Préparation à l’agrégation
Corps finis
ENS Rennes - Année 2014–2015
Romain Basson
Corps finis
Table des matières
1 Généralité [Ser70]2
1.1 Quelques propriétés relatives aux corps ................................. 2
1.2 Existence et unicité des corps finis ................................... 3
1.3 Groupe multiplicatif d’un corps fini ................................... 4
2 Polynômes sur les corps finis et leurs racines [Dem09]5
2.1 Clôture algébrique d’un corps fini .................................... 5
2.2 Polynômes irréductibles ......................................... 6
2.3 Construction et calculs explicites dans les corps finis ......................... 7
2.4 Racines de l’unité dans les corps finis .................................. 8
2.5 Groupe de Galois ............................................. 8
3 Carrés modulo p[Hin08,Ser70]9
3.1 Carrés de Fq............................................... 9
3.2 Symboles de Legendre et de Jacobi ................................... 10
3.3 Quelques applications .......................................... 12
3.4 Sommes de Gauss (cf. [NQ92, (61) p.314]) ............................... 13
3.5 Extractions de racines carrées modulo p................................ 14
4 Exercices 15
Références
[BMP05] Vincent Beck, Jérôme Malick, and Gabriel Peyré. Objectif agrégation. H&K, 2005.
[CG13] Philippe Caldero and Jérôme Germoni. Histoires hédonistes de groupes et de géométries. Calvage &
Mounet, 2013.
[Dem09] Michel Demazure. Cours d’algèbre. Cassini, 2009.
[Hin08] Marc Hindry. Arithmétique. Calvage & Mounet, 2008.
[NQ92] Patrice Naudin and Claude Quitté. Algorithmique algébrique. Masson, 1992.
[Per96] Daniel Perrin. Cours d’algèbre. Ellipses, 1996.
[Ser70] Jean-Pierre Serre. Cours d’arithmétique. puf, 1970.
[Zém00] Gilles Zémor. Cours de cryptographie. Cassini, 2000.
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Sauf mention expresse du contraire, tous les anneaux considérés seront supposés commutatifs et unitaires.
Par la suite, un corps désignera une algèbre à division commutative et unitaire.
1 Généralité [Ser70]
1.1 Quelques propriétés relatives aux corps
Proposition 1.1 - Caractéristique d’un anneau - Sous-corps premier.
Pour un anneau A, on appelle caractéristique de A, notée car A, l’unique entier naturel ntel que le noyau
de l’unique morphisme d’anneaux ϕ:ZAsoit l’idéal (n).
Si Aest intègre, car Aest égal à 0 ou à un nombre premier p. Si Aest un corps, on appelle alors sous-corps
premier de Ale corps de fractions de l’image de ϕ, qui est isomorphe à Q(resp. Z/pZ) si car A= 0 (resp. p).
Si car A=p, alors l’application x7−xpest un endomorphisme de A, appelé morphisme de Frobenius.
Démonstration. La première assertion résulte de ce que Zest un groupe monogène et un anneau principal.
Si Aest un anneau intègre de caractéristique non nulle n, alors im ϕ'Z/nZest un sous-anneau de A. Or
Z/nZest intègre si et seulement si nest premier.
La seule propriété non triviale de l’endomorphisme de Frobenius est son additivité, qui résulte de la formule
du binôme de Newton et du lemme suivant :
Lemme 1.2 Si pest un nombre premier, alors p|p
k, pour 16k6p1.
Pour 16k6p1,kp
k=pp1
k1et pest premier à k, d’où le résultat par le lemme de Gauß.
QED
Remarque 1.3 car Aest le plus petit entier naturel ntel que n·1A= 0Aet le sous-corps premier d’un corps
kest le plus petit sous-corps de ce dernier. En outre, si K/k est une extension de corps, ket Kont le même
sous-corps premier et la même caractéristique.
Proposition 1.4 Un anneau intègre fini est un corps.
Démonstration. Soit Aun tel anneau. Pour aA\{0},x7−ax est une injection, puisque aest régulier, donc
une bijection.
QED
Exemple 1.5 Fp=Z/pZest un corps pour ppremier.
Dans l’énoncés suivant, les anneaux ne sont plus supposés commutatifs.
Théorème 1.6 - Wedderburn. Une algèbre à division finie est un corps (i.e. nécessairement commutatif).
Démonstration.[Per96, Chap. III, § 4, th 4.9] Soit kune algèbre à division finie. Son centre Zest un corps de
cardinal q>2;kest alors un Z-espace vectoriel et on a |k|=qn. Supposons par l’absurde que kn’est pas
commutative, i.e. n > 1.
kopère sur lui-même par conjugaison. Pour xk,kx=k
x∪ {0}est une sous-algèbre à divison de kqui
contient Z, ainsi, comme précedemment, |kx|=qdet d|n, car k
xest un sous-groupe de k(cf. lemme 1.9). On
a donc, pour le cardinal de l’orbite de x,|k.x|=|k|
|k
x|=qn1
qd1et l’équation aux classes donne
qn1 = |k|=|Z|+X
x /Z|k
x|=q1 + Xqn1
qd1,
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où la somme porte sur un certain nombre de diviseurs dstricts de n(d=nsignifie que xZ).
Or, de la relation Xn1 = Qm|nΦmdans Z[X], on déduit que, pour d|n,qn1
qd1=Qm|net m-dΦm(q), ainsi
Φn(q)|qn1
qd1, pour d6=n.
Finalement, on a donc Φn(q)|q1et, en particulier, |Φn(q)|6q1. Or Φn(q) = (qζ1). . . (qζϕ(n)),
où les ζisont les racines primitives nèmes de l’unité dans Cet |qζi|>|q1|(faire un dessin !), ainsi
|Φn(q)|>(q1)ϕ(n)>q1, d’où une contradiction.
QED
1.2 Existence et unicité des corps finis
Théorème 1.7
(i) Le cardinal d’un corps fini kest une puissance d’un nombre premier. Précisément, |k|=p[k:Fp], où pest
la caractéristique de k.
(ii) Soit pun nombre premier, q=pd, avec dN, et un corps algébriquement clos de caractéristique p. Il
existe un unique sous-corps à qéléments de , noté Fq; c’est l’ensemble des racines du polynôme XqX.
(iii) Tout corps fini à q=pdéléments est Fp-isomorphe à Fq.
Démonstration. (i) Le sous-corps premier de kne saurait être Q,kest donc un espace vectoriel de dimension
finie sur son sous-corps premier Fp.
(ii) Puisque est algébriquement clos, f:x7−xqest un automorphisme de (puissance dèmedu Frobenius).
Les éléments de invariants par fforment un sous-corps Fqde qui a qéléments. En effet il s’agit des racines
du polynôme XqXqui est séparable sur Fpet scindé dans algébriquement clos. En outre, si kest un
sous-corps de àqéléments, le groupe multiplicatif de kest d’ordre q1, ainsi xq1= 1, pour xk?(th. de
Lagrange), d’où xq=xpour tout xk. Ainsi kFqet l’égalité par égalité des cardinaux.
(iii) Fqn’est rien d’autre qu’un corps de décomposition de XqXsur Fp.
QED
Remarque 1.8 D’après le point (iii), il n’y a essentiellement qu’un corps fini à qéléments. Toutefois, il n’y
a pas unicité d’un isomorphisme entre deux tels corps (cf. les sections 2.3 et 2.5), d’où un certain danger de la
notation Fq. À ce sujet, on pourra consulter la remarque de la section 9.3.3 de [Dem09, p. 223].
Il est alors naturel de se demander quels sont les sous-corps de Fq? La réponse découle essentiellement du
lemme préliminaire suivant.
Lemme 1.9 Soit aun entier supérieur à 2 et det ndeux entiers naturels. ad1|an1d|n.
Démonstration. Si n=db, alors
an1 = (ad)b1=(ad1)((ad)b1+··· + 1) = (ad1)N.
Réciproquement, écrivons la division euclidienne de npar d:n=bd +r. Modulo ad1, on a ad1, donc
adb 1, or an1, ainsi ar1, ce qui impose r= 0, puisque r < d.
QED
Proposition 1.10 - Sous-corps de Fpn.
Fpnpossède un sous-corps de cardinal pdsi et seulement si d|n. Le cas échéant un tel sous-corps est unique,
formé de l’ensemble des racines de XpdX.
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Démonstration. Si Fpdest un sous-corps de Fpn, alors en particulier F
pdest un sous-groupe de F
pn. Par consé-
quent pd1|pn1et d|n, d’après le lemme. Réciproquement, si n=kd, alors, avec les notations de la
démonstration du lemme, on a
XpnX=XX(pd1)N1=XXpd11Xpd1N1+··· + 1=XpdXQ,
ce qui montre que Fpncontient un corps de décomposition de XpdX,i.e. une unique réalisation de Fpd(cf.
théorème 1.7.(iii)).
QED
Remarque 1.11 Il y a ainsi un isomorphisme entre le treillis des diviseurs de net celui des sous-corps de
Fpn.
Exemple 1.12 Les sous-corps stricts de F16 sont F2et F4. Notamment F16 n’a pas de sous-corps à 8 éléments !
1.3 Groupe multiplicatif d’un corps fini
Soit pun nombre premier et q=pd, avec dN.
Théorème 1.13 F
qest un groupe cyclique d’ordre q1.
Corollaire 1.14 Toute extension finie d’un corps fini est monogène.
Remarque 1.15 Attention toutefois, si Fq=Fp(α),αn’est pas nécessairement un générateur du groupe
cyclique F
q. Penser par exemple à F16 =F2[X]/(X4+X3+X2+X+ 1), où la classe de Xest un élément
d’ordre 5 !
Lemme 1.16 Soit nun entier naturel non nul, n=X
d|n
ϕ(d).
Démonstration. Z/nZ=Fd|n{générateurs de l’unique sous-groupe (cyclique) d’ordre dde Z/nZ}.
QED
Lemme 1.17 Soit Gun groupe fini d’ordre n. On suppose que, pour tout diviseur dde n, l’ensemble des xG
tels que xd= 1 a au plus déléments. Gest alors cyclique.
Démonstration. Soit dun diviseur de n. S’il existe dans Gun élément xd’ordre d, alors hxiest un sous-groupe
cyclique d’ordre dde Get tout élément yGtel que yd= 1 appartient à hxi, vu l’hypothèse. Ainsi le nombre
d’éléments d’ordre ddans Gest 0 ou ϕ(d). Le lemme 1.16 exclu alors le premier cas et Gpossède nécessairement
un élément d’ordre n.
. Un treillis est un ensemble partiellement ordonné dans lequel chaque couple d’éléments admet une borne supérieure et une
borne inférieure. Pour deux entiers met nil s’agit de leurs ppcm et pgcd. Pour deux sous-corps il s’agit de leur extension composée
et de leur intersection.
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QED
Le théorème résulte alors simplement du lemme 1.17, puisqu’il est clair que l’équation xd= 1 a au plus d
solutions dans Fq.
Remarque 1.18 Ce qui précède montre plus généralement que tout sous-groupe fini du groupe multiplicatif
d’un corps Kest cyclique. L’hypothèses de commutativité du corps Kest indispensable. Par exemple le sous-
groupe quaternionique H8de l’algèbre à division des quaternions Hn’est pas cyclique (il est d’ordre 8 et non
abélien.
Corollaire 1.19 Les extensions de corps finis K/k sont monogènes, i.e. il existe αKtel que K=k(α).
Toutefois, attention, si K=k(α),αn’est pas nécessairement un générateur de K!
Remarque 1.20 Pour le corollaire précédent, il suffit de prendre pour αun générateur de K.
Remarque 1.21 Finalement les structures additive et multiplicative de Fq, avec q=pn, sont aisées à décrire
(cf. aussi l’exercice 4.3) :
(Fq,+) est isomorphe au groupe abélien (Z/pZ)n;
(F
q,×)est isomorphe au groupe cyclique Z/(q1)Z.
En revanche, c’est le lien entre ces deux structures qui est moins évident a priori. Il va être précisé au cours de
la section suivante, où l’on va apprendre à construire explicitement le corps Fqet calculer explicitement dans
de petits corps finis.
2 Polynômes sur les corps finis et leurs racines [Dem09]
2.1 Clôture algébrique d’un corps fini
Commençons par observer que, pour un corps fini k, le polynôme 1 + Y
αk
(Xα)est sans racine dans k.
Ainsi un corps fini ne saurait être algébriquement clos.
Proposition 2.1 [
nN
Fpn!est une clôture algébrique de tout corps fini de caractéristique p.
Démonstration. Posons Ω = [
nN
Fpn!.est une union croissante de corps qui est donc naturellement munie
d’une structure de corps et qui admet comme sous-corps n’importe quel corps fini de caractéristique p(cf.
proposition 1.10). Soit PΩ[X]irréductible, il existe nNtel que PFpn![X].Padmet donc une racine
dans Fpn! deg P(corps de rupture) et donc dans . Ainsi est algébriquement clos. Par définition de , ses
éléments sont tous algébriques sur Fpet est donc une extension algébrique de n’importe quel corps fini de
caractéristique p.
QED
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