a été prescrite dans 69,8 % des cas, la levofloxacine dans 19,8 %
des cas, la ciprofloxacine dans 9,2 % des cas et les autres FQ dans
1,2 % des cas). En étudiant en parallèle la consommation de FQ
chez ces patients, et la survenue de mécanismes de résistance, les
auteurs ont montré que 15,4 % des souches isolées comportant
une mutation significative ou un mécanisme d’efflux avaient
reçu un traitement par les FQ durant les 4 semaines précédant
l’étude versus 17 % chez les souches sensibles, ce qui s’est révélé
non significatif.
Commentaire
L’originalité de cet article est lié au recrutement d’un nombre de
patients très élevé (n = 5 780), grâce à la mise en place du réseau
allemand CAPNETZ, ainsi qu’aux techniques variées utilisées pour
détecter les principaux mécanismes connus de résistance aux FQ
chez S. pneumoniae.
Il n’y a pas eu de détection de formes résistantes au
fluoroquinolones (ni détection de clone épidémique) malgré la
détection de deux souches avec des mutations non-silencieuses
sur le gène parC – une « first step mutation » pouvant conduire
à l’émergence de formes résistantes. L’absence de formes
résistantes a été reliée à l’utilisation de fluoroquinolones
de 3e génération (levofloxacine) ou surtout 4e génération
(moxifloxacine). Cela est en accord avec de nombreux travaux
attestant que la distribution des CMI de la moxifloxacine et la
lévofloxacine dans isolats de S. pneumoniae reste stable au cours
du temps et que la résistance à la moxifloxacine et la lévofloxacine
reste faible (≤1 %) (Simoens et al., 2011). La large prescription des
deux FQ, moxifloxacine et levofloxacine, en France comme en
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Anses • Bulletin de veille scientifique no 14 • Santé / Environnement / Travail • Juin 2011
Agents chimiques