Vascularisation médullaire

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UNIVERSITE DE NANTES
FACULTE DE MEDECINE
MASTER I SCIENCES BIOLOGIQUES ET MEDICALES
UNITE D’ENSEIGNEMENT OPTIONNEL
MEMOIRE REALISE dans le cadre du CERTIFICAT d’ANATOMIE,
d’IMAGERIE et de MORPHOGENESE
2009-2010
UNIVERSITE DE NANTES
Vascularisation médullaire :
description topographique et rapports des artères
radiculo-médullaires
Par
LUCAS Caroline
LABORATOIRE D’ANATOMIE DE LA FACULTE DE MEDECINE DE NANTES
Président du jury :
Pr. R. ROBERT
Vice-Président :
Pr. J.M. ROGEZ
Enseignants :
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Pr. O. ARMSTRONG
Pr. O. BARON
Pr. G. BERRUT
Pr. C. BEAUVILLAIN
Pr. D. CROCHET
Dr. H. DESAL
Pr. B. DUPAS
Dr E. FRAMPAS
Dr A. HAMEL
Dr O. HAMEL
Pr. Y. HELOURY
Pr A. KERSAINT-GILLY
Pr. J. LE BORGNE
Dr M.D. LECLAIR
Pr. P.A. LEHUR
Pr. O. RODAT
Laboratoire :
S. LAGIER et Y. BLIN - Collaboration Technique
REMERCIEMENTS
Je tiens à remercier toutes les personnes qui, par leur contribution active ou leur
soutien, m’ont permis d’écrire ce mémoire :
À mes parents,
qui m’ont donner le goût de la médecine.
Au Docteur François Luyckx,
qui m’a orienté vers ce sujet.
Au Professeur Robert,
qui m’a écouté et guidé dans mon travail.
À Stéphane Lagier et Yvan Blin,
pour leur disponibilité, leurs conseils et leur humour.
Au Professeur Benoît Dupas
À mes camarades de master,
pour leur soutien et leur bonne humeur.
SOMMAIRE
Vascularisation médullaire : ........................................................................................ 1
description topographique et rapports des artères radiculo-médullaires...................... 1
SOMMAIRE................................................................................................................... 4
INTRODUCTION.......................................................................................................... 5
RAPPELS ANATOMIQUES ........................................................................................ 6
MATÉRIELS ET MÉTHODES..................................................................................... 14
RÉSULTATS............................................................................................................... 17
DISCUSSION.............................................................................................................. 30
INTRODUCTION
La moelle épinière s’étend, dans le canal rachidien, du trou occipital ,à la 2 ème
vertèbre lombaire. Elle est constituée schématiquement par une série de segments
superposés appelés myélomères : 8 cervicaux, 12 thoraciques, 5 lombaires, 5 sacrés
et 1 coccygien.
Si la vascularisation artérielle des enveloppes osseuses et musculaires de la moelle
est riche, puisqu'elle provient de multiples artères métamériques, il en est
différemment pour les voies d'apport artérielles de la moelle qui sont assez
précaires : en effet, l'ensemble du cordon médullaire n'est alimenté que par 6 ou 8
artères radiculo-médullaires antérieures (destinées à 1 axe spinal antérieur) et une
vingtaine d'artères radiculo-médullaires postérieures.(destinées aux axes spinaux
postéro-latéraux). [1]
La prévention de l’ischémie médullaire est un enjeu clinique important face aux
nombreuses lésions iatrogènes entraînées par des gestes chirurgicaux :
décompression d’une racine [10], infiltrations épidurales [11] ou lombo-sciatiques
[9], chirurgie d’anévrisme de l’aorte thoracique et abdominale [12].
La grande variabilité de distribution des afférences médullaires augmente ce risque.
Néanmoins la connaissance des rapports anatomiques de ces artères radiculaires
dans les foramen intervertébraux et l’utilisation de l’angiographie pour déterminer les
niveaux où elles rejoignent effectivement les artères spinales peuvent contribuer à la
localisation des étages critiques.
J’essaierai par cette étude de décrire le trajet intraforaminal des artères radiculaires,
leur rapport avec la racine, et j’essaierai de rechercher les réseaux de suppléances
pouvant diminuer les risques de complication dans la pathologie ischémique.
RAPPELS ANATOMIQUES
Historique
Jusqu’à la fin du XIXe siècle, la vascularisation de la moelle étaient considérée
comme purement segmentaire par les anatomistes qui voyaient pénétrer une artère
radiculaire dans chaque foramen intervertébral.
Ils admettaient que les troncs longitudinaux antérieur et postérieurs prenant
naissance à partir des artères vertébrales, parcouraient la moelle sur toute sa
hauteur donnant au niveau de chaque foramen intervertébral, des branches
horizontales qui suivaient les racines et s’anastomosaient avec des rameaux artériels
issus des artères cervicales, intercostales, thoraciques, lombaires, sacrées.
En 1882, Adamkiewicz démontre le premier que la vascularisation médullaire n’est
pas segmentaire mais dépend des artères spinales étagées. Il met en évidence que
les troncs longitudinaux, considérés alors comme primordiaux ne s’étendent pas audessous de C5. Il apporte aussi la preuve que les artères radiculaires ne sont pas
uniformes ; il individualise notamment la grosse artère du renflement lombaire qui
porte son nom.
Kadyi, en 1889, confirme ces constatations et démontre que les artères vascularisant
la moelle sont bien moins nombreuses que celles qui accompagnent les nerfs
rachidiens dans les foramen intervertébraux.
À la même époque, Hiss et Sterzy (1889) montrent que la vascularisation
métamérique n’existe que dans les premiers stades de l’embryologie humaine. [3]
Lazorthes et coll. surtout, et Corbin reconsidèrent l’anatomie artérielle médullaire à
partir de nouveaux procédés d’injection vasculaire, et proposent une systématisation
topographique des vaisseaux. [4] [5]
L’utilisation de l’angiographie médullaire (Djindjian 1970 [6] ; Di Chiro 1973 ;
Lasjaunias 1990. [7]) fut déterminante fut déterminante pour la compréhension de la
vascularisation, de la physiologie de la circulation médullaire et de la
physiopathologie de certains types d’ischémie médullaire.
Organogénèse
Durant la période embryologique initiale, la vascularisation médullaire purement
segmentaire est assurée par deux grands systèmes vasculaires :
- un système antérieur, le plus ancien, formé par deux troncs spinaux antérolatéraux, qui fournit la vascularisation des deux tiers antérieur de la moelle.
- Un système postérieur, d’apparition plus tardive, qui recouvre la surface
postéro-latéral, de quatre troncs pairs et symétriques.
Ces systèmes longitudinaux, étendus sur toute la longueur de la moelle,
représentent de véritables chaînes qui anastomosent les artères radiculaires qui leur
ont donné naissance.
L’apparition de ce réseau longitudinal va permettre l’annulation de la disposition
embryologique initiale métamérique.
Les troncs primaires sont réunis par de nombreuses anastomoses transversales qui
établissent partout de multiples communications entre les artères de la face
antérieure et celles de la face postérieure. Ainsi est formée une véritable couronne
artérielle péri-médullaire. De-là naissent les artères intra-médullaires irriguant la
substance blanche en périphérie et la substance grise centrale.
Durant la période anténatale comprise entre la sixième semaine de la vie
embryonnaire et la fin du quatrième mois, la vascularisation artérielle de la moelle
subit de profondes transformations :
- la formation d’un tronc spinal antérieur unique discontinu
- la réduction du nombre des artères radiculaires.
Ainsi, à la fin du quatrième mois de la vie intra-utérine, la vascularisation artérielle de
la moelle est identique à celle qui et rencontrée chez l’adulte.
On appelle ce phénomène la désegmentation artérielle de la moelle.
Les artères restantes n’ont pas toutes le même calibre ni la même valeur
fonctionnelle. Le plus grand nombre d’entre elles n’atteint pas, en réalité, la moelle.
Lorsqu’une artère radiculo-médullaire persiste, le rameau radiculaire dorsal ou
ventral peut également manquer.
Artère spinale ventrale
Artère radiculo-médullaire
Artère sulco-commisurale
Artère radiaire
Réseau pie-mérien
Rameau radiculaire
dorsal
Ligament dentelé
Rameau radiculaire
ventral
Artères spinales dorsales
Ht
Dt
Figure 1. Vascularisation artérielle de la moelle spinale sur une vue dorsale [13]
Vascularisation artérielle de la moelle
L’axe artériel antérieur constitué par l’artère spinale antérieure est discontinu. Il est
classique de considérer qu’il ne subsiste que quelques artères principales
responsables de la vascularisation des trois segments de la moelle.
Artères spinale ventrale
Artère radiculaire du renflement cervical
Artère radiculaire thoracique
Artère radiculaire du renflement lombaire (Adamkiewicz)
Cercle anastomotique du cône terminal
Figure 2. Vascularisation artérielle schématique de la moelle spinale sur
une vue ventrale [13]
REGION CERVICALE :
Au niveau de la moelle cervicale, il existe 2 ou 3 artères de l’intumescence cervicale,
issues des artères cervicales, branches ascendantes des artères sous-clavières
droite et gauche : artère thyroïdienne inférieure, cervicale ascendante, vertébrale et
cervicale profonde.
C'est au niveau cervical que l'axe spinal antérieur reçoit le plus d'afférences
artérielles.
-
dans la région cervicale haute (C1 à C3) il n'existe habituellement pas d'artère
radiculo-médullaire antérieure et les afférences à l'axe spinal antérieur
proviennent de la réunion de 2 artères spinales naissant de la terminaison de
chaque artère vertébrale.
-
au niveau cervical moyen et bas, l'axe spinal antérieur est alimenté par 2 à 4
artères radiculo-médullaires antérieures naissant indifféremment à droite ou à
gauche de l’artère vertébrale ou de l'artère cervicale profonde
exceptionnellement de l'artère cervicale ascendante ou directement de l'artère
sous-clavière. Le plus souvent, il existe 2 artères radiculo-médullaires
principales, l'une naissant de l'artère vertébrale en regard du foramen
intervertébral C5-C6 ou C4-C5 et une artère, dite artère du renflement
cervical, naissant de l'artère cervicale profonde et pénétrant dans le canal
rachidien par le foramen intervertébral C7-T1. Cette artère assure la
vascularisation du renflement cervical (C3-T2) mais peut être remplacée par
une artère radiculo-médullaire issue de l'artère vertébrale et satellite de la 6 ème
racine cervicale. Les axes spinaux postérieurs sont grêles et sont alimentés
par 4 à 6 artères radiculo-médullaires postérieures très fines naissant de
l'artère vertébrale entre C3 et C6. À ce niveau, les possibilités de suppléance
en cas d'occlusion d'une des artères radiculo-médullaires sont le plus souvent
bonnes, ce dont témoigne la rareté des accidents médullaires observés lors
des occlusions athéromateuses ou thérapeutiques de l'artère vertébrale.
Artère vertébrale
Artère cervicale profonde
Artère cervicale antérieure
Artère thyroidienne inférieure
Tronc thyro bicervico thoracique
Artère carotide commune Dt
Artère sub-clavière Dt
Figure 3. Origine de la vascularisation artérielle de la moelle cervicale en vue latérale
droite [8]
RÉGION THORACIQUE ET LOMBAIRE
La vascularisation du rachis et de la moelle est assurée par les artères intercostales
et lombaires issues par paires de la face dorsale de l'aorte.
a) VASCULARISATION DU RACHIS :
Sur le plan vasculaire, les vertèbres sont également constituées de deux parties
distinctes : le corps vertébral et l'arc postérieur.
- VASCULARISATION DU CORPS VERTEBRAL :
Elle est alimentée par deux groupes artériels. Le groupe antérieur formé de multiples
petites branches périostiques issues du tronc de l'artère intercostale qui vont
vasculariser la portion périphérique des faces antérieure et latérale du corps
vertébral.
Le groupe postérieur alimentant la plus grande partie de la vascularisation du corps
vertébral provient de la branche antérieure du canal rachidien (artère rétrocorporéale), par l'intermédiaire de 2 rameaux perforants pénétrant dans le corps
vertébral par son hile vasculaire dont les branches vascularisent la face postérieure
du corps vertébral, et la plus grande partie de la zone centro-corporéale.
- VASCULARISATION COSTO-VERTEBRALE :
Elle est alimentée par des rameaux provenant de la branche antérieure de l'artère
inter-costale et de rameaux provenant de l'artère dorso-spinale durant son trajet dans
la gouttière para-vertébrale.
-VASCULARISATION DE L'ARC POSTERIEURE :
Il reçoit également un apport double intra-canalaire par des branches situées dans
l'espace épidural postérieur (artère pré-mammaire) issues de la branche intracanalaire postérieure de l'artère dorso-spinale.
Il reçoit également des afférences extra-rachidiennes périostées provenant du
rameau interne de division de la terminaison de l'artère dorso-spinale.
Aorte descendante
Artère intercostale Dt
Chaîne sympathique thoracique
Branche dorso-spinale
Rameau vertébro-médullaire
Rameau dorsal musculo-cutané
Figure 4. Origine des artères radiculaires de la région thoracique sur une coupe
transversale [8]
b) VASCULARISATION DE LA MOELLE :
Si la disposition de la vascularisation du rachis est identique sur l'ensemble du rachis
dorsal et lombaire, il en est différemment de la vascularisation de la moelle. Il faut
distinguer à la suite de Lazorthes, deux territoires distincts dorsal supérieur et moyen
et dorso-lombaire.
- THORACIQUE SUPERIEURE ET MOYEN (T3 À T7) :
Ce territoire se caractérise par la pauvreté de sa vascularisation et donc sa plus
grande fragilité.
Dans toute cette région, il n'existe qu'une seule artère radiculo-médullaire antérieure.
Elle naît habituellement de la branche postérieure dorso-spinale de la 4 ème ou 5ème
artère intercostale, plus souvent à gauche (80 % des cas) qu'à droite.
Les artères radiculo-médullaires postérieures sont de même peu développées et en
nombre variable, de 4 à 9. Elles naissent de la branche dorso-spinale de l'artère
intercostale, après le croisement de Ia racine nerveuse, longent sa face postérieure,
puis traversent la dure-mère et se dirigent en haut et en dedans jusqu'au sillon
collatéral postérieur où elles rejoignent l'axe spinal postérieur. Il faut signaler
l'existence très fréquente d'un tronc commun d'origine de la 4 ème ou 5ème artère
intercostale droite et de l'artère bronchique du lobe inférieur droit. Dans certains cas,
ce tronc peut fournir l'artère radiculo-médullaire antérieure du segment dorsal et cette
disposition anatomique est certainement responsable des complications
neurologiques qui ont pu être observées lors de l’embolisation des artères
bronchiques. Enfin, parmi les variations anatomiques, il faut signaler la possibilité de
vascularisation partielle ou complète du territoire dorsal supérieur par des branches
de l'artère sous-clavière.
- TERRITOIRE THORACO-LOMBAIRE :
À ce niveau, la vascularisation vertébro-médullaire présente la même disposition
qu'au niveau dorsal supérieur, les artères intercostales et lombaires sont souvent
plus volumineuses et leurs anastomoses plus développées, notamment au niveau
lombaire.
L'axe spinal antérieur reçoit le plus souvent une afférence unique, l'artère
d'Adamkiewicz, volumineuse, qui assure la majeure partie de la vascularisation de la
moelle dorsale basse et du renflement lombaire. Son origine est située, dans 70%
des cas, du côté gauche et se fait entre T9 et L2 dans 85 % des cas.
Lorsque son origine est bas située, au-dessous de T12, il existe souvent une artère
radiculo-médullaire antérieure thoracique naissant de la 7 ème ou 8ème artère
intercostale.
Les artères radiculo-médullaires postérieures (spinales postérieures) sont bien
développées à ce niveau, et on en dénombre habituellement de 4 à 8. Deux d'entre
elles, plus développées, sont constantes : il s'agit des artères spinales postérieure du
cône. Elles naissent habituellement entre T12 et L3 et s'anastomosent avec la
terminaison de l'artère d'Adamkiewicz pour former l'anse anastomotique du cône.
Enfin, il faut signaler la présence d'artères radiculaires très grêles, satellites des
racines lombaires, et qui pourraient assurer un rôle de suppléance pour la
vascularisation du cône terminal en cas d'occlusion de l'artère d'Adamkiewicz.
Rapports
Les veines
Les veines et plexus veineux font communiquer le réseau intrarachidien et le réseau
extrarachidien. Ces plexus sont très développés : il existe dans le canal rachidien de
chaque côté de la ligne médiane deux voies verticales, les plexus longitudinaux
antérieur et postérieur, et des voies horizontales au niveau de chaque vertèbre, ce s
ont les plexus transverses antérieurs et postérieurs, unissant les plexus longitudinau
x du même nom. Leur congestion exerce vraisemblablement une influence sur le
ganglion et le nerf rachidien qu’ils enveloppent étroitement.
Les lymphatiques
Les descriptions du système lymphatique sont pauvres. L’espace épidural
contiendrait un certain nombre de ramifications lymphatiques qui se divisent dans
des manchons vasculaires autour des artères spinales. Ces réseaux lymphatiques
viennent ensuite se jeter dans les ganglions paravertébraux.
Les racines nerveuses
Les racines nerveuses des 31 nerfs rachidiens ont une obliquité d’autant plus grande
qu’elles sont plus bas situées. Les cervicales sont horizontales, les dorsales et les
lombaires sont obliques, les sacrées sont presque verticales et groupés autour du
filum terminal. Elles sont constituées d’une racine antérieure et d’une racine
postérieure et émettent deux rameux :
un rameau communicant gris rejoint le ganglion correspondant de la chaîne
sympathique,
le petit nerf sinusvertébral de Luschka qui pénètrent dans le canal vertébral par le
foramen intervertébral où il est placé en avant des racines des nerfs spinaux.
(ROUVIERE H. et al., 2002)
Les enveloppes méningées (cf. Figure 1)
L’espace mort est comblé par les méninges ainsi que par le tissu graisseux et les
plexus veineux péri-méningés ou épiduraux. On décrit 3 enveloppes méningées :
- la dure-mère, enveloppe superficielle, résistante et fibreuse qui joue un rôle de
protection. Elle émet des gaines qui enveloppent isolément chaque racine des
nerfs spinaux. Ces gaines accompagnent les racines jusqu’au foramen intervertébral (trou de conjugaison) où elles se continuent avec le périoste.
- L’arachnoïde, enveloppe moyenne, est une méninge molle, conjonctive,
séreuse, représentant une sorte de filet appliqué contre la face profonde de la
dure-mère.
- La pie-mère, enveloppe profonde, est une méninge vasculaire poreuse qui
épouse intimement les tissus nerveux comme une sorte de vernis.
L’espace sub-arachnoïdien est contenu entre arachnoïde et pie-mère. Il contient le
liquide cérébro-spinal.
En arrière, la surface extérieure de la dure-mère est séparée par un espace en forme
de croissant à la coupe : l’espace épidural. Il est rempli par les plexus veineux et de
la graisse. C’est dans cet espace que peuvent être injectées des substance
anesthésiques.
MATÉRIELS ET MÉTHODES
1. Sujets
L’étude a porté sur 3 sujets anatomiques de sexe masculin âgés de 86 ans.
Pour réaliser ce travail 2 méthodes ont été utilisées :
a) dissection classique sur 1 sujet formolé. Par voie d’abord ventrale, dissection
du système artériel prévertébral et radiculo-médullaire (et du système veineux
azygos).
b) Injections de matière plastique sur 2 sujets frais. Une double étude
radiologique/scannographique et par dissection afin de déterminer la
topographie vasculaire des artères radiculo-médullaires et leurs rapports à
leur entrée dans le foramen intervertébral. Voie d’abord ventrale et dorsale.
2. Instruments
-
ciseaux courbes à bouts ronds
ciseaux droits à bouts pointus
pince à disséquer mousse
pince à disséquer griffe
porte lame n°4
lame n°23
scie
costotome
pince Gouge
rugine
ciseau à frapper
maillet
Pour les injections :
- petit cathéter souple
- seringue
- latex néoprène rouge (sujet n°2)
- gélatine colorée au rouge de méthyle (sujet n°3)
- produit radio-opaque (sujet n°2), scanno-opaque (sujet n°3)
- acide acétique dilué 50%
3. Méthodes
a) Protocole de dissection :
-
Sujet n°1 et n°2, voie d’abord ventrale.
Le sujet est placé en décubitus dorsal.
A/ Incision + cléidotomie + costotomie + éviscération pour un prélèvement des parois
thoracique et abdominale postérieures de C8 à L5. On veille à réséquer proprement
plèvre et péritoine pariétaux de façon à mettre à jour le gril costal et la face
antérieure de la paroi postérieure de l’abdomen.
B/ On ne conserve que l’axe vasculaire aortique à l’origine des artères intercostales
et lombaires. La vascularisation veineuse est réséquée, notamment la veine cave et
le système azygos qui gênent la visualisation du trajet des artères pariétales.
C/ Après résection de l’aorte en sectionnant les artères segmentaires à leur
naissance, on suit le trajet des artères intercostales dans les espace intercostal et
des artères lombaires dans la paroi du psoas.
D/ Résection du psoas + nettoyage des vertèbres (rugine).
E/ On rogne les corps vertébraux et les articulations costo-vertébrales afin de mettre
en évidence les artères radiculaires et leur trajet intraforaminal (ciseau à frapper +
pince gouge).
F/ Dissection de chaque foramen, ouverture du sac dural.
G/ Repérage des artères radicullo-médullaires antérieures.
H/ Prélèvement de la moelle.
-
Sujet n°3, voie d’abord dorsale.
Le sujet est placé en décubitus ventral.
Incision et résection des muscles para-vertébraux de C8 à L5. Réalisation d’une
laminectomie élargie pour mettre en évidence les artères radiculaires et plus
particulièrement pour repérer les artères radiculo-médullaires.
Prélèvement de la moelle.
b) Protocole d’injection :
-
Sujet n°2 et 3.
Après prélèvement des parois thoracique et abdominale postérieures, le sujet est
placé en décubitus dorsal.
Un cathéter est placé dans chacune des artères intercostales (8x2) et lombaires
(4x2) à leur naissance de l’aorte.
Injection et clampage des intercostales et des lombaires une par une. On peut déjà
constater l’existence d’anastomoses entre les vaisseaux pariétaux car l’injection au
niveau de l’origine d’une artère peut nous amener à clamper deux artères au niveau
de la paroi postérieure.
Les injections réalisées sont pour la première de produit radio-opaque et pour la
seconde d’un produit visible au scanner.
RÉSULTATS
Le but de ces dissections était de préciser le trajet des artères radiculaires,
notamment lorsque celles-ci rejoignent effectivement les artères spinales (artères
radiculo-médullaires). On a choisi de se limiter au rachis thoracique et lombaire haut
car la dissection de chaque étage prend du temps et le nombre de racines ainsi
disséquées a permis de comparer les dispositions d’un étage à l’autre et de conclure
sur la topographie artérielle.
On a également recherché des réseaux de suppléance à différents niveaux : artères
intercostal, rameaux dorsaux musculo-cutanés, rameaux vertébro-médullaires.
Les images radiographiques n’ont pas été concluantes en raison de l’opacité
rachidienne qui ne permet pas malgré le produit de contraste, de visualiser les
artères radiculaires. Néanmoins on a pu constater des anastomoses entre les artères
intercostales.
Les coupes scannographiques réalisées en vue d’une reconstruction d’un pédicule
vasculo-nerveux dans un des trous de conjugaison ont été réalisées en conséquence
avec une finesse de 1.5mm. Seule la séquence des coupes de 5mm d’épaisseur a
été enregistrée au final rendant toute reconstruction impossible. Par manque de
temps, je n’ai pu réaliser une autre injection (24 cathéters au total) et je ne pouvais
réutiliser la pièce injectée à cet effet car je l’avais disséquée entre-temps si bien que
les rapports anatomiques n’avaient pas été conservés.
Latéralisation observées des artères radiculo-médullaires :
- pour l’artère spinale ventrale,
gauche
droite
- pour l’artère spinale postérieure, gauche
droite
Th1 et Th8,
Th11.
Th1, Th4, Th6, Th7, Th10 et L1,
Th1, Th4, Th6, Th8, Th11 et L2.
Ces résultats concordent avec les observations déjà faites. Les artères radiculomédullaires antérieures sont moins nombreuses. Cela explique que leur atteinte ait
des conséquences plus graves qu’une lésion d’une artère radiculo-médullaire
postérieure.
a) Pièce formolée non injectée
Cette dissection met difficilement en évidence la vascularisation artérielle pour des
petits calibres comme les artères radiculaires. Néanmoins on en visualise certaines
de calibre plus important, qui se révèlent rejoindre l’artère spinale ventrale en intradural. Nous suivons donc leur trajet depuis la bifurcation des intercostales jusqu’au
fourreau dural.
Pour décrire plus précisément ces artères il s’avère ensuite indispensable de les
injecter.
ventral
Aorte
caudal
Veine hémi azygos
Th 6
Artère intercostale
Rameau pour la chaîne
sympathique
Nerf intercostal
Figure 6. Pédicule intercostal en vue latérale droite (T5-T6) à son entrée dans
le foramen intervertébral
Chaque étage est reproductible avec la même organisation du pédicule vasculo-nerveux.
L’artère intercostale émet sa branche dorso-spinale en regard du foramen.
Ventral / droite
crânial
Dure-mère
Artère radiculaire antérieure
Racine nerveuse T9
Foramen intervertébral
Artère intercostale
Figure 7. Pédicule spinal en vue latérale gauche (T9-T10) dans le foramen
intervertébral (on a réséqué le corps vertébral)
On identifie une artère radiculaire de calibre plus important à ce niveau (Adamkiewicz).
On remarque son trajet ventral et crânial par rapport à la racine.
b) Pièces formolées injectées
Branche dorso-spinale
crânial
Foramen intervertébral
Nerf intercostal
gauche
Artère intercostale
Figure 8. Bifurcation de l’artère intercostale en regard du foramen
intervertébral en vue ventrale (T6-T7)
De haut en bas : la veine, l’artère, la racine.
Ligament costo-vertébral
crânial
droite
Artère radiculaire postérieure
Branche musculo-cutané
Dure-mère
Ganglion rachidien
Branche vertébro-médullaire
Nerf sinu-vertébral
Figure 9. Rameau dorso-spinal dans le foramen intervertébral en vue dorsale
(T6-T7)
L’artère radiculaire et le ganglion sont en contact étroit. L’artère radiculaire postérieure
chemine à la face ventrale de la racine puis supérieure du ganglion et enfin postérieure lors
de son entrée dans le fourreau dural.
ventral
caudal
Artère radiculo-médullaire postérieure
Dure-mère
Ligament dentelé
Ganglion rachidien
Figure 10. Artère radiculo-médullaire postérieure (T6)
L’artère radiculo-médullaire postérieure chemine crânialement par rapport à la racine
postérieure.
On remarque la richesse du réseau pie-mérien à la surface de la moelle.
caudal / ventral
gauche
Artère radiculo-médullaire postérieure
Dure-mère
Nerf sinu-vertébral
Ganglion rachidien
Ligament dentelé
Figure 11. Artère radiculo-médullaire postérieure en vue crânio-postérieure
après dissection de la partie crâniale du ganglion. (T6 Dt)
L’artère radiculo-médullaire postérieure chemine ventralement par rapport au ganglion puis
crânialement par rapport à la racine postérieure au moment de sa traversée du fourreau
dural.
Ici on a effectué une légère rotation du ganglion.
gauche
Artère intercostale
caudal
Nert intercostal
Veine intercostale
Branche musculocutanée
Artère radiculo-médullaire
antérieure
Ganglion rachidien
Dure-mère
Figure 12. Artère radiculo-médullaire antérieure en vue postérieure après
dissection de la partie crâniale du ganglion. (Th8 G)
L’artère radiculo-médullaire antérieure chemine le long du ganglion, traçant un sillon sur sa
face ventrale avant la traversée du fourreau dural.
Les deux têtes de flèches indiquent où nous avons coupé la racine.
gauche / dorsal
crânial
Ganglion rachidien
Artère radiculo-médullaire
postérieure (Th7 Dt)
Dure-mère
Artère radiculo-médullaire
antérieure
Figure 13. Trajet intra-dural de l’artère radiculo-médullaire antérieure en vue
latéro-postérieure. (Th8 G)
L’artère radiculo-médullaire antérieure chemine à la face antérieure de la racine antérieure
après sa traversée du fourreau dural.
gauche
caudal
Artère radiculo-médullaire
antérieure
Dure-mère
Figure 14. Artère radiculo-médullaire antérieure en vue antérieure. (Th8 G)
L’artère radiculo-médullaire antérieure chemine face ventrale du ganglion.
On remarque que les faces inférieures des racines et des ganglions ne portent aucune
artères radicullo-médullaire.
gauche
caudal
Artère radiculo-médullaire
postérieure
C8
Artère radiculo-médullaire
antérieure
Dure-mère
Figure 15. Artère radiculo-médullaire antérieure et postérieure en vue
antérieure (Th1 G)
L’artère intercostale donne une branche dorso-spinale qui abandonne des branches à
destinée musculo-cutanée et vertébrale, puis l’artère radiculaire chemine le long du
ganglion : face ventrale pour l’atrère radiculo-médullaire ventrale, face supérieure puis
dorsale pour l’artère radiculo-médullaire dorsale.
ventral
droite
Ganglion rachidien
Nerf sinu-vertébral
Artère radiculo-médullaire
antérieure
Artère radiculo-médullaire
postérieure
Figure 16. Artères radiculo-médullaires antérieure et postérieure en vue
crâniale (Th1 G)
Th3
ventral
crânial
Figure 17. Anastomoses entre les artères intercostales au niveau des
articulations costo-vertébrales. Vue latérale gauche.
droite
Dure-mère
caudal
Figure 18. Anastomoses au niveau des arcs postérieurs des vertèbres Th11Th12. Vue postérieure.
Plexus veineux
Trou de conjugaison
Th3
Réseau artériel anastomotique
Th4
gauche
caudal
Figure 19. Anostomoses des branches artérielles vertébrales. Vue antérieure.
Th10
gauche
crânial
Figure 20. Anastomoses des branches artérielles vertébrales. Vue postérieure.
Les anastomoses sont à la fois transversales et longitudinales.
DISCUSSION
Conclusions anatomiques :
Il est souvent écrit que la racine porte l’artère ce qui n’est pas entièrement faux. Mais
nous pouvons décrire plus précisément son trajet à l’issue de ce travail.
L’artère radiculaire naît de la branche dorso-spinale dans le foramen intervertébral à
la face ventrale de la racine spinale. Lorsque celle-ci à une destinée médullaire, soit
elle reste ventrale à la racine pour rejoindre l’artère spinale antérieure, soit elle
chemine à la face supérieure du ganglion rachidien pour accompagner la racine
postérieure sur sa face crâniale et rejoindre l’artère spinale postérieure.
L’axe spinal antérieur reçoit peu d’apports alors qu’il est responsable de la
vascularisation des deux tiers antérieurs de la moelle d’où les conséquences
catastrophiques lors de l’atteinte de l’une de ces rares artères radiculo-médullaires
antérieures.
Il existe néanmoins un riche réseau de suppléances extra-durales tout le long de la
moelle et des racines. Tout d’abord autour des articulations costo-vertébrales, les
anastomoses réalisent de véritables ponts au-dessus des têtes costales avec pour
origine la branche dorso-spinale ou intercostale/lombaire. Le même phénomène
s’observe entre les arcs postérieurs notamment au niveau de la charnière thoracolombaire avec des anastomose entre les branches musculo-cutanées. E intrarachidien également subsistent un véritable maillage sur les flancs vertébraux
anastomosant deux niveaux adjacents et deux niveaux controlatéraux.
La région du trou de conjugaison apparaît comme un véritable carrefour vasculaire
autour de l’élément central qu’est la racine et offrant de multiples voies de
suppléance. Il serait judicieux de déterminer des points d’élection pour réaliser des
ligatures maximisant les chances possibles de récupération.
Validité et portée des résultats :
En vue du petit nombre de rachis disséqués, on préfèrera rester prudent ; il faudrait
pour généraliser ces affirmations, le vérifier par d’autres dissections. Néanmoins cela
laisse penser que l’abord le moins risqué pour opérer sur la racine est la face
inférieure dépourvue d’artères radicullo-médullaire.
De plus, à partir du à l’aide de l’imagerie scanner, j’aurais souhaité reconstruire en
3D un foramen intervertébral pour visualiser les rapports entre les différents
éléments vasculo-nerveux utiles à la description et l’interprétation de coupes
sagittales ou autres en imagerie, notamment par imagerie magnétique. Ce serait une
démarche à renouveler.
Applications cliniques potentielles :
L’intérêt de l’étude de cette vascularisation artérielle réside dans sa pathologie
ischémique, dont les signes peuvent être régressifs du fait de l’importance des voies
de suppléance et des anastomoses.
Dans la grande majorité des cas, la pathologie ischémique frappe de façon exclusive
ou dominante le territoire artériel spinal antérieur et siège avec prédilection sur les
renflements cervico-thoracique et thoraco-lombaire. L’obstruction doit être
recherchée en amont sur l’aorte, les intercostales, les artères radiculaires.
La paraplégie est flasque, globale, sensitivo-motrice, d’évolution irréversible.
Pour prévenir les accidents il paraît nécessaire de détecter les niveaux critiques via
l’angiographie par résonnance magnétique (moins invasive que l’angiographie
médullaire sélective) et d’être prudent en abordant la racine que ce soit au cours
d’infiltrations ou d’une décompression dans la pathologie tumorale. La face inférieure
du ganglion et de la racine semble être d’abord moins risqué.
Figure 5. Représentation axiale schématique des différentes voies usuelles
d’injection cortisonée du rachi lombaire. [9]
Voie foraminale (4) : intimité possible entre l’aiguille d’injection et l’artère radiculo-médullaire.
Voies interépineuses (1), interlamaire (2) et articulaire postérieure (3) : l’aiguille d’injection a une
direction perpendiculaire à celle de l’artère radiculo médullaire ce qui rend un cathétérisme
accidentel de l’artère moins vraisemblable que dans la voie foraminale.
BIBLIOGRAPHIE
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[13] BAQUÉ P., Manuel Pratique d’anatomie, Ellipses p.64.
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