DOI : 10.1684/med.2014.1171
CONCEPTS ET OUTILS
Rémy Boussageon1
Jean-Jacques
Aulas2
1Médecin généraliste,
Saint Martin de Sanzay
2Psychiatre
et pharmacologue
au CHS du Vinatier
à Lyon
Mots clés : effet
placebo ; placebo
Concepts
Ce dernier article conclut la série commencée en novembre 2012. Il s’intéresse aux
théories explicatives de l’effet placebo, c’est-à-dire de l’effet produit par un placebo.
Fabrizio Benedetti distingue, d’une part, les mécanismes cognitifs conscients
(conscious mechanisms) regroupant les attentes (expectancy) mais aussi les croyan-
ces (belief) ou l’espoir de soulagement (hope) et, d’autre part, les mécanismes neuro-
physiologiques inconscients (unconscious mechanisms) représentés principalement
par les effets du conditionnement [1].
Abstract: Placebo and placebo effect (6). Explanatory mechanisms of the placebo effect
Taking a placebo in a context of care usually creates an expectation of relief or cure, explained by a change of
conscious or unconscious behavior of the person being treated, but also of their caregivers. It allows the patient to
recover some control over the situation, providing an emotional calming, reducing the anxiety and the perceived
stress. Classical conditioning (Pavlovian) and other mechanisms of action such as the desire or motivation, hope,
and “suggestion” are involved. But overall, the usual ways of the phenomenon at the end still remain as mysterious.
Key words: Placebos; Placebo Effect
Placebo et effet placebo
Sixième partie : mécanismes explicatifs
de l'effet placebo
Le rôle des attentes
La prise d’un placebo dans un contexte de soin suscite
habituellement une attente de soulagement ou de
guérison. Pour décrire ce phénomène, Irving Kirsch a
proposé le terme d’expectancy [2]. C’est, selon Bene-
detti, le principal mécanisme de l’effet des placebos
[1]. Selon François Roustang, expectancy pourrait se
traduire par expectative mais en français le mot ex-
pectative comporte un doute et l’attente peut être
vaine ou trompeuse alors qu’en anglais expectancy
est une attente fondée sur des promesses ou des pro-
babilités, c’est-à-dire dont la réalisation est déjà enta-
mée [3]. L’objet thérapeutique est considéré par celui
qui l’utilise comme détenteur d’un pouvoir guérisseur.
Cette attente, liée au désir et à l’espoir de soulage-
ment, se concrétise par la prise de la thérapeutique
dans un contexte de soin ayant du sens pour le ma-
lade, permet effectivement de le soulager en partie
(nous l’avons vu dans l’article précédent). De nom-
breuses études attestent désormais ce phénomène
[4], en particulier dans la douleur chronique [5-7] ou
les effets indésirables des chimiothérapies anticancé-
reuses [8].
Le changement de comportement
du malade
L’explication la plus pertinente des effets des attentes
est celle d’une modification des comportements
conscients ou inconscients de la personne qui est trai-
tée par un placebo. L’effet « attendu » (expectancy) a
un impact sur la motivation et les comportements [9].
En désirant aller mieux, les sujets qui prennent un trai-
tement s’engagent eux-mêmes dans des comporte-
ments favorables à leur santé et ces comportements
sont renforcés par les résultats bénéfiques obtenus
(reinforcement value).
Il faut ici distinguer les bénéfices réels de ceux qui
pourraient être simplement le fait de justification. En
effet, un malade qui investit (de son temps, de sa per-
sonne ou de son argent) dans une thérapeutique peut
tout à fait, dans un souci de cohérence, témoigner
d’une amélioration de son état de santé pour justifier
un tel investissement. L’exemple le plus évident est
celui de l’investissement financier : le placebo
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antalgique cher est plus efficace qu’un placebo antalgique
bon marché [10].
Ces modifications de comportements et l’effet des attentes
sont en partie liés au sentiment d’auto-efficacité personnelle,
c’est-à-dire la croyance en ses capacités personnelles pour
obtenir des résultats par ses propres moyens/comporte-
ments (concept développé par Bandura) [11]. Dans une étude
sur la douleur, les sujets ont été répartis en trois groupes :
groupe formé au contrôle de la douleur, groupe placebo pré-
senté comme antalgique, et groupe sans intervention [11,
12]. On mesurait l’efficacité personnelle à tolérer la douleur,
à réduire la douleur et la tolérance à la douleur.
Figure 1. Mesures du sentiment d’auto-efficacité personnelle à tolérer la douleur.
Dans tous les cas, les sujets du groupe formé au contrôle
de la douleur ont augmenté leurs croyances d’efficacité per-
sonnelle à supporter et à réduire la douleur. Le placebo a eu
un impact différent sur l’efficacité perçue à supporter la dou-
leur (figure de gauche) et sur l’efficacité perçue à réduire son
intensité (figure du milieu). Les sujets ont cru qu’ils étaient
plus aptes à résister à la douleur avec l’aide d’un médicament
« antalgique » mais n’ont pas été renforcés dans leur
croyance à réduire par eux même la douleur. Cela s’est d’ail-
leurs traduit par une faible efficacité du placebo sur la tolé-
rance à la douleur (figure de droite). En revanche, le groupe
formé au contrôle de la douleur a été en mesure de tolérer
davantage la douleur que ceux qui ont pris un placebo « an-
talgique » (figure de droite). Ces résultats suggèrent donc
que plus les croyances en l’aptitude à résister à la douleur
sont fortes, plus les sujets supportent longtemps la douleur,
que ces croyances soient induites par des moyens cognitifs
(formation au contrôle de la douleur) ou par un placebo. L’in-
tensité de l’effet du placebo « antalgique » est donc dépen-
dante des croyances relatives à la capacité d’endurer la dou-
leur. Mais ces résultats suggèrent aussi le fait que la prise
du placebo est moins efficace que la formation cognitive,
probablement par le fait que les sujets deviennent plus pas-
sifs et moins engagés dans le contrôle de la douleur.
Ainsi, la prise d’un placebo, parce qu’elle suscite un espoir
de soulagement ou de guérison, entraîne probablement la
modification de comportement qui, s’il est adapté, peut pro-
duire un effet positif sur la santé. La meilleure illustration
nous est donnée par le fait que les patients adhérents à leur
traitement (observants) vont mieux que ceux qui ne sont pas
adhérents (non-observants), que ce traitement soit actif ou
qu’il soit un placebo ! Ce phénomène est même constaté
pour des critères comme la mortalité [13] ! Cet effet n’est
pas lié aux facteurs psychosociaux ou cliniques (comme par
exemple le fait que les non-adhérents fument plus...) mais
parce que, en prenant le médicament ou le placebo, le pa-
tient s’attend à aller mieux et s’engage lui-même dans des
comportements bénéfiques pour la santé (comme une mo-
dification de l’hygiène de vie) responsables d’une améliora-
tion des résultats cliniques [14]. L’observance dans ce cas
peut être considérée comme une sorte de mesure des at-
tentes du patient.
Le changement de comportement du soignant
Outre les attentes du malade, le rôle des attentes des soi-
gnants peut jouer un rôle important dans l’amélioration de
l’état de santé des patients. Gracely et al. ont étudié l’in-
fluence de la connaissance du traitement par les médecins
sur l’analgésie dentaire [15]. Il s’agissait d’un essai clinique
randomisé en double-insu chez 60 patients ayant subi une
extraction d’une dent de sagesse. Les patients étaient pré-
venus qu’ils pouvaient recevoir soit un placebo, soit du fen-
tanyl (un analgésique opiacé), soit de la naloxone (un anta-
goniste opiacé) et que ces médicaments pouvaient soit
n’avoir aucun effet, soit diminuer la douleur soit l’augmenter.
Ils étaient répartis aléatoirement en deux groupes : un groupe
PN où ils ne pouvaient recevoir que le placebo ou la naloxone
(aggravant la douleur) et un groupe PNF où ils pouvaient
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recevoir les trois traitements. Ils ne savaient pas dans quel
groupe ils étaient affectés. Les médecins, eux, savaient dans
quel groupe était affecté chaque patient mais ne savaient
pas la nature du traitement réellement administré. À 60 mi-
nutes, les patients traités par placebo dans le groupe PNF
(susceptible de recevoir le « vrai » antalgique) ont présenté
moins de douleurs que les patients traités par placebo du
groupe PN (ne pouvant pas recevoir de traitement antalgi-
que). Les auteurs concluaient que la connaissance du traite-
ment par les médecins et les attentes qui en découlaient
influençaient l’analgésie par placebo. Cette influence s’opé-
rait de façon non verbale par des comportements subtils
conscients ou non. En effet, les soignants font plus « atten-
tion » et prennent davantage soin des patients envers qui ils
espèrent eux-mêmes un soulagement.
Ce lien entre « attente » et « attention » est encore plus clair
dans les sciences de l’éducation. Il s’agit de l’effet connu
sous le nom de Rosenthal ou Pygmalion. Dans une étude,
Rosenthal et Jacobson ont fait passer à des enfants un test
de QI au début de l’année scolaire [16]. Des enfants choisis
au hasard ont été étiquetés « intellectuels en herbe ». Les
expérimentateurs ont donné à chaque enseignant le nom de
ces enfants qui, leur a-t-on expliqué, devraient faire preuve
de progrès remarquables au cours de l’année à venir d’après
leurs scores au test. Mais bien évidemment, la différence
entre ces enfants n’existait que dans l’esprit des ensei-
gnants. Huit mois plus tard, Rosenthal et Jacobson ont
constaté que les notes étaient plus élevées chez les enfants
considérés comme « intellectuels en herbe » comparé aux
autres enfants. À partir de cette étude, Rosenthal a proposé
une explication en quatre points de ce phénomène [17]. Les
sujets conditionnés de telle sorte qu’ils s’attendent à avoir
une bonne image d’étudiants se comportent à leur égard
comme suit :
Ils créent une ambiance socio-émotionnelle chaleureuse
(climat).
– Ils réagissent davantage aux résultats de ces étudiants
spéciaux (feedback).
Ils leur enseignent plus de contenus et plus de contenus
difficiles.
Ils leur donnent davantage la possibilité de répondre et de
poser des questions.
Action sur le stress, l'anxiété
et les émotions
La maladie est, en soi, une source d’anxiété, un événement
stressant. La prise d’un placebo, parce que celui-ci est consi-
déré comme potentiellement efficace, permet à la personne
malade de retrouver un certain contrôle de la situation. Le
sentiment de maitrise étant restauré il s’en suit d’une façon
assez logique un apaisement émotionnel, une réduction de
cette anxiété et du stress perçu [1]. Ce mécanisme explique
probablement une partie des effets observés après la prise
de placebo [18]. Les recherches sur le stress ont bien montré
que le stress perçu et l’incapacité de contrôler les événe-
ments stressants peuvent être à l’origine de nombreux trou-
bles, autant psychologiques que physiologiques [19]. A
contrario, le sentiment de pouvoir les contrôler évite leurs
conséquences néfastes. Par exemple, l’acquisition de
compétences à gérer le stress peut améliorer le fonctionne-
ment immunitaire. Ces aptitudes améliorent la vulnérabilité
immunologique aux événements stressants récurrents chez
des individus sains et améliorent la fonction immunitaire chez
les patients cancéreux avec métastases [19].
De même, on connaît bien les rapports qui existent entre
douleur et anxiété [20]. Le fait de diminuer l’anxiété permet
de diminuer la douleur. Par ce biais, on comprend pourquoi
un placebo pourrait avoir une certaine efficacité sur la dou-
leur. Vase et al. ont bien montré que l’administration d’un
placebo permet aussi de diminuer l’anxiété chez les patients
atteints d’un syndrome de l’intestin irritable [21]. En revan-
che, ce mécanisme global n’explique pas pourquoi l’effica-
cité analgésique du placebo peut être localisée. Dans une
étude réalisée par Montgomery et al. [22] et reproduite par
Benedetti et al. [23], la crème placebo n’a en effet soulagé
la douleur qu’à l’endroit où elle était appliquée.
Le conditionnement
Un autre modèle explicatif pertinent des effets des placebos
est celui du conditionnement classique (pavlovien) [1, 24, 25].
L’expérience répétée de traitements efficaces, appelés alors
« stimuli inconditionnels », est associée avec des environne-
ments (hôpital par exemple), des personnes (les soignants),
des objets (comprimé ou injection) ou des comportements
(avaler un comprimé) qui n’ont pas d’efficacité spécifique et
constituent alors des « stimuli conditionnels ». Par leur répé-
tition, ces stimuli inconditionnels qui, habituellement, sont
neutres, deviennent capables de déclencher un effet biolo-
gique et une efficacité symptomatique. Ce phénomène qui
a été mis en évidence surtout chez l’animal [26] dans des
domaines comme l’immunologie [27], existe aussi chez
l’homme, en particulier dans la douleur [28, 29]. En effet, le
soulagement ressenti après la prise d’un traitement antalgi-
que efficace est comme « gardé en mémoire » par l’orga-
nisme. La prise d’un antalgique lors d’un nouvel épisode de
douleur est dès lors anticipée par l’organisme qui réagit de
façon appropriée, et dans ce cas précis, dans le sens d’une
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diminution de la douleur. Ce phénomène a été mis en évi-
dence de façon claire par les études expérimentales de Be-
nedetti et al. [1] et on peut le distinguer partiellement de celui
des attentes [30]. Pour ce qui est de la douleur, l’effet du
placebo est plus intense si le placebo est administré après
l’injection d’antalgique efficace [1]. Ce phénomène est en fait
lié aux capacités des organismes pourvus d’un système ner-
veux capables d’anticiper biologiquement et comportemen-
talement des situations diverses, raison pour laquelle il a bien
été établi chez l’animal. Il s’agit d’une capacité d’adaptation
de ces organismes vivants. On le retrouve bien évidemment
dans de nombreuses situations (comme par exemple quand
l’insuline est sécrétée à l’approche d’une prise alimentaire),
y compris dans la modification de l’effet des substances phar-
macologiques. La prise d’un placebo n’est dès lors qu’une
situation particulière.
Les autres explications :
suggestion, prophétie
auto-réalisatrice et efficacité
symbolique
La notion d’expectancy est intéressante car elle est un point
commun par lequel passent d’autres mécanismes d’action
décrits pour expliquer les effets du placebo, comme le désir
ou les motivations, l’espoir, et la « suggestion » (dans le sens
que lui a donné Berheim : « l’acte par lequel une idée est
éveillée dans le cerveau et acceptée par lui » [31]) car les
attentes peuvent être non seulement suscitées par des sug-
gestions verbales mais aussi en l’absence de suggestion pro-
prement dite. Kirsch rapproche aussi la notion d’expectancy
de celle de prophétie auto-réalisatrice (self fulfilling prophe-
cies) [2] décrite en sciences sociales par Merton (1949)1se-
lon laquelle le fait de croire qu’un événement va se réaliser
fait effectivement advenir cet événement par le biais d’une
modification des comportements2. Enfin, elle permet aussi
de rendre compte de la notion d’efficacité symbolique déve-
loppée par Levi-Strauss [32]. Pour Brody [33] ou Moerman
[34], la valeur symbolique de l’acte thérapeutique précéderait
les autres mécanismes. L’objet placebo se comporte alors
comme un signifiant porteur d’une signification (la guérison).
L’efficacité de la thérapeutique est alors dépendante du
contexte et de la culture dans laquelle se situe le malade. Un
objet placebo signifiant pour une culture donnée peut tout à
fait n’avoir aucun sens pour une autre culture. On comprend
ainsi la pléthore de placebos « impurs » disponible dans la
thérapeutique occidentale dominée par la pharmacologie. En
effet, parce qu’ils contiennent des molécules pharmacologi-
ques actives et qu’ils ressemblent ainsi aux médicaments
efficaces, ces remèdes sont considérés à tort comme puis-
sants. Dans une culture basée sur d’autres thérapeutiques,
les placebos ne ressembleront pas aux placebos « médica-
menteux ». Dans cette perspective, l’objet placebo est une
sorte de « langage » qui produit ce qu’il entend réaliser.
En fait, cette valeur symbolique d’un remède n’est pas consi-
dérée comme un mécanisme explicatif à proprement parler
dans la mesure où elle n’est qu’un facteur parmi d’autres
pouvant être responsable d’une attente de soulagement ou
de guérison. De plus, même si Benedetti et al. ont montré
que l’expectancy et le conditionnement pouvaient agir par
des mécanismes différents [30], il semble que la séparation
entre les deux ne soit pas si facile à établir. En effet, un
stimulus inconditionnel induit également une attente de sou-
lagement et les deux mécanismes semblent interagir dans
la plupart des cas [29]. D’ailleurs, il est intéressant de noter
que Kissel et Barrucand abordaient en 1964 la notion d’ex-
pectation non pas dans le chapitre « suggestion » mais bien
dans le chapitre « conditionnement » [35].
Ces mécanismes modifient
les neuromédiateurs
La prise d’un placebo entraîne des réactions neurobiologi-
ques. La plupart des recherches concernent la placebo anal-
gésie et l’étude des mécanismes opioïdes ou non opioïdes.
La découverte des endorphines (opioïdes) en 1973, ces mo-
lécules sécrétées par l’organisme pour réduire la douleur, a
permis d’expliquer biologiquement la placebo analgésie. En
effet, la naloxone, un antagoniste des opioîdes, étant capable
d’inhiber la placebo analgésie, il en a été conclu que celle-ci
était médiée par des mécanismes opioïdes [36]. La littérature
est abondante sur le sujet et on sait aujourd’hui que d’autres
molécules endogènes interviennent (comme la cholecysto-
kinine antagonisée par le proglumide) [1]. De plus, selon
Amanzio et Benedetti, seule l’attente d’analgésie serait mé-
diée par les opioïdes endogènes. Le conditionnement pour-
rait être dépendant d’autres mécanismes biologiques impli-
quant bien d’autres voies neuro-hormonales [29]. Enfin, de
nombreux travaux en neurologie fonctionnelle montrent que
les placebos sont capables de stimuler des aires cérébrales
spécifiques des réponses observées. Ainsi, en 2001, de la
Fuente Fernandez et al. montraient que, chez des patients
atteints de maladie de Parkinson, le placebo était capable
d’induire une libération de dopamine dans le striatum amé-
liorant ainsi la symptomatologie fonctionnelle des patients
parkinsoniens [37]. Trois ans plus tard, en 2004, Benedetti et
al. montraient que chez des patients parkinsoniens ayant
préalablement reçu une injection d’apomorphine, l’injection
d’un placebo produisait chez certains patients (placebo-ré-
pondeurs) une réduction de la rigidité du bras ainsi qu’une
diminution des décharges neuronales sous-thalamiques [38].
Ce qui, par la même occasion, apportait une assisse
1. Dans son ouvrage Social theory and social structure traduit en français sous
le titre Éléments de théorie et de méthode sociologique. Le concept de pro-
phétie autoréalisatrice permet à Merton d’expliquer en partie la crise de 1929 :
la croyance en une catastrophe boursière induisant la vente des actions contri-
bua à amplifier la crise...
2. Voir à ce sujet : Jones RA (1977). Self-fulfilling prophecies. Social, psycho-
logical, and physiological effects of expectancies (John Wiley and Sons, Hills-
dale) et une réflexion intéressante sur ces prophéties autoréalisatrices en soins
intensifs : Wilkinson D. (2009), The self-fulfilling prophecy in intensive care
(Theoretical Medicine. 2009;30:401-10). L’auteur montre que les soignants
sont nécessairement imprégnés de jugement sur le pronostic des patients et
que cela peut influencer leur prise en charge.
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CONCEPTS ET OUTILS
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neurobiologique à l’un des hypothétiques mécanismes d’ac-
tion du placebo : le réflexe conditionnel. De même dans la
dépression, les placebos stimulent les mêmes aires cérébra-
les que les psychothérapies ou les antidépresseurs [1, 39].
Conclusion
En dépit du nombre de plus en plus important des études
consacrées à la compréhension des mécanismes d’action
des effets des placebos, les voies finales communes du phé-
nomène demeurent toujours aussi mystérieuses.
En 1964, dans le tout premier travail français consacré au
sujet, les auteurs, Kissel et Barrucand [35] accordaient une
place primordiale à la suggestion et au conditionnement
comme mécanismes explicatifs essentiel des effets des pla-
cebos.
Les résultats des études actuelles leur donnent amplement
raison.
Liens d’intérêts : les auteurs déclarent n’avoir aucun lien
d’intérêt en rapport avec l’article.
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Placebo et effet placebo. Sixième partie : mécanismes explicatifs
de l'effet placebo
hLa prise d’un placebo dans un contexte de soin suscite habituellement une attente de soulagement ou de guérison, qu’ex-
plique une modification des comportements conscients ou inconscients de la personne traitée, mais aussi de ses soignants.
Elle permet à la personne malade de retrouver un certain contrôle de la situation, procurant un apaisement émotionnel, une
réduction de cette anxiété et du stress perçu. Le conditionnement classique (pavlovien) et d’autres mécanismes d’action
comme le désir ou les motivations, l’espoir, et la « suggestion » interviennent. Mais au total, les voies finales communes
du phénomène demeurent toujours aussi mystérieuses.
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