Le syndrome de Williams-Beuren

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KAUFFMANN Jennifer
DES MG
Semestre 1: 01/10 au 30/04
Le syndrome de Williams-Beuren
Melle. XX , 20 ans , consulte aux urgences pour malaise sans traumatisme crânien ni perte de
connaissance, de survenue brutale.
Dans ces antécédents : - Syndrome de Williams-Beuren, découvert à la naissance devant la
présence d'un souffle cardiaque pathologique. Sont associés à ce syndrome: une CIV stable et non
chirurgicale, sans retentissement sur la fonction cardiaque (suivie régulièrement, ETT récente
normale) ainsi qu'un retard mental et psychomoteur.
- Nombreux problèmes stomatologiques avec gingivite chronique, caries
et troubles de l'implantation.
Pas de traitement en cours. Pas d'allergie connue. Pas de consommation tabagique.
La patiente vit au domicile avec sa famille,par ailleurs très présente, intégration socio-éducative
par un IME la journée. Elle bénéficie d'une tutelle.
Histoire de la maladie : Melle.XX a présenté à la sortie de la piscine ce jour, un épisode de
lipothymie sans chute, de survenue brutale, associée à des frissons, sans prodrome apparent
notamment absence de douleur thoracique ou de palpitation. A la reprise de l'interrogatoire, nous
apprenons que la patiente présente depuis plusieurs semaines une toux chronique, sèche, irritative
qui a été traité de façon empirique et consécutive par plusieurs antibiotiques, sans amélioration. Elle
présente également depuis 2 jours, une fièvre aux alentours de 39°, objectivée au domicile.
Lorsque je l'examine, la patiente est hémodynamique-ment stable, tachycarde, fébrile à 39,2°
avec frissons, TA 120/60. Elle pèse 34 kg pour 1m38 (IMC=17,8) . L'examen clinique retrouve un
souffle systolique en rayon de roue irradiant en axillaire gauche et dans les carotides,estimé à 3/6
(en rapport avec sa CIV) et ne montre pas de foyer infectieux évident. On note tout de même une
mauvaise hygiène bucco-dentaire, avec nombreuses caries et amalgames ainsi qu'une rhinite claire
bilatérale. Par ailleurs Melle.XX se montre intimidée et très anxieuse et ne quitte pas sa mère qui
l'accompagne.
Le bilan para clinique initial, réalisé aux urgences, montre :
– l'absence de foyer radiologique et l'absence de cardiomégalie à la radio de thorax.
– Une tachycardie sinusale à 142 ainsi qu'une hypertrophie ventriculaire gauche systolique
à l'ECG.
– BU négative.
– Un syndrome inflammatoire biologique minime avec une CRP à 14 ainsi qu'une
élévation importante des pro-BNP à plus de 1500. Reste du bilan biologique sans
particularité, notamment troponine et myoglobine normales.
Devant ce terrain pathologique spécifique, je décide donc de me documenter sur ce syndrome,
afin d'orienter au mieux ma conduite diagnostique et thérapeutique.
Le syndrome de Williams-Beuren est une maladie génétique rare (prévalence entre 1/7500 et
1/20000 ) de découverte récente (1961), associant une dysmorphie faciale caractéristique, un retard
psycho moteur, des troubles cognitifs et des anomalies cardio-vasculaires représentants le facteur
pronostic majeur de cette maladie.
Sur le plan génétique, l'anomalie impliquée dans ce syndrome est une micro délétion sur un des
chromosome 7, concernant 28 gènes. Cette anomalie est présente dans 95% des cas. Elle survient
toujours de novo, d'où le caractère sporadique de cette affection. Le syndrome de Williams-Beuren
est dit « syndrome des gènes contigus » c'est à dire que le tableau clinique résulte de l'implication
de plusieurs gènes, chacun pouvant être en partie responsable d'une partie du phénotype.
L'un des gènes délété est celui de l'élastine. L'élastine est l' un des composant essentiel de la
matrice extra-cellulaire, elle joue un rôle dans le développement de la paroi artérielle en régulant la
prolifération des cellules musculaires lisses vasculaires. Son absence entraine une prolifération
excessive des cellules, et conduit à une maladie vasculaire de type obstructive.
La micro délétion n'est pas visible sur un caryotype mais elle est facilement mise en évidence par
des techniques d'hybridation (FISH).
Sur le plan clinique, le syndrome de Williams-Beuren, comporte plusieurs traits phénotypiques
caractéristiques:
• Une dysmorphie faciale dite « visage d'elfe ». Pointe du nez bulleuse et racine aplatie,
bouche large avec lèvre inférieure éversée, oedeme péri-orbitaire, joues pleines et
épicanthus.
• Une atteinte cardio-vasculaire, facteur pronostic prédominant. Sur le plan cardiaque,
l'atteinte la plus fréquente est une sténose supra-valvulaire des gros troncs artériels
(aorte et branches pulmonaires), présente dans plus de 75% des cas. Les anomalies
valvulaires et défauts septaux sont plus rares. L'atteinte aortique peut être plus diffuse,
avec des sténoses des branches collatérales de l'aorte. La cardiopathie de Melle. XX
n'est donc pas typique, même si une très légère SASV est décrite sur l'ETT. Le
diagnostic de ce syndrome est très souvent réalisé devant la découverte d'un souffle
pathologique chez le nourrisson. Sur le plan vasculaire, l'absence d'élastine entraine un
épaississement de la média et évolue vers une occlusion de la lumière artérielle. Cette
anomalie est retrouvée chez ma patiente qui présente un épaississement significatif des
parois des carotides communes au doppler.
• Un retard psychomoteur hétérogène comprenant un retard des acquisitions motrices (13
mois pour station assisse et 28 pour la marche), un retard d'apprentissage du langage, et
des capacités visuo-spatiales déficitaires. Pourtant le langage et la lecture sont
préservés a l'age adulte, contrastant avec un QI de performance relativement bas et un
QI total à 55 en moyenne. Un retard staturo-pondéral sans retard pubertaire est
également présent.
• Un profil cognitif et psychologique spécifique. Les enfants atteints du syndrome de
Williams-Beuren ont un comportement amical et attentif envers les autres les rendant
hypersociables. Ils ont souvent des difficultés pour interagir avec les enfants de leurs
ages et préfèrent la protection des adultes avec lesquels ils sont très liants. Sur le plan
psychologique, les sujets présentent fréquemment des troubles anxio-depressifs voir
des troubles obsessionnels.
D'autres manifestations sont fréquentes: hypercalcémie idiopathique, intolérance glucidique,
anomalies bucco-dentaires ( nous pouvons donc rattacher les troubles stomatologiques de la patiente
au syndrome), strabisme, troubles digestifs de la petite enfance...
La prise en charge de cette pathologie doit être globale et pluridisciplinaire.
Les sujets atteints doivent bénéficier d'un suivi cardiologique par une équipe spécialisée afin de
prévenir des complications cardio-vasculaires qui sont déterminantes dans l'évolution de la maladie.
En effet, les malades ont un risque élevé de développer une HTA (50% des cas), une insuffisance
cardiaque ou encore un accident ischémique (cérébral ou coronaire). Ainsi il devra être réalisé de
façon régulière, des échographies cardiaques et vasculaires, de même que la prise de la tension
artérielle. La seule stratégie thérapeutique disponible est de nature chirurgicale: aortoplastie,
endartériectomie.
Une surveillance systématique de l'état bucco-dentaire doit être effectué au minimum deux fois
par an chez ces patients porteurs de cardiopathie, et des mesures prophylactiques doivent etre
entreprises avant tout gestes ORL. En effet, le syndrome de Williams-Beuren de part ses anomalies
cardio-vasculaires et dentaires, est à fort risque d'endocardite ( Groupe B des cardiopathies à risque
d'endocardite infectieuse, conférence de consensus de 1992).
La prise en charge psycho-socio-éducative est importante. Elle doit être précoce et faire
intervenir plusieurs acteurs de façon coordonnée. Un bilan initial complet avec tests
psychométriques et évaluation neuro-psychologique, permettra au mieux d'orienter l'enfant vers des
structures qui lui seront adaptées. MDPH, CAMSP, IME, IMP sont des organismes permettants une
intégration éducative et sociale optimale.
Au vue de ces éléments nouveaux et devant le tableau clinique, je décide donc de réaliser en
urgence, une ETT + ETO pour suspicion d'endocardite infectieuse à porte d'entrée bucco-dentaire.
Ces examens révèlent:
• CIV musculaire restrictive sans retentissement hémodynamique
• FEVG 52%, VG non hypertrophié non dilaté
• Hypoplasie de l'aorte ascendante et horizontale sans sténose
• Valve mitrale dysplasique avec fuite mitrale sur prolapsus, image de végétation de 5mm sur
la commissure postérieure.
Par ailleurs, 2 hémocultures réalisées aux urgences, reviennent positives avec cocci gram + en
chainettes.
Selon les critères de la classification de la Duke University, Melle. XX présente donc les 2
critères majeurs (micro-organisme typique d'une endocardite isolé dans au moins 2 hémocultures et
echographie montrant des lésions caractéristiques d'endocardite) ainsi que 2 critères mineurs
(fièvre> 38° et cardiopathie à risque). L'endocardite infectieuse est donc certaine.
Melle. XX présente donc une endocardite infectieuse à Streptocoque sur valves natives, avec porte
d'entrée bucco-dentaire probable.
J'ai donc débuté une bi-antibiothérapie IV, active sur le streptocoque, associant pénicilline A et
aminosides ( amoxicilline et gemtamycine) . Cette association sera à poursuivre pendant au moins 6
semaines selon les recommandations. Il faudra également traiter la porte d'entrée, et instaurer une
meilleure prise en charge odontologique par la suite, notamment en sensibilisant la patiente et la
famille à la nécessité d'une hygiène bucco-dentaire rigoureuse.
La patiente nécessitant une surveillance accrue compte tenue de ses antécédents, a été transféré en
service de cardiologie pour suite de la prise en charge.
Références:
- Williams–Beuren syndrome: A multidisciplinary approach
A. Lacroix, M. Pezet, A. Capel, D. Bonnet, M. Hennequin, M.-P. Jacob, G. Bricca, D. Couet, G.
Faury, J. Bernicot, B. Gilbert-Dussardier.
- Gilbert-Dussardier B. Le syndrome de Williams-Beuren. Encyclopédie Orphanet. Décembre 2006.
- www.williams-france.org/
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