Actualité sur la résistance aux fluoroquinolones - BVS

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Agents chimiques
Actualité sur la résistance
aux fluoroquinolones
Période : septembre 2010 à novembre 2010
Anne JOLIVET-GOUGEON
Université de Rennes 1 – EA 1254 Microbiologie – Rennes
Mots clés : Antibiotic resistance, Campylobacter jejuni, Fluoroquinolones, Pasteurella mutocida,
Streptococcus pneumoniae Les quinolones dites de première génération (acide nalidixique et dérivés proches, fluméquine, acide pipémidique, acide piromidique,
acide oxolinique et rosoxazine) sont utilisées pour traiter les infections urinaires à germes sensibles, car leur spectre d’activité reste
étroit. Les quinolones comportant un atome de fluor en position 6 sont appelées fluoroquinolones (FQ) (péfloxacine, ciprofloxacine,
l’ofloxacine, la norfloxacine, l’énoxacine, la loméfloxacine et la sparfloxacine). Ces molécules d’origine synthétique sont caractérisées
par un large spectre antibactérien, une excellente biodisponibilité qui autorise les traitements par voie orale, une excellente diffusion
tissulaire, une pénétration intracellulaire, un effet post-antibiotique, une activité bactéricide, une efficacité clinique et bactériologique
concentration-dépendante. Ces molécules, de la seconde à la quatrième génération, se distinguent essentiellement de la première
génération par une meilleure pénétration sérique et tissulaire. Leur spectre d’activité, initialement limité aux bactéries à Gram négatif
aérobies, s’est étendu successivement aux bactéries à Gram positif et aux anaérobies, et permet donc le traitement de nombreuses
infections générales. La moxifloxacine et la levofloxacine (énantiomère S du racémique ofloxacine) sont des fluroroquinolones ciblées
pour traiter les infections respiratoires et ORL, car elles ont une action sur certaines espèces gram positives, telle que Streptococcus
pneumoniae. Les fluoroquinolones sont donc des antibiotiques largement utilisés, en clinique humaine, mais certaines molécules
sont réservées à un usage vétérinaire, telles que l’enrofloxacine, la marbofloxacine, la danofloxacine, la difloxacine, l’ibafloxacine ou
l’orbifloxacine. Les caractéristiques pharmacocinétiques sont les principales spécificités de ces différentes molécules.
Leur usage peut conduire à la sélection de mutants résistants et donc à l’échec du traitement. Plusieurs mécanismes peuvent être
responsables de cette résistance : (1) une imperméabilité de la paroi bactérienne par réduction de l’expression ou une inactivation du
gène codant pour les porines, (2) une mutation de gènes de la région QRDR, codant pour la sous-unité GyrA de l’ADN-gyrase (gènes
gyrA/B) ou de la topoisomérase IV (gène parC/E) ou (3) l’acquisition ou la surexpression d’une pompe à efflux réduisant la concentration
des FQ dans les bactéries. Le rôle important de la flore commensale comme un réservoir naturel de la résistance bactérienne aux FQ
est maintenant bien établi, et la résistance à cette classe d’antibiotiques est en constante augmentation (De latour et al., 2010). Ces
résistances surviennent principalement par mutations successives au niveau des gènes chromosomiques des cibles des quinolones : la
première étape mutationnelle (« first step mutation ») témoigne d’un premier niveau de résistance. La résistance acquise s’accompagne
souvent d’une perte de « fitness » de la bactérie, mais dans le cas des FQ un gain de « fitness » est souvent associé surtout avec les FQ
de 3e et 4e génération et surtout dans le cas de doubles mutations.
Si cette résistance croissante aux fluoroquinolones est un fait largement reconnu, les méthodologies ainsi que les populations étudiées
peuvent être des facteurs de variations concernant les conclusions qui peuvent être dictées.
Faible prévalence des souches de Streptococcus
pneumoniae résistantes aux fluoroquinolones
chez des patients atteints de pneumonie
communautaire acquise en dépit d’une large
utilisation des fluoroquinolones
Pletz MW, van der Linden M, von Baum H, Duesberg CB, Klugman KP,
Welte T ; CAPNETZ study group. Low prevalence of fluoroquinolone
resistant strains and resistance precursor strains in Streptococcus
pneumoniae from patients with community-acquired pneumonia
despite high fluoroquinolone usage. Int J Med Microbiol. 2011 ; 301 : 53-57.
Analyse
Malgré les traitements antibiotiques, les pneumopathies
communautaires acquises (PCA) conservent une forte morbidité
et mortalité. S. pneumoniae est l’agent étiologique le plus
fréquemment responsable et ses mécanismes de résistance
acquise, en particulier aux fluoroquinolones (FQ), sont une des
causes d’échec du traitement. Le réseau allemand CAPNETZ a
développé à travers le monde, depuis 2001, le plus grand réseau
sur la pneumonie acquise en communauté. Ses expériences et
évaluations ont rapporté, ces dernières années, de précieuses
informations pour améliorer la qualité des soins des patients
atteints de pneumonie communautaire. Ce réseau a permis
d’inclure de 2002 à 2006, pour cette étude, une cohorte de
5 780 patients, avant l’introduction de la vaccination antipneumococcique. L’objectif de cette étude a été de déterminer la
consommation de FQ ainsi que la prévalence de la résistance chez
des pneumocoques ayant acquis une résistance par mutation ou
modification des systèmes d’efflux, chez des patients adultes
atteints de pneumopathie communautaire, en Allemagne.
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Pour chaque patient, un recueil des expectorations, ainsi
qu’une hémoculture ont systématiquement été réalisés. Parmi
les 163 souches de S. pneumoniae isolées, 12,3 % provenaient
d’hémocultures, 84,5 % de prélèvements respiratoires et 3,2 %
d’autres localisations.
Les mutations dans la zone QRDR, correspondant à la zone
préférentielle où sont retrouvées les mutations conférant la
résistance aux FQ, ont été recherchées. L’ADN codant les gènes
parC, parE et gyrA, a été amplifié par PCR, séquencé et comparé
avec la séquence d’une souche de référence de S. pneumoniae.
Sur les 20 souches présentant une mutation, seulement 2 avaient
une mutation significative (sur le gène parC) et 18 des mutations
silencieuses, sans traduction phénotypique.
Parmi ces mêmes 20 souches, 11 ont montré une résistance par
augmentation du mécanisme d’efflux. L’expression de la pompe
à efflux a été mise en évidence par une augmentation de la CMI
à la ciprofloxacine (méthode de référence, méthode de dilution
en milieu gélosé), en présence d’un inhibiteur de la pompe (la
réserpine).
Un typage moléculaire par la méthode de Multi Locus Sequence
Typing (MLST) a permis de montrer l’absence de clonalité des
souches mutées (souches différentes), alors que 2 souches sur
11 montrant une résistance par augmentation de l’efflux étaient
génétiquement reliées (souches clonales).
Les FQ ont été prescrites, durant la période de l’étude, chez 37,5 %
des patients atteints de PCA (chez ces patients, la moxifloxacine
a été prescrite dans 69,8 % des cas, la levofloxacine dans 19,8 %
des cas, la ciprofloxacine dans 9,2 % des cas et les autres FQ dans
1,2 % des cas). En étudiant en parallèle la consommation de FQ
chez ces patients, et la survenue de mécanismes de résistance, les
auteurs ont montré que 15,4 % des souches isolées comportant
une mutation significative ou un mécanisme d’efflux avaient
reçu un traitement par les FQ durant les 4 semaines précédant
l’étude versus 17 % chez les souches sensibles, ce qui s’est révélé
non significatif.
Commentaire
L’originalité de cet article est lié au recrutement d’un nombre de
patients très élevé (n = 5 780), grâce à la mise en place du réseau
allemand CAPNETZ, ainsi qu’aux techniques variées utilisées pour
détecter les principaux mécanismes connus de résistance aux FQ
chez S. pneumoniae.
Il n’y a pas eu de détection de formes résistantes au
fluoroquinolones (ni détection de clone épidémique) malgré la
détection de deux souches avec des mutations non-silencieuses
sur le gène parC – une « first step mutation » pouvant conduire
à l’émergence de formes résistantes. L’absence de formes
résistantes a été reliée à l’utilisation de fluoroquinolones
de 3e génération (levofloxacine) ou surtout 4 e génération
(moxifloxacine). Cela est en accord avec de nombreux travaux
attestant que la distribution des CMI de la moxifloxacine et la
lévofloxacine dans isolats de S. pneumoniae reste stable au cours
du temps et que la résistance à la moxifloxacine et la lévofloxacine
reste faible (≤1 %) (Simoens et al., 2011). La large prescription des
deux FQ, moxifloxacine et levofloxacine, en France comme en
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Allemagne, connues pour sélectionner moins fréquemment les
souches résistantes que la ciprofloxacine, pourrait expliquer ces
résultats (affinité plus faible pour les pompes à efflux, car plus
volumineuses et moins hydrophiles, et augmentation d’affinité
pour l’ADN gyrase).
La faible prévalence de S. pneumoniae résistants aux FQ dans cette
étude peut cependant être contestée par un recrutement biaisé
des patients (immunodéprimés et primo-hospitalisation exclus).
Sélection pour le développement de résistance
aux fluoroquinolones de Campylobacter jejuni
81 116 chez les poulets, à l’aide de divers
protocoles de traitement à l’enrofloxacine
Stapleton K, Cawthraw SA, Cooles SW, Coldham NG, La Ragione RM,
Newell DG, Ridley AM. Selecting for development of fluoroquinolone
resistance in a Campylobacter jejuni strain 81 116 in chickens using
various enrofloxacin treatment protocols. J Appl Microbiol. 2010 ;
109 : 1132-1138.
Analyse
Ce travail avait pour objectif d’étudier l’effet de la dose et de
la durée d’un traitement par l’enrofloxacine sur la sélection de
souches résistantes de Campylobacter jejuni colonisant le tube
digestif de poulets.
L’intérêt d’analyser cette publication a été de prouver que
les conclusions d’un travail expérimental sur une souche de
laboratoire, ne peut pas toujours être superposable et s’appliquer
aux conditions observées dans un élevage.
Les auteurs ont choisi pour cette étude une souche de C. jejuni
sélectionnée, après passages chez le poussin, pour son haut degré
de colonisation, ce qui pourrait introduire un biais, par rapport
aux souches cliniques qui n’ont pas subi ce prétraitement. De plus,
le caractère invasif de C. jejuni associé au processus infectieux est
spécifique à la souche.
Les campylobactérioses sont responsables de la majorité des
intoxications alimentaires d’origine bactérienne en Europe, et
constituent donc un problème de santé publique. La colonisation
se produit lorsque les micro-organismes vivent sur ou dans un
organisme hôte, mais sans envahir les tissus ou causer des
dommages à l’animal. Dans cette étude, les auteurs n’ont étudié
que la colonisation du tube digestif de poussins, alors que
l’utilisation de FQ devrait être réservée, dans les élevages, aux
cas d’infections. Cependant, les fortes densités de population
créent aussi des risques sanitaires, qui nécessitent souvent des
traitements antibiotiques à titre préventif.
La large utilisation, en médecine vétérinaire, de fluoroquinolones
a été rendue responsable de l’augmentation de la fréquence de la
résistance, principalement due à une mutation dans le gène gyrA.
Une association des deux mutations dans le gène gyrA (Asp90to-Asn, Thr86-to-Ile) confère un niveau plus élevé de résistance
(CMI> ou = 128 µg/ml). Seul le changement Thr86-à-Ile, indicatif
de la résistance aux FQ, a été recherché dans cette étude, mais
d’autres mécanismes de résistance auraient pu être évoqués, tels
que des mutations dans le gène gyrB, ou parC ou l’implication de
pompes à efflux.
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Les volailles sont particulièrement colonisées par Campylobacter,
puisque l’on estime que, dans l’Union Européenne, 83 % des
élevages sont contaminés au point d’abattage pour les élevages
de poulets de chair. L’enrofloxacine est une FQ de 3e génération
à usage vétérinaire, utilisée pour traiter les colibacilloses, les
pasteurelloses et les mycoplasmoses à des doses qui pourraient
favoriser la sélection de Campylobacter résistants. Les auteurs de
cette publication ont étudié l’effet de la dose et de la durée du
traitement par l’enrofloxacine sur la sélection de Campylobacter
jejuni résistants dans le tube digestif de poulets. Pour cela, ils ont
dénombré, postmortem, les Campylobacter à partir de l’intestin
de poulets artificiellement colonisés, après administration de
l’antibiotique à différentes doses et pendant différentes périodes.
En parallèle, l’enrofloxacine et son métabolite (la ciprofloxacine)
ont été dosés dans le tube digestif des poulets par HPLC.
Avec des doses d’enrofloxacine de 12 à 250 ppm, des Campylobacter
résistants ont été sélectionnés et se sont développés de façon
clonale. En utilisant des doses supérieures (500 ppm), le nombre
des Campylobacter était indétectable dès 48 h de traitement,
et le restait durant les 14 jours de l’étude. Cependant, les doses
utilisées peuvent ne pas refléter la réalité des doses usuellement
administrées, qui peuvent être plus basses que celles testées
et qui sont fonction du poids des animaux (Reyes-Herrera et
Donoghue, 2008).
Commentaire
Des niveaux importants de la résistance aux FQ ont été obtenus
chez des isolats de Campylobacter jejuni après une étape unique
de sélection en utilisant l’enrofloxacine.
Ce travail montre que les doses de fluoroquinolones utilisées
habituellement pour traiter les infections fréquentes chez le
poulet ne sont pas suffisantes pour prévenir l’émergence de
résistance au sein des populations de Campylobacter. Cependant,
il faut noter que lorsque l’on traite un élevage infecté, les
conditions sont rarement les mêmes que celles utilisées dans
cette étude : souche, inoculum, sites d’infection différents,
moyens de défenses de l’hôte, alimentation et flore digestive
compétitive…
Cela pourrait avoir un impact en termes de santé publique, car ces
Campylobacter résistants peuvent être responsables d’infections
chez l’Homme, contaminé via la chaîne alimentaire. Cela suggère
donc l’enrofloxacine doit être utilisée à des doses suffisantes
chez les animaux, pour réduire le risque d’émergence de souches
bactériennes résistantes chez l’Homme, avec des conséquences
économiques non négligeables. Des travaux restent nécessaires
afin de déterminer la dose optimale à administrer afin de limiter
l’impact en termes de toxicité et de répercussion sur la flore
intestinale associée.
Impact d’un traitement précoce ou tardif à l’aide
de fluoroquinolone, sur les plans clinique,
microbiologique et de la résistance bactérienne
dans un modèle murin d’infection pulmonaire
à Pasteurella multocida
Ferran AA, Toutain PL, Bousquet-Mélou A. Impact of early versus
later fluoroquinolone treatment on the clinical ; microbiological and
resistance outcomes in a mouse-lung model of Pasteurella multocida
infection. Vet Microbiol. 2011 ; 148 : 292-297.
Analyse
Pour lutter contre l’infection dans les élevages deux stratégies
peuvent être utilisées : le traitement systématique de tous
les animaux malades et sains dès l’apparition des premiers
symptômes de la maladie, ou traiter individuellement seulement
les animaux malades au fur et à mesure de leur découverte. Dans
la première stratégie, des doses plus faibles d’antibiotiques
peuvent être utilisées pour ces traitements collectifs, ce qui
pourrait être à l’origine de la sélection de souches résistantes
aux antibiotiques.
L’objectif de cette étude a été d’analyser l’impact d’un traitement
précoce (10 h après l’inoculation intrapéritonéale), versus un
traitement tardif (32 h après l’inoculation intrapéritonéale)
de doses curatives de marbofloxacine (fluoroquinolone de 3e
génération à usage vétérinaire) sur la survie des souris infectées,
sur l’éradication des bactéries et sur la prévention de l’infection.
Pour cela, un modèle expérimental d’infection du poumon avec
une souche de Pasteurella multocida a été utilisé chez la souris
Swiss. Une heure après l’inoculation intratrachéale de 1 000 UFC/
poumon, on a pu dénombrer 2,56 ± 0,58 log10 CFU/poumon.
En cas d’administration tardive de marbofloxacine, les souris
présentaient une dyspnée, léthargie et deshydratation et les
poumons contenaient 25 000 fois plus de bactéries qu’en cas
d’administration précoce de l’antibiotique.
Le nombre de bactéries survivantes a été évalué à partir
d’homogénéisats des poumons retirés lors d’une autopsie. Des
dilutions successives des culots ont été étalées sur des milieux
contenant 0,128 µg/mL de marbofloxacine. Chez l’ensemble des
souris, un nombre ≤100 CFU/mL n’a pu être obtenu qu’après
traitement précoce avec une dose élevée de marbofloxacine
(40 mg/kg). En cas d’administration tardive de l’antibiotique,
seulement 64 % des prélèvements étaient sous ce seuil.
Pour une dose donnée de marbofloxacine (1 ou 40 mg/kg) la
survie des souris, comme l’éradication bactérienne, ont été
meilleures après un traitement précoce plutôt que tardif.
En cas de sélection de souches résistantes au site de l’infection,
le traitement précoce a toujours permis une moindre sélection
comparativement à un traitement tardif.
Commentaire
L’intérêt de ce travail réside dans le fait qu’il s’agit de la première
étude sur les conséquences d’une utilisation précoce de la
marbofloxacine chez l’animal dans les phénomènes d’émergence
de souches bactériennes résistantes Cette étude montre
l’importance d’étudier les paramètres pharmacocinétiques
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in vivo de nouveaux antibiotiques, afin de déterminer la dose
à laquelle sont exposées les bactéries au cours du temps, en
fonction de la clairance de l’antibiotique.
Les auteurs de ce travail ont étudié la sélection de souches
résistantes au site de l’infection, mais pas au niveau de la flore
commensale digestive. Bien que des travaux antérieurs aient
montré que l’utilisation précoce d’antibiotiques avait des effets
délétères sur la composition des flores des animaux traités, Ferran
et al. (2010) recommandent les traitements précoces qui ont
l’avantage d’être plus efficaces en termes de survie des animaux
et de faible fréquence de sélection de bactéries résistantes. Des
études ultérieures sont nécessaires pour mesurer l’influence des
doses utilisées sur les modifications de composition de la flore
digestive des animaux traités.
Conclusion générale
Dans les élevages intensifs de certains pays, des
antibiotiques sont encore ajoutés dans l’alimentation
des animaux, pour accélérer la prise de poids et limiter
le temps d’engraissement avant abattage. Même si
ces additifs sont interdits en France, la promiscuité et
les conditions d’élevage surexposent les animaux aux
différentes pathologies. Sans antibiotiques et autres
médicaments, des taux élevés de mortalité et de
morbidité mèneraient l’élevage intensif à sa perte.
L’utilisation excessive ou non raisonnée des
antimicrobiens dans la production des animaux
d’élevage a pour conséquence en santé publique
l’apparition d’agents pathogènes résistants susceptibles
d’être transmis à l’Homme par la chaîne alimentaire.
Ces bactéries résistantes peuvent être rejetées dans
l’environnement avec les excréments animaux, être
présentes dans l’eau, contaminer la viande lors de
l’abattage et se retrouver dans nos assiettes si la
température de cuisson est insuffisante pour les détruire.
L’émergence de cette résistance est préoccupante lorsque
l’on sait que chez un patient souffrant d’une infection
urinaire, la consommation d’une fluoroquinolone
dans les semaines ou les mois précédents, augmente
significativement les risques d’E.coli résistants aux
fluoroquinolones et d’échec thérapeutique. Une
progression significative de la résistance à la ciprofloxacine
est observée, qui dépasse depuis 2007 le seuil des 10 %
dans les infections urinaires communautaires à E. coli
(données du réseau des laboratoires de ville AFORCOPIBIO), mais peut avoisiner les 50 % pour les Pseudomonas
aeruginosa en milieu hospitalier.
Ces trois publications analysées montrent la difficulté à
comparer les études sur l’impact des fluoroquinolones
sur la sélection de souches résistantes chez des animaux
traités. De nombreux paramètres sont à considérer, tels
que le type de molécule étudiée (pharmacocinétique,
spectre d’action…), les modèles expérimentaux utilisés,
la dose administrée, la fréquence des administrations
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et la durée du traitement. Les études sur de nombreux
échantillons (études multicentriques chez l’Homme et
l’animal) avec des paramètres clairement définis et en
conditions d’élevage sont donc à privilégier.
Lexique
(1) FQ : Fluoroquinolone
(2) QRDR : Quinolone Resistance Determining Region
(3) CMI : Concentration Minimale Inhibitrice
(4) PCA : Pneumopathie communautaire acquise
(5) UFC : Unité Formant Colonie
(6) MLST : Multi Locus Sequence Typing
(7) HPLC : High Pressure Liquid Chromatography
(8)AFORCOPI-BIO : réseau de Laboratoires d’analyse de biologie
médicale privés (réseau ONERBA)
(9)ONERBA : l’observatoire national de l’épidémiologie de la
résistance bactérienne aux antibiotiques
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campylobacter. J Food Prot. 2010 ; 73 : 1141-1152.
Ce travail met en évidence l’importance de savoir détecter
correctement la résistance aux fluoroquinolones. Le dépistage
de la résistance à l’acide nalidixique ou la ciprofloxacine et
l’ofloxacine par la méthode de diffusion (zone d’inhibition autour
d’un disque largement utilisée en routine de laboratoire) a été
efficace pour détecter une sensibilité réduite aux fluoroquinolones
dans une population de 816 Salmonella Typhi (mesures statistiques
de sensibilité et spécificité). Les auteurs rappellent néanmoins
l’importance d’une mise à jour régulière des concentrations et
diamètres critiques pour déterminer les sensibilité et résistance
bactériennes.
Mots clés utilisés pour la recherche
bibliographique
Fluoroquinolone, Resistance
Autres publications identifiées
de Lastours V, Chau F, Tubach F et al. Independent Behavior of
Commensal Flora for the Carriage of Fluoroquinolone-Resistant
Bacteria from Patients at Admission. Antimicrob Agents
Chemother. 2010 ; 54 : 5193-5200.
Au cours d’une période de 6 mois, les auteurs ont étudié de façon
prospective la colonisation, par des bactéries résistantes aux
fluoroquinolones dans les flores commensales, chez 555 patients
à leur admission à l’hôpital, en ciblant les Escherichia coli dans
la flore fécale, les staphylocoques à coagulase négative dans la
flore nasale, et les streptocoques α-hémolytiques dans la flore
pharyngée. Cette étude clinique confirme que l’incidence de
la résistance aux fluoroquinolones peut varier en fonction des
espèces bactériennes et des molécules antibiotiques étudiées.
Gallini A, Degris E, Desplas M et al. Influence of fluoroquinolone
consumption in inpatients and outpatients on ciprofloxacinresistant Escherichia coli in a university hospital. J Antimicrob
Chemother. 2010 ; 65 : 2650-2657.
Peu d’études cliniques ont examiné la relation possible entre la
consommation de fluoroquinolones en ambulatoire et la résistance
aux fluoroquinolones à l’hôpital. Des modèles statistiques de
régression dynamique ont été construits pour étudier comment le
taux de résistance à hôpital était en relation linéaire avec les valeurs
actuelles et passées de la consommation des fluoroquinolones.
Cette étude montre que la consommation de lévofloxacine en
ambulatoire peut avoir des répercussions sur l’incidence de la
résistance au fluoroquinolones en milieu hospitalier.
Parry CM, Thuy CT, Dongol S et al. Suitable disk antimicrobial
susceptibility breakpoints defining Salmonella enterica serovar
Typhi isolates with reduced susceptibility to fluoroquinolones.
Antimicrob Agents Chemother. 2010 ; 54 : 5201-5208.
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