ces galions. La piraterie est en même temps une forme de lutte contre Charles
Quint. Les rares tentatives de colonisation n’ont guère de résultats, et il faut se
garder de prêter à des découvreurs français des projets trop précis. Entre 1535 et
1540, Jacques Cartier reconnaît et remonte l’estuaire du Saint-Laurent, fonde un
établissement à Québec et obtient de François Ier qu’il prenne possession du
Canada et d’Hochelaga (1540). C’est un échec. Le Malouin Cartier n’a pas
découvert ce qu’il cherchait, à savoir la route qui pouvait conduire au fabuleux
Cathay de Marco Polo. Il n’a trouvé ni or ni pierres précieuses. De ces premiers
contacts comme de la tentative de colonisation de J. F. de Roberval qui échoue
également, il ne reste guère qu’un trafic : le troc de la bimbeloterie contre des
fourrures que pratiquent les pêcheurs français de Terre-Neuve et qui enrichit les
ports de Normandie et de Bretagne. Des protestants sont à l’origine d’autres
initiatives : J. Ribault et Goulaine en Floride (ils sont écrasés par les Espagnols en
1565), Durand de Villegagnon au Brésil (il doit céder la place aux Portugais en
1559). Sur la route des épices, des navires français apparaissent dans l’Inde
devant Diu en 1522. Les frères Jean et Raoul Parmentier, qui naviguent pour le
compte de l’armateur dieppois Jean Ango, atteignent Sumatra où ils trouvent la
mort. Le traité des Capitulations (1536) accorde bien à François Ier des avantages
commerciaux dans le Levant. Mais peut-on parler de colonisation ? Si, par ailleurs,
l’amiral de Coligny évoque une « France antarctique », ne s’agit-il pas avant tout
d’y trouver un refuge pour les huguenots ?
À toute expansion coloniale, il faut des raisons internes. Elles n’existent guère
dans la France du XVIe siècle. Les guerres de religion affaiblissent l’État et
accaparent les énergies disponibles. Il se produit sans doute une certaine
évolution vers des structures capitalistes : le port du Havre est créé en 1537 et, par
Dieppe, on a commencé à entrer en contact avec les richesses des nouveaux
mondes. Toutefois, la population française est rurale à quatre-vingt-dix pour cent.
L’économie est pauvre, cloisonnée, écrasée sous les prélèvements seigneuriaux et
royaux et secouée par des crises de subsistance. Les habitudes de thésaurisation
persistent (et pour longtemps encore) dans la petite bourgeoisie des villes et des
campagnes. Le personnel des centres de spéculation, comme Lyon, est souvent
étranger. Les bourgeois enrichis abandonnent les métiers de la boutique ou de
l’atelier. Ils achètent des terres et, grâce à la vénalité des offices, accèdent à la
noblesse de fonction.